Le feu, la foudre .. et la glace [pv Rachel]

Il avait neigé, beaucoup neigé, ces derniers jours, à tel point que Rachel avait finit par se demander si Ororo n’y était pas pour quelque chose. Mais probablement que non, car elle semblait aller de mieux en mieux maintenant qu’elle avait abandonnées sa lutte contre le vent, pour se recentrer sur ce qui importait à sa partie humaine. Le Phénix n’avait eut que des échos que de ce qui s’était passé durant son absence, mais elle savait que Caitlyn avait dût s’en mêler pour que T’Challa reprenne son rôle d’amoureux, et la Grande Rousse était plutôt désespérée qu’il soit aussi mauvais, ayant l’impression qu’il foirait tout sur tout, alors que celui de son monde était tellement… idéalisé, surement, il fallait recontextualiser un minimum. De toute façon, même si Caitlyn n’était pas très diplomate, elle avait le don de trouver les meilleurs mots, ceux qui allaient droit au cœur, et c’était une qualité extrêmement rare ; pour des histoires de cœurs et d’émotions, il n’y avait pas meilleure conseillère qu’elle, et tant mieux que le couple Munroe puisse en bénéficier.

Ororo arriva à l’heure, chaudement vêtue pour combattre les températures allant de paire avec cette scintillante neige dont les cieux avaient répandue sur leur monde, et qui était aux yeux du Phénix parfaitement à propos. Elle-même en avait fait similairement, à sa manière tout du moins : oui, la chevelure rousse entrait en écho avec une écharpe semblable à de la laine tressée, entremêlant rose et blanc et dont les extrémités lui tombaient de part et d’autre du bassin, plus bas encore que ça veste d’un bleu-gris pâle, qui descendait jusqu’à ses reins, et était ouverte sans possibilité de la maintenir fermée, dévoilant sans peine un bustier bleu-foncé et une robe noire aux flocons argentés enserrée par un simple tissu violet en guise de ceinture. Bien sur, comment toujours, ses habits se contentaient d’imiter les apparences des autres matières, étant composés de Molécules Instables altérées, et tenant ainsi bien plus chaud que des vêtements normaux ; enfin, en-dessous de cinq degrés, ils peinaient à protéger du froid, et outre qu’elle y était habituée, Rachel avait également le petit plus inconscient qu’était son bouclier, lequel protégeait également contre les températures.

Mais ce qui avait prit le plus longtemps au Phénix n’était nullement sa tenue, créée sur un coup de tête selon l’envie du matin, mais sa coiffure, alors qu’elle s’était appliquée à faire la même tresse qu’Elsa, l’une des deux protagonistes du film qu’elle s’en allait montrer à Ororo, quant bien même c’était cette dernière qui paierait. Les notions monétaires lui échappaient comme à une enfant, et elle n’avait pas réellement d’argent de poche, quant bien même elles amassaient les pièces trouvées avec Kaede dans un pot de Nutella évidé et nettoyé, dans l’espoir de pouvoir ce payer des trucs, chose qui laissait Jade plutôt perplexe, quant au nombre de pièce qu’il faudrait réunir pour réussir à acheter le moindre truc intéressant, et partageable. Après, si le problème se limitait à de l’argent, Rachel en créerait sans aucun problème ; cela ne changeait rien pour elle.

Ainsi donc, toute la partie droite de sa chevelure était peu ou prou réunie en une tresse, tandis que le reste était libre comme à l’habitude, le tout se soulevant à l’instar de sa tenue lorsqu’elle atterrit devant Ororo, ayant choisie la voix des airs pour ne pas être en retard, et comme souvent étant passée par la fenêtre de sa chambre, après un simple « à tout à l’heure » à ses protégées. Ses bottes lourdes et montantes laissèrent leurs marques dans le blanc alors qu’elle relevait la tête et souriait à destination de la femme qui lui faisait face. C’était un sourire qu’elle ne dévoilait que rarement, un sourire emprunt d’enfance et d’innocence, de joie et d’espoir, le rideau de sa lèvre supérieure se levant de la blancheur immaculée de sa dentition égale et symétrique, blancheur soulignée par la lèvre inférieure qui servait de scène à ce spectacle résumant à lui seul la personne qui le portait. Rachel pouvait se résumer dans deux de ces sourires, et celui-ci témoignait de la bonne partie d’elle, et était aussi magnifique que cette bonne partie.

Ramenant les bras le long de son corps, elle fit face à son tour, consciente de ne pas être en retard, et contente d’être là, ainsi qu’Ororo le fut également. Avec un taxi, il leur faudrait une dizaine de minutes pour arriver à Salem Center, elles seraient donc à en avance pour la séance de 18h30, et auraient surement de la place malgré le monde qui se déplacerait pour la sortie. Encore qu’après déjà trois séances de première vision au cours de la journée, peut-être les gens reflueraient-ils un minimum.

- Salut Ororo, ça va ? Si t’as froid ou autre, hésites pas à le dire, hein ?

Storm n’était-elle pas immunisée aux effets climatiques ? S’eut été une adaptation logique considérant ses dons, et le bébé aurait bénéficié de cette même protection tant qu’il était en développement, cependant c’était là un détail qui n’avait aucune importance aux yeux du Phénix. A l’inverse de faire partager à une personne qui en avait besoin l’un de ses meilleurs souvenirs d’enfance ; Rachel ne se contentait pas de faire découvrir un film d’animation gentillet à l’une de ses ainées, mais elle espérait lui faire retrouver un peu de cet espoir qui lui manquait, de façon étrange, mais parfaitement valable selon elle.

Attendant qu’Ororo réagisse en dissimulant son impatience comme elle le pouvait, la jeune femme ou plutôt la grande enfant était déjà prête à se rendre jusqu’au taxi ; elle avait jugé inutile de manger avant, considérant que le film ne faisait qu’une heure et demi, et qu’elles seraient donc rapidement sortie. De plus, en parler après devant quelque repas que ce soit, c’était mieux que de manger avant et de s’assoir sur un banc pour le faire. Point de vue entièrement personnel, oui, cependant elle espérait bien qu’Ororo lui signalerait les moindres besoins ou envies, c’était inclut dans le « ou autre ». Mais pour l’heure, elle avait une chanson dans la tête qu’elle fredonnait, espérant ne rien avoir à spoiler ; zut, personne n’avait su pour Mandela, elle n'allait pas merder pour un Disney !

"Bonjour Rachel. Ça va merci et toi ? Je n'ai pas froid ne t'inquiète pas pour ça. J'aime beaucoup ta coiffure, elle te va très bien."

- Merci ! Elle vient d’un personnage du film, tu verras, répondit-elle avec contentement, tant pour le compliment que pour le fait qu’Ororo apprécie, chose qu’elle jugeait comme un bon signe ; même si la couleur n’était pas la bonne, mais le blond, le Phénix ne ferait plus JAMAIS ! Et ça va, je mange à ma faim et je dors tranquille, donc c’est cool.

Pas réellement le temps d’en dire plus que le chauffeur démontrait une impatience pire que celle de la rousse, klaxonnant alors même qu’il attendait à l’entrée du domaine ; ey, oh, elles n’avaient pas encore cinq minutes de retard ! A moins que cela ne veuille signifier qu’il était arrivé, donc lui aussi à l’heure ? Rachel n’en savait rien et ne s’arrêterait pas pour demander, elle s’en foutait, entreprenant simplement de suivre Ororo à travers l’allée qui conduisait à l’entrée du domaine, située relativement loin tout de même. D’un autre côté, cela ne leur prit pas une demi-douzaine de minutes pour arriver au grand portail de fer au X cerclé de l’Institution Charles Xavier pour Jeunes Surdoués, même si elles se rapprochaient du fait des cinq minutes de retard ; et cela fut étrangement silencieux, bien que le Phénix répondit aux sourires qui lui étaient adressés par d’autres, ne cachant pas son contentement, même si elle n’avait rien à y ajouter.

Assise à l’arrière du taxi, elle prit son mal en patience et en silence, s’arrêtant la majeure partie du trajet pour contempler l’extérieur blanc et surtout son reflet sur la vitre. Les souvenirs étaient là, les souvenirs de la dernière fois, et elle put se revoir en compagnie de sa sœur sur la banquette arrière, avec son père au volant et sa belle-mère ne manifestant pas à quel point cela la gonflait d’aller regarder un tel film ; d’un autre côté, se serait le retour le plus terrible pour la Reine Blanche, puisque la chieuse qui lui servirait de progéniture, encouragée par l’autre chieuse présente, avaient voulu à tout prix la coiffer comme dans le film. C’était à l’aide de cet essai, recommencé un bon nombre de fois parce qu’Emma ne tolérait pas les choses mal faites, que le Phénix avait tentée de refaire la sienne aujourd’hui. Un bon souvenir, et ils étaient rares.

Lorsqu’elles ressortirent du taxi, elles trouvèrent Salem et les décorations pour Thanksgiving, et surtout PLEIN de monde devant le cinéma. Mais PLEIN de chez PLEIN ; enfin, pour Rachel. Ce qui signifiait… une cinquantaine de personnes ? Au maximum une septantaine et demie. Un centième à un centième et demi de la population de Salem, mais qui faisaient la queue pour le même cinéma. Pire que le réfectoire de l’Institut… ou pas… ça allait être long ; c’était l’un des avantages de glander toute la journée, on pouvait être en avance pour la cantine, car non, Rachel n’avait pas l’utilité de la priorité au personnel, puisqu’elle devait attendre d’autres qui ne l’avaient pas. Enfin, elles devraient tout de même faire la queue ce soir.

"Dis moi…"

- Hein ? interrogea-t-elle avec grâce en se retournant vers son interlocutrice, l’interrompant au passage.

"Pourquoi ce film ? Et… pourquoi moi ? "

Rachel laissa un temps mort, souriant un instant et clignant des yeux, avant de regarder le long de la file vers l’entrée.

- La première fois que je suis venue, j’étais comme tous ces gens. Mais je me suis émerveillée différemment d’eux. Avec ma sœur, on c’est retrouvées dans les personnages ; elle, avec ses pouvoirs mais incomprise des autres, et moi, qui voyait la voyait au-delà de cette différence, retournant le visage vers Ororo, elle poursuivit : j’ai changé. Cette histoire, non. Elle fait parti de mon passé, mais aussi de votre présent.

Ça ne répondait que partiellement à la question, ou plutôt uniquement à la première de celles qu’avait posées Storm, cependant la suite ne tarda pas à venir, alors que le Phénix posait sa main sur l’épaule de la future mère avec bienveillance.

- Ce compte est un écho de ce qu’un mutant peut vivre, mais vu à travers les yeux d’un enfant. Tu as perdu l’espoir, alors j’essai de te le redonner ; j’avais dit que je le ferai. Je suis capable de faire beaucoup de mal, mais je chercherai toujours à faire encore plus de bien.

La file avançait assez vite, et elles n’eurent pas à piétiner dans la neige marronâtre trop longtemps, même si cela n’empêcherait pas le silence de pouvoir s’installer, entre elles tout du moins. Mais le Phénix n'en avait pas l'intention.

- Ce que je vais te dire est une chose qui te semblera peut-être étrange ou évidente, mais que quasiment tous ont oublié. N’attends rien du monde car si tu le fais, tu ne pourras t’émerveiller de ce que tu verras, au mieux cela répondra à tes attentes, et au pire cela te décevra.

Avançant encore au rythme de la foule, Rachel croisa les bras, laissant se dessiner un léger sourire sur ses lèvres.

- Les enfants ont cette capacité de s’émerveiller de tout car ils le voient sans préjugés ou attentes. C'est après qu'on leur enseigne de telles choses. S'ils parviennent, ici, à accepter Elsa, pourquoi ne pourraient-ils pas le faire de réels mutants ?

Elles allaient bientôt arriver à la réception, et le Phénix regarda sur le côté, se souvenant d’une adulte faisant la queue alors qu’un autre surveillait deux enfants intenables, mais qui resteraient collées à leur siège pour l’entièreté d’une séance de cinéma, sans pose pipi ou autre turbulence alors même que c’était là leur spécialité.

- J’espère que tu réussiras à voir ce film comme eux, et j’espère qu’il te redonnera un peu d’espoir.

Du pop corn salé ?! Qu’était-il passé par la tête d’Ororo ? C’était pour se venger, c’était cela ? C’était une punition ? C’était payer les deux places alors qu’elle était l’invitée, ou bien pour la/les dernière(s) fois ? Rachel grimaça discrètement, n’en cachant rien d’ailleurs quant la future mère la regarda ; oh non, elle ne préférait pas autre chose, m’enfin… du pop corn salé quoi ! Le pop corn ça devait être sucré, caramélisé, enrobé de miel, ou autre, mais pas salé ! Après, puisque ce n’était pas son argent, le Phénix ne dit rien, mais se prépara psychologiquement à devoir manger le pop corn de la revanche, puisqu’elle supposait que si Ororo avait prit deux pots, c’était qu’il y en avait un pour elle, et elle ne doutait pas duquel ; ça allait être salé, c’était le cas de le dire. Et elle ne pouvait même pas se plaindre que c’était trop’injuste, puisqu’en un sens, c’était elle qui avait commencé…

La salle était identique à son souvenir, à moins que ce ne soit son souvenir qui se conforma à cet espace qu’elle savait identique, ou trop similaire pour faire la différence. Des rangées de sièges alignés, pliables, rouges et rembourrés, suffisamment pour contenir, quoi, une centaine de personnes, voir un peu plus ? Elles ne seraient pas serrées au moins. Ce n’était pas pour autant qu’elles auraient l’embarrât du choix des places, une partie de la population déjà installée et ayant prit les meilleurs angles de visionnage, et si le Phénix aurait bien demandée à Storm si elle avait une place de prédilection, le fait que cette dernière la suive la convainquit de ce mettre plus ou moins… par là. En bout de rangée, certes, mais vers le milieu, au moins, pour n’avoir à forcer sur la nuque ou le regard.

Il y avait du monde, et il y avait du bordel, une salle de cinéma, quoi. Dès que la lumière s’éteindrait, tout se calmerait ; pourquoi cela ne pouvait-il pas marcher avec Kaede aussi ?

Ororo semblait contente, souriante, faisant sourire la rousse en retour, contente également. Mais cela ne dura pas, et alors que l’obscurité ne s’était pas encore étendue sur la salle, elle sembla filtrer dans les cœurs, sans doute parce qu’il y avait trop peu de lumière pour l’en chasser.

"Tu as peut être raison mais… regardes-les… Crois-tu vraiment qu'ils peuvent accepter si personne ne leur explique ? Comment crois-tu qu'ils réagiraient même après le film si nous leur montrions ce dont nous sommes vraiment capables ? Si je faisais neiger dans la salle… Seraient-ils des enfants émerveillés de voir que leur rêve peut être réel ou bien effrayés comme leurs parents ?"

- Les enfants le seraient. Les adolescents, je n’en sais rien. Mon adolescence a été trop différente de la leur pour que je puisse me demander ce que j’aurai fait à leur place. Quant aux adultes…

Les adultes ne se caractérisaient pas par leur capacité à voir, mais par celle à ne pas voir, qu’il s’agisse de refuser de voir ou de ne simplement plus en être capable.

- C’est justement parce qu’il faut qu’on leur explique que l’Institut est si importante : il faut former des gens à l’acceptation pour qu’ils puissent transmettre cette dernière à d’autres.

Oh non, bien sur, il y aurait toujours des gens pour ne pas vouloir accepter ou ne serait-ce qu’on leur explique, mais comme pour tout, cela devait évoluer, et il y aurait un petit groupe avant-gardiste qui entrainerait tous les autres ; les X-Men n’étaient pas ce groupe, ils le protégeaient, ce seraient les étudiants de l’Institution Charles Xavier pour pourraient enseigner au monde ce qu’ils avaient reçus comme enseignement, celui du tendre la main et de l’acceptation de l’autre malgré ses différences.

- On peut apprendre, à tout âge. Encore faut-il le vouloir.

Marquant un nouveau silence, Rachel sourit, tournant son regard vers Ororo. Il y en avait qui voulaient apprendre, qui voulaient voir, réapprendre à voir et à accepter ; et la femme enceinte en faisait partie, aux yeux du Phénix. Elle voulait réapprendre à voir et à ressentir une chose à laquelle elle donnerait vie, pour laquelle elle donnerait vie : l’espoir.

Ecartant son écharpe pour laisser paraitre son collier qui s’y était réfugié, le pendentif doré représentant un X cerclé, elle le montra à Ororo.

- Les X-Men d’ici portent le X à la ceinture. Chez moi, c’était autour du cou. Plus pratique pour le ramasser sur les morts, déclara-t-elle sombrement, grimaçant de tristesse. Suite à la destruction de l’Institut, il était adjoint d’une plaque, avec le nom de code du détenteur. Ce collier a appartenu à mon père, puis il l’a confié à ma sœur. Il porte leurs espoirs, les espoirs d’une époque. Le porter, c’est les porter également. Il y a toujours de l’espoir, tant qu’il y a des gens pour le porter, pour y croire.

Les lumières s’éteignirent et le bruit ne tarda pas à en faire aussi, alors que la voix du Phénix se joignait à celles d’autres, bien plus jeunes, en un murmure excité : ça commençait. S’adossant, Rachel ferma un instant les yeux, tachant de poursuivre son voyage et de ce revoir, au côté de sa sœur et de son père, ayant bien « veillé » (fait chier) à ce qu’Emma soit à l’autre bout de leur quatuor, en train de s’apprêter à rêver les yeux ouverts, du haut d’une naïveté qu’elle n’avait plus, mais d’une innocence qu’elle avait encore.

Ororo le lui avait dit, même si elle l’avait contredit par pur esprit de contradiction sur l’instant : elle était l’innocence. Elle était l’innocence et la culpabilité, l’humanité et la monstruosité. Mais elle allait se retrouver une fois encore, simple enfant devant un spectacle de conte de fée, et espérait de pas être la seule ainsi.

Haha ! Ororo avait mises les boites de popcorns entre elles, ne surveillant pas dans laquelle l’autre piocherait ; chose qui lui allait parfaitement d’ailleurs. Pas de vengeance sadique, gourmande et popcornisée. Tant mieux. Après, le Phénix devait éviter de s’enfiler l’entièreté du paquet. Apprendre à invoquer des popcorns, voici qui pourrait être une bonne évolution de pouvoir, tient ; elle savait déjà le faire avec la pâte d’amande, chose qu’elle distribuait durant les soirées films avec Caitlyn, ou qu’elle partageait avec Kaede et Jade quant c’était elle qui se trouvait à organiser la soirée (sisi, elle pouvait organiser quelque chose… au dernier moment et de façon improvisée, mais quant même !).

Le film commença et même si elle avait les yeux rivés sur l’écran, Rachel n’en percevait pas moins l’entièreté de la salle dans son esprit. Pourquoi Ororo la regarda-t-elle ? Elle l’ignorait, mais prit la peine de lui rendre son regard, et une fois le top départ donné sur la possibilité de manger du popcorn, il y eut de temps à autre un grain (sucré) qui s’envola vers elle, semblant bondir du paquet pour directement allait à destination de sa bouche. Le Phénix eut droit à un nouveau regard lorsqu’une enfant chuchota à sa mère, et si cette fois, elle ne le rendit pas, elle baissa un instant les yeux et ne put s’empêcher de sourire ce même instant.

Oui, elle avait parlé en son temps, non à sa mère, qu’elle n’avait jamais connu, mais à sa sœur (durant une bonne partie du film), à son père, et même à Emma, pour lui dire qu’elle était une mauvaise reine blanche puisqu’elle faisait pas de la neige, elle ! Mais désormais, elle faisait le parfait silence.

Et oui, ce film leur correspondait à chacune d’une certaine façon. Sans doute Ororo aurait-elle put faire pleuvoir la neige et la glace, mais l’histoire en elle-même ne devait que peut lui parler, alors que la sœur dotée de pouvoirs et la perte d’un parent, le Phénix avait connu. Sa mère avait été tuée par les Shi’ar alors qu’elle n’était encore qu’un nourrisson, nourrisson qu’ils marquèrent d’ailleurs de la Marque du Falkon, immense tache de naissance lui prenant la majeure partie du dos. Et elle n’avait jamais acceptée Emma comme une mère, c’était plus une relation de Némésis à sens unique, surtout suite à la naissance Ruby, donnant une nouvelle personne à disputer à sa belle-mère. Ruby n’invoquait pas de neige, non, et était la cadette, mais elle était la mutante des deux, celle qui maitrisait ses pouvoirs et était exceptionnelle, alors que Rachel était l’humaine, s’émerveillant et testant les limites des capacités de sa sœur avec espièglerie. Jamais Ruby n’avait eut à s’enfuir, non, mais elle était l’étrangeté que les étrangers montraient du doigt, et par plusieurs fois, la rousse avait eut l’impression d’être la seule à croire en sa sœur. Il y avait eut des accidents, oui, une fois, sa cadette avait pulvérisé la baie vitrée du réfectoire, ayant perdu le contrôle de son rayon optique suite au stress. Mais cela n’avait nullement effrayé l’autre, et tous avaient pardonnés. Et aujourd’hui, ce n’était plus envers Anna que Rachel s’identifiait, et sa coiffure en témoignait ; oh, elle n’était pas réellement la Reine des Neiges, mais elle était tellement plus : le Phénix. Et les questionnements d’Esla envers ses pouvoirs et son devoir, voilà qui la touchait réellement, comme cette possibilité de s’isoler du monde pour s’exprimer pleinement et protéger les autres d’elles, qui viendrait plus tard dans le film. La rousse avait déjà connu cela, et avait simplement fait le choix de rester pour ceux qui l’aimaient. La plus grande différence était à ses yeux la différence de la perte de contrôle : Esla créait un hiver éternel,  tandis qu’elle-même déchainerait un enfer ardent qui réduirait à néant toute vie sur Terre… d’un autre côté, elle avait fait ce qu’il fallait pour que cela n’arrive jamais : les X-Men, ses compagnons et équipiers, avaient les connaissances nécessaires à la tuer définitivement si elle était consumée par les flammes. Il n’y aurait jamais pareille trahison dans un conte Disney.

Etait-ce les hormones qui firent pleurer Ororo, ou la séparation des deux sœurs ? Comment aurait-elle réagit en apprenant que Rachel et Ruby, plus qu’être séparées, avaient été éduquées, l’une dans le but de chasser et tuer les mutants, et l’autre dans celui de mener la résistance mutante envers et contre tout ? Il y avait la peur, il y avait le contrôle des pouvoirs et il y avait la responsabilité, et il y avait également eut la confrontation des deux, et la fuite de la plus puissante.

"elle ne te rappelle personne ?" demanda Ororo suite à un éclat de rire, faisant sourire Rachel à son tour.

- Cait’, murmura-t-elle à son tour. Mais elle, elle dort à poils.

Ça, c’était fait. Comment elle le savait ? Bah… c’était le Phénix ! Comme la chambre d’Ororo, celle de Jub’ et celle d’Emma, la chambre des Elioth de Lauro était à portée des sens psychiques de Rachel, ainsi « voyait-elle » tout ce qui s’y passait sans avoir à y prêter attention.

La suite continua pour le plus grand amusement de la future mère, qui se laissait prendre aux trames du scénario là où la rousse savait déjà de quoi il en retournait ; il ne s’agissait plus de découvrir la fin, mais de redécouvrir le parcours, et de faire découvrir l’un et l’autre à une tierce personne qui semblait bien apprécier. Nouveau regard, plus insistant cette fois, lorsqu’il fut question du prince charmant.

C’était également dans les glaces que le Phénix avait découvert l’amour, dans le froid mortel des camps d’extermination ; il ne s’agissait nullement d’un charmeur, il ne l’avait jamais draguée ou rencontré à une fête. Il avait simplement prit soin d’elle alors qu’elle guérissait de ses blessures physiques, tentant tant bien que mal de la faire guérir de cette de l’âme et s’acharnant à lui faire découvrir l’espoir ; il avait remplacé la haine de l’Homme par l’amour d’un homme, ange-gardien l’ayant veillée et protégée durant des mois. Kate avait été sa mentor et sa gardienne, comme Caitlyn avait su le devenir, protégeant son cœur des autres comme de lui-même, mais Franklin avait été à l’intérieur même de celui-ci, se frayant un chemin doucement mais surement, finissant par la connaitre dans toute son humanité comme sa monstruosité, et en tomber amoureux. Cela n’avait pas été franc, cela n’avait pas été déclaré, mais avait fini par éclater. Comme Anna et Kristoff. Sauf qu’il avait finit par la mettre enceinte, comme l’était Ororo, et qu’il s’était sacrifié pour elle… comme tous les autres…

Il serait bientôt temps de partir à l’aventure, refaisant un chemin qu’elle connaissait tout en sachant qu’il était différent, tout comme l’était sa perception du film. Et elle voulait qu’il soit couvert d’une neige d’espoir, car c’était l’une des seules motivations des humains, et que c’était celle qu’elle voulait partager. Plus de peur, plus de haine, juste l’espoir dans le monde et dans les autres.

Elle avait traversé le désert hivernal de son monde pour retrouver une famille dans celui-ci ; une famille différente, mais une famille quant même. Elle n’avait fêté le renouveau ni même retrouvé le cadeau de l’amour, mais elle savait qu’elle pouvait aider d’autres, et porter à nouveau les espoirs d’un monde mourant pour que celui-ci ne le devienne jamais.

Ororo remarqua bien vite l’appel du popcorn, et l’utilisation de la télékinésie pour se faire, mais il sembla au Phénix que ce ne soit nullement pour cacher ce fait, mais bien par bienveillance, que la femme lui fit passer sur les genoux ; s’arrachant au film, la rousse la regarda quelques instants avec perplexité, puis un fin sourire et dessina sur son visage et elle hocha la tête en clignant des yeux, signe muet de sa gratitude. Non seulement elle n’était pas punie, mais en plus elle venait de gagner l’exclusivité du paquet : jackpot ! Néanmoins, elle ne s’arrêta pas là, et d’un geste de la main, plaça l’autre paquet sur les genoux d’Ororo, clignant d’un œil.

Puis la suite se poursuivit, Rachel ne se réjouissant plus de l’arrivée d’Hans, qui aurait beau ce la jouer Prince Charmant, finirait encore plus mal que dans Shrek, bien qu’il fut très compétant en effet ; ce qui était logique, car les plus intelligents avaient toujours tendance à manipuler les autres pour atteindre des choses qu’ils n’étaient pas sensés pouvoir atteindre ; chose qui justifiait que le Phénix préfère rester conne, même si c’était parfois plus intelligent d’être con dans la vie, car moins prise de tête… et elle était bien parti pour le faire, d’ailleurs, ni l’intelligence ni la connerie, juste la prise de tête.

Un soupir d’Ororo attira son regard, mais elle n’en détourna pas pour autant le visage de l’écran, restant silencieuse mais observatrice. La jeune femme n’en perdait pas le nord, même si elle semblait absente et était partagée entre de nombreuses considérations ; le film devait aider l’X-Woman et future mère à renouer avec une chose qui lui serait, aux yeux du Phénix, indispensable pour l’avenir. Il y avait plusieurs moteurs pour les cœurs des hommes, et les plus beaux d’entre eux étaient amour et espoir, égaux en puissance avec haine et résignation, sachant qu’ils n’étaient pas aussi opposés que l’on pourrait le croire. Mais ce n’était pas l’enseignement qu’elle voulait partager ce soir, et c’étaient des questions de philosophie, surement.

Puis à la fin du bal vint non pas le processus d’émergence, mais celui de dévoilement ; l’Apocalypse, dans le sens premier qui était celui de la levée du voile. Et la peur, la peur engendrant la peur, peur des uns, peur des autres, peur de soi ; la peur menait à la perte de contrôle, au rejet… le chemin du côté obscur, en quelque sorte, oui. De toute façon, Star Wars aussi, c’était de Disney !

Cette réaction de rejet, la plupart des mutants l’avaient connue ou la connaitrait, de la part des humains, voir d’autres mutants. Rachel l’avait connu de ces derniers, parce qu’elle était l’une des Warhound, et cela avait faillit lui coûter la vie, et risquait de la connaitre à nouveau, parce qu’elle avait dépassée la condition de mutante de par son élévation en tant que Phénix. Jade l’avait qualifiée de « Dieu des Mutants », même s’il aurait été plus juste de la qualifié de Dieu tout court, mais ce n’était pas là ce qui la caractérisait le plus ; elle était devenue le Phénix pour son humanité, et Exodus avait raison sur le fait qu’elle ne devrait jamais l’oubliée. Trouver l’équilibre entre les forces opposées, trouver leur complémentarité ; l’innocence et la culpabilité, l’humanité et la monstruosité, la gentillesse et la cruauté, la jeune femme et la limier, l’humaine et la divinité…

Mais au-delà de cela, au-delà de cette réaction réelle d’adulte, de ce rejet par la peur, qu’y avait-il dans le regard de ceux qui n’avaient pas encore intégrés que c’était un danger ? Et même, leurs parents étaient-ils effrayés ? Non, car c’était une invention, une fiction, alors ils acceptaient et admiraient, ils suivaient l’histoire. Pourquoi cette incapacité avec leurs contemporains ? Avec les autres ? Parce qu’il n’y avait rien de préconçu ? Parce que c’était « réel » ?

Ou simplement parce qu’ils ne comprenaient pas ? Ils comprendraient les personnages, à la fin du film, et tout serait bien qui finirait bien, comme de norme, mais dans une chose n’ayant pas réellement fin comme la vie, dans une chose où le point de vue était limité à un seul, entièrement subjectif, comme comprendre ? Par l’éducation, tout simplement. Le tendre la main, la bonne volonté… toutes ces choses que tentaient d’enseigner l’Institut, et qui rendaient les X-Men plus importants et engagés que de simples soldats.

"Du déjà vu n'est ce pas," lui murmura Ororo en parlant du Duc de Weselton.

- Euh, répondit Rachel en se penchant à son tour, pour faire le moins de bruit possible en parlant, c’est pas faux.

Merde, c’était qui ce con ? T’Challa ? Non, Rachel n’avait pas assez de mauvaise foi pour lui faire porter ce chapeau-là. Xavier ? Stupide. Il y avait qui d’autres… Warren ? Non, l’était gentillet Warren, toujours à vouloir trop rendre servir et à être occupé quant il y avait du danger. Alors qui ? Chamber ? C’était un nez similaire, mais non. Bon, elle demanderait plus tard, sauf si elle oubliait ou qu’elle ne jugeait pas ça important en fin de compte.

D’autant plus que la chanson approchait ; et s’il n’y avait un moment à ne pas rater dans le film, c’était bien celui là. Bon, les studios Disney l’avaient spoiler de partout sur Youtube, mais la chanson restait en elle-même THE chanson du film. D’ailleurs, sur les deux Oscars que récolterait le film, l’un serait pour Let it go.


NdlA : pour des raisons d’adaptation entre les versions originales (anglaises) et françaises, je propose une traduction de la chanson employée par le personnage d’Elsa en VO (interprétée par Indiana Menzel). Mon anglais laissant à désirer, il est possible que les formulations soient parfois erronées, mais le sens y sera.

Paroles:

Jusqu’où était-on prêt à aller pour pouvoir être soi-même ? Si les autres étaient incapables, voir refusaient, d’accepter ce que l’on était, pourquoi l’isolement n’était-il pas préférable ? Qu’est-ce qui avait retenue Rachel sur ce petit monde bleu alors qu’elle avait accès au grand et paisible royaume rouge de Mars ? Qu’est-ce qui avait retenue Ororo à l’Institution X plutôt que dans ses terres d’origines, où elle était considérée différemment ? Qu’est-ce qui pouvait faire que l’on continue de subir les chaos des autres ? La réponse serait donnée, mais la réponse était simple, et le Phénix espérait qu’Ororo la trouve seule. Elle-même l’avait fait, par la réflexion, puis le cœur, et cela lui avait prit une nuit entière. Ce film le faisait en trois quart d’heure, à ses yeux.

Cette chanson, toute aussi énergique et joyeuse qu’elle fut, laissa Ororo étrangement triste. Alors, Rachel sut qu’elle avait comprit, et fit la seule chose qui lui passait par la tête, ou par le cœur, ça revenait généralement au même considérant son équilibre des opposés. Prenant une pleine poignée de popcorns sucrés, elle la tendit à son vis-à-vis, la regardant et lui souriant. On ne trouvait pas l’espoir ou les réponses à la moitié du chemin, il y en avait tout au long, jusqu’à la révélation finale.

Se replongeant dans la fiction sans rien dire, elle retourna à ses pensées lors de l’arrivée du blond aux yeux bleus, car même si Franklin n’avait pas été élevés par des trolls (bon, Ben Grimm avait un lien de parenté, surement, mais Rachel préférait éviter de plaisanter sur le dos des Quatre Fantastiques, considérant qu’il avait fallut les deux meilleurs Limiers pour les réduire à l’état de cadavres sanguinolents, et donc qu’elle avait le sang de sa belle-famille sur les mains), même s’il n’avait ni été montagnard, ni physiquement bâti comme un roc, il était apparut dans les ombres et les glaces, et était resté là, malgré tout, jusqu’à la fin. Jusqu’à sa fin.

Le geste d’Ororo, Rachel l’eut également, mais si la future mère eut pour réponse la vie, la veuve eut droit à la mort, sa main se refermant doucement et son visage se détournant dans une crispation douloureuse. Il y avait tant de fantômes, alors même qu’elle les avait laissés partir… Il y avait à ses yeux autant de morts que de vivants, et si contempler les seconds ne la renvoyait pas toujours aux premiers, elle ne pouvait, en se retournant, s’empêcher de les voir. Yeux clos, le Phénix se dit que cela faisait parti de son équilibre, que de voir tant de vivants que de morts, c’était un équilibre tout aussi cruel que celui entre son humanité et sa monstruosité, que celui entre son innocence et sa culpabilité, et elle ne devait pas le renier plus que les autres ; elle était l’incarnation de la vie et de la mort, ne devant nullement pencher d’un côté, à l’instar des mortels. Un poids de plus en son cœur que nul ne comprendrait jamais, et que rares devineraient.

Retournant au film sans verser la moindre larme, le Phénix tâcha de s’y oublier cette fois, mais elle ne sourit nullement à cette déclaration qu’aucun personnage du film n’osait faire au personnage d’Olaf, concernant son rêve d’été. Il fallait croire, et même si le personnage le faisait avec naïveté, il fallait toujours croire un minimum et avoir des rêves pour avancer. On en revenait sur les moteurs humains, et les espoirs étaient parmi les principaux et les plus faciles à avoir.

Elle n’ajouta rien, contemplant l’arrivée des personnages principaux au château de glace de la Reine des Neiges, sachant que les moments dans lesquels elle se reconnaitrait le plus se dérouleraient dans son enceinte, pour le meilleur et pour le pire.

Une main dans une main, l’une serrant l’autre pour lui transmettre sa force de conviction, son soutien ; elle ne bougea pas mais elle n'ignora pas le geste non plus car ses doigts rendirent la prise à l’égal mesure du réconfort que cette dernière lui apportait. Le Phénix eut de la gratitude pour Ororo, même si elle ne la regarda pas ; plus que s’oublier dans le film, la jeune femme n’oublia pas cette chose dont elle avait toujours cruellement eu besoin mais que tant n’hésitaient pas à lui apporter ; et elle remerciait chacun d’entre eux. Ça comptait pour elle.

Les leçons furent données, les preuves et les versions des faits apportées, tandis que le rythme s’accéléra pour le troisième acte. Le regard d’Ororo ne trouva aucun écho chez la jeune femme, qui ne détourna le sien de l’écran, quant bien même elle n’était pas sure de réellement le voir. La bataille dans le palais de glace et la question du monstre, d’où pouvait-on aller sous la colère et face à la haine d’autres. Un génocide, c’était là la double réponse que fournissait Rachel, par expérience personnelle plus qu’au regard de l’histoire d’ailleurs. Cependant cela valait pour les deux partis, alors elle n’en jetait la pierre à personne car la seule à avoir raison était celle tendant vers l’acceptation, à ses risques et périls. Ils auraient des sacrifices à faire, oui, mais n’en faisaient-ils déjà pas ? N’était-ce pas le prix pour changer le monde ? Et tant qu’ils réussissaient, n’était-ce pas le plus important ?

Il n’y avait pas de réponse à cette dernière question ; le Phénix avait vu trop de gens mourir pour réellement répondre oui, quand bien même c’était là la croyance des défunts, cependant répondre non signifiait qu’il fallait mieux ne pas se battre et ôtait toute la valeur aux sacrifices accomplis. Une grande inspiration, puis une expiration nasale pour camoufler un soupir, ce fut tout ce qu’elle pout déclarer.

L’emprisonnement fit bien plus d’effet à la future mère qu’à l’ancienne car, plus que connaitre la fin, le vécu la faisait se refermer une fois encore. Mais plus que l’emprisonnement, qui pourtant était l’une des peurs du Phénix, c’était le mensonge le véritable danger. L’emprisonnement pouvait être perçu comme un sacrifice, un chemin de croix, alors que le mensonge n’était rien de plus que l’outil des malveillants et des malfaisants, un insidieux poison qui avait réussi à l’atteindre même à l’Institution Xavier.

Quant au sacrifice de sa vie… c’était une agréable surprise d’éviter le piège bateau de placer l’Amour avec un grand A comme solution à tous les problèmes, choses généralement faite par Disney dans sa section « jeunesse », et l’amour fraternel ainsi que le choix de donner sa vie était une forme nouvelle et tout aussi véridique que l’autre. Rachel l’avait déjà fait, ce choix, c’était ainsi qu’elle était devenue le Phénix, en offrant sa vie mortelle à Caitlyn lors des événements de Décembre, et sans doute fusse pour cela qu’Ororo la regarda. Elle hésita et si son visage se tourna légèrement, bouche entrouverte, elle ne trouva rien à dire et ne dit rien. Ses lèvres se fermèrent sur un petit sourire gêné, et elle se détourna pour en revenir au film, plus par fuite qu’autre chose. Tout n’était pas terminé, non, mais l’histoire était au quatrième acte, sa résolution.

L’histoire se finit et la chanson revint pour le générique, chantée par une autre chanteuse et dans une autre version, mais le brouhaha ambiant et le désintérêt total de ceux qui le faisaient ne permettraient pas de l’apprécier à sa juste valeur, ou de rendre aux créateurs de ce film la considération qu’ils méritaient. La consommation était finie et l’attention ne lui survivait pas.

"Tu avais raison c'est un très beau film. Merci."

Un simple sourire, alors qu’elle était contente de cette déclaration, même si son seul mouvement fut de tourner la tête vers une Ororo déjà sur le départ. Rachel laissait les autres s’exciter et s’en retourner, se bousculer ou se tasser pour une sortie qui serait toujours là quelques minutes après ; elle n’aimait pas les foules et les évitait, laissant ses constituants s’évacuer avant d’elle-même s’en retourner également.

"Ça te dirait d'aller manger un morceau ?"

Son sourire changea, ne témoignant plus d’une joie altruiste en écho à celle de son accompagnatrice mais d’une autre bien plus égocentrique et qui pouvait se résumer au simple mot « manger ». C’était un fait notoire qu’elle mangeait beaucoup, surtout de la viande mais beaucoup quant même ; comme pour le sommeil, après les privations qu’elle avait connues, le Phénix ne se restreignait pas maintenant qu’elle avait la possibilité d’en avoir à l’envie. Rattraper le temps perdu, en quelque sorte, même si elle avait toujours les marques de son passé, tant dans le fait qu’elle dorme en position fœtale de préférence avec le dos au mur ou encore qu’elle soit une grande amatrice de viande rouge.

- Oui, répondit-elle simplement, hochant la tête au cas où sa fluette voix serait étouffée par le volume sonore ambiant.

Rachel finit par se lever pour suivre Ororo jusqu’à la sortie, tant de la salle que du cinéma, sur le palier duquel elle s’arrêta. La nuit était tombée et la plupart des spectateurs s’en rentraient chez eux, à pied ou en voiture, mais il en restait quelques uns, que les raisons fussent un passage aux toilettes ou une pause cigarette, des enfants récalcitrant ou qu’ils n’aient nullement à se presser. Immobile depuis son point de mire, la jeune femme les regarda, un à un, mains sur les flancs et lèvres légèrement plissées. Elle avait jeté son paquet de pop corn, vide depuis la moitié du film, à l’intérieur, mais ce fut les autres activités diverses et variées de fin de film, toutes si semblables et si « normales », qu’elle regarda.

- Dis, est-ce que tu crois que si un mutant se révélait, là maintenant, ils seraient enclin à l’accepter ?

Elle se tourna vers Ororo, attendant sa réponse dans l’incertitude.

- Dis, est-ce que tu crois que si un mutant se révélait, là maintenant, ils seraient enclin à l’accepter ?

Une hésitation : Ororo ouvrit la bouche pour répondre mais alors qu’elle la refermait sur un soupire, Rachel détourna le regard. Peut-être était-ce trop tôt, pour les uns comme pour l’autre, peut-être n’était-ce pas suffisant. Soit, elle attendrait un autre jour, elle attendrait un autre temps, après tout elle allait y consacrer sa vie et il lui restait tant d’années à sacrifier.

"Je ne sais pas Rachel… vraiment pas…"

Un petit sourire ce dessina sur les lèvres du Phénix car il n’y avait qu’un seul moyen de savoir à ses yeux : découvrir. Ils seraient sans doute surprit, en effet, mais après ? Oh, qu’Ororo l’engueule ou pas, la jeune femme s’en foutait royalement, c’était véritablement la réaction des gens qui l’intéressait ; et l’évolution de sa pensée, ses doutes, voici qui était encourageant. Oui il avait fallut se cacher à l’époque où ils n’étaient pas encore apte à ce défendre, et oui il valait sans doute mieux que l’école le reste, mais en tant que mutant, si tous continuaient de ce cacher, comment avancer ? Comment faire avancer les choses sans leur faire face ? Qu’ils soient crédules ou influencés en ce moment ne changeait rien à leur nature profonde, aux yeux du Phénix, et effectivement il n’y avait qu’une seule façon de savoir si oui ou non ils étaient prêts à accepter. Qu’en serait-il demain ? Leurs avis changeaient donc si vite ?

Non, les enfants n’oublieraient pas, ils apprendraient, aux adultes à savoir en faire de même. Quand aux réactions imprévisibles… toutes celles des gens d’ici nullement guidés par l’instinct de survie l’étaient, pour Rachel.

"A quoi tu penses… quel genre de révélation ? Si c'est de passer en mode Phénix… là… je ne suis pas d'accord… c'est trop dangereux et tu le sais…"

Mode Phénix ? Rachel regarda Ororo sans savoir si elle avait comprit la moindre chose concernant sa nature cosmique et ce qui lui était arrivé en décembre.  Elle était surprise, oui, un peu atterrée aussi.

- Je suis le Phénix, corrigea-t-elle dès qu’elle en eu l’occasion. à chaque seconde que je vie, à chaque instant qui s’écoule, je suis Rachel et le Phénix, il n’y a pas de distinction. Il n’y a pas de « mode Phénix ».

Traduction elle était tout aussi dangereuse qu’on pouvait le craindre à chaque instant, même si part « mode Phénix » on pouvait entendre ce qu’elle-même nommait les « Instincts ». Oh que oui, elle était terrifiée à l’idée d’un jour consumer ce monde mais ce n’était nullement un mode, juste son devoir. Son hypothétique devoir.

- Mais je parlais d’un mutant, pas de moi ajouta-t-elle pour rassurer Ororo.

"Allez amuse toi mais reste raisonnable. Prouve-moi que je me suis trompée… Prouve moi que l'espoir existe et qu'il est là… que ces enfants sont notre espoir…"

Rendant son sourire à la femme, sa cadette ferma les yeux.

Quelque chose passa prêt d’elles, sortant du cinéma portée par ces petites jambes. Quel âge avait-elle ? 4 ans ? 5 ? Une enfant, une petite fille, vêtue d’un chaud manteau et d’un épais pantalon, ainsi que des après-ski et des moufles. Une blondinette qui promenait son regard dissimulé derrière des lunettes teintées aux alentours, un air inquiet se dessinant sur son visage poupin. Poupin et rouge. Cela ne se voyait qu’à son visage, tout le reste caché sous ses épaisseurs hivernales tandis que sa chevelure était d’un blond naturel, mais cela sautait aux yeux dès qu’on lui faisait face. Ça peau n’était pas seulement rouge, non, elle semblait faite de rubis ; de rubis organique. Et elle était là, regardant et marchant aléatoirement, répétant cette même question avec pour seule variante.

- Vous avez vu ma maman ?

Rachel restait immobile, yeux toujours clos, attendant les réactions des gens face à ce symbole de l’innocence transfiguré par la mutation, une mutation aussi visible que dangereuse, d’où la présence des lunettes malgré la nuit tombée.

- Vous avez vu mon papa ?

Oui, les mères pouvaient craindre pour leur enfant mais qu’en serait-il de l’enfant d’un autre ? De l’enfant mutant d’un autre ? Ce n’était pas une allégorie d’elle-même que Rachel leur présentait ici. Non, c’était un souvenir vécu, pas lié à cette soirée mais à une autre fois, l’un de ses nombreux manques puisqu’alors que ses parents étaient tout deux occupés et hors de vu, lui ayant confiée l’autre petite mutante, elle avait décidé d’en faire de même, s’occupant à se cacher hors de vue.

Le Phénix dégluti péniblement sans rouvrir les yeux, percevant parfaitement ce qui se passait de toutes les manières. Sa respiration commençait à s’accélérer alors qu’une larme s’échappait de son œil gauche, une larme reflétant une étrange lumière flamboyante.

- Nous n’héritons pas de la terre de nos ancêtres, nous l’empruntons à nos enfants, déclara-t-elle doucement. Erik Lehnsherr m’a dit cela, un jour. Les enfants ont toujours représenté l’espoir mais c’est surtout pour eux que nous devons l’avoir.

Elle avait eu les meilleurs espoirs du monde pour son fils, elle les avait partagés avec beaucoup d’autres et elle était la seule à s’en être sortie, pas même son enfant. Mais elle n’avait jamais perdu l’espoir et continuait de se battre pour les autres et leurs enfants. Elle plaçait de l’espoir en Ororo, elle avait de l’espoir pour l’enfant d’Ororo, cette petite fille à naitre. Elle essayait également d’être un phare d’espoir ici parce qu’elle était une étoile : les étoiles que l’on percevait était du passé mais permettait d’acheminer dans le futur. Son passé était un futur et elle faisait et ferait son possible pour que celui-ci soit plus radieux. Pour que les futurs enfants n’aient jamais à connaitre ce qu’elle avait connu, pour que les morts ne l’aient pas été en vainc et pour que les vivants puissent vivre heureux.

Le Phénix comprenait le combat de la Confrérie pour la Survie mais elle préférait celui des X-Men pour le bonheur ; leur principale différence se situait dans qui ils plaçaient leurs espoirs, envers qui ils tendaient la main.

- Vous avez vu ma maman ?

Allait-on la tendre vers cette enfant ?

De tous, se fut Ororo qui réagit la première en portant une main à son ventre et en laissant s’échapper une larme tout aussi sincère que celle de Rachel mais néanmoins très différente de par le ressenti dont elle témoignait. Le Phénix avait-elle blessée celle à qui elle espérait donner de l’espoir ? Ce genre de maladresse était parfaitement dans ses cordes et même si elle ne le souhaitait pas c’était possible car oui, cette illusion s’adressait aux mères et qu’y avait-il de plus sensible qu’une future mère ? Qu’une future mère ignorant si son enfant serait mutant ou non. Oui, il y avait du Emma Frost dans cette petite, littéralement, et suffisamment de point communs avec Rachel pour qu’on en déduise un lien de parenté proche, un géniteur commun, mais elle pouvait en effet représenter toutes les enfants perdues à un moment ou un autre de leur vie. La proie d’humains malveillant, non, mais celle d’un monde indifférent, oui.

"Rachel…"

La concernée ouvrit la bouche, inspirant pour répondre, mais les mots ne vinrent jamais ; que dire ? Elle n’avait pas voulu blesser mais c’était trop tard pour choisir une autre méthode, c’était un dommage collatéral dont elle était désolée, certes, mais cela ne changeait rien : il fallait aller au bout maintenant. D’autant que le Phénix sentait sa prise sur l’illusion se dissiper, comme si son subconscient parlait à travers elle ; chose mettant toutes les personnes présentes en danger de mort.

Les illusions télépathiques étaient sensément contrôlées par son esprit, donc par elle, mais le Phénix avait un inconscient et sa maitrise instinctive pouvait le laisser s’exprimer. Hors les méandres de son esprit étaient les limbes de son passé, remplis d’horreurs et de violence, d’une cruauté aveugle et immorale ; Rachel avait souhaitée dévoiler Ruby, sa petite sœur perdue à l’époque où son innocence avait été à son paroxysme, pour voir ce que les humains verraient le plus de cette innocence additionnée à un besoin d’aide ou de sa mutation cependant elle ne pouvait plus savoir ce qui se tramait dans cette altération des perceptions d’autrui ; les choses bougeaient et elle n’en était que témoin, nullement maitresse, comme elle l’avait voulu. Un seul limier aurait pu tuer toutes les personnes présentes, même Ruby le pouvait d’ailleurs, et il y avait bien pire qu’eux tapis dans son inconscient.

Mais pour l’heure ça restait Ruby jeune, alimentée par le souvenir et aussi fragile qu’elle se devait, se laissant bousculer alors qu’elle aurait put arrêter net une voiture lui fonçant dedans. Elle retira même ses lunettes pour pleurer, ou plutôt faire ce qui s’en approchait le plus. Ruby Summers, la fille qui n’a jamais pleuré ; jamais de larme, c’était véritable mais ne pas être physiquement capable d’avoir des larmes ne signifiait pas qu’elle n’avait jamais eu de sanglot. Il y avait toujours eu cette distance entre ce que les gens croyaient et ce qui était réellement chez Ruby : ils la croyaient indestructible mais si elle l’était physiquement ne pas connaitre la sensation de douleur ne la protégeait nullement des souffrances morales, ils la croyaient incapable de pleurer mais elle était inapte à avoir des larmes, non à pleurer. Ses yeux étaient à l’instar de ceux de son père : de véritables bazookas. D’où les lunettes en quartz-rubis même si l’entièreté de son corps en était également. Elle pouvait retenir ses rafales optiques sans lunettes, oui, par la maitrise, mais il n’y avait plus aucune maitrise lorsqu’elle fondait en non-larmes. Il suffisait que l’enfant mutante ouvre les yeux et elle pulvériserait ce qui se trouvait dans son regard.

"Maman"

"quoi ?"

"Elle pleure"

Un instant de silence et beaucoup de pensée alors que la mère susnommée s’inquiétait pour l’autre partie de sa progéniture, nullement concernée par la discussion cependant.

"Hein… mais non… aller monte dépêche…"

"Si elle est tombée et elle pleure…"

Les enfants étaient l’espoir ; une adolescente l’avait été aussi mais les normes sociales l’avaient entravée, ces mêmes normes que l’Institution Xavier tentait de faire évoluer par l’enseignement à des personnes d’une idéologie qu’elles devraient à leur tour enseigner au monde entier. On opposait souvent le cœur à la tête mais en cette soirée il aurait plutôt fallut se plaindre du manque de cœur comme de tête de différent protagonistes anonymes, qui se conforteraient dans cet anonymat d’ailleurs et risquaient d’y périr quand bien même le Phénix interromprait ses connexions mentales dès que cela partirait en couille ; car il restait l’espoir que cela ne parte pas en couille. Elle voulait y croire.

"Maman… elle a mal…

Au corps non, au cœur oui.

" Chérie je…"

L’innocence était la chose la plus extrême au monde, faite d’inconscience et d’intention, sans limite dans ce qu’elle pouvait faire de bien comme de mal. Toute l’œuvre de Xavier débutait ici, avec l’innocence, qu’il fallait par la suite transformer en croyance en l’autre, l’ôtant de son ignorance pour en faire quelque chose de construit et d’altruiste, un espoir. Même si elle n’était pas une mutante, la jeune Sabrina venait de démontrer qu’elle avait parfaitement sa place dans l’Institution X de par cette volonté à aller vers l’autre et à l’aider malgré sa différence, elle avait même cette base immuable de ce qui devait constituer un X-Man. Hélas ce n’était que de la théorie et le temps transformait toute chose, ils n’y échappaient pas.

Les yeux de Ruby Summers étaient noirs aux iris rouges, et ils semblaient amasser en leurs coins des points de lumière noire, simple témoin des quantités infimes qui s’échappaient de ses yeux grâce à un contrôle qu’elle n’avait pas eu à cet âge. D’une contraction ou d’une réfraction de l’iris, la mutante aurait pu tuer les deux autres mais elle ne le faisait pas parce qu’elle était comme elles, dans leur innocence et leur absence de volonté de nuire. Peut-être que la perte de contrôle du Phénix n’était qu’une volonté inconsciente de maintenir la petite en vie, en existence, mais en tout cas il semblait que l’humanité s’y trouvait également, contrairement à ce qu’elle avait craint.

Et la leçon vint. La leçon qu’une mère avait faite à son enfant et que l’enfant avait apprise et récitait à la mère qui l’avait oubliée. Le tout avec une pointe de naïveté : c’était joli, non ? Une peau sans défaut semblable à une pierre précieuse mais aussi animée que les autres épidermes, ce n’était pas monstrueux quand on prenait la peine de la voir pour ce qu’elle était. Les yeux étaient les fenêtres de l’âme, c’était à travers les yeux qu’il fallait voir. Ruby avait des yeux différents, des yeux dangereux, mais n’en retranscrivaient-ils pas les émotions humaines également ? Et ceux changeant d’Ororo, lorsqu’elle activait sa mutation ? Et ceux hétérochromes de Rachel, lorsque sa puissance mentale devenait telle qu’elle en éclipsait l’œil gauche de sa lumière dorée et de la marque du Phénix ? Oui leurs âmes étaient différentes mais n’en retraduisaient-elles pas moins cette capacité humaine à ressentir ?

Non, ce n’était pas la meilleure des mamans, c’était une maman, tout simplement. Une merveilleuse personne peut-être, tout comme la fille l’était et, c’était à espérer, le resterait.

Ororo soupira et attira l’attention de Rachel, qui isola le flux de ses pensées parmi toutes celles qui lui raisonnaient dans la tête.

- Eduquer les enfants, oui. Ils éduqueront leurs parents à leur tour. Eduquer les adolescents, aussi, car une fois adultes ils pourront changer le monde.

Le Phénix continua à regarder avec distanciation ce qui advenait, n’ayant plus aucun contrôle sur sa projection et ne cherchant pas à l’avoir, et alors que les fillettes accomplissaient leurs activités de fillette, elle ne put s’empêcher de se souvenir qu’elle-même l’avait également fait, il y avait bien longtemps. Elle y avait même laissé le poignet une fois ; le hoquet, la super-force et les jeux de mains ne faisaient pas bon ménage. Puis l’intervention de l’adulte, ses raisonnements, tout filtrait dans l’esprit de la télépathe et l’idée d’impliquer la police la fit grimacer. Elle n’eut cependant pas à intervenir que déjà Sabrina remettait son grain de sel toujours en rapport avec le film précédent ; il restait à espérer que cette bonté n’était pas que passagère et fictive mais qu’elle perdurerait plus tard.

"Ok on fait quoi alors ?"

"Ben on la ramène chez nous…"

Ah, les humains, toujours à adopter des choses et à les ramener chez eux. Le début de la possessivité, de l’ambition et de plein d’autres choses exacerbées fonction de leur mode de vie. Mais ce n’était pas une mauvaise chose, cela dépendait encore et toujours de la personne, de ses désirs, de ses espoirs.

Ne pas croire que sa mère allait s’inquiéter ? Emma Frost était une mère exigeante et intransigeante mais même si elle se refusait à l’admettre, elle s’inquiétait toujours beaucoup pour sa fille, de même que pour sa belle-fille malgré qu’elle « s’en serait bien passé de celle-là vu le pourcentage de connerie qu’il y a dans ses activités ». Après, rester seule était un problème, plus que le froid que Ruby ne ressentait pas ou que le noir qui ne l’avait jamais effrayé puisque de toute façon, il faisait noir quand elle fermait les yeux ; raisonnement gamin mais expliqué très tôt et très souvent pour éviter qu’elle ne pulvérise ce qui se cachait dans le noir… Les recherches commencèrent et elles ne furent pas longues car dès que les regards se croisèrent, il devint clair de qui étaient les parents de la petite Ruby.

Un homme, grand brun dont le regard était dissimulé derrière des lunettes similaires à celles de la fillette, accompagné d’une femme, grande blonde une main sur le ventre, à regarder dans la direction de cette même fillette avec des traces de larmes sur les joues. Ororo ne l’avait pas remarquée mais dans ce monde illusoire, son apparence était différente, elle était celle de la mère de Ruby. Une mère qui prit la parole avec la voix adéquate, pour donner le change jusqu’au bout et de façon bien involontaire, même si à la différence du souvenir elle avait pleuré, elle était enceinte et non en train de pester contre une ainée irresponsable dont le « Quotient Intellectuel ne lui permettrait même pas de faire portière » ; ainée qui aurait le droit à l’engueulade de sa vie d’ailleurs.

"Je crois qu’elle est à vous," fut la phrase d’accroche déclarée par la mère alors que l’illusion tendait les bras vers son père, qui avait de toute façon toujours tenu le rôle du gentil (d’un autre côté en comparaison d’Emma Frost…).

Père qui réagit à la différence de Rachel en prenant son enfant dans ses bras avec un sourire, alors même que sa femme parlait pour lui, à l’initiative d’Ororo cependant.

"Merci," répondit une Emma émue dont seule l’émotion était réelle.

"Prenez en soin, les enfants c'est précieux"

- Oui, ils sont notre avenir, répondit le faux Scott avec un sourire.

"t'es sa maman ? Tu pourrais faire attention… elle était perdue…"

" Sabrina… on ne parle pas comme ça aux gens. Excusez-la…"

- Non, il n’y a pas de problème. En fait sa grande sœur était sensée la surveiller mais visiblement elle a fait un cache-cache sans la prévenir.

"Tu as tout à fait raison Sabrina, renchaina l’Emma-Ororo en s’accroupissant malgré son ventre rond, accomplissant un bel effort, excuse nous. On va faire très attention à Ruby. C'est très gentil à toi de t'inquiéter pour elle"

Se désintéressant de la fin de la discussion, le Phénix contempla une chose qu’elle n’aurait put jouer de façon aussi naturelle, toujours immobile mais désormais tremblante. Ce ne fut que lorsque ses personnages chimériques s’en retournèrent eux-aussi pour disparaitre dans les ombres après le départ de la mère et de ses enfants qu’elle-même reprit consistance, les larmes ayant continuée de couler, celles sur sa joue gauche reflétant toujours la lumière astrale.

"Rachel ça va ?"

- Je… j’ai perdu le contrôle, murmura-t-elle en tournant son visage aux yeux clos vers l’intéressée. Cette scène… elle était tirée d’un souvenir. J’ai abandonnée ma sœur. Pas cette fois là… mais la dernière fois où je l’ai vue… la dernière chose que je lui ai dite… alors même qu’on venait de se retrouver… c’est qu’elle… que…

Le Phénix ne termina pas sa phrase, son subconscient l’assaillant comme le lui faisait parfois pour la ramener dans le passé lors d’un bref flash, flash qui se propagea le long de sa connexion mentale.

Une salle souterraine centrée sur une table ronde. Ruby était là, elle devait avoir 17 ou 18 ans, pas plus, vêtue d’une combinaison entièrement noire sans manche, dont la fermeture lui enserrait le coup et était surplombé d’un médaillon en croix cerclée, symbole des X-Men, face à une Rachel aux bras croisés et adossé contre un mur dont les cheveux mi-longs encadrant son visage dur et fermé, vêtue d’un pantalon noir et de bottes de combat de cette même couleur, d’une brassière noire et jaune-orangée complétée par un système de protection noir et clouté partant de sa gorge à ses mains ; une tenue de combat Shi’ar. L’air de famille, sans sauter aux yeux, était bien là, dans les sourcils fins, dans le menton, dans le nez, dans la taille, dans la silhouette…

- T’es pas une arme, Rachel.

- J’t’en prie, Ruby, siffla-t-elle méprisamment, ne croit pas en ma bonté comme Xavier a crut en la bonté des Humains… C’est une perte de temps. Je suis une arme qu’ils ont créée et dont ils ont perdu le contrôle, rien de plus, et quoi que tu dises, cela n’y changera rien.

Ruby baissa les yeux sous le ton cassant de sa sœur, puis s’emparant de son collier, elle s’en ôta pour le serrer dans sa main.

- Nous n’avons que deux choses à défendre, nos vies et nos espoirs. Je ne renoncerais jamais ni aux unes ni aux autres.

La cadette releva les yeux pour faire face à l’ainée et lui tendit le bras, ouvrant sa main sur son collier.

- Reste avec moi, s’il te plait. T’es pas une arme, tu peux être autre chose. Rachel…

- Une X-Men ? demanda-t-elle avec agressivité, balayant d’un revers de main celle qui lui était tendue, expédiant le collier au sol, un peu plus loin. Je suis pas une X-Men. Je suis une Warhourd. TU es la fierté de Papa, moi, je suis celle qui l’a tué.

Se décollant du mur, Rachel s’en alla également vers la sortie, tournant le dos à son interlocutrice.

- Rien n’a jamais put me blesser physiquement, mais crois-tu que cela m’ôte tout cœur ? Je n’ai jamais réussi à verser une larme, mais j’ai eut tellement de gens à pleurer. S’il te plait, je ne veux pas te perdre toi aussi.

-  Tu as fait ton deuil pour moi il y a longtemps déjà, petite sœur. Ça ne devrait pas être trop dur de recommencer.

Le décor revint à la réalité alors que le Phénix ouvrait des grands yeux d’où toute sa puissance psychique c’était dissiper, prenant une inspiration tremblante. Regardant Ororo un instant, elle finit par prendre la parole non sans difficulté.

- Désolée… de tout ça. Je pensais pouvoir contrôler l’illusion mais… je voulais juste te donner de l’espoir, te montrer qu’il y avait des gens pour être humain, comme celle qui nous a rencontrée… ramenée…

Elle se mélangeait les pinceaux mais tout ce mélangeait en elle de toute façon, ainsi donc devait-elle mieux de concentrer sur ce qui les intéressait, sur ce qu’elle avait essayé de faire, avant de passer à ce que son subconscient lui avait craché à la figure.

- C’est en ces gens qu’il faut croire, dans le fait qu’il y en a et qu’on peut en former, en éduquer. Nous devons leur montrer l’exemple. Etre comme eux. J’ai vécu ce que cela peu donner si l’on échoue mais…

Nouvelle pause, le débordement d’émotion n’en compliquant que plus encore ses difficultés d’expression habituelle.

- On n’a pas encore échoué. C’est pour ça qu’il faut que tu gardes espoir : on n’a pas encore échoué. C’est pas trop tard. Pour ce monde, pour toi, pour ton enfant.  Ok ?

"Un bon repas va nous remettre de toutes ces émotions."

Il n’en était plus question et Rachel coupa court au sujet par l’ignorance pure et simple. Visiblement, le pire avait été évité, visiblement la manifestation du syndrome de répétition ne s’était pas transmise, ne s’était pas échappée. Le Phénix avait guéri de nombre de ses troubles mentaux, elle avait vaincue l’hyperexcitation somatique et la dépression, elle en avait presque fini du syndrome de l’évitement, mais le dernier, les flashs et les souvenirs récurrents, s’ils étaient plus rares à présents, continuaient de la hanté, dans ses rêves ou bien de façon plus intrusive comme maintenant.

Le Phénix n’avait pas réagit au premier contact d’Ororo mais lorsque la future mère passa sa main dans la chevelure rousse, la propriétaire se figea complètement, tremblante. Son regard fixé sur son vis-à-vis, elle écouta ses paroles et encaissa ses gestes prise d’une paralysie douloureuse. Perdue, elle était perdue, ne sachant comment réagir et n’arrivant plus à le faire, prise entre la surprise entrainant un violent rejet et l’impossibilité émotionnelle de rejeter ce qui se passait là comme la personne qui le faisait. Caitlyn considérait Ororo comme sa mère d’adoption et elle-même comme sa sœur d’adoption mais jamais Rachel n’en aurait généré de lien avec Ororo par contrecoup, ce n’était pas quelque chose de préétablit comme le sang pouvait le faire et c’était à chacun de s’y placer comme il le ressentait ; mais la mère de cœur de la sœur de cœur se plaça comme mère à nouveau et pour elle non pour sa sœur. Ororo était une mère, dans le cœur et dans l’âme, avait même que son corps ne commence à produire la vie ; c’était sans doute cet instinct maternel de protection qui l’avait conduit à l’oublié dans cette guerre mais désormais, par le travail de Caitlyn et celui de son propre enfant, elle le redevenait et cette bienfaisance s’étendait au Phénix également. Mais le Phénix avait déjà une mère, elle avait été enfantée par un autre Phénix qu’elle n’avait jamais réellement connue puisqu’il s’était suicidé sur la Lune alors qu’elle n’avait que quelques mois. Le Phénix, les pouvoirs et le physique avaient été son héritage, de même que la malédiction qui lui avait été scellée dans le dos et dans les gènes, et jamais Rachel n’avait acceptée d’autres mères. Par bien des aspects, Emma Frost en avait été une, une belle-mère mais ce qui se rapprochait d’une mère tout de même. Celle de ce monde avait eu espoir d’avoir une telle relation mais n’y était jamais parvenue et désormais c’était Ororo qui s’y tentait… mais elle ne réussirait pas non plus. Il n’y avait qu’une mère pour l’Echo, qu’une unique personne déclencheuse et il y avait une possibilité qu’elle soit vivante, quelque part dans le monde. Maigre espoir que celui d’ainsi trouver une personne qu’elle n’avait jamais vraiment eu mais Rachel savait survivre des plus petits espoirs tout comme s’en contenter.

Et sachant cela elle se libéra de ses propres chaines et ferma les yeux. La jeune femme se laissa faire, elle concéda, comme elle avait toujours concédée aux personnes qu’elle aimait, qui lui voulaient du bien et à qui elle voulait du bien. La plupart des gens d’ici progressaient et donnaient de plus en plus, elle, elle laissait prendre de plus en plus car là d’où elle venait il fallait tout donner ; car là d’où elle venait le monde était inversé. Rachel avait toujours eu besoin de contacts humains mais plus que les demander elle devait les concéder. Et se fut avec gratitude qu’elle concéda ce geste à Ororo, ce geste qui s’il n’était pas ce qu’il aurait dû était accepté comme il était. Pas une mère de substitution ni une nouvelle mère mais considérant qu’elle agissait comme telle, que c’était sa nature, il n’y avait pas à la rejeter pour cela.

L’acceptation de l’autre, le tendre la main, tout cela Ororo l’avait enfin retrouvé, c’était ce qu’elle lui disait et ce fut dans cette reconnaissance commune que Rachel s’apaisa.

"Triste comme eux, amoureux comme eux, inquiet et apeuré comme eux et que nous aimons nos enfants comme eux. Je crois qu'instinctivement cette mère l'a compris. Il n'y avait ni humain ni mutant, juste des parents dont l'enfant s'était perdu."

Le silence n’eut pour écho que le silence mais Rachel agit tout de même, déposant sa tête contre l’épaule qui lui était offerte. Elle ne pleurait plus, non, et elle savait qu’elle pouvait s’abandonner en toute confiance. Son souffle faisait brume, elle le sentait, elle le percevait même maintenant, tout comme l’expression d’Ororo qui ne tarda pas à reprendre la parole, le Phénix ne bougeant pas d’où elle était.

Une intrigue ? La fillette. Une hypothèse ? La sororité. Une question : qui est-elle ? Réelle, oui et non ; elle était réelle dans une autre réalité chose qui la rendait irréelle dans celle-ci. C’était une non-existence de plus, résultat d’une infime différence entre ce monde et l’un de ceux qu’il aurait pu devenir. Ororo n’avait pas besoin de réponse, elle les avait déjà, et elle se montrait même moins attentionnée que Rachel l’aurait crue : la mère, plus que la voir, elle en avait endossé le physique, durant l’illusion. Mais peut-être qu’à l’instar de la vision du passé cela n’était pas parvenu jusqu’à la future mère ou alors s’en était allé se réfugier dans son subconscient et peut-être en rêverait-elle plus tard. Rachel ne savait pas mais elle savait que si jamais cela arrivait, il était à craindre que d’autres choses ne se soient échappées et une vérification s’imposerait ; elle s’en voudrait surement d’avoir contaminée Ororo de quelque manière que ce soit, elle n’avait pas cherché à lui montrer le meilleur pour qu’elle entrevoie le pire.

Le Phénix resta encore sur ses positions alors qu’elle secouait la tête et soupirait car à défaut de lui rendre son étreinte Rachel s’était posée et il fallait plus que quelques secousses ou du vent dans les cheveux pour la faire bouger.

"Dis moi tu as vraiment voulu me redonner espoir ou me faire partager un moment de ta vie ?"

- Ma vie… c’est la chose la plus noire et douloureuse que j’ai vu. Kaede et Jade, je sais ce qu’elles ressentent comme on traversé car j’ai connu pire. J’ai subie des expérimentations et des tests comme Kaede, j’ai été lunchée et violée comme Jade… mais même s’il n’y avait pas toujours de l’espoir… le fait de vivre dans les ténèbres ne le rendait que plus brillant.

Ça, c’était pour la phrase littéraire qui venait de l’inspiration spontanée mais qui en définitive ne répondait pas réellement à la question. Attendant une bonne minute encore, Rachel finit par se retirer de l’épaule d’Ororo, reculant d’un pas avec un petit sourire.

- Je sais pas. Ruby m’a dit un jour que sur mon monde, nous n’avions que deux choses à défendre : nos vies et nos espoirs. Je pense que c’est lié.

Déglutissant pour se tourner vers la rue déserte de Salem, le Phénix respira quelques instants avant de poursuivre, épaules basses et un air désolé sur le visage.

- Ça t’embête si on rentre maintenant ? J’ai plus vraiment la force de faire un resto. Je crois que la seule chose que je vais faire c’est de me foutre dans mon lit et de dormir jusqu’à demain.

Ce n’était pas une fuite comme on pouvait le penser car le sommeil ne lui apporterait pas la paix mais bien la tourmente, Rachel le savait. Mais elle sentait également qu’elle ne parviendrait pas à ce défaire de ces idées et de cette visions ce soir, tant qu’elle ne l’aurait pas subie comme la douleur qu’elle était. Oui, sa vie était lié à l’espoir, à l’espoir d’autres pour elle et à leurs espoirs plus ou moins commun pour le monde et l’Humanité, mais s’il y avait eu des passages sans espoirs il y avait eu moins de passages sans douleur ; sa vie était tout aussi liée à la douleur qu’à l’espoir et ce soir si le second n’était en rien entamé la première venait réclamer sa part.

"Comment fais tu Rachel ?"

La concernée leva les sourcils, perplexe à cette question ; elle n’eut le temps de se poser plus amples interrogations qu’Ororo lui confirmait déjà, continuant sa pensée tant pour préciser sa demande et la développer, lui parlant de ce qui avait été dit et que, naïvement, Rachel avait crue lui avoir épargné. Pas une arme ? Ne pas se pardonner ? Avoir choisit de survivre ?

Ororo tentait de la rassurer, de la faire rationnaliser la situation. Non, personne ne voudrait se laisser mourir mais était-ce réellement de cela dont il était question ? Au début oui et la future mère reprenait les choses depuis le début. Cependant la préciosité de la vie ne plaidait pas en sa faveur, à l’inverse du binaire mais véridique « tuer ou être tué ».

Essayer d’aider c’était ce qu’elle voulait, y parvenir était une victoire ; une victoire d’autant plus belle lorsqu’on voyait une personne comme Ororo, déjà en train d’essayer de rendre la pareille, d’accomplir cette même action à son tour. Elle avait perdu l’espoir, perdu la foi, mais Rachel ne comprenait pas ce qu’elle entendait par « ne pas s’y perdre » ; elle-même ne s’y perdait pas, c’était même le moteur de sa vie, cette foi, désormais que l’instinct de survie et celui de vengeance l’avaient quittés.

Etait-ce par rapport à ce qu’elle avait fait ? Par rapport à ce qu’elle avait dévoilé à Ororo, involontairement d’ailleurs ? Surement car il n’avait jamais été question d’arme avant, durant cette soirée. Le Phénix ouvrit la bouche mais sa vis-à-vis n’avait pas fini et c’était tant mieux car elle ignorait quoi dire.

Non, l’amour fraternel ne disparaitrait pas avec de simples mots, ils avaient été incapables de le détruire et c’était pour cela que les deux partis avaient souffert, Rachel ne le savait que trop bien. Mais il y avait une chose qui semblait échapper à Ororo, une chose primaire qui rendait l’exemple de Caitlyn mille fois plus pertinent que le premier : Ruby n’existait pas ici. Elle n’était pas morte, elle n’avait même jamais existé. Oui, elles s’étaient engueulées entre sœur, Rachel en venant même à la traiter de caillou, et elles s’étaient toujours rabibochées, excusées et pardonnées, mais pour avoir le pardon il fallait avoir l’autre et l’une pour l’autre n’était plus qu’un lointain souvenir, séparées qu’elles étaient par un voile et croyantes en la disparition de l’autre, à nouveau. Et cette phrase avait été la dernière. Etait-elle impardonnable ? Elle serait dans tous les cas impardonnée à jamais. Il ne restait de cela que le souvenir. Le souvenir et un collier, ce pendentif dénué de plaques mais que Rachel portait tous les jours, qu’il soit visible ou pas, autour de son cou.

"Pourquoi avoir choisi Ruby… parce qu'elle te manque, parce que tu l'aimes malgré tout. Ce n'est pas un hasard Rachel."

Un sourire amer face à cette vérité, alors même que le Phénix détournait le visage. Oui, elle voulait qu’on garde espoir, particulièrement les personnes qui ne devaient pas le perdre car elles y consacraient leurs vies ; particulièrement les personnes dont le cœur était si important qu’emplit de haine ou d’amour il en oubliait tout le reste. Se faire confiance, ce n’était pas là son problème. Ce monde ne basculerait pas comme le sien, il n’était jamais dit qu’il ait à faire face à cette destinée et quant bien même elle s’était jurée de lui faire face et de la combattre jusqu’à la mort. Non, elle n’était pas toute seule, elle ne l’avait jamais été depuis que son père s’était sacrifié pour elle. Mais en quoi était-ce lié à sa confiance en elle ? Ne serait-ce pas plus à propos de la confiance envers les autres ?

Rachel releva le regard lorsque les mains heurtèrent ses épaules, la saisissant sans mal et avec la force de la bonté, alors qu’Ororo concluait son discourt par une demande ; une demande intitulée « faire quelque chose pour moi » mais qui en réalité tenait du « faire quelque chose pour toi ». Ne pas rester seule cette nuit, le Phénix hésita. Aller dans sa chambre ou dans celle de Caitlyn et d’Amy ? Bah c’était à dire que dans la chambre des Munroe-T’Challa il y avait le second et dans celle des de Lauro-Elioth elle ne pourrait pas vraiment dormir d’autant que ça n’allait pas tarder à être l’heure de la fin de leur strip-jeux de société et que les festivités commenceraient ; festivités que le Phénix risquait de réprimer violemment en disant que ce n’était pas le soir et que si on pouvait lui épargner ça elle en serait grée… du moins le temps qu’elle s’endorme. Un rêve tourmenteur de son passé prenait une tournure très étrange lorsqu’il se mélangeait à un ressenti érotique et généralement le subconscient ne se privait pas de mélanger les choses pour un résultat bien moins douloureux à défaut d’en être sensé.

"Tu n'es pas seule Rachel."

- Non, répondit-elle doucement. Y’a Kaede et Jade dans ma chambre. Elles ne sont pas encore couchées mais elles se tiendront tranquilles si je leur demande.

Etait-ce ne pas être seule ? Après tout, Kaede ne comprendrait pas et s’en désintéresserait avec la vivacité d’une enfant et si Jade comprendrait elle ne s’approcherait pas, elle ne dirait rien et laisserait l’autre se murer dans le silence comme elle-même le faisait. Rachel faisait son possible pour accomplir sa double-mission envers elles-deux, les surveiller et les guider, mais finalement Ororo avait eu raison dès le début : comment faisait-elle pour donner tellement et si peu vouloir en retour ? Le Phénix n’en savait rien mais sans doute ne demandait-elle pas, tout simplement.

Restant quelques instants à regarder dans le vide après cette simple constatation, la jeune femme releva les yeux pour sortir de ses pensées et terminer sur une note plus positive.

- Depuis que je suis arrivée en camp de la mort, je n’ai jamais été seule. Franklin, Magneto, Kate, Korvus… puis à nouveau Franklin, Caitlyn, Sanzo, Amy, et toi… Ne plus être seule est la grande chance de ma vie. Merci.

Souriant d’une gratitude teintée de tristesse, Rachel se détourna pour regarder la rue, les flammes du Phénix émanant d’elle, auréolant son corps d’un feu éthéré qui superposa à son apparence, au visage humain répondant celui aviaire de l’Entité. Et en ce jour, les flammes psychiques semblaient rouler telles des vagues à défaut d’être teintée de la couleur, onde lente et répétitive s’agitant tristement mais dégageant une écume d’espérance ; flammes qui se projetèrent un peu plus loin dans la rue, à quelque pas d’elles, illuminant les ombres de lumières irréelles et semblant empoigner la réalité même en un point avant de l’écarter pour, en un cercle, dévoiler un autre lieu qu’elles connaissaient toutes deux. Cour pavée donnant sur un bâtiment du dix-huitième dont la porte principale se dressait telle une muraille de bois bien qu’elle fut généralement ouverte, même à cette heure. Il n’y avait jamais eu pour pénétrer à l’Institution Charles Xavier qu’à savoir tendre la main.

En faisant de même avec Ororo, de la main et d’une certaine manière de l’aile, le Phénix lui sourit avec gratitude, son second visage se déformant étrangement d’une même manière que la bouche, puis elle commença à la guider pour franchir le trou de ver et rentrer chez elles. Si Rachel n’avait plus été seule depuis plusieurs années, elle n’avait plus eu de maison depuis que la précédente avait brulée ; c’était cela également qu’ils lui avaient donnée. Sa seconde chance.