La première règle du Fight Club est : il est interdit de parler du Fight Club... [Karma & un glaçon]

~ Les lourdes volutes âcres d'une fumée anthracite se languissaient paresseusement dans la chaleur moite de l'atmosphère étouffante, se mêlant avec lenteur et volupté aux effluves humaines émanant de la salle bondée. Toutes ces âmes rassemblées, ces brebis égarées, s'abreuvant d'adrénaline, de douleur et de sang, et qui, de violence enivrées, avaient oublié toutes notions de raison ou de temps, ne se laissant plus porter que par le va et vient inconstant de ces vagues brûlantes d'excitation, pulsions animales qui parcouraient l'assemblée. Et tous frissonnaient à l'unisson, dans un même souffle exaltant, perdus dans ce monde exclu de la réalité. Trop de personnes dans cet espace exigu, la sensation oppressante et continue d'une proximité intrusive, d'un contact permanent, du frôlement abrasif des corps et de ce ballotage infernal de la foule et de ses mouvements. Et la musique, puissante, vibrante, crachée en flots agressifs de ces noires enceintes, ordonnant la cadence et battant le rythme de cette grande course dans laquelle, tous, se jetaient à corps perdus.

Et puis, au milieu, les bêtes.

Pantomimes d'humanité, leurs corps physiques n'étaient plus que vestiges de civilisation, enveloppes charnelles s'effritant peu à peu, haillons abîmés tombant en lambeaux et qui, à la lumière de la sauvagerie ambiante, dévoilaient les monstres qui sommeillaient en eux. Tournant comme fauves en cage, ils se faisaient face, emplis de cette énergie animale qui ne s'emparaient d'eux que dans ces moments là, lorsqu'ils faisaient tomber, à l'abri du regard du monde, le masque de cohérente bienséance qui béait sur leur visage, pour libérer avec envie la bête qu'ils abritaient. Et, sur le tempo de cette musique transcendante, ils parcouraient, pieds nus, un chemin fait de tessons de verres tranchants, parsemé d'une destruction écarlate et de la sensation de vivre, coup après coup, au travers de cette violence primaire qu'ils exsudaient. Les pensées structurées avaient laissé la place à cet instinct primitif et les paroles, obsolètes, au langage du corps et à ses subtiles interprétations. Un geste, un pas, la manière prédatrice qu'ils avaient de se mouvoir, avec, dans le regard, l'éclat abyssal d'une lueur qui ne trompait pas. Ils étaient là pour détruire. Se détruire et ressentir, et seul celui des deux qui se laissera pénétrer assez profondément par ces vrilles ardentes de férocité trouverait grâce aux yeux de ses congénères.

Et, quoi de pire, que ces congénères ? Les autres. Ceux-là même dont la couardise n'était pas assez forte pour que leur raison ne les empêche de venir traîner dans ces lieux miséreux où rampait l'espèce humaine, ou ne les interdise de parier ces liasses d'argent sale qui transitaient de mains en mains, laissant derrière elles un sillage rougi d'une avarice et d'une envie qui suscitait, chez certains, des remous jusque dans les tréfonds d'une noirceur insoupçonnée. Ceux dont le courage était, bien malgré eux, trop faible pour les faire franchir le pas et entrer dans l'arène, prendre la place de ces bêtes qui vivaient pour eux, et à travers desquelles ils semblaient n'exister que par procuration. C'était tous ces esclaves de leur animalité et de leur cupidité qui étaient là, réunis en un large cercle, encourageant, braillant parfois plus violemment que les coups eux-mêmes, ou savourant avec une extrême perversité ces souffrances volontairement infligées.

Faisant tourner d'un geste absent un glaçon à l'agonie au fond de son verre d'alcool, si James avait pris à boire ce soir, c'était plus pour se donner un genre que par réelle envie. Comme fasciné, il observait, de loin, assis sur un tabouret de bar au comptoir, le combat en cours qui se déroulait. Ses yeux rivés sur les deux protagonistes, il suivait du regard les mouvements rapides et les déplacements, les attaques et les ripostes, le dessin des muscles saillants se devinant de loin, la tension dans les membres et l'aura de chaleur et de violence qui se dégageait de cette scène. Et chaque coup donné nourrissait son cœur comme une goutte d'eau tombant dans le désert. Et chaque coup rendu semblait comme l'écho d'un souffle d'air pour un asphyxié. Le sang qui gouttait parfois lui apparaissait comme les arabesques captivantes d'un langage familier, traçant leurs sillons vermeils sur le blanc de la chair, tandis qu'en son moi profond, son cœur semblait se nourrir de ces fragments de violence qui parvenait jusqu'à lui. Désir malsain ou envie de se changer les idées l'espace d'un soir, comblant les vides abyssaux que constituaient ses rêves et l'insomnie qui le rongeait. Alors, l'espace de quelques instants, il n'eut même pas conscience de faire, lui aussi, partie de ces autres qui vivaient cette adrénaline par procuration. Ces autres qu'il haïssaient tant.

Le tintement caractéristique de la fin du round sonna et tira brusquement James de sa rêverie éveillée. Soupirant d'un air las, le cœur battant, accoudé au comptoir de zinc noir et tâché de bière ici et là, il essayait d'éviter de penser à ce que dirait Julia s'il savait qu'il n'était pas vraiment en train de surveiller un membre potentiel des purificateurs. A vrai dire, il essayait aussi surtout d'éviter de penser à ce qui l'avait réellement amené ici, le dit suspect ayant quitté les lieux voilà bien deux heures et demie maintenant. Attrapant son verre d'une main, il se redressa d'un air blasé, attrapa sa veste en cuir et redescendit sur le paquet sale et humide des lieux, au vu de la fréquentation, avec dans l'idée de se rapprocher du barman pour en commander un deuxième. Malheureusement pour lui, le hasard, le destin, le fait qu'il soit un peu perdu dans ses pensées ou même juste un crétin congénital de plus ayant ingurgité trop d'alcool, il eut à peine le temps de faire quelques pas, plongé dans la marée humaine constituée de tous ces corps entremêlés, qu'il glissa sur une flaque de bière, invisible et traîtresse. Tentant de se rattraper de justesse, son bras partit brusquement en l'air, faisant parcourir une trajectoire céleste à son verre et tirant sur l'épaule de quelqu'un. Et si, pendant une fraction de seconde, tout paru confus, l'instant d'après, il se tenait, à moitié en équilibre, retenu uniquement par une personne non consentante, le nez juste devant le décolleté ostentatoire - en tout cas de son point de vue ça l'était - d'une charmante demoiselle dans lequel, comme par hasard, retomba le dernier glaçon imbibé de Martini qui acheva sa course aérienne en beauté.

_ Bordel... »

Mais, ne se départissant pas pour autant du minimum vital de classe ou de flegme, il se redressa tant bien que mal, d'un air mi-contrarié mi-consterné, et en espérant ne pas se manger un soufflet magistral. Il parvint à se remettre plus ou moins debout devant l'infortunée sur laquelle c'était tombé, un air à la fois profondément ennuyé sur le visage, mais aussi encore confus de comprendre ce qu'il venait de se passer.

_ ... Je suis désolé, laissez-moi vous aid... Enfin non. Hm. Je vous assure, ce n'est absolument pas une technique maladroite et perverse de drague... Pardonnez-moi. » »

Spoiler:

~ Dans le genre situation débile mais qui pouvait vite dégénérer, celle-ci était pas mal dans son style. Heureusement toutefois, la petite asiatique dans laquelle il était rentré - ou plutôt devrait-on dire dans laquelle il était tombé - ne l'avait pas mal pris et n'avait pas décidé de lui casser la gueule. Dans ce genre de lieu, ça pouvait très vite partir en pugilat complet. Et mourir à cause d'une simple bière renversée sur le sol, c'était un beau Darwin Award. Pas très classieux, en somme. D'autant plus que l'inconnue sur laquelle il était tombée ne semblait pas être une délicate et fine fleur fragile, mais plutôt le genre warrior habituée des lieux. Du moins, au vu de sa tenue, c'était ce qu'elle racontait. Pique en argent dans les cheveux, de vraies plaques militaires sous le nez - il les avait eu à peine à quelques centimètres du nez alors il était bien en mesure d'attester -, baggy et ranger. Au moins ça d'appréciable, James détestait le genre de gonzesse qui aurait hurlé en courant partout et en agitant les bras comme une autiste en attendant soit de s'envoler, soit que les glaçons fondent, soit que quelqu'un l'enlève de son t-shirt, soit qu'on la tue pour abréger ses souffrances.

- Ne les regarde surtout pas. On a rien fait. Une flaque hein? Allez, c'est bon destresse, j't'offre un verre ou tu vas clamser de gêne? Tu prends quoi? Hors de question que tu partes maintenant.

Ouvrant légèrement la bouche d'un air surpris et indécis, la manière qu'elle avait de faire fi de toute gène ou quoi que ce soit dû au fait qu'ils ne se connaissaient pas venait de le prendre au dépourvu. Clamser de gène, lui ? Haussant légèrement les sourcils, sa bouche afficha un début de sourire. Quelle pensée incongrue. Au moins, elle venait de le tirer de ses pensées moroses et de lui changer les idées, ce qui était largement appréciable plutôt que de passer son temps à regarder des gens se frapper sans but réel.

Et puis, à défaut d'avoir autre chose de plus intéressant à faire, et encore moins l'envie de rentrer à la maison se coucher, il haussa les épaules et se laissa entraîner par la tempête Karmatosaurus.

_ De toutes façons je n'ai rien de bien intéressant à faire, alors me faire kidnapper ne me dérange pas. »

Il s'assit également, gardant sa veste de cuir noir par dessus son débardeur de la même couleur.

_ Hm, n'importe quoi d'un peu fort et qui débouche le gosier fera l'affaire. »

James n'était pas forcément un grand buveur mais ce n'était pas avec le petit verre de rien du tout qu'il avait bu qu'il allait s'effondrer quelque part.

- J'm'appelle Shan, t'es nouveau ici? Tu... t'es pas un combattant hein. Tu viens faire quoi ici?

Instantanément, un éclat malicieux passa dans les yeux de James et son sourire revint. Il venait de se faire owner par ce petit bout de femme en moins de temps qu'il ne fallait pour le dire. Intrigué, il la regarda d'un œil perçant, se demandant l'espace d'un instant si cette collision avait été fortuite ou provoquée, ou si tout simplement il avait vraiment une dégaine si subtile qu'il était écrit NOUVEAU sur son front.

Évidemment, il n'allait pas lui dire la véritable raison de sa venue en ces lieux, mais, dans la mesure où on n'était jamais trop prudent dans le métier qu'il exerçait, il préféra ajouter un fond de vérité à sa réponse, au cas où le pisteur serait devenu pisté. Il répondit donc d'une voix un peu lasse mais tranquille, se prêtant au jeu, jugeant que pour le moment il n'avait aucune raison de sombrer dans la paranoïa .

_ Moi, c'est James. »

L'espace d'une seconde, il se demanda lui même ce qu'il faisait encore ici. Et puis, il se rendit compte qu'il s'en moquait.

_ Je ne suis pas étranger à ce genre d'endroit mais, en effet, ce n'est que la troisième fois que je viens ici. Et autrement, non, je ne suis pas de ceux qui se battent. Je fais comme tous ces autres ici, qui hurlent et parient de l'argent contre de la violence, je viens me divertir. Et puis, la musique. Elle est cool. »

Le barman prit leurs commande et leur servit ce qu'ils avaient demandé, avec la rapidité d'un type qui sait qu'il peut se faire un paquet de fric dans la soirée s'il gère bien son bar.

_ Et toi, tu fais quoi dans ce genre d'endroits à la Fight Club ? Habituée des lieux ? Combattante ? Ne le prend pas mal, mais t'as pas le gabarit d'une catcheuse. »

Oui, non, un sourire espiègle, il déconne.

_ Oh et, merci. Pour le verre. » »

~ James avait observé l'échange entre le barman et Shan sans s'y immiscer, amusé, un sourire naissant sur ses lèvres. Chaleureuse, elle dégageait quelque chose de sympathique, mais derrière cette façade espiègle, il avait l'impression également de sentir une guerrière, dans sa façon de bouger, de parler, et la manière impitoyable et directe dont elle trancha en deux le mensonge qu'il avait proféré. Son intuition ne l'y trompait pas, et elle le confirma elle-même l'instant d'après. D'ailleurs, cela le fit également sourire de la voir sortir un billet de son soutif. Bien qu'il n'y attarda pas son regard, attention. Ce n'était de toutes manières pas ce qui l'intéressait actuellement ni ce pourquoi il était venu ici aujourd'hui. Les présentations passées avec le barman, Lyle observa d'un œil dubitatif le contenu de son verre, minuscule mais explosif, à ce qu'il devait déduire des paroles du tenancier. Jetant un regard au barman d'un air de se demander ce que c'était, celui-ci lui fit un clin d’œil en l'incitant à boire. Le mutant trempa ses lèvres dans le cocktail atomique et il ne lui fallu que quelques secondes pour comprendre qu'ici, ce genre de mélange devait avoir deux utilisations particulières : la distraction, pour se torcher la gueule, et les premiers soins, pour désinfecter une blessure. Pour sûr, un peu de ce truc là et plus aucune bactérie ne serait en mesure de poser problème. Sentant la chaleur remonter le long de son gosier jusque dans ses joues et son crâne, il apprécia la douce sensation piquante qui s'en dégageait.

Souriant d'un air amusé à ce que Shan lui dit, même s'il n'était que moyennement loquace là dessus, il lui aurait bien demandé quel genre de mec il était et ce qu'étaient sensés faire des types comme lui. Profitant de la bonne humeur qui se dégageait de la scène, tout ceci semblait éveiller sa curiosité et il était définitivement sorti de cette espèce de torpeur mentale qui l'avait envahit pendant à peu près toute l'heure précédente. Ainsi donc, elle se battait ? Elle n'en avait pas le gabarit, mais les apparences pouvaient être parfois extrêmement trompeuses, alors il ne fit pas de commentaires.

Et puis... Et puis, ce fut le drame. Levant les yeux au-dessus des épaules de karma, le regard alerte, il avait perdu son sourire. L'expression qui flottait sur le visage de nouveau venu n'était pas vraiment de celles que l'ont pouvait qualifier d'amicales. Imperceptiblement, il se raidit, sur le qui vive. Son état d'esprit était passé en un éclair de la relaxation à la prédation et, le regard acéré, son cerveau s'était déjà mis en branle à toute vitesse.

Soudain, le contact. Sur son épaule, une main, inconnue, indésirable, mais font la fermeté trahissait ses intentions. Il avait horreur, de ce genre d'intrusions physiques. L'espace d'un instant le cœur de James rata un battement et il failli se retourner pour attraper ladite main, lui faire une prise et la lui briser sans pitié, sans remord ni complexe. Il contint toutefois cette pulsion mais son sentiment était clair : si cette main ne disparaissait pas très vite, son propriétaire allait avoir de graves problèmes imminents.

_ Alors comme ça, on jette des glaçons pour faire tomber les gens ? »

Levant un sourcil de dubitativité, nullement impressionné, James croisa le regard de Karma qui en disait long sur ce qui allait suivre avant de porter son regard sur King Kong. Blasé, la seule chose qu'il avait en tête actuellement, c'était "Bordel, encore un beauf qui veut montrer qu'il en a une plus grosse que les autres". Dommage pourtant, la soirée avait commencé à prendre une tournure plus intéressante. Il n'avait habituellement que faire de ce genre de débilités profondes, mais le fait est que, dans ce genre d'endroit, vu ce qu'il était venu faire et vu la situation, il ne pouvait ni se permettre de l'ignorer, ni se permettre de montrer un quelconque don mutant. Ç'aurait été très mal vu, dans ce lieu ou on y allait aux poings et aux tripes. Le barman rangea les verres et James se racla la gorge, la tentation était bien trop grande pour qu'il passe à côté. Son orgueil aussi, peut-être.

_ Impressionnant... Dans le genre réplique kinder surprise, on m'avait rarement lancé si sophistiqué. Dis moi mon gros, il t'a fallu combien d'années d'études pour en arriver là ? »

Généralement, ce genre d'attaques se traduisaient par une réplique physique bien sentie si la cible avait une tendance un peu trop prononcée à l'impulsivité. La lueur écarlate qui passa dans le regard de King Kong ne trompait pas, les paroles de James n'avaient pas été sans impact mais, néanmoins, ile se garda de foncer dans le tas. Peut-être par habitude, par respect des règles du lieu, ou juste parce qu'il savait qu'il allait pouvoir lui mettre une dérouillée sévère sur le ring. Autrement dit, James venait peut-être de finir de lui donner le prétexte qu'il attendait pour une petite rixe illégale.

_ On va voir si t'en as autant dans le pantalon une fois là haut. »

Il désigna l'espace ouvert qui faisait office de lieu de combat et qui était appelé ring par abus de langage. James se dit qu'il aurait pu facilement lui rabattre son caquet s'ils avaient été dans un autre lieu, dans un autre contexte. Mais voilà bien tout le problème. Si le mutant pouvait dérouiller sévère un sacré paquet d'humains avec son pouvoir, sans, les choses devenaient plus délicates car il était ainsi vulnérable.

N'ayant pas le choix face à la pression plus qu'insistante des dégénérés qui accompagnaient king kong, James fut contraint de quitter son siège d'un air contrarié et, soupirant, il examina malgré tout le dos de Kong pour se donner une idée de ce dont il pouvait être capable. Peur ? Non. appréhension ? Peut-être un peu. Jetant un œil sur le lieu des combat, James sentit ce frisson familier lui remonter le long de l'échine, annonciateur de la fureur des chocs et des coups. Familier ? Pourtant, il n'était pas coutumier de ce genre d'endroits, et c'était plus ce que cette place évoquait en lui que le gabarit de King Kong qui lui faisait ressentir cette pointe d'appréhension.

Déjà, tout autour, se répandait comme une traînée de poudre la perspective d'un nouveau combat. De la faune ambiante, s'excitant de nouveau de plus en plus à l'idée d'une nouvelle démonstration de barbarie, commença à montre une rumeur sourde de blabla et de conversations avides de savoir quels allaient être les opposants.

Suivant la petite silhouette de Shan, encadrés par les gorilles, James, d'apparence assez tranquille malgré tout, sentit son cœur palpiter de plus en plus à mesure que l'inévitable confrontation se rapprochait. Il n'éprouvait aucune haine particulière vis à vis de King Kong, seulement peut-être du mépris, mais il se rendit compte que de lui coller son poign en plein sur sa petite face de pet ne pourrait que lui faire le plus grand bien.

Enfin, au centre de toutes les attentions, Shan et James étaient d'un côté et de l'autre, Kong et un autre type, qui aurait pu être son frère vu comme ils se ressemblaient, malgré l'espèce de mauvaise cicatrice qui traçait un sillon sur l'une des joues. Enfin, un type noueux et gringalet se détacha du cercle formé par la foule pour annoncer d'une voix forte et éraillée par la cigarette le blabla habituel.

_ Bon, je rappelle à tous les participants qu'ils n'ont droit ni aux armes, ni aux pouvoirs mutants, ni de sortir du ring ; qu'ils doivent respecter les durées de chaque round, qu'il est interdit de tuer un adversaire volontairement et qu'à tout instant vous pouvez déclarer votre abandon. Le gagnant est celui qui reste conscient à la fin du match. A ma gauche, Joe dit "Brise Noix" accompagné de son frère Klay "barre à Mine" et à ma droite, Shan "Karmatosaurus" accompagnée de... »

James fit un léger signe négatif de la tête, ôtant par la même sa veste qu'il jeta plus loin.

_ ...D'un combattant souhaitant garder l'anonymat. Que le combat commence ! »

Le son de cloche, les vivats excités de la foule. L'adrénaline dans les veines de James et l'impression de vivre soudainement à 300%. Apercevant King Kong sourire en même temps qu'il s'approchait, James se mit en garde, sachant pertinemment qu'il devrait jouer sur la souplesse et la rapidité plutôt que la force brute. Et, dès les premiers coups échangés, il sut. Ça allait faire mal, mais ça lui plaisait. En cet instant précis, il avait oublié tout ce qui avait trait à son statut d'agent gouvernemental ou de normes sociales. Il ne restait plus que la baston. Ça, et rien d'autre. »

Spoiler:

>>Burn<<

~ Ok, c'était parti. Shan sur la gauche, lui sur la droite, les deux primates l'un en face de l'autre, ils faisaient un remix de Martine fait de la boxe en version Koko le Gorille. Joe Brise-Noix et Klay barre à mine, deux écervelés dégénérés dont il n'avait toujours pas compris s'ils avaient un orgueil si enflé qu'ils devaient se la péter devant tous les nouveaux ou simplement si, pour eux, taper sur les dames étaient une manière de tenter de les séduire. Sans compter le fait que Shan devait bien faire, à vue de nez, trente bons centimètres de moins que son adversaire, au moins, ce qui, néanmoins, la plaçait à une hauteur privilégiée pour attraper ce genre d'attributs qui pouvaient soumettre à peu près n'importe quels hommes. Et, en parlant d'attributs, il semblerait que malgré le tonnage conséquent de Joe et ses muscles pour compenser le vide qui résonnait entre ses deux oreilles, son petit frère soit malgré tout une petite soeur. Admirant la manière dont Shan mettait de l'huile sur le feu, volontairement ou non, il se dit qu'un peu plus ou un peu moins, au moins même s'ils perdaient, Popeye et ses frangins en remake des Dalton version cheap bricolés à la Kamel Ouali en auraient les chevilles percées. Habituellement, James avait horreur de se faire emmerder par ce genre de personnes, mais si en plus il s'agissait de se faire taper dessus, ils allaient voir ce qu'il en coûtait de s'en prendre à l'agent Tucker le Grand. En garde, un sourire provocateur sur le visage, voire aguicheur, il tournait autour du primate pour l'énerver.

_ Alors Grolard, tu crois que tu peux me battre avec ton air d’australopithèque attardé ? Arf, ça me ferait quand même mal d'être en dessous du niveau du type qui est en dessous du niveau d'un glaçon, le prend pas mal, surtout. »

Le mec au coup de taureau fuma des naseaux et fit la chose la plus prévisible du monde : il fonça comme sur James pour lui coller son poing bien profondément sur le coin de la gueule, si vite qu'on eut crû qu'il en avait le feu au cul. Mais c'était sans compter l'agilité et la légèreté supérieure de James qui esquiva en se plaçant sur le côté, voyant dans cette impulsivité une faiblesse à exploiter. Galvanisé par les cris de la foule en délire, le frisson du combat montait en lui comme la fureur du grondement du tonnerre au loin. Il se prenait au jeu, et il aimait ça.

_ Mon dieu t'es encore plus moche de près... Tu sais à quoi tu me fais penser ? A un petit Bouddha tout fat, le genre de truc immonde qui ressemble à un étron en bronze posé sur une cheminée de grand-mère ou dans la cave à shit d'un hipster. Le truc aussi moche qu'un cul de babouin et qu'est pas loin de sentir pareil... Tu veux du PQ, pour t'essuyer la raie que t'as au milieu du visage ? »

_ Petite merde... Je vais t'écorcher la face à mains nues et te faire bouffer tes yeux par l'anus... »

Oh oh, perspective aussi alléchante qu'irréalisable de son point de vue. Hors de question de bouffer quoi que ce soit par le derrière, et encore moins de perdre ses yeux.

_ Dis donc Grolard, on est pas encore assez intimes pou... »

Du coin de l’œil, il entrevit une Shan voler à l'horizontal en manquant de lui tatanner la tronche à coup de rangers taille 34. Esquivant de justesse, il se rendit compte trop tard qu'il avait baissé sa garde et il sentit un bras l'agripper par le poignet pour le retourner avant de recevoir un coup monumental dans les abdominaux, qui lui fit l'impression d'absorber la charge d'un rhinocéros en plein bide, même avec les muscles contractés. Une fois, deux fois, trois fois, la douleur explosait dans son abdomen comme une onde de choc destructive, ce qu'elle était au final. Le bras à moitié tordu pour le forcer à adopter une position non propice à la défense s'il ne voulait pas voir son avant bras se briser, il serra les dents dans une brusque bouffée de chaleur. Les yeux écarquillé, le souffle rapide, il sentait ses veines s'enflammer sous la clameur des vivats qui montaient de plus belle dans une cacophonie dissonante de cris bestiaux.

Mais James n'était agent du BAM pour deux sous, et il en faudrait plus pour le maîtriser, d'autant plus que tout ceci l'excitait maintenant. Prenant sur lui, il franchit vivement la faible distance qui séparait son adversaire, toujours plié pour maintenir son bras droit dans une position la moins douloureuse possible avant de lui décocher son coude gauche entre les deux yeux avec autant de force qu'il était humainement possible d'en mettre, un petit sourire malsain sur le visage, celui du plaisir de savoir qu'il était en train de lui faire aussi mal que ce qu'il venait de subir. Son bras fut libéré instantanément et James recula, légèrement ramassé sur lui même, plus pour atténuer la douleur des coups reçus que pour réellement anticiper la suite. Reprenant son souffle pendant que l'autre affichait une tronche de constipé du tuyau le temps de surmonter son nez endolori. James jeta un coup d’œil à Shan, et vit qu'elle était par terre avec un Klay pas content qui s'approchait d'elle tandis qu'elle se relevait. La tentation était néanmoins trop forte de ne pas lâcher la vanne qu'il avait en tête. Alors, bien fort, il s'exclama devant toute l'assemblée.

_ Hey Barre à Mine ! J'ai une question pour toi... »

L'autre marqua une hésitation, regardant rapidement si son frangin s'était fait mettre à terre, mais ce n'était pas le cas, alors il reporta son attention su la petite asiatique. Et, un fin film de sueur perlant sur sa peau, James laissa naître un sourire de dégénérer paraître sur ses lèvres.

_ ...Ton surnom, c'est parce que t'es le nain de la famille ou parce que ta sœur qui frétille là c'est Blanche Neige ?... Pourtant, elle fait plus gothopouf que princesse... »

Une lueur assassine dans le regard de Klay. C'était sûr, James allait prendre mais la perspective de pouvoir se dérouiller lui était en réalité plus plaisante qu'autre chose, et de lui émanait un sentiment dangereux et insaisissable, comme l'ombre du Léviathan dans les abysses, qui se révélait de plus en plus, à mesure que la folie du combat s'intensifiait. »