La brune, la rousse et la noire corbeau [PV : Caitlyn & Ciera]

Sa diversion avait échouée ; comme quoi les probabilités avaient encore une prise sur leur rencontre. En un sens, c’était mieux, car si elles avaient changé de sujet, Amy n’aurait put avancer. Les évitements étaient courants mais ne permettaient pas d’améliorer les choses. Si l’italienne était restée seule après Mutant Town et n’était pas allé voir Warren, elle ne s’en serait pas remise ; si elle avait préféré rester cloitrée, jamais elle n’aurait put évoluer. Le massacre d’Alphabet City avait entrainé de grands changements dans sa vie, mais il ne tenait qu’à elle qu’ils soient positifs. Tout avait un but, le dessein d’un architecte, et elle devait se renforcer pour parer au futur, et l’avait fait. Elle avait une volonté et une détermination qu’elle n’avait jusqu’à lors pas soupçonnée, et devenait de plus en plus apte à protéger les autres, comme elle le voulait ; comme elle le devait. Ne serait-ce que pour que le sacrifice de tant d’âmes n’ait pas été vain.

Caitlyn regarda Ciera, reprenant l’expression neutre qu’elle parvenait à adopter sur commande. Elle dévisagea ensuite Amy, put s’allongea. Sa première réplique fut une démonstration magistrale de l’évidence : Nephilim mentait mal. Amy n’aimait pas mentir, mais pensait être capable de le faire correctement, en des circonstances normales. Cependant, elle devait bien reconnaitre ne pas être parvenue à mentir ne serait-ce qu’à elle-même pour le coup.

L’italienne n’avait jamais voulut prendre aucune de ses deux amies présentes pour des idiotes, et se sentit coupable pour l’avoir visiblement fait.

Caitlyn parlait avec une lenteur qui ne lui était pas coutumière, dénotant de l’importance de la situation.

Fuzzy avait des mots et des expressions étranges, mais une fois le contenant passé, le contenu allait droit au cœur d’Amy par sa justesse. Elle avait toujours aidé les autres de peur d’être laissée seule, mais voulait tellement ne pas les décevoir qu’elle avait l’impression qu’elle ne devait pas partager ses problèmes. Elle l’avait fait, et on l’avait aidé. Mais cela n’avait pas dû devenir une habitude. Nephilim ne voulait pas, ou plutôt n’avait pas pour habitude, de s’en remettre comme cela à quelqu’un. Seulement pour le plus grave, et les cicatrices de Mutant Town avaient, ou plutôt devaient, disparaitre. Elle n’avait plus que de la tristesse, plus de peur ou de douleur, une tristesse qui ne semblait vouloir la quitter. Une tristesse pour cet homme dont elle ne connaitrait jamais le nom mais qu’elle avait vu mourir ; une tristesse pour tous ces gens qu’elle n’avait pas vu mourir mais qui l’était quand même. Elle avait avancé, trouvé son équilibre, cette harmonie, mais la tristesse restait là.

Caitlyn proposa de partager ce fardeau, s’ouvrant la première pour démontrer sa bonne foi et mettre Amy en confiance.

Elle avait tué quelqu’un, un agresseur, et il la hantait. C’était la première fois qu’elle se confiait, et espérait avoir la compréhension. Elle ne voulait pas de rédemption ou de pardon, simplement pouvoir faire confiance à quelqu’un.

Ciera écouta, les mots évoquant également quelque chose chez elle, mais Nephilim ne parvint pas à savoir quoi. Cependant, Nightmare prit le parti de Cait’, sans pour autant s’impliquer elle-même. Si l’italienne n’avait eut à s’occuper des troubles de Fuzzy comme des siens, elle aurait cherché à comprendre ; mais il n’en était pas temps.

Cependant, sa réplique pour différencier mort accidentelle et meurtre fit froid dans le dos à Amy, pourtant déjà consciente de ce que le pouvoir de Ciera l’avait conduit à faire.

Pinçant les lèvres de honte, Amy reprit la parole quant vint son tour.

Elle était à la croisée des chemins : Caitlyn avait choisi de lui faire confiance, Ciera non ; et elle-même ?

- Au début de cette année, le quartier d’Alphabet City, à Manhattan, renommé Mutant Town du fait de la population majoritairement mutante qui y vivait, a été réduit en cendres par un groupe d’extrémistes religieux : les Purificateurs. J’y étais, et pour la première fois, j’ai vu la violence, la haine et la mort de mes propres yeux. J’ai entendu les cris, vu les flammes, senti l’odeur de la chair brûlée et touchée le sang. Le BAM et la NYPD m’ont sauvé, mais j’ai compris cette nuit là que l’on ne gagnait rien à… subir. Il y a des personnes contre qui les mots ne peuvent rien, c’est pour cela que j’ai apprit à me battre, huit heures par semaine, depuis lors ; je me suis promise de ne plus jamais être impuissante devant pareil barbarie. Je veux pouvoir protéger les autres, puisque les aider ne suffit pas. Je... Amy prit une grande inspiration, puis souffla doucement. J’ai toujours espérer que je pourrais aider les autres avec la psychologie, mais cela n’est pas suffisent ; je ne sais pas si ton histoire de super-héros était sérieuse ou non, mais pour moi c’est très sérieux. Je pense que Dieu a un plan pour chacun de nous, et j’espère ne pas le décevoir. J’espère ne décevoir personne. J’ai peur qu’en décevant quelqu’un, il m’abandonne…

Sa plus grande peur : être abandonnée, seule. Et cela n’adviendrait que si elle échouait.

Caitlyn eut une réaction face au discours de Ciera, bien qu’elle tenta de la dissimuler. Amy put voir, dans ses micro-expressions, de la peur ; il était vrai que Nightmare, de part son don et son passif, pouvait se révéler effrayante. D’autant plus qu’à l’instant, elle venait de révéler un aspect inquiétant comme quoi elle avait prit du plaisir aux meurtres qu’elle avait commit. Elles en avaient déjà discuté avec l’italienne, ainsi cette dernière savait que c’était le don et non du sadisme ou de la cruauté qui avait poussé Ciera à cela, mais Fuzzy ne le savait pas. Plus inquiétant concernant le cas de la rousse, c’était qu’elle exprimait aussi de la honte ; de la colère et du dégoût à l’encontre de soi-même. Pourquoi ?

Finalement, sa sœur de cœur vint au contact ; attrapant le bras d’Amy sans la moindre douceur, elle la tira pour la faire changer de lit, plus exactement venir s’écraser sur celui de Cait’. Elle lui enserra ensuite le cou d’un mouvement aussi expert qu’étranger aux circonstances, maintenant une Nephilim aux yeux de chouette qui ne savait pas vraiment comment réagir.

Le discours fut Caitlynien, pour utiliser un terme approprié, mais il toucha encore une fois en plein centre. Se défendre mutuellement, comme des sœurs ; l’italienne se détendit, une fois de plus joyeuse à cette idée. Quelqu’un sur qui compter en toute circonstance.

Fuzzy semblait réellement décidée, et pour peu que l’on veuille bien d’elle, elle venait avec joie. Amy n’eut le temps de confirmer avant la blague qui clôturait les paroles de la Tite Rousse, qui par la même ouvrait la porte à Ciera pour les rejoindre. Souriant, l’italienne laissa Cait’ lui faire une bise au bruit exagéré.

Le rapprochement entre Caitlyn et Amy avait été très rapide, et s’il était prématuré d’espérer tisser pareil lien avec « Sada », si elles continuaient sur cette voie elles risquaient de l’exclure complètement, ou d’en donner l’impression. Cait’ avait eut le bon geste, mais Ciera ne savait pas comment l’interpréter. Elle avait peur, peur de ne pas savoir comment réagir, ce qui était le cas, et peur de ne pas réagir, ce qui du fait était également le cas. Un joli cercle vicieux émotionnel dont elle ne se sortirait pas seule.

Elle tenta pourtant, répondant à l’italienne après moins d’une demi-douzaine de secondes qui dures cependant lui paraitre bien longues, puis prit la main de Cait’… pour la secouer en une malhabile poignée de main.

Ciera n’était pas trop loin, puisque d’une main Fuzzy tenait Amy, et de l’autre elle avait invité Nightmare. L’italienne devait faire quelque chose. D’ordinaire, elle n’aurait osé rien tenter, de peur de brusquer ou de se faire mal voir ; mais après leur mésaventure précédente, il n’y avait plus de risque.

Toujours contre Caitlyn, Nephilim passa ses jambes, tenues, de part et d’autre du bassin de Ciera, l’accrochant avec les pieds.

- Cait’, à trois on tire. Trois !

L’idée était plutôt simple, aider Ciera à franchir le seuil ; Amy, du fait de sa prise réduite, ne pourrait rien faire si Nightmare décidait de résister. L’italienne supposait qu’en cas de résistance, Caitlyn lâcherait également la main de Ciera ; elles n’étaient pas là pour la forcer.

Amy avait fait un beau progrès dans le sens où son geste lui était venu naturellement ; elle n’avait pas eut à y réfléchir, à intellectualiser ou à peser le pour ou le contre. Le feeling, c’était comme cela que ça s’appelait ?

- Cait’, à trois on tire. Trois !

Fuzzy n’eut pas à se le faire dire deux fois, et les deux sœurs de cœur tirèrent sur leur camarade pour l’entrainer avec elles. Puis Caitlyn reprit une position de dominante en faisant subir à Ciera le même sort que connaissait actuellement Amy, à savoir l’enserrement de cou version catch. Cette position ne gênait pas Nephilim, mais risquait de provoquer une peur ou autre chez Ciera, du fait des difficultés qu’elle avait rencontré auparavant. Il ne ce passa cependant rien, Nightmare étant comme absente.

L’italienne ne s’en préoccupa pas plus dans l’instant, Cait’ recommençant à la faire rire avec une menace saugrenue lancé avec une voix tout aussi étrange, puis après un instant de surprise quant elle fut lancée, elle recommença bien vite à rigoler quant la Tite Rousse revint à l’attaque, chatouillant d’une seule main. Cait’ était multitâche, d’un côté elle martyrisait une Amy qui non seulement n’avait pas été chatouillée depuis des années, mais s’avérait en plus très chatouilleuse, et de l’autre affrontait Ciera à coup d’oreiller.

Lorsqu’elles s’arrêtèrent, Nephilim en avait mal aux côtes.

Le fait qu’elle eut une sortie scolaire le lendemain poussa l’italienne à demander l’extinction des feux, mais même une fois chacune dans leur lit respectif, Caitlyn continua la conversation, Amy lui répondant de bon cœur. Les sujets n’étaient pas de haute volée, mais ils étaient divers et variés et le simple ajout du Caitstyle les rendant à la fois intéressant et hilarant.

D’ordinaire, Amy aurait été morte de timidité face à une personne comme Caitlyn, Ciera également à sa manière, mais l’italienne faisait pleinement confiance à Fuzzy, et donna la réplique sur des sujets qu’elle ne connaissait pas, juste comme cela. Le but n’était pour une fois pas de dire quelque chose d’intelligent, mais de ce marré. Bon, certains sujets lui coupèrent le souffle, notamment concernant son tabou et son surnom ; après Tournesol, c’était Fougère. Bon, faudrait penser à rectifier le tir, car au moins le premier était correcte, dans un certain sens.

Et puis non ; plus le moment d’intellectualiser pour outrepasser ses défauts. Il lui fallait simplement être elle-même, entière, face à ses deux nouvelles amies. Elle n’avait pas à leur plaire, à se faire bien voir d’elles, car elles l’acceptaient comme elle était, ni plus, ni moins.

Le Dimanche 8 Avril était une journée à marquer d’une pierre blanche, car Amy avait reçu son plus beau cadeau et son plus merveilleux rêve c’était réalisé : elle avait une famille.