Yeux rouges, mais quelle couleur de cœur ? [PV : Ernest Lenoir + LIBRE]

Altérion eut une réaction bien méprisante face aux paroles de Josh ; cependant, il ne se contenta pas de son ricanement nasillard, argumentant à sa suite de paroles sensées. S’il avait effectivement besoin d’aide, c’était d’une aide normale, ainsi Elixir ne devait pas se monter le bourrichon tout seul, déclara-t-il d’une manière bien plus soutenue. Le Rat s’enorgueillit d’une intelligence supérieure puis se désola de maigres possessions, bien qu’il parvint quant même à se placer au-dessus des autres en prétextant un rangement impeccable. Comme tout hybride, sa mutation était passive, donc il n’y avait rien à maîtriser, et Altérion se déclara fort en sport bien qu’il voulut bien apprendre les arts martiaux. Ce n’était pas Amy qui aurait ouvert la bouche à ce moment là, car si elle était pratiquante des arts du combat, elle n’avait pas le niveau pour enseigner et n’était de toute façon pas réellement dans la conversation.

- Et avant de devenir un grand frère, essaye déjà d’être un ami, ce sera pas mal. Ceci dit, je suis peut-être un peu dur dans mes propos. Mais je préfère mettre en garde. Si un jour tu as l’occasion de jeter un coup d’œil sur mon dossier, tu comprendras pourquoi. Je n’ai d’enfant que l’âge.

Flippant, vraiment flippant l’Altérion. Elixir renchaina immédiatement avec sa noblesse et son parlé chevaleresque, faisant fi de tous les reproches fait par l’autre et reconnaissant son erreur, se désolant du tord causé par l’inacceptation qui même en un lieu comme l’Institut existait toujours et qu’il voulait mettre à mal. Il ne fallait nullement se renfermer et il ne proposait rien de plus que ce qu’autrui était près à accepter. Il avait vu trop de larmes pour les laisser couler sans réagir, ressenti tellement de solitude qu’il voulait l’éradiquer. Il voulait donner une famille, s'assurer que plus jamais aucun élève de l’Institut ne s'enferme dans le désespoir et la solitude. Il avait percé à jour Ernest – l’hybride rat s’appelait Ernest ? Il ne s’était présenté que sous le pseudonyme d’Altérion – et lui flattait l’égo avec une telle sincérité que cela en devenait désintéressé.

Puis il se tourna vers Amy et, l’approchant, il lui prit la main et la fixa droit dans les yeux.

"- Tu es une fleur douce et sauvage, belle et admirable et ton pouvoir est magnifique ... mais les ragots ne te blessent-ils jamais ? Peux-tu toi aussi le confirmer ? Ce coup de fil, s'il avait été entendu par d'autres, quelles auraient été leurs conséquences ? A voir les rougeurs de tes joues, le simple fait que nous l'ayons entendu prouve que tu n'es pas aussi à l'aise par rapport au jugement des autres. Cette solitude dont je parles ne t'as t'elle jamais prise en plein coeur ?

L’italienne ne savait quoi répondre, rougissant de plus belle face aux compliments et se sentant elle aussi comprise.

Continuant son monologue théâtrale avec la gestuelle approprié, Joshua reparti et s’adossa au mur, saisissant sa tête de ses mains.

"- La vie est injuste, et même nos semblables sont injustes envers ceux qui possèdent une apparence qui diffère de leurs vision, de leur jugement. Je souhaites juste aider ... pour qu'aucun souffre. Parce que si je peux à loisir soigner les souffrances physiques, je ne peux ôter, malgré tout ce pouvoir, les blessures infligées à une psychée.

Son discourt était plus sincère qu’une pièce de théâtre, et par les mots il s’élevait dans la noblesse d’âme, magnifié. Amy était épatée, admirative. Joshua maniait les mots comme un auteur, et ainsi brillant, il semblait à une étoile. Mais jusqu’à quel point un astre peut-il s’élever avant de déchoir ?

Dans le cas présent, l’élévation grammaticale le fit entrer en collision avec son opposé linguistique, dans un rééquilibrage du langage sec et immédiat.

- B..Bordel de Moine ! C’est pour ça que tu m’appelles ? C’est pour noël prochain ? Il est bien trop gros pour l’embrocher su l’sapin, puce !!! Ahhhh ! Ben si t’as les dents du fonds qui baignent, faut pas voir honte mon grand ! Les toilettes sont au bout du couloir.

Elixir avait été tel l’oiseau enchanteur avec son chant merveilleux, et il venait de recevoir une caillasse projetée à coup de lance-pierre par une rousse à peine arrivée.

- Cait’ ? s’exclama Amy, surprise.

Ce brusque retour sur terre rappela quelques points importants à l’italienne ; déjà, le départ d’Ernest, qui avait filé comme un rat. Ensuite, fallait qu’elle fasse gaffe avec ses sentiments, les hormones la travaillaient un peu depuis sa rencontre avec Alex. En un sens, l’effondrement du Colosse de Rhodes par le tsunami Fuzzy avait permit à Amy de ne plus être charmée par la statue grecque suscitée alors qu’elle n’était pas au clair avec ses sentiments pour un pyromane récemment arrivé.

Ce bazar s’ajoutant à un autre, elle laissa choir les sujets et resta bouche bée devant la dernière débarquée.

Si l’arrivée de Caitlyn n’était pas si improbable que cela, puisqu’Amy lui avait dit de venir ; sauf qu’à l’habitude, quant elle disait « c’est urgent », elle avait le temps d’oublier le sujet que la Tite Rousse n’était toujours pas arrivée. Peut-être le Men in Beige avait-il éveillé la curiosité de la rousse, ou alors l’insistance de Nephilim malgré une remarque capable de la rendre tomate même lorsqu’elles étaient seules avait alerté Cait’ sur la gravité de la situation.

Josh avait prit un coup au moral, et un sérieux coup même, les émotions défilant rapidement sur son visage. Il y avait… de la surprise, déjà et logique, puis de la peur, et pleins d’autres trucs qu’Amy n’eut le temps de calculer avant qu’il ne se reprenne.

"- Cette entrée en matière est des plus fracassantes ... mon nom est Josh. Vous devez être celle qui va marquer les fesses roses d'Amy. C'est un plaisir que de faire votre connaissance." déclara-t-il en s’avançant vers Fuzzy pour une poignée de main.

Che cazzo ?! Amy remercia la bienveillance d’Elixir qui surenchérissait sur le côté dérapage hollywoodien de cette conversation qui, plus qu’être d’ordre privé, n’avait pas lieu d’exister ! Celle là, il ne l’emporterait pas en enfer le blond. Vous allez voir que tout allait être de la faute de l’italienne…

Avec une aisance indescriptible, Caitlyn lui prit la main, non sans plusieurs secondes d’hésitations, grommelant des présentations et s’évertuant à marquer sa supériorité sur son interlocuteur en lui broyant la main à grand renfort de grimaces.

Puis se fut au tour de l’italienne de recevoir le regard de sa sœur de cœur, qui n’avait pas perdue une miette des paroles de Joshua. Scheisse : de la colère sur les taches de rousseurs. Heureusement que Fuzzy éjectait les éclairs par les mains et non par les yeux, comme cela ce n’était pas Amy qui risquait de se prendre une décharge.

- Oui… je vais lui marquer les fesses, avec l’empreinte de mes kikers pour lui apprendre à garder sa langue, et si elle daignait porter des strings à la piscine quand elle fait bronzette, elle n’aurait plus les fesses roses, j’lui ai déjà dit.
Amy est ma sœur, ca t’pose problème ???

- Ey ?! C’est toi qui gueule dans le combiné quant tu parle, j’ai rien dit. Pis je mettrais pas de string, à la piscine ou dans la vie de tous les jours ! déclara haut et fort une italienne, qui voulant se défendre de fausses accusations, et ne faisait qu’en renforcer d’autres.

Amy était trop occuper à défendre ses fesses pour s’occuper de celle de Josh, qui aux vues de l’amabilité de Caitlyn, risquait d’en prendre pour son grade et sa brillance dans les instants qui suivaient. Caitlyn se concentra ; étrange, d’habitude pour exploser les gens verbalement pire qu’un camionneur marseillais un soir de cuite, elle n’avait pas besoin de se concentrer. C’était comme regarder le minuteur du détonateur d’une bombe, pour le coup.

Et vlang, une nouvelle impossibilité mathématique, les lois de la physique et de l’univers explosées à coup de pompe : Cait’ qui fait du Shakespeare. Voire Fuzzy parler ainsi était aussi improbable que voir un Wolverine métro-sexuel chantant dans les bois.

D’ailleurs, la rousse ne tint pas longtemps le rythme, et si Amy avait été épatée les premiers temps, il vint une hésitation après le mot lecture ; oh, surprise. Fuzzy la regarda avec un sourire, crispée et en quête d’un secours. Amy haussa les sourcils : que pouvait-elle bien faire ?

- …De… heuu… L’art de la Botanique d’Intérieur par Arthur Schopenhauer, j’ai un compte rendu à faire pour le cours de... heu… heu... Miss Frost ?

Aller, second tour, prends-toi ça dans les dents ! Déjà, pour avoir pas mal côtoyé Mlle Frost en cours, Amy ne la voyait pas jardiner, après tout c’était une femme d’affaire, prof de psycho et de sexologie, qui avait plutôt l’horreur de la salissure avec ses costumes tout blanc, puis si Caitlyn avait fait un effort de dé mémoire pour Mr Schopenhauer, elle avait improvisé le titre : le bouquin que l’italienne n’avait pas voulut qu’elle lise n’était pas L’art de la Botanique d’Intérieur, qui entre parenthèse était une pique pour l’inaction de la « fougère », mais La Dialectique éristique, aussi nommé L’Art d’avoir toujours raison. Nephilim avait eut peur qu’avec les stratagèmes permettant de l'emporter lors de controverses indépendamment de la vérité du point de vue que l'on soutient qui y était exposés, Fuzzy ne devienne invincible en conversation. Mais visiblement, cela n’avait pas arrêté la rousse ; zut, Amy allait devoir re-parcourir le livre pour voir s’il n’y avait pas des pages manquantes !

Joshua avait grimacé à la poignée de main, mais n’en avait pas moins reprit de la contenance. Il coupa même Amy pour prendre sa défense, et s’il le fit avec plus de brio qu’elle-même un peu plus tard, ce n’était pas à lui de le faire. Bon, il enchaina encore sur un compliment à destination de l’italienne qui eut le même effet que les autres. Puis toujours en croisé contre la solitude il se réjouit de leur relation et déclara que quelle qu’elle soit, ce n’était pas à lui de juger ; Nephilim était bien d’accord et aurait aimé le rappeler à ceux qui faisaient courir les rumeurs, que ce n’était pas aux autres de juger.

Le discours de Caitlyn, s’il avait laissé Amy bouche bée, eut un autre effet sur Elixir ; mépris. C’était mieux que du dégoût, dans un sens, mais cela en restait assez vexant, et jurant avec l’image de chevalier doré. Il enchaina rapidement, connaissant aussi L’Art d’avoir toujours raison, qu’il avait visiblement potassé à la réflexion, ainsi que l’Art de l’Insulte, livre qu’Amy n’avait pas prit la peine de lire sous quelque forme que ce soit. Joshua poussa même le vice jusqu’à souligner l’errer de Fuzzy sur le cours de Mlle Frost, ce qui blessa cette dernière. Il n’y avait pas beaucoup de personnes capables de blesser Caitlyn Elioth en conversation, de manière volontaire ou non. Jubilee l’avait fait de manière involontaire, et Josh ? Excellente question, puisqu’il avait exploité les failles de la réponse de la Tite Rousse ; vraiment pas sympas de sa part s’il voulait simplement jouer le jeu.

Caitlyn vieillit d’un coup, triste et en colère, honteuse sans l’avouer, plus mature et froide qu’Amy ne l’avait jamais vu.

Cela gâcha bien les autres compliments d’Elixir à l’intention de l’italienne, qui furent ignorés.

- Idem, à la prochaine Josh, déclara-t-elle, la rougeur disparue.

- Au plaisir…

Elixir s’en alla, avec la politesse presque politique qu’il avait eut jusque là, laissant les deux sœurs de cœur seules dans le couloir. Amy se tourna bien vite vers Caitlyn, donc la froideur dissimulait aux yeux du monde ce que l’italienne parvenait à lire sur son visage.

- Sa va ?

« Et il fut précipité, le grand dragon, le serpent ancien, appelé le diable et Satan, celui qui séduit toute la terre, il fut précipité sur la terre, et ses anges furent précipités avec lui. »

Outch, la Bible, comme cela, à froid ; Amy resta transie de surprise un instant, et quant elle voulut enchainer, elle n’en eut pas le temps. Les paroles de Caitlyn la firent culpabiliser pour ce qui c’était passé.

- Si c’est ce genre de gars que tu kiffes, puce, fais gaffe, celui-là, c’est un méchant…l’est aussi pourri à l’intérieur que beau à l’extérieur… Mais j’comprends que tu puisses t’entendre avec c’type..ben..j’serai jamais comme ça, tu perds ton temps libre à discuter avec moi, j’suis un peu..limitée. C’est cool que tu vois d’aut’ gens plus…intéressants…que moi.

En plus, j’suis même pas sur de qui c’est Schopenhauer.. Je confondais avec un acteur de série B, moi… huh..je crois avoir un truc la dessus…y’a longtemps..heu..

Amy grimaça, comparant pour une raison qu’elle ignorait les personnes d’Alexander Funke et de Joshua Foley. Balayant rapidement cette pensée, elle s’approcha de Caitlyn. Et étrangement, la remarque sur Schopenhauer dans un film de série B, si elle la fit sourire, ne la fit pas réagir plus que cela. Que Fuzzy face de l’humour c’était bien après le clash, et c’était pas le moment de ramener sa science.

- Euh… kiffer… je suis pas sure que cela convienne… j’ai du mal… à ce niveau là, tu sais… J’ai aucune idée de qui je kiffe ou de ce que c’est de kiffer… et je sais pas s’il est méchant, il ne me le semble pas. En tout cas, l’est pas plus intéressant que toi, et je perds pas mon temps libre avec toi ! Je refuse d’entendre pareille inepties.

Et là, nouvelle surprise de taille ; Cait’ avait paru concentrée durant la réponse d’Amy, mais si cela n’avait pas empêchée cette dernière de déblatérer, la réplique lui coupa le sifflet. Une citation de la Dialectique éristique où l’italienne rêvait ? Elle était incapable d’apprendre par cour des phrases de plus de dix mots, et voilà Caitlyn qui lui en met pleins la vue. Amy posa sa main sur le front de sa sœur de cœur.

- T’as d’la fièvre ? Nan pourtant. Pour ce que je voulais, on va aller en parler dans la piole, y’a un Mec in Beige qu’est v’nu parler de toi à une prof, on doit en discuter. Par contre, il y a un truc que je voudrai maintenant : une discussion en langage soutenu avec toi ; à mon arrivée, je parlais bien l’anglais mais pas suffisamment pour avoir un parler courant, et t’as le cheminement inverse. Puis je suis sure que si t’exprime tes idées comme cela, tu pourras écrire des traités philosophiques ! Imagine la tête de Josh le jour où il verra marqué Caitlyn Elioth sur un bouquin de philo !

Amy fit un clin d’œil, puis prenant Caitlyn par l’épaule, commença à les diriger vers leur chambre. Elles avaient à parler et cela risquait d’être beaucoup moins drôle.