Carrefour(s) Pv Laura Evans, Rachel summers et Caitlyn Elioth

Les buildings défilaient, laissant voir au loin les reflets de l’océan sous la lune, et elle regardait les gens marchant dans des rues parsemées des enseignes illuminées des magasins. Un instant, elle leva les yeux vers le ciel, entendant un appel et contemplant le grondement d’un éclair. L’air était frais en cette nuit, et le monde plein de problèmes, donc ils avaient besoin de croire en un être capable de les résoudre ; mais il n’était qu’imaginaire, et ils restaient tous sans le moindre plan, à essayer leurs idées et leurs innovations, à échouer à dompter la création. Combien, parmi eux, pouvaient voler ? Et combien s’en imaginaient capables ? Combien s’y essayaient ? Avec de telles pensées, les émotions tourbillonnaient.

Cela portait un simple nom : rêver.

Elle c’était déjà aventurée aussi loin, mais pas de cette manière, ainsi chaque nouveau mètre était une découverte, la poussant plus loin dans ce monde qu’elle n’avait pas exploré, qu’elle n’avait qu’à peine entraperçu. Elle regardait par delà la vitre baissée du taxi la Ville qui ne Dort Jamais porter son surnom, puis elle la regarda s'éloigner pour en découvrir une autre, le monde en portant une innombrabilité. Elle n’avait pas peur, non, elle contemplait simplement, avec distanciation, presque bercée par les mouvements du véhicule. Elle arriverait bientôt, elle le savait, elle le sentait, mais elle restait calme. Elle ne stressait pas. Ce jour était un grand jour pour elle, mais elle souhaitait le faire partager. C’était sa mission, c’était son défi, et elle n’en voudrait pas d’autre ; elle n’en voudrait pas d’autre car son but était justement d’aider. Elle savait qu’elle devrait faire face à ses failles, à ses faiblesses, et elle espérait juste être à la hauteur. Il n’était pas question de les décevoir, juste de réussir à sauver une personne ; comme eux, mais de manière différente. Elle s’était préparée pour cela, pour cette chose qu’elle n’avait jamais put accomplir chez elle, et qui signerait une nouvelle renaissance, une preuve de rédemption. Oui, elle aidait déjà d’autres, mais ce ne serait jamais suffisant. Ce ne serait jamais suffisant pour se racheter, pour sauver tous le monde, mais cela le serait pour quelques personnes, ce le serait pour leurs vies comme pour la sienne.

Il ne s’agissait pas de responsabilité, de droit ou de devoir, seulement de choix. Le reste viendrait plus tard, mais en cette nuit où elle pouvait en disposer, elle avait choisit d’en disposer, justement. Elle comptait faire les choses bien, elle savait comment cela s’était terminé entre les autres, elle savait comment les causes de tout cela s’étaient conclues, et elle savait qu’à défaut de devoir « rattraper » ou « faire mieux », elle devrait faire différemment. Elle était différente, des autres et en cette nuit, nombre diraient d’elle-même également.

Elle n’avait pas choisit le terrain, elle n’avait pas choisie la rencontre, mais elle faisait une confiance absolue en celle qui l’avait fait, et elle savait ce qu’elle-même faisait, du moins l’espérait-elle. Un simple rendez-vous, dans le Veterans Stadium de Bayonne, dans le New Jersey, un stade secondaire situé dans un parc de 200m², au sud de l’High School ; isolé, pas de témoins ni de civils la nuit, parfait. Elle s’y serait prise différemment, consciente que même dans une foule bondée, il n’y avait pas grand risque de danger, si elle était chargée de la sécurité, mais elle n’avait rien à redire, très occupée à chercher ce qu’elle devrait dire. Comme avec Ororo, surement, laisser parler son cœur et ses convictions ; elle devrait parler, elle devrait négocier, elle devrait compromiser aussi, surement, tout ce qu’elle n’aimait pas faire, mais elle estimait s’être suffisamment préparée pour cela. Etait-ce le cas ? Elle n’en savait rien, elle savait juste qu’elle se sentait prête, et que l’on ne pouvait jamais réellement l’être.

Le taxi s’arrêta devant le parc, et elle en descendit simplement. Ses talons heurtèrent le sol dans un léger bruit, alors que son jean frottait contre la banquette, et qu’elle se levait complètement hors du véhicule. Le chauffeur lui fit un signe de tête, signe qu’elle lui rendit, puis il redémarra et s’en alla, simplement. Elle dégluti, et regarda les alentours ; instinctivement, sa main quitta la poche de sa veste de tailleur pour s’en aller toucher la croix cerclée qu’elle portait en collier, symbole de l’une des deux choses pour lesquelles elle est ici. Oui, elle ne se voilait pas la face, elle était ici pour un test, et son test, c’était de sauver une autre personne, tant d’un organisme contre lequel aucune d’elles-deux ne peut rien tenter, que d’elle-même. Oh, ce n’était pas une mission des X-Men, non, c’était une mission de sa sœur, et ce test, elle était seule à se l’imposer. Elle s’était préparée pour cela, tant physiquement que psychologiquement, même si quelques détails restaient dignes de ses âneries habituelles, au premier rang desquels l’absence de chemise sous sa veste. Oui, ça et le jean nuisaient au costume traditionnel, mais elle ne jouait pas le rôle d’une personne traditionnelle, et si elle voulait être vêtue ainsi, c’était avec ces différences justement : parfois, elle était à un monde de celui-ci, et dans le cas contraire, elle n’en restait pas moins une enfant d’adoption, ainsi ces quelques différences étaient importantes, à ses yeux. L’imitation des vêtements par les molécules instables en faisait partie, d’ailleurs, ce n’était qu’un détail de plus qui la déphasait, qui lui permet de prendre du recul ; un recul que peu avaient, et que la personne qu’elle allait rencontrer n’avait certainement pas. Ne c’était pas un blâme, c’était une constatation, et c’était bien parce qu’elle disposait de cet atout dont était privée l’autre qu’elle espérait pouvoir l’aider.

Il ne s’agissait pas de combat, il ne s’agissait pas d’être la plus forte, de régler un différent, d’être plus efficace ou performante, il s’agissait simplement d’aider, simplement de parler. L’autre ne l’entendrait surement pas de cette oreille, à elle de parvenir à attirer son attention, à elle de se montrer au-dessus de la puérilité et des enfantillages, à elle de ne pas réagir lorsqu’on lui criera « BAGARRE ». A elle de se faire porteuse de la paix, de l’aide, à elle de tendre la main, à défaut de le faire pour la joue.

Oui, cela était parti d’un pari, entre deux jeunes femmes aux allures d’enfants, mais cela impliquait tellement plus en réalité, et elle était là pour le faire comprendre à celle qui ne le comprenait pas. Caitlyn lui en avait parlée durant une partie de Mario Kart, l’après-midi même, et plus que jouer le Robin d’une Geek, c’était surtout devoir se mettre en porte-à-faux avec le BAM qui lui posait problème. Bon, l’idée de lui expliquer cela en pleine partie de jeu vidéo, c’était s’assurer qu’elle la regarde parler, se désintéressant de l’écran, ainsi elle avait encore fini douzième, et c’était sur un circuit où l’on ne pouvait pas tomber (ce qui était pire, parce qu’une fois hors du terrain, elle le restait) ! Après, Fuzzy s’était à son tour engagée à faire le gage de son choix, si elle y parvenait ; c’était puéril, mais elle n’avait pas dit non. Cependant, à défaut d’avoir d’idées sur l’instant, elle avait demandé à le garder plus tard, permission accordée. C’était prendre le risque qu’il n’y en ait jamais, mais quant bien même cela arriverait, serait-ce grave ? Moins qu’une adolescente attardée enfermée entre quatre murs ou quatre planches, à ses yeux.

Marchant tranquillement à travers le parc, se rapprochant de la structure sportive avant d’en déverrouiller les accès d’une simple pensée, elle se dirigea à l’intérieur jusqu’à les gradins du petit stade universitaire, s’asseyant au premier rang avant de croiser les mains, index tendus, de s’accouder et de coller ses doigts d’abord contre sa bouche, puis contre son front, expirant profondément. Les faisant glisser contre son nez, ses lèvres, son menton et sa gorge, elle sentit l’absence de ses cicatrices simplement avec ce contact, et tenta de faire baisser le stress.

Caitlyn était proche, elle le savait, elle le voyait dans son esprit, mais cela ne l’empêchait pas de stresser. C’était probablement une raison de plus pour l’autre d’attaquer sans attendre, chose qui l’inquiétait assez. Son plus gros défaut était sa violence, elle le savait, et escomptait bien l’utiliser en dernier recours, en légitime défense. Elle avait toujours été habituée à un choix spinozien, celui de se battre ou de s’enfuir, et cette nuit, elle devrait trouver la troisième voie, pour le bien de Laura Evans, quant bien même cette dernière l’ignorait ou n’en avait rien à faire. Réverse viendrait surement pour prouver à Fuzzy qu’elle pouvait mettre la branlée aux meilleurs élèves X-Men ; elle n’avait jamais été une élève X-Men, mais elle avait été l’élève de Caitlyn dans un concept bien plus haut : celui de la Rédemption.

Elle la vit approcher, et elle vit ce qu’elle s’apprêtait à faire. Tant de spectacle, tant d’imbécilités, Laura Evans se cachait derrière toute cette opulence d’inepties, et alors qu’elle n’était pas rentrée en scène, se déplaçant sur les côtés pour faire son show, avec sa musique agressive, le Phénix la regardait comme la curiosité qu’elle était. Ses yeux étaient clos, mais son esprit percevait l’entièreté du stade, détruisant les effets stupéfiants qu’aurait put mettre en place « Reverse ». Elle va vit s’installer sur la barre des buts avant même que la lumière ne l’éclaire, elle la vit prendre la pause dans la projection tridimensionnelle de ses PES, tout comme elle la vit redescendre une fois son entrée accomplie. A un spectacle de magie, lorsqu’on percevait tous les trucs, cela n’avait plus rien d’impressionnant, et il en fut de même pour Réverse, qui n’était qu’une mutante anonyme parti tant d’autre, la différence majeure étant le fait qu’elle était plus perdue que la moyenne.

Les projecteurs se retournèrent contre les représentantes de l’Institution X, laissant entrevoir une chose que le Phénix n’avait révélée que peu de fois, une seule à dire vrai : son ombre. Rachel avait regardée la lumière de la mort en face, alors qu’on lui ouvrait le corps à vif pour lui implanter les systèmes de contrôle des Limiers, et ce n’était nullement cet aveuglement qui la faisait frémir, mais plutôt un mauvais souvenir qui ne faisait que titiller son agressivité. Mais elle devait se contrôler, et prit une grande inspiration pour ce faire ; elle qui se croyait gamine, elle venait de trouver un cas. Pourquoi ? Elle n’avait pas l’intention de se prendre la tête avec cela, tout ce qu’elle constatait, c’était que Réverse était lourde. Simplement.

Profiter de l’aveuglement pour « réapparaitre » face à elle, toute fière, c’était ridicule. Rachel l’avait perçue se déplacer, et comme tous les autres effets, il n’y en avait qu’une qui était impressionnée, par pur narcissisme. Cependant, quant elle prit conscience de ce qui l’entourait, chose lui ayant quant même prit plusieurs minutes et étant inquiétante si elle s’amusait vraiment à combattre des criminels entrainés (même si considérant ses actions, cela devait rester des petites frappes des rues, à chacun sa place dans la chaine alimentaire), qui n’auraient fait qu’une bouchée d’elle. Une balle aurait suffit, alors qu’elle se pavanait sur son perchoir ; du tir au pigeon, rien de plus.

Mutation physique mineure, changement dans les méthodes d’apprentissage du cerveau, des capacités physiques humaines, et une exubérance qui lui faisait perdre du temps, elle n’était même pas un danger pour la moitié des élèves X-Men de Caitlyn. Kaya pouvait la taillée en pièce, littéralement, si l’envie lui en prenait, quant à Sanzo, il paraissait qu’après avoir vomi un coup, il devenait Super-Cat. M’enfin, cela restaient dans les normes mutantes, contrairement à ce qu’elle-même était.

Après plusieurs secondes, durant lesquels Rachel rouvrit les yeux pour regarder son vis-à-vis sans la moindre surprise, cette dernière s’approcha, lui tendant la main et lui souriant.

" Enchantée, je suis Reverse ! Ravie de te rencontrer, tu es rousse, tu es donc bien une élève du Wonder-Beaver je me trompe ? Ne t'en fais pas, je vais y aller mollo, après tout nous œuvrons tous pour le bien non ? Je te ferais une dédicace plus tard, promis. En attendant, j'espère que tu t'es bien échauffée avant de venir car ici, ce n'est plus l'institut, la réalité tape plus durement que les hologrammes de votre cyber-café ! "

- Phénix, répondit-elle doucement, se levant pour rendre la poignée de main, tout en s’assurant que son champ télékinétique lui éviterait de laisser la moindre emprunte digitale sur le gant. T’es plus petites que sur les photos.

Si Laura s’amusait à essayer de lui broyer la main pour manifester son mécontentement quant à la précédente remarque, le contact n’en bougerait pas d’un pouce, le bouclier psychique étant bien plus résistant que ce que sa force humaine pourrait compresser. Mais sans prendre attention à cela, le Phénix se rassit à sa place, simplement, détournant son regard mais pas son attention de la cosplayeuse.

- Assis-toi, s’il te plait. Je suis pas ici pour me battre, mais pour parler. Si tu veux jouer des poings, on le fera tout à l’heure, mais avant, j’aimerai discuter.

Ethiquement, cela ne la gênait pas de calmer Réverse, elle ne lui ferait pas mal ; un petit tour de télépathie, l’héroïne perdant le contrôle de ses sphincters, à la limite un peu d’illusion ou de contrôle mental, et le tour serait joué, il n’y aurait pas de blessé autre que l’égo de la demoiselle. Mais elle n’était pas là pour cela, c’était un avant-dernier recours.

- « Les mots ont le pouvoir de détruire et de soigner, s’ils sont justes et généreux, ils peuvent changer le monde » Bouddha.

Le Phénix sourit ; elle lisait tout et n’importe quoi, quant elle s’ennuyait (chose arrivant moins souvent depuis qu’elle partageait sa chambre avec Kaede), et certaines phrases lui étaient restées, des citations d’êtres extraordinaires, qui pourtant n’avaient pas la moindre capacité surhumaine. Le cœur, tout était une question de cœur. Même ce que l’on faisait de ses pouvoirs. Sans doute Laura Evans avait-elle du cœur, mais elle n’utilisait pas ses capacités de la bonne façon. Chaotique, inconstante, une représentante de la folie du monde, cet argument majeur dans la balance de l’Apocalypse.

- Au risque de te vexer, je ne me suis ni échauffée, ni ne veux de ta dédicace, et tu ignores tout de la réalité, avec ton costume de banane et la chanson affiliée. Ton masque ne sert à rien, n’importe quel logiciel de reconnaissance faciale te grillera avec ou sans, et ta combinaison n’a pour seule utilité que porter tes couleurs, elle ne te protège en rien.

Oui, c’était maladroit, mais c’était franc, et à parler d’adresse avec Réverse, c’était jugé inutile par la Grande Rousse, car elle semblait tout aussi douée qu’elle dans les relations sociales ; c’était un point positif pour le Phénix, mais pas réellement pour l’humaine.

- Pourquoi est-ce que tu fais ça ? Ton super-héroïsme de cours de récré, il apporte quoi aux autres ?

Elle parlait doucement, le regard perdu dans l’étendue vide du stade omnisport, n’ayant nullement besoin de ses yeux pour percevoir, et préférant s’égarer dans ses pensées pour parler plus facilement. Elle attendrait les réponses, patiemment.

Le brouhaha des pensées fortes de Reverse est à la mesure de son implication dans le monde, et dans le chaos de la jeune femme, cela forme une cohérence. Mais cette simple constatation ne fait en rien avancer les choses, si ce n’est que Rachel craint que plus que le discours, ce soit la demoiselle qui soit d’une complexité lassante. Oui, elle est ici pour parler croyance et idéologie, mais le sujet n’est pas complexe de son point de vue, il s’agit juste d’une question de foi. En revanche, les pensées et actions de son vis-à-vis sont d’une inconstance qui pourrait rapidement s’avérer lassante, même si pour l’heure, la rousse se contente de les ignorer.

"On nous dit de nous souvenir de l'idée et non de l'homme, parce qu'un homme peut échouer. Il peut être arrêté, il peut être exécuté et tomber dans l'oubli. Alors qu'après 400 ans, une idée peut encore changer le monde." V for Vendetta - Alan Moore

Chacun ses références culturelles, m’enfin c’était aussi vrai, et tout à fait à propos, ce que venait de dire Laura : il s’agissait d’idée, non de personne. Certains X-Men avaient et auraient toujours du mal avec cela, mais si l’on s’accrochait à l’homme non à son idéal, on perdra le second lorsque le premier rendrait son dernier soupir, voir même avant. Ororo pouvait en témoigner, même si elle s’était rendue compte d’avoir prise la mauvaise route, il y avait de cela plusieurs mois. Restait à espérer qu’elle ne se perdrait pas à nouveau, ou n’abandonnerait pas. Mais cela, même le Phénix ne pouvait le savoir, elle ne pouvait qu’espérer.

Réverse passe de la raison à la déraison, mais il n’est nullement dans l’intention de la jeune femme de répéter les dires de son ainée, cependant les constatations sont les mêmes, simplement. Quant à mettre des coups en général, sans en recevoir, cela donnait plus l’impression que la pseudo-super-héroïne versait dans l’amateurisme contre des adversaires non dangereux, plutôt qu’elle avait du talent. Un autre genre de réplique, comme celle qu’il était plus difficile de la toucher qu’on y croyait, ou que sa petite taille l’aidait à éviter les coups, aurait témoigné qu’elle savait ce qu’elle faisait mieux qu’une simple vantardise. Quant à aimer ses couleurs, Rachel s’était contentée de faire le lien avec la chanson thème, rien de plus, ce n’était qu’une remarque neutre, non un reproche ; les goûts et les couleurs, cela ne se discutait pas.

Maintenant, quant aux motivations, la réponse fut claire, franche et aussi égocentrique que la personne qui la prononçait ; bien. « Pour le fun », parce qu’il était fun de massacrer des gens, de se prendre pour une star, de voir son nombril éclairé, qu’importe que ce soit par la lumière du soleil ou par une lampe torche. Le mal qu’il y avait à cela ? Aucun. Mais on pouvait user du mal pour combattre le mal, comme du bien pour combattre le bien, il n’était nullement question de dichotomie ici. Une dépendance à l’adrénaline, et comme justification morale le fait qu’ils l’avaient mérité. Rachel ne dirait rien à ce sujet, consciente qu’il s’agissait là d’un jugement, ni plus ni moins, quant à la sentence. Aux yeux de Laura Evans, les voyous méritaient de se prendre une branlée, aux yeux de Rachel Summers, les scientifiques expérimentant sur les mutants méritaient de finir consumés par les flammes. Tout jugement était subjectif, et au moins, Reverse s’assumait comme juge, jurée et bourreau. Comme le Phénix, somme toute.

Quant à faire leur boulot ; Rachel ne comprit pas, et rouvrit les yeux, regardant avec perplexité l’adolescente. Adolescente qui, ne tenant plus en place, entreprit d’escalader le banc pour la dominer. Si elle avait besoin de cela pour se sentir importante, ou imposante, à loisir, lorsqu’elle dépasserait les bornes, le Phénix la remettrait en place.

- Tu crois que c’est le job des X-Men de casser la gueule aux criminels ? demanda-t-elle simplement, alors que l’autre concluait pas le fait qu’elle les emmerdait.

- Qu’ils soient hors-la-loi ou non ne t’importe pas, tu l’as dit toi-même. C’est l’adrénaline, c’est la violence, qui t’importe. On pourrait te mettre dans une cage pour de l’argent, tant qu’il y aurait cette adrénaline et cette violence, cela t’irais, n’est-ce pas ?

C’était une véritable question, Rachel ne faisant ni dans la rhétorique, ni dans les doubles sens, ni même dans l’ironie, tout cela étant d’une complexité dont elle ne voulait pas.

- Tu fais cela pour la gloire, tu fais cela pour toi-même. As-tu déjà regardée une victime de viol ? As-tu déjà vu combien l’acte lui avait fait mal ? Ou étais-tu trop occupée à regarder les autres te voir toi ?

Le viol, elle savait de quoi elle parlait, elle avait subie. Quel âge ? Quatorze ans ? Quinze ? Elle n’en savait rien. Cette période de sa vie était suffisamment sanglante et violente pour qu’elle n’ait pas l’envie de savoir combien de temps elle avait durée, ou avec précision quant on lui avait fait… ce qu’on lui avait fait.

- Il n’y a pas de « bus de la mutanité », il n’y a pas de « mutanité ». Où se réfugierait-elle ? Y as-tu seulement songé ? Toi qui parcoure les rues de New York pour latter tous ceux que tu juges coupables, ne t’es-tu jamais arrêtée pour voir ce qu’il advenait des mutants ?

Oh, c’était encore soft, ce qui leur arrivait ici, aux mutants. Pas d’esclavage, pas de camps de la mort, des crucifiés de temps à autres, des meurtres et dans le pire des cas, un quartier de Manhattan qui partait en flammes. Et où était Réverse, pendant ce temps là ? Pas plus présente que les X-Men ou le Gouvernement, qu’elle critiquait et envers qui elle pensait « faire le boulot ».

- Tu attends qu’un crime advienne pour intervenir, et détourner l’attention de ceux qui en ont souffert par envie, pour le fun, par égocentrisme. Tu es dépendante de la souffrance d’autres pour faire ton… biseness ? C’est comme ça qu’on dit ?

Se levant lentement, le Phénix fit un pas sur le côté pour regarder Laura Evans en face, nullement gênée par le piédestal sur lequel cette dernière c’était mise.

- En quoi es-tu différente des criminels que tu chasses, en ce cas ? Non, tu n’agis pas directement, mais tu as besoin que cela arrive pour empêcher que cela se reproduise. Combien faudra-t-il de sacrifiés à ta gloire avant que tu ne comprennes que tu appartiens au milieu criminel ? Que tu en profites autant qu’eux ?

La plupart de ses questions trouvèrent réponses, mais pas de la manière dont elle s’y attendait. La sincérité agaçait, son absence de finesse dérangeait, sa crudité emmerdait, aussi, probablement.

"Moi, je ne vaux pas mieux que la vermine que je combats ?"

Avait-elle dit cela ? Non. L’avait-elle insinué ? Peut-être, elle n’en savait rien. Les mots étaient trompeurs, même employés pour ce qu’ils étaient, dans le premier degré le plus absolu. Voilà pourquoi elle ne les aimait pas, et avait du mal avec eux. Mais elle continuait de croire en leur potentiel, en leur capacité, et quant bien même c’était difficile, le Phénix n’abandonnerait pas ; jamais elle ne retrouvait l’innocence et les capacités d’expression qu’elle avait eut jadis, mais au moins, elle pourrait tenir la distance. Même si considérant le nombre de paroles comme leur débit, se serait dur.

Egocentrique et égoïste, oui, quant aux choses qu’elle ne devait pas apprécier outre-mesures, cela n’importait pas.  Elle voulait bien écouter, mais en faisait pas le rapport avec les poils de carotte avarié(e/s). Rachel ne regarda pas ce doigt qui vint se heurter contre elle, et l’écran qui la protégeait, continuant de fixer cette colère sourde qui régnait dans le regard brun de Réserve ; ou plutôt de Laura Evans, car elle avait abandonné son masque. Une bonne chose ? Elle jugeait que oui, car elle parlait désormais à la jeune femme, non à son alter-égo idéalisé.

Etre une justicière aimant rendre sa justice, ce n’était pas être une justicière. Pas du point de vue de la rousse, qui en rendant sa justice, n’était rien d’autre qu’un monstre ; tourner les méthodes de l’ennemi contre lui, combattre le mal par le mal, quant bien même c’était pour une quelconque justice, cela ne changeait rien. Oui, elle aurait put avoir le moyen de prédire qui va accomplir quoi, et elle aurait put le tuer ; c’était le travail du Phénix, à l’échelle multi-universelle ; mais était-il un justicier, ou juste le montre qui réduisait des mondes en cendres pour des crimes qu’ils n’avaient pas encore commis ? Beaucoup d’échos entre Laura Evans, justicière autoproclamée œuvrant dans l’univers de New York City, et Rachel Summers, qui était détentrice d’une chose tenant presque de la malédiction. A qui posait-elle réellement les questions, en fin de compte ?

Cela n’importait pas, elle était ici pour Laura, elle devait ce concentrer sur Laura.

Laura qui se détourne, peut-être boudant, mais du point de vue du Phénix n’enfonçant pas plus loin le clou. Réserve aurait-elle abandonnée l’idée de ce battre ? S’eut été encourageant, même si pas forcément obtenu par la bonne méthode. Mais les méthodes importaient moins que le résultat, les deux jeunes femmes semblaient d’accord sur ce principe, si monstrueux soit-il.

Irriter les autres ne faisait nullement parti des pouvoirs de Laura Evans, peut-être de ses talents particuliers, en tout cas, elle n’irritait nullement Rachel, qui restait d’une passivité des actes, là où ses mots déclenchaient de grandes tempêtes ; à elle de trouver les mots généreux, puisque les mots justes n’avaient pas l’air d’être beaucoup appréciés. Ou alors, continuer dans cette voie, car ils faisaient réagir l’autre, on ne pouvait le nier.

Facile de critiquer, toujours plus que d’agir, oui. Ce qu’elles avaient de mieux à proposer ? Ce qu’elles attendaient d’elle ? N’était-ce pas en arriver au point où le Phénix pouvait s’expliquer, s’exprimer, elle et sa croyance ? Les convictions… oui, c’était de cela dont il était question, et non de l’allumer et de la livrer au BAM ou au Gouvernement.

- Je… je n’ai pas la science infuse. Et je ne voulais pas t’énerver. J’essaie juste de comprendre.

Posant un pied sur le banc, Rachel se hissa au côté de Laura, regardant également le ciel étoilé.

- Tu parles de convictions, mais sont-ce des convictions que l’égoïsme et l’égocentrisme ? On ne peut pas apporter la justice, on ne peut apporter que sa justice, mais cela implique être juge, juré et bourreau.

Une pause, alors qu’elle réfléchissait à son propre cas, et au Jugement du Phénix ; certains hommes disaient que seul Dieu pouvait les juger, mais à chaque instant, tous jugeaient et étaient jugés, la seule différence était qu’ils ne pouvaient tous exercer de sentence, par impuissance ou volonté. Et c’était tant mieux.

- Je ne vais pas te livrer au BAM, j’ai plus de raisons que toi de les éviter, ils ne me laisseraient jamais ma chance de m’exprimer avant de me condamner. Je n’aurai pas besoin que tu me donnes un prétexte pour te juger, car c’est un peu ce qui est en train de ce faire, je crois.

Mais ce jugement était si différent des autres, qu’il aurait presque put prendre le nom de procès. Mais dans ce procès, Laura Evans n’était pas l’accusée, elle était le sujet, il y avait là une infinie différence, aux yeux de Rachel : il n’y aurait pas de condamnation, mais simplement une constatation, quant aux chemins que pourrait prendre la jeune femme. De quel droit faisait-elle cela ? D’aucun, Caitlyn l’avait incitée à le faire, mais elle le faisait seule. On lui faisait confiance pour juger de si Laura Evans pouvait, ou non, apporter quelque chose à d’autres.

- Nous ne pouvons pas te proposer mieux, car chacun accorde à chaque chose des valeurs qui lui sont propres, mais nous pouvons te proposer différent. Tu te comportes comme un bras vengeur, occultant les victimes pour te concentrer sur les coupables. Nous, nous nous concentrons sur les victimes et leur reconstruction. Jamais nous ne pourrons empêcher tous les crimes, mais en aidant des victimes à aller delà de ce qui leur est arrivé, à ce reconstruire, nous accomplissons une chose que nous pensons bien.

C’était un point de vue comme un autre, celui de croire qu’il n’y avait à l’Institut pas que des branleurs intéressés par leurs pouvoirs, des squatteurs sans avenir, mais aussi des gens dans le besoin, qu’ils pouvaient aider. Rachel avait été dans la seconde catégorie, et elle voulait, à son tour, essayer d’aider.

- Nous ne faisons cela ni pour la gloire, ni pour être reconnu, et nous ne faisons pas cela pour tous, non. Nous nous occupons des mutants, car les grandes victimes de notre époque, ce sont eux. Autrefois, c’était la couleur de peau qui justifiait le racisme, et cela l’est encore, mais la mutation, mais le Gène X, voilà qui peut conduire à des violences et à des cruautés que tu n’as probablement jamais vécues. Mutant Town ou Yggdrassil, ce ne sont que des exemples.

Est-ce que cela irait en s’améliorant ? Pas si on laissait les choses aller ; en tout cas, Rachel n’y croyait pas. Il fallait agir, il fallait faire bouger les choses, rien ne se faisait tout seul.

- L’Institution Charles Xavier pour jeunes surdoués… c’est une école, oui, mais c’est un refuge, aussi ; un refuge pour mutants. Beaucoup d’entre nous ont été victimes de la violence et du rejet, certains ont vu leurs familles se faire massacrer, ou d’autres essayer de les massacrer. D’autres encore, dans leur absence de contrôle, sont les auteurs des meurtres. Leur donner un refuge, une chance de se reconstruire, de s’instruire, d’avoir fois dans le fait que tous les hommes ne sont pas des monstres, qu’eux-mêmes ne sont pas des monstres, voilà ce que l’on essaie de faire.

Oh, il y avait des monstres aussi, à l’Institution X, et elle en faisait partie, pour ne pas dire qu’elle se considérait comme la pire. Mais même les monstres pouvaient aspirer à faire quelque chose de bien, à trouver une rédemption.

- Je ne crois pas que tu ais besoin d’aide pour maitriser tes pouvoirs, ils sont passifs et intégrés à ta structure physique, tu as eut de la chance. Mais je crois, comme Caitlyn, que tu pourrais aider. Ce n’est pas combattre le crime, non. C’est une bataille différente. Plus difficile, je pense, car elle ne se fait pas à coups de poings et de pieds.

On pouvait combattre durant des heures et des jours, ou d’une façon si régulière qu’elle en devenait quotidienne, mais il serait toujours plus facile de porter des coups que d’essayer de penser les plaies ; plus facile de détruire que de reconstruire.

- La destruction prend le temps d’un après-midi, la construction, elle, le temps d’une vie.

Tellement vrai. En quelques instants, des êtres pouvaient réduire à néant des œuvres de vies entières, voir les vies elles-mêmes, cependant, rien ne se construisait dans l’instantanéité, c’était toujours un labeur d’une difficulté croissante avec la hauteur ou la noblesse de l’objectif que l’on s’imposait.

- Nous ne t’invitons pas à rejoindre les X-Men, je crois que tu ne les aimes pas beaucoup, et de toute façon, s’ils sont des membres de l’Institut, ils ont d’autres devoirs qui ne te concerneront pas. Nous t’invitons à essayer une lutte différente, entièrement tournée vers les autres. S’ils t’indiffèrent, inutile de parler plus, mais si tu souhaites tendre la main, je pense pouvoir t’expliquer ce que nous essayons de faire. Nos convictions.

Elle n’avait cessée de parler lentement, tout comme de fixer les étoiles. Kaede considérait qu’il fallait les suivre, les étoiles, et qu’elles indiquaient l’avenir. C’était plus complexe que cela aux yeux de Rachel : les étoiles étaient de veilles photos, mais elles restaient là, à leurs yeux, pour les guider ; mémoires du passé, guidant dans les ténèbres, vers l’avenir. Elles n’en brillaient que plus dans les ténèbres, mais le jour où nul ne les voyaient, elles étaient quant même là. Et lorsqu’on prenait l’une d’elle comme repère, jamais on ne pouvait l’atteindre, mais on pouvait suivre sa route. Un idéal était une étoile, certaines personnes l’étaient également.

- Toi seule pourra alors décider de si tu veux appartenir à quelque chose qui te dépassera et te transcendera, mais que tu feras vivre, ou si tu préfère continuer dans la voie que tu fréquentes depuis si longtemps.

Du point de vue du Phénix, Laura Evans n’était pas sans étoile, mais elle se considérait comme telle, elle voulait le devenir ; restait à savoir comment elle voulait le faire.

Les mots avaient le pouvoir de détruire et de soigner, s’ils étaient justes et généreux, ils pouvaient changer le monde ; ils n’avaient pas forcément été généreux, mais il semblait qu’ils aient fait changer Laura Evans, plus par la destruction que par le soin. Destruction d’illusions ? Peut-être, peut-être pas, Rachel n’en savait rien. Elle regardait sans savoir, contemplait les choses pour ce qu’elles étaient, le regard partagé entre celui d’une enfant qui s’émerveille et celui d’une adulte qui en a trop vu. Les âmes ne vieillissaient pas comme les corps, fonction du temps passé, mais elles vieillissaient en fonction du vécu, et le Phénix, âme des âmes, était peut-être antique, de ce fait. Et en cela, elle s’opposait totalement à Reverse, dont l’âme était celle d’un enfant, inconscient du mal par innocence. Kaede aussi, était comme cela, et cela pouvait la conduire à bien des monstruosités. Fallait-il les blâmer, toutes les deux ? Non. Mais leur montrer, mais les guider, oui, cela, la Summers-Grey y croyait.

"Et le verdict du jugement ? Immaturité et incapable de mettre un frein à mes ardeurs… Le fléau de la surenchère j'en veux tellement plus que les limites se fragilisent entre le bien et le mal… Pff je revis ma crise d'ado avec des pouvoirs en plus c'est ça ?"

Revivre sa crise d’ado avec des pouvoirs en plus ; comme beaucoup à l’Institut, c’était malheureusement vrai. Tant à désirer le pouvoir sans le comprendre, sans en comprendre le coût et les implications. Mais à la différence de tous ces crétins, Laura n’avait cherché à devenir plus puissante, et ne s’était pas contentée de baver sur ses rêves, elle avait agit pour eux.

Le fléau de la surenchère fragilisant la ligne entre le bien et le mal ; l’un comme l’autre était des questions de point de vue, mais à toujours vouloir faire mieux, faire plus, oui, il était possible que la ligne tende à s’effacer, que l’on la perde de vue, et que l’on oublie de regarder où on mettait les pieds. Etait-ce pire que de la franchir sciemment ? Peut-être, oui, car on ne savait pas s’arrêter, on n’avait pas conscience de ce que l’on faisait. C’était là encore un sujet que Rachel connaissait, pour le vivre avec sa camarade de chambre.

Quant au verdict, il restait à faire. Les défauts de Laura étaient des pièces à conviction, non une sentence, et le fait qu’elle se la donna seule, cela aussi entrait en compte : reconnaitre ses vices, c’était la première étape pour les combattre. Même s’il restait encore à vouloir le faire, et à réussir à les vaincre. Trois étapes, toutes différentes.

Quelque chose, dans les paroles du Phénix, vainquit son vis-à-vis, mais elle la laissa se rassoir tout en continuant à fixer les étoiles, y puisant le lien avec ce cœur d’où s’échappaient ses mots. Certains font mal, d’autres permettent à Laura de se faire mal, mais la douleur est parfois une nécessité, une malheureuse nécessité. Elle fait avancer, en bien ou en mal, mais personne ne reste jamais indifférent à sa propre douleur ; personne d’humain en tout cas. Des larmes finirent même par perler, et les échos du plan astral deviennent plus sombres, vénéneux presque ; à défaut d’être empathe et de ressentir les émotions qui généraient ces échos, Rachel les entendait, même si ce n’est qu’un bruit de fond difficilement compréhensible, trop concentrée qu’elle était dans ses propres paroles.

Reverse finit par se relever, et commença à se déshabiller ; pourquoi ? Le Phénix n’en savait rien, et ignorait totalement si un tel comportement était normal, ou anormal. Se mettre en sous-vêtements en public, c’était contre les conventions sociales de la pudeur, sauf pour une certaine catégorie professionnelle à laquelle Laura n’appartenait pas, mais considérant son état, c’était peut-être une envie de se rafraichir les idées avec la température ambiante ? Dans tous les cas, c’était son choix, il n’y avait pas à tergiverser, du point de vue de la rousse.

"Impossible, Reverse ne changera jamais je le sais car c'est moi qui l'ai créé pour répondre à mes fantasmes d'adolescente retardée."

Incapable de reconstruire, car incapable de construire autre chose qu’une pouffe multicolore ? Rachel retourna son regard vers l’autre jeune femme, qui continuait son discours, aux airs de confessions. Essayer de faire quelque chose de bien, de réparer les choses, mais ses défauts l’avaient corrompue. Seule comptait l’image qu’elle se renvoyait d’elle-même, et cela la dégoûtait au point qu’elle se crache dessus, sur cette image idéalisée qu’elle avait d’elle-même. Chose qu’elle fit, et sans faire semblant.

Continuant à regarder, tournée aux trois-quarts, le Phénix attendit qu’elle eut finit pour reprendre.

- Reverse se moque des victimes, mais pas Laura Evans, non ?

Descendant du banc pour se mettre une fois de plus à la hauteur de l’autre jeune femme, Rachel la regarda frissonner quelques instants, avant de reprendre.

- Nous nous inspirons tous, que ce soit d’une autre personne ou d’une croyance. Cela aide à savoir où l’on va.

Ce concentrant quelques instants sur ses PES, le Phénix commença à agiter les molécules autour de Laura, la température remontant petit à petit ; la jeune femme avait peut-être choisie de se débarrasser de son costume, mais cela ne devait pas être pour se flageller dans le froid, juste pouvoir exprimer son détestation de lui. Alors, l’autre jeune femme n’allait pas la laisser se geler sans réagir.

- Tu ne sais pas créer et reconstruire, mais tu peux l’apprendre, cela. On peut t’aider à le faire, on peut te l’enseigner.

En définitive, peut-être qu’avant d’apporter de l’aide aux autres, Laura Evans avait elle-même besoin de cette aide. Mais cela n’était en rien problématique, à quoi bon croire en quelque chose, si l’on s’en excluait ? Cette question, certains X-Men ne se l’étaient jamais posée, et continuaient à croire qu’ils devaient renoncer à un idéal pour le défendre ; c’était faux, car si l’on ne croyait plus en un idéal, on ne pouvait plus le défendre correctement, car on ne le comprenait plus. Ororo en était, malheureusement, le parfait exemple.

- C’est à toi de décider ce que tu veux faire.

Les secondes continuaient à passer, et il en fallut une bonne vingtaine pour que la température ambiante ne devienne agréable.

- Et comment peux-tu savoir que tu es incapable de faire quelque chose, si tu n’essais pas ?

C’était cette question, cette pensée, qui lui avait permise de se relever ; comment pouvait-on être sur que l’on échouerait à accomplir une chose, si l’on n’essayait pas de le faire ? Et quant bien même on échouait, s’il y avait quelqu’un pour nous tendre la main et nous aider à nous relever, pourquoi ne pouvait-on pas réessayer ?

" Déjà, rien que le fait de m'avoir ouvert les yeux va me faire changer. J'espère. Rien n'est gagné mais qui ne tente rien n'a rien ! Et en matière d'audace et de goût du défi, je peux en démonter pas mal ! "

Rachel sourît simplement face à ces mots, avant même d’avoir commencé, à peine la décision prise, Laura était déjà motivée pour accomplir ce qui avait été décidé. Une force de conviction qui ne faisait aucun doute, tant qu’elle ne s’en désintéressait pas aussi vite qu’elle s’y intéressait. Mais il ne semblait pas que ce fut le cas.

Tout ce qu’on lui apprenait, elle pouvait le reproduire ; bonne conviction, entièrement liée à ses pouvoirs mais bonne quant même. Et la générosité qui revenait au galop, déjà prête à tendre la main alors qu’on venait à peine de lui tendre. Cela faisait plaisir à voir, si peu faisant montre d’un tel comportement, aujourd’hui, même au sein de l’Institution Xavier. Elle serait une bonne élève, peut-être même une bonne professeure ou X-Men, quoi qu’elle choisisse, car malgré ses égarements, elle était une bonne personne.

" D'accord, mais c'est Laura Evans qui vous rejoint, pas Reverse, elle, elle va prendre des vacances. "

- Ok, répondit-elle, ne sachant réellement quoi ajouter.

Sans doute Laura trouverait-elle un autre surnom arrivée à l’Institution X, ou bien on lui en trouverait, même si comme pour Kaya, ce ne serait pas forcément applicable comme pseudonyme. De plus, ne pas venir en tant que Reverse, c’était garder l’identité de la justicière secrète, sachant que la plupart des élèves étaient assez peu doués pour garder des secrets. Après, ce n’était pas elle qui en parlerait, puisqu’elle estimait que c’était à chacun de dire ce qu’il voulait, ou ne voulait pas, sur lui-même, et avait horreur qu’on applique une politique différente à son cas – qu’on parle d’elle la gênait déjà un peu, et pas uniquement parce que dans un premier temps elle avait été la folle dépressive suicidaire qui se promenait avec son chat et maravait la gueule des gens, le Prof X en premier lieu, c’était surtout qu’elle connaissait l’importance des secrets, pour en avoir de très lourds.

Mais ce sujet passé, il y en avait un autre qui tracassait la rousse : que faisaient-elles maintenant ? Non, elle n’y avait pas tellement réfléchi, pour ne pas dire pas du tout, mais elle ne savait pas si on avait réellement crut qu’elle convaincrait Laura, et surtout, elle ne s’attendait pas à devoir prendre l’initiative une fois la discussion terminée. Après, c’était comme pour tout, chez elle : ce n’était pas parce qu’elle faisait l’idiote pour se simplifier la vie qu’elle n’était pas capable de changer de rôle. Et cette soirée l’avait prouvé.

Déjà, hiérarchiser les priorités.

- Puisqu’on abandonne les noms de code, je suis Rachel Summers, le Phénix, enchantée également, déclara-t-elle avec un sourire timide, essayant de quitter son retrait philosophique pour une normalité bien à elle.

Summers, cela faisait plaisir de pouvoir se présenter ainsi, de n’avoir à cacher sa véritable identité, son ascendance, quant bien même elle n'évoquait rien à l’autre. Ororo n’avait eut de conseil à donner sur le choix entre Summers et Grey, tant que Rachel ne révélait pas à tout bout de champ qu’elle venait du futur et était la fille de deux des X-Men fondateurs, tandis que Caitlyn avait d’abord proposée une troisième alternative, mais face au choix du Phénix de se limiter à ses « vrais » noms, elle avait opté pour Summers ; le côté Grey était déjà représenté par le Phénix, et sa ressemblance à sa mère. Quant à devoir « justifier », il n’était pour Fuzzy nullement besoin d’expliquer son lien de parenté avec les Summers, puisque « un Martin n’est pas forcé d’expliquer pourquoi il s’appelle Martin, et Summers est assez répandu ».

Le Phénix ne retendit pas la main, c’était déjà fait, même si cela avait été une présentation « officielle », et que le sujet en était passé à tout autre depuis lors, cependant, une fois sa phrase prononcée, elle resta un peu bête, détournant rapidement le regard à la recherche d’un nouveau sujet de conversation pour ne pas laisser le silence s’installer trop longtemps. Regardant le sol et ce qui y trainait, elle put enchainer rapidement.

- Hum… tu as des affaires de rechange, ou tu veux que je te passe ma veste ?

Sa veste de tailleur tiendrait suffisamment chaud, étant fait de molécules instables, mais ne couvrirait pas assez, cependant se serait mieux que rien, et cela cacherait la nudité, considérant que la différence de taille permettrait de couvrir Laura plus que jusqu’au bassin. Le Phénix ne craignait pas tant que cela de se retrouver à son tour en soutien-gorge dans la rue, il n’y aurait que peu de différence avec un maillot de bain, puisqu’elle était protégée de la température par son bouclier, et qu’elle n’avait pas ses cicatrices des limiers à cacher. L’autre jeune femme ne semblait pas plus pudique que Caitlyn, et si Rachel s’en sortait elle aussi assez bien niveau absence de pudeur, elle n’aimait pas montrer toutes ses cicatrices, particulièrement les Marques d’Assermentation des Limiers. Du reste, dans son dos, elle n’avait que faire (et aucun moyen de le dissimuler) le Phalkon, immense tâche de naissance implantée par bio-ingénierie dont les ailes stylisées remontaient jusque sous chacune de ses épaules et la queue se trouvait au niveau des reins, même si la collection de coups de fouets qui l’entaillait de façon régulière était déjà plus gênante ; elles pesaient moins que les M.A.L. sur la conscience de la jeune femme, cependant elles pouvaient prêter à curiosité également, même si de façon moindre.

Se contenter de déclarer qu’elle avait passé de très mauvais moments avant d’arriver à l’Institution Xavier ne serait pas mentir, même si Rachel espérait ne pas avoir à s’étendre sur le sujet. Au pire, si elle devait vraiment changer de sujet, elle demanderait la permission de jouer à marraine la fée  pour changer la tenue de Laura en molécules instables, histoire de lui tenir chaud et de lui aller, sachant que la formule incluant l’altération de l’aspect des vêtements, et que les imitations étaient très convaincantes.

Le Phénix devrait également penser à signaler à Caitlyn qu’elles avaient finis, cependant elle préférait demander avant, savoir si cela ne gênait pas Laura.

- Je peux appeler Fuzzy, ou tu préfères attendre encore un peu ? demanda-t-elle simplement.

Si sa demande était accordée, elle ferait la chose par télépathie, son œil gauche s’illuminant de lumière pour former la marque géométrique d’un phénix, continuant dans la lancée des choses qui expliquaient le choix de son nom de code, même si cela dérivait en réalité de son identité d’Echo. Si elle était refusée, et bien elle attendrait, il n’était pas dans son intention de busquer Laura Evans plus qu’elle ne l’avait déjà faite ce soir.

Visiblement, l’absence de poignée de mains ne fut pas pour plaire à tout le monde, alors que Laura se saisissait de la sienne pour l’agiter dans un mouvement si grand qu’il en était caricatural. Marché conclu ? D’accord. Quant à faire de son mieux pour s’améliorer et devenir une personne responsable comme elle semblait l’être… une personne responsable à mi-temps, alors. Rachel savait être sérieuse quant il le fallait, mais lorsque ce n’était pas le cas, elle appliquait le fameux dicton d’un humoriste français « dans la vie, c’est parfois plus malin d’être con » ; à défaut de feindre la stupidité, elle se limitait à une simplicité presque naïve, et gamine aussi, probablement, qui maintenaient éloignées d’elle toutes les questions existentielles et grandes réflexions comme elle avait put en avoir par le passé, au point de se demander s’il ne fallait pas mieux abandonner l’humanité sur son monde bleu et se tourner vers le calme de l’univers.

Quant à ce teindre en rousse, pas de bol, pour Halloween approchant, c’était en blonde qu’elle allait finir, même si elle espérait que la couleur partirait vite, n’aimant pas plus que cela le platine Frostien mais en ayant besoin pour son costume. Après, elle avait un gros avantage à faire sa teinture elle-même, donc elle misait sur un foirage en règle pour les avoir blond pour la soirée, jaune pisse le lendemain et roux à la fin de la semaine. Pourquoi pas une perruque ? Parce qu’elle n’en avait pas eut l’idée tout simplement.

- Euh… j’ai pas FaceBook, répondit-elle avec un peu de gêne.

Si, elle suivait ce qui s’y passait, Caitlyn la rencardait avec son compte, mais le Phénix n’ayant pas d’existence réelle, ni même de facilité sociale, l’inscription sur un réseau social quelconque ne l’avait jamais intéressée, même pour le troll. Elle ne trollait pas, d’ailleurs, en règle générale, bien qu’il ne fut pas difficile de la faire rire.

Suite à sa réponse, il y eut un grand silence alors que Laura réfléchissait à la proposition concernant les habits. Finalement, elle se contenta d’envoyer un sms à un tiers, et avec un délai mieux que les pompiers, l’assurance tous risques débarqua, sous la forme d’un autre adulescent en bien moins bonne forme physique, qui apportait avec lui une nouvelle tenue toute aussi colorée, voir plus même, que la précédente. A peine l’individu était-il entré dans le rayon d’action des PES de Rachel que cette dernière l’avait déjà scanné, son esprit examinant l’inconnu.

"Hu… Rachel, Chad, mon cousin le hacker et fidèle acolyte. Célibataire, 150kg de charmes et de douceur graisseuse, amateur de cosplayeuse et… Non, le reste risquerait de le discréditer. Chad… Comme promis, je t'ai présenté à une mutante, maintenant dégage !"

- Bonsoir, répondit-elle simplement, avec un hochement de la tête.

Le regardant se rincer l’œil sur sa cousine sans rien dire, ne prenant pas la peine de relever les échanges de clins d’œil et de gestes, Rachel fut partagée entre de la tristesse pour ce pauvre gars traité comme un serviteur, et un certain malaise pour quelques pensées qui s’échappaient son cerveau ; parce qu’elle espérait bien que ce soit du sien et pas de celui de Reverse ! C’était du sien, cette dernière le confirma en disant qu’il ne faisait pas toujours 150kg, mais qu’il était effectivement totalement pervers. Le geek et les embrouilles, ça devait être le supplément.

"Si cela te dis, je te brancherais avec, tu vas voir il est cool ! En plus il a piraté le site de chez Zalando et parle parfaitement le Klingon et l'elfique, c'est un bon parti !"

- Euh… sans rien contre lui, non merci. Je suis pas encore prête à me remettre en couple.

Qu’est-ce qu’ils avaient tous à vouloir se mettre avec elle ? D’abord Ernest, puis Sanzo, il paraissait même qu’un certain Alexander Funke l’avait eut dans le mir… Sachant que seul Silver Cat continuait la lutte avec espoir… Il ne manquerait plus qu’Exodus et Kaya et ce serait le pompom… Le passage avec Korvus ne l’avait pas réellement traumatisée, non, même si se voir forcer un sentiment aussi pure que l’amour n'était pas agréable (d’ailleurs, le pauvre gars en avait prit plein sa tête à cause de cela, un peu comme Chad avec Laura), cependant, le fait de perdre son mari et leur enfant, cela l’avait suffisamment marquée pour la conduire à ne rien essayer de construire, ou même d’entreprendre, pour le moment. C’était surement pour cela aussi, que ça s’était si mal passé avec le Shi’ar.

Qui était Fuzzy… voilà qui eut le don d’interrompre le Phénix en plein milieu de ses pensées, et de la faire regarder Laura avec perplexité. Son prochain adversaire ? Pas réellement, la joute verbale c’était déjà déroulée, et avait conduite à la rencontre de cette soirée. Quant au fait de préférer un Starbucks à un free fight, cela fit sourire la jeune femme ; il n’y aurait ni violence ni blessée ce soir, ce qui était une victoire en soi.

- Fuzzy… Wonder Beaver c’est pas son vrai nom de code, déclara simplement Rachel, étonnée d’apprendre cette chose à quelqu’un d’autre. Son pseudo d'X-Men c'est Fuzzy.

Quoi que sur le net, il ne semblait pas qu’elle soit beaucoup connue en tant que Fuzzy, c’était à vérifier cela. Ne prenant pas l’initiative de signalée à sa sœur de cœur que la discussion était finie, pas tant que Laura ne l’aurait pas acceptée, elle prit cependant celle d’accepter la proposition.

- Mais je veux bien que tu paie un café ; ‘fin si on peut prendre autre chose que du café.

Le café étant tant le lieu que la boisson, elle préférait éclaircir la chose, ne voulait se retrouver à grimacer dans une tasse remplie d’une chose qu’elle n’aimait pas. Bon, elle ne demanderait pas un truc alcoolisé non plus, elle réservait ce test-là à la soirée d’Halloween, mais un soda quelconque ou même de la flotte, cela lui irait.

- Merci, conclut-elle avec un petit sourire de gratitude.

Laura Evans était une fonceuse, et dans tous les aspects de son être : son rôle de « justicière » avait été pour son envie de « faire le bien » et d’être connue, mais lorsqu’on lui déclinait une chose, elle s’embarquait dans une autre, à même destination. Pas de FaceBook ? Let’s go Tweeter en ce cas. Pas intéressée par Chad ou par quiconque parce qu’elle n’était pas prête ? Bah un sms quant elle le serait, et elle essaierait quant même de la caser. Rachel ne rajouta rien, mais le cousin obsédé ne l’intéressait pas, et elle aurait très probablement oublié son existence d’ici au lendemain ; elle avait son type, mine de rien, et personne qu’elle ne connaissait remplissait les critères qui l’avait conduite à aimer Franklin. Et le Phénix n’avait pas l’intention d’aller sur Adopte un Mec pour essayer de trouver.

" Fuzzy, c'est Cait alias le Wonder-Beaver et la cougar nympho-woman… Outch elle se tape un sacré complexe d'identité cette foldingue. Je… Je ne sais pas si il serait convenable de l'inviter tout compte fait ! Disons que nous sommes un peu en désaccord, enfin, elle et Reverse ne savent pas se piffer ! "

Non, ça c’était sur, et Rachel le savait déjà ; elle savait aussi que c’était entièrement parce qu’elles étaient toutes deux adeptes de la surenchère, et douées dans le domaine, que cela passait mal. Cependant, Laura n’avait-elle pas reléguée Reverse au placard ?

- Se réunir autour d’une table pour faire la paix est une bonne idée, dans ce cas, répondit-elle simplement, alors que l’autre jeune femme semblait réfléchir intensément.

Fuzzyble pouvait venir mais à la première provocation, plus de bonnes résolutions et un combat à mort ? Rachel grimaça, car si Laura avait surement assez d’impulsivité pour effectivement attaquer, il ne lui semblait pas qu’elle put aller jusqu’à commettre un meurtre. Après, Caitlyn se contrôlerait et la maitriserait surement, quant bien même elle ne pourrait réutiliser deux fois le même mouvement sans que Reverse l’ait assimilé (chose plus que désagréable et pouvant signifier un niveau de combat assez élevé de la part de l’adulescente), et puis au pire, elle-même interviendrait pour les séparer.

Par contre, l’histoire du match nul et du larbin la laissa perplexe ; d’après ce dont elle se souvenait, en cas de match nul, Reverse servait de larbin et Caitlyn l’aidait à aller cambrioler le BAM, chose complètement stupide s’il en était. Et outre qu’elle était sure que Fuzzy les avait observées, le Phénix n’aimait pas mentir.

- Il n’y a pas eut de combat. Ni vainqueur, ni vaincu, ni même d’égalité, déclara-t-elle doucement. Tu n’auras pas à lui servir de larbin, et aucune de vous ne finira en prison pour avoir essayé de pirater le BAM.

Alors qu’elle finissait sa phrase, l’œil gauche de la jeune femme devint lumineux, traçant sur une partie de son visage un phénix géométrique. Rachel trouva instantanément l’esprit de Fuzzy, ne demandant nullement la permission pour y entrer.

*Toc-toc. On a fini, elle accepte de venir à l’Institut pour apprendre à construire quelque chose, et renonce à Reverse pour l’instant. Si tu veux tous les détails, je peux te faire voir mon souvenir.*

Il y avait une grande différence entre « voir » un souvenir et « vivre » un souvenir, et elle en tenait en un seul point : la conscience de soi. Une personne regardant un souvenir appartenant à un autre savait qu’elle voyait une chose étrangère, alors qu’une autre vivant un souvenir, non. D’ordinaire, les gens normaux ne faisaient que vivre un souvenir, puisque les seuls souvenirs auxquels ils avaient accès étaient les leurs, cependant les télépathes pouvant trafiquer les engrammes mentaux (le processus biochimique par lequel le cerveau stockait la mémoire et les compétences), ils étaient à même de voir et de faire voir la mémoire des autres. Là où il était possible de merder, c’était en « vivant » le souvenir, soit en occultant cette conscience de soi qui faisait que le cerveau se réappropriait les souvenirs et les intégrait comme siens. Les principaux problèmes que cela pouvait entrainer étaient des troubles de la personnalité et de l’identité, avec divers degrés laissant à penser au Phénix que la femme de Fuzzy ne s’en était pas si mal sortie que cela, quant bien même elle avait intégrée une part de la personnalité d’Emma Frost à la sienne – chose dont Rachel n’était bien évidemment pas au courant, puisque ça devait être un secret. Tout cela pour dire que Rachel savait parfaitement ce qu’elle faisait en montrant son souvenir à Fuzzy ; et cela ne lui prendrait pas une seconde.

*Ah, et on est invitées à prendre un café, aussi. Faut juste éviter la provocation*

Restant connectée pour recevoir réponses et éventuelles instructions, sa marque psychique toujours active, la Télépathe se tourna vers Laura, pour l’enjoindre à commencer le mouvement.

- C’est fait, affirma-t-elle simplement. Je te suis pour le StarBucks, je connais pas le coin.

Rachel ne faisait pas de plan, et prévoyait rarement des choses, uniquement lorsque cela la stressait en réalité. Elle se levait le midi sans savoir ce qu’elle ferait de ses dix doigts durant la journée, et se couchait le soir dans le même état d’esprit, histoire de se simplifier la vie au maximum. Il lui arrivait de faire des projets, mais le seul qui fut sur le long terme consistait à aider les X-Men et l’Institut, à aider les autres, et c’était à ses yeux un combat au jour-le-jour qu’il était impossible de planifier. Ce soir, elle agissait pareille, indifférente aux conditions d’études puisqu’elle n’en faisait pas ou même à la manière dont Laura Evans justifierait son transfert dans une école pour surdoués auprès de sa fac, puisque le Phénix ne s’était jamais inscrite nulle part, et n’était pas sur le registre de l’Institut.

Cela, ce serait au deux autres d’en discuter, voir à improviser sur place, et elle ne pensait pas non-plus aux divers sujets de discussion, partant d’un principe simple : l’improvisation. Elle attendit ainsi simplement que Laura se décide à avancer pour en faire de même.

Les pensées qu’elle interrompit dans l’esprit de Caitlyn ne lui plurent que peu, et celles qui suivirent pas tellement plus. Pas de fierté pour avoir accomplie « une mission » ou aidée une autre personne, mais une certaine tristesse alors que malgré les félicitations et une constatation probable, il y avait surtout l’amertume et le doute. Et un mensonge.

Oui, on avait demandé quelque chose à Fuzzy comme si elle n’était qu’un vulgaire agent assermenté, et oui c’était « Phénix » qui s’en était acquittée ; non, Caitlyn Elioth ne devait rien à Laura Evans, mais devait-elle pour autant s’enfoncer dans la solitude ? Ce n’était pas sa protégée, pas encore, cela dépendrait d’elle, mais même si elle l’oubliait, la Sœur de Cœur était parmi les premières protégées du Phénix, si ce n’était la première. Rachel se cognait bien de faire la fierté de quelqu’un, si ce quelqu’un se désespérait lui-même après. Quant à « j’ai à faire », c’était là une magnifique foutaise dont elle lut la vérité avant même que sa sœur n’accepte de la lui concéder : une blessure de l’âme, une nouvelle, faite par Reverse, faite par Laura, par gaucherie, une gaucherie cruelle et inconsciente, peut-être volontaire ou peut-être pas, cela ne changeait rien. Oui, les actes comme les mots avaient toujours des conséquences, oui ils pouvaient détruire et soigner, et Rachel aurait aimé faire le second pour Fuzzy, mais cette dernière ne voulait pas. Encore trop tôt ? Peut-être, mais dès qu’elle en aurait fini avec Laura, le Phénix retournerait à sa sœur blessée, et si son « café » durait trop longtemps, elle userait du flot temporel pour être là, quant bien même elle ne serait qu’une ombre silencieuse de l’autre côté du voile.

*Fais attention à toi, grande sœur. Et si les ombres se font trop denses, appelle-moi, s’il te plait. Je serais là. Je serais toujours là, même si tu ne me vois pas.*

Le bruit d’un appareil photographique la ramena à la réalité, alors qu’elle avait occulté cette dernière face à celle de sa sœur de cœur, et Rachel se concentra pour localiser son origine. La dernière fois qu’elle s’était faite photographiée, c’était suite à un piège tendu par un élève de l’Institut, qui l’avait prise nue sortant de la douche, avec un appareil argentique. Plus qu’avoir découverte cette technologie ce jour-là, le Phénix avait aussi eut une courte course-poursuite pour finir dans la tronche d’une autre élève. Ça s’était bien terminé, sauf pour une serviette de bain, mais elle n’aimait plus être prise en photo depuis ce jour là, et s’il avait été à Chad, l’engin aurait été broyé dans la seconde.

A la place, elle se retrouva au côté de Laura, qui faisait des grimasses avec un angle de cadrage mauvais, et pour une raison qu’elle ignorait. Il n’avait pas fallut cinq secondes d’inattention pour que l’autre jeune femme commença déjà à faire des singeries, sans demander nulle permission. Tant pis.

"Okay… C'est fait ! Bon, par contre je ne connais pas le coin non plus mais j'ai le plan de tous les Starbucks de l'état en tête et attends que je fouille dans ma mémoire," commença la mutante avant de lui trouver l’un des restaurants à la méthode Sherlock ; il y en avait toujours prêt des stades, m’enfin c’était un stade universitaire et commémoratif, pas réellement un stade-stade. "Allons-y et en route tu m’expliqueras le truc du Tatouage Phénix, c'est trop fort ton truc ! Je veux le même !"

- Ce… c’est pas un tatouage, c’est une marque psychique, répondit-elle avec une hésitation, alors que Laura l’embarquait littéralement par le bras. Et me prend pas en photo s’il te plait… ça… j’aime pas.

Rachel était, et restait, un secret ; et même si, face à certains comme Exodus, ce secret était un secret de polichinelle, pour le Triskelion et les représentants de la loi, cela ne l’était pas. Si elle décidait de montrer sa tête, chose techniquement déjà faite même si les vidéos n’avaient que peu circulées dans les médias et qu’on ne la voyait pas en détail (puisqu’elle se tenait à une centaine de mètre au-dessus du grand incendie de juillet, en train de l’éteindre), elle voulait que ce soit de sa propre initiative, pas de celle d’une autre, qui plus était sur internet ou tout et n’importe qui pouvait voir.

Personne n’avait de photo d’elle, ici en tout cas, c’était sa volonté, et Laura n’échapperait pas à la règle.

- Tu pourras les supprimer s’il te plait ?

Se laissant guider sans rien manifester d’autre, les deux yeux normaux et une certaine inquiétude dans les pensées, le Phénix laissa tout loisir à Reverse de la tenir par le bras, de lui dire d’attendre sur place afin de regarder un elle-ne-savait-quoi à travers la porte vitrée du café, et de la conduire à l’intérieur pour s’installer sur une table deux places contre une fenêtre. Un serveur vint prendre leur commande, Rachel se limitant à un simple coca, le basique, le classique, le moins cher.

Pas un mot, alors qu’elle regardait l’extérieur, pensée tournée vers une personne proche mais inaccessible, qui devait chercher un endroit similaire mais pas pour les mêmes raisons, ni dans le même objectif. Laissant la brunette se cramer à loisir, elle ne fit aucune remarque, mais tourna au moins le regard vers elle.

"Alors et Cait, elle nous rejoint bientôt ? Je dis ça, je ne dis rien, mais j'ai oublié mon portefeuille dans la partie rembourrée de mon costume !"

- Elle ne nous rejoindra pas. Tu l’as blessée la dernière fois, à propos de son décès, il lui faudra du temps pour digérer cela, répondit-elle simplement, avec franchise.

Peut-être ce fait enjoindrait-il Laura à se remettre question, voir à essayer de se repentir, ou peut-être le prendrait-elle comme une victoire sur « The Wonder Beaver », Rachel voulait croire à la première solution, mais au final, cela ne changeait rien. C’était plus tard qu’il faudrait faire à nouveau appel aux mots pour essayer de réparer les tords.

- Sans ton portefeuille, t’as pas de quoi payer ?

Laura concéda l’effacement des photos, une bonne chose, même si elle insista sur ce fait, et tint à préciser qu’elle avait tout imprimé dans sa tête ; toujours avoir le dernier mot ? C’était l’une des bases de la surenchère, de ce que le Phénix en avait observé, et s’était bien là l’une des choses qui lui passait l’envie de s’y essayer. Si elle voulait le dernier mot, elle le prendrait, mais cela n’aurait rien de léger ou de drôle, tandis que le reste du temps, elle se contentait de sa position passive et contemplative de ce monde et du chaos de ses gens.

Recevoir une marque psychique, voilà qui la laissa perplexe ; visiblement, Laura ne savait ce que c’était, ou plutôt comment cela se générait, même si l’autre avait raison en supposant que cela faisait parti de son pouvoir. Rachel ne pouvait pas donner sa marque psychique, chaque être suffisamment puissant en avait une bien distincte, chez elle c’était le Phénix lumineux alors que chez Exodus, s’étaient des flammes psy, sachant qu’ils étaient les deux seuls êtres à sa connaissance à en posséder. Après, il restait possible qu’une autre personne la manifeste, mais cela impliquait des processus psychiques que Rachel n’entreprendrait pas avec l’autre jeune femme, de part l’intimité impliquée.

Intimité qui ne semblait pas concerner tant que cela Reverse, d’ailleurs, qui voulait s’extasier de ses pouvoirs, « tout en savoir » ; Rachel ne répondit rien sur l’instant, elle avait d’autres sujet à aborder avant, des sujets lui tenant plus à cœur. Et elle le fit, simplement, surprenant la brunette qui manqua de s’étouffer ou de se noyer, elle l’ignorait et l’ignora, puisque cela n’arriva pas.

" Elle est vraiment euh… Morte alors ? Le bad trip… "

La mort n’était pas la pire partie de l’histoire, c’était bien ce qui était arrivé avant qui avait été le plus douloureux, et après, le plus difficile. En elle-même, la mort était une chose simple, facile, elle n’avait pas toute ces complexités et difficultés liées à l’existence, et cela pouvait même devenir une délivrance, à un certain point. Mais il fallait un degré de réalisme bien supérieur à celui de Reverse pour le conceptualiser, et un degré d’acceptation encore plus grand pour accepter qu’on puisse en revenir. Choses qu’elle n’avait pas encore, comme elle le déclara juste après ; non, Laura Evans ne conceptualisait pas la vie après une mort, pourtant, une personne faisant un arrêt cardiaque mourrait, durant plusieurs minutes si l’on parvenait à relancer son cœur après. Bon, Caitlyn n’avait pas fait d’arrêt cardiaque, mais c’était là l’exemple le plus humain que Rachel pouvait citer.

" Beaver est morte, mais en vie… Euh… C'est trop space même pour moi. Je sais pas quoi dire c'est fort ça. Je sais, je lui présenterais mes condoléances et j'apporterais des fleurs sur sa tombe. Bonne idée non ? Non, elle risque de mal le prendre, je suis pas douée pour les excuses non plus… "

Rachel n’eut aucune réaction, écoutant simplement une réplique qui était d’une cruauté importante, mais qui devait être considérée comme excusable parce que Laura n’était pas douée pour les excuses ; il n’y avait pas de choses excusables ou inexcusables, c’était à chaque personne d’excuser. On lui avait pardonné plus de morts que de raison, peut-être parce qu’on n’en prenait pas la mesure, mais parce qu’on croyait qu’elle pouvait faire autre chose, tout du moins c’était ce qu’elle-même espérait.

- On ne peut avoir d’expérience avec les excuses sincères, car ce ne sont pas des choses que l’on peut prévoir à l’avance, ou réutiliser plusieurs fois, répondit-elle simplement, le mot le plus important de sa phrase étant « sincères ».

Mais la sincérité n’était pas l’apanage de ce monde, cela elle l’avait bien comprit, mais ce ne l’était guère plus que sur son monde à elle ; plus d’hypocrisie, indiscutablement, mais pas forcément plus de vérité. Cependant, considérant qu’il n’y avait qu’une seule vérité absolue, la relativité relativisait le mensonge comme la sincérité, et chacun avait à se placer par rapport à lui, et à l’autre. Rachel se plaçait au maximum dans la sincérité, même s’il lui arrivait de mentir, par omission.

Laura n’avait pas un rond, donc pas de quoi payer, chose qui aurait été une simple constatation si elle n’avait pas surenchérie par une autre forme de mensonge, aux yeux du Phénix, qui cette fois, la fit soupirer simplement ; s’enfuir comme des rats après avoir profité de la bonté des gens dans un service convenu, et ne pas leur donner ce qui leur était dû, cela n’avait rien d’héroïque, ou même de réellement étonnant. Quant bien même on tentait de s’en sortir par une pirouette de toc. Qu’elle aille leur expliquer qu’une photo dédicacée leur permettrait de se rembourser sur un site de vente en ligne, et Rachel acceptait, sinon, non. Et elle n’avait pas idiote au point de ne pas voir que la partie principale du plan était la première, la sortie discrète et rapide. Ainsi donc, la rousse prit la dernière solution, quant bien même elle n’avait pas d’argent.

Posant sa main sur la table, paume séparée du meuble par l’épaisseur de son pouce, Rachel ferma les yeux et se concentra. Kaede et elle-même avaient une petite collection de pièces américaines, dans leur chambre à l’Institut, pour pouvoir, à terme d’économie, se payer des choses, ainsi la jeune femme avait put voir défiler toutes sortes de ferraille dans le pot de Nutella reconverti en tirelire. Et son sens de la matière scanna les alentours à la recherche de ce même genre de pièce, chose qu’elle trouva rapidement dans les poches d’autres. Puis la projection tridimensionnelle de son esprit se mit à décomposer l’objet dans les moindres détails, jusqu’à la composition moléculaire, exactement. La composition de celles qui l’intéressaient était essentiellement de cuivre, avec moins de 10% de nickel, et le diamètre était d’à peine plus de 30mm, pour 2 d’épaisseur. Le poids viendrait de lui-même, contrairement au stries sur la tranche et aux marques sur les deux faces, qui étaient pour les premières au nombre de 150 et pour les secondes, l’une gravée du visage de John F. Kennedy et l’autre du sceau du président des USA entouré par 50 étoiles. Atomes et molécules s’agitaient sous regard de son esprit, alors qu’elle-même restait concentrée sur la maitrise de cette altération. C’était loin d’être facile, mais ce n’était pas non-plus dangereux, puisqu’elle ne touchait aux processus de fission ou de fusion atomique.

Après plusieurs minutes, cinq exactement, minutes où elle n’avait bougé ou dit mot, ni même écouté ce qui avait put lui être dit, Rachel rouvrit les yeux et leva la main, dévoilant dix pièces de 50 cent recréées du mieux qu’elle avait put. Non des contrefaçons ou des imitations, mais de la véritable monnaie fabriquée au mieux par altération de la matière.

- Je pense qu’il y aura de quoi payer, déclara-t-elle simplement alors qu’elle s’adossait lourdement, s’emparant de sa boisson pour la vider entièrement ; la fatigue était surtout mentale, mais l’excitation du soda lui ferait du bien.

Elle avait apprit à le faire pour transformer l’air en pâte d’amande, pour ainsi n’avoir plus à piocher dans les réserves de l’Institution X, réserves qui diminuaient trop vite à son goût suite aux actions coordonnées d’elle-même et de quelques unes qui partageaient son amour de la sucrerie, et savait également altérer les molécules instables pour qu’elles imitent d’autres matériaux, ce qui lui permettait d’outrepasser le côté « seconde peau moulante » et de se créer des vêtements « normaux », qui leurs ressemblaient tout du moins, à l’instar de son tailleur de ce soir. Mais apprendre à concevoir un nouvel objet était difficile et assez épuisant mentalement, l’esprit humain n’était fait pour percevoir et dupliquer la composition moléculaire de la matière qui les entourait. Oh, c’était comme tout le reste, on s’y habituait, mais au début, s’était fatigant.

- Caitlyn est morte le 10 décembre dernier, tu as du suivre ce qui c’est passé à la télé, je suppose, reprit-elle sombrement, alors qu’elle fixait les piécettes.

Les évènements qui s’y étaient déroulé avaient fait la une les jours suivants, et incluait l’explosion d’une église à Manhattan, l’apparition d’un Phénix de plusieurs centaines de mètres d’envergure quelques dizaines de minutes plus tôt, une perte de mémoire collective de l’entièreté de la population de l’arrondissement peut après, ainsi que des soupçons sur une attaque mutante contre le BAM, bien que l’organisme ait fait étouffer l’affaire concernant l’inaction du Bureau durant ces évènements. A la vérité, même eux ignoraient ce qui s’était réellement passé, puisque le Phénix avait figé le temps sur le Triskelion, tendis que la perte de mémoire collective provenait d’un contrôle mental grande échelle, pour éviter un mouvement de panique tout autant qu’essayer de retrouver Caitlyn, à travers les yeux de presque tous les habitants de l’île.

- Ils l’ont torturée, lui ont lacéré le visage comme la conscience pour détruire tout ce qu’elle avait réussit à faire de bien. Ils l’ont brisé et lorsqu’elle leur a échappé, elle a tout fait exploser pour les emporter avec elle, raconta-t-elle simplement, taisant toute la complexité de l’affaire qui, à ses yeux, se résumait à cette simple double vengeance, quant bien même la fille de Cait’ avait tirée les ficelles depuis le début, jouant le destin du monde à pile ou face en faisant renaitre le Phénix, en la faisant se sacrifier elle.

Maybe avait déjà payés ses actes, cela avait été le premier acte de l’Echo, au-delà du temps et de l’espace ; le Jugement du Phénix avait été rendu, et il était irrévocable, immuable, et absolu.

- Ils l’ont torturée au point qu’elle ait décidé d’en finir, tant avec eux qu’avec elle-même, reprit Rachel, alors que les larmes s’accumulaient aux souvenirs de cette période. Elle avait réussit à s’en sortir, alors ils lui ont détruit son visage pour qu’elle voit qu’elle était comme eux, et ils l’ont tourmentée psychologiquement jusqu’à ce qu’elle le redevienne, comme eux, et qu’elle s’achève, toute seule.

Rachel avait empêché cela, retournant dans le passé et créant une ligne temporelle où, alors que les Maraudeurs avaient sortis les lames, une force extérieure et inconnue avait fait retourner ces dernières contre aux. La jeune femme avait infligé aux tortionnaires de son amie, de sa sœur, ce qu’ils lui avaient infligé, créant une nouvelle divergence dans le Chant des Mondes, une nouvelle branche dans les Possibles. Mais cela n’avait rien changé, dans ce monde-ci.

- Le Phénix dans le ciel de New York, c’était moi, continua-t-elle alors qu’elle relevait les yeux vers Laura. J’ai ramenée Caitlyn à la vie, car elle n’avait pas mérité de finir mutilée, brisée et sanguinolente sur le capot d’une voiture, sans espoir à cause d’une vengeance où elle n’était qu’un dommage collatéral.

Le Phénix passa son doit sur son visage, chassant du pouce les larmes qui s’amoncelaient. Etait-ce sa vocation que de toujours témoigner du malheur ? Non, mais c’était une motivation de plus pour qu’elle se batte afin de l’empêcher.

- Tu vois, dans ton monde, Reverse casse la gueule à ceux qui récidivent, et dans celui des X-Men, certains sont torturés à mort pour s’en être sorti et ne pas avoir récidivés. Caitlyn a mit des mois avant de pouvoir agir normalement, avant de retrouver espoir, mais ce qu’elle a subit l’a marqué à jamais.

Rachel soupira un long moment, fermant les yeux pour chercher Caitlyn quelques instants ; que la pique de Laura fasse mal était compréhensible, et peut-être la jeune femme prenait-elle la mesure de ce qui s’était réellement passé, cependant, il avait semblé au Phénix qu’il y avait autre chose. Non, Laura Evans n’importait pas, elle était responsable d’un mal qui justifiait que Fuzzy ne vienne pas ici, mais il y avait un autre mal, qui prenait ses racines dans le doute, hors Réverse était bien loin de pouvoir l’amener à douter. Quoi alors ?

- J’ignore si ton esprit est capable d’imaginer cela. Tu vis dans un monde où tu distribuais les conséquences, sans penser que cela pouvait en être autrement, ou que certaines pourraient être irrévocables. Cet épisode ne s’est pas « bien fini », il ne s’est pas fini, et il ne se finira jamais.

C’était un fait, sans appel, ne nécessitant ni un avis, ni un débat, non-pas une vérité universelle, mais une conviction qu’elle ne discuterait pas, pas avec une personne dont la seule expérience de « l’héroïsme » était la bienheureuse inconscience d’une cours de récréation digne d’une BD pour adolescent.

- Si tu t’excuses, sois honnête avec toi-même, et sois-le avec elle. Ne prétends pas comprendre ce qu’elle a vécu si ce n’est pas le cas, ne prétends pas compatir si ce n’est pas le cas, mais surtout, ne tourne plus jamais cela en dérision.

Fin de la discussion, chose que Rachel signifia parfaitement en croisant les bras, et en détournant le regard sur la vitre, pour contempler une nuit éclairée par des allogènes artificiels, froide mais non couverte de la blancheur de la mort ; une nuit similaire au cœur de Caitlyn, elle le craignait.

- Tu voulais savoir pour mes capacités, je vais te le dire : je suis une mutante capable de Psychokinésie, de Télépathie, de Voyage Temporel et de puiser dans l’énergie psychique « vitale » dégagée par les êtres vivants pour augmenter mes pouvoirs ou altérer le cycle de vie et de mort, déclara-t-elle négligemment, marquant une pause.

- Ma marque psychique apparait quant j’utilise ma Télépathie, parce ma puissance télépathique est si dense qu’elle traverse le voile entre le plan astral et le plan physique. Le seul moyen pour quelqu’un de la manifester serait que je prenne possession de son corps et que je me serve de lui comme relais.

" Dis comme-ça, je ne vois pas très bien en quoi le chemin de l'institut est mieux que celui que j'ai emprunté. Pas que je ne respecte pas vos convictions et votre combat, mais sérieusement, que puis-je apporter moi et mes maigres talents face à vos ennemis ? Je me bats à mon échelle, je ne pense pas être capable d'évoluer à votre niveau. "

L’une des bases de l’héroïsme tel que défini dans la société occidentale était le courage, et la capacité d’accomplir comme d’endurer ce que toute personne « normale » ne pourrait faire. Héritage de l’antiquité grecque, les héros étaient pour la plupart tragique, tandis que d’autres devenaient inhumains, et rares étaient ceux à vivre heureux et en paix, avec les autres ou avec eux-mêmes. Soit on meurt en héros, soit on vit suffisamment longtemps pour endosser la peau du méchant ; cette phrase était tirée d’un film sur un super-héros, et pouvait résumer les destinées de bon nombre d’être en ce monde, Magneto au premier lieu. Mais quelle réelle différence entre Erik perdant la foi en l’Humanité et luttant par tous les moyens possibles et imaginables pour éviter que les souffrances de son passé ne renaissent, et Xavier s’isolant de ses disciples alors que ceux-ci cherchaient à préserver et propager l’espoir ? L’un s’était résolu à agir, l’autre pas, surement. Elle l’ignorait.

Pas d’excuses pour Caitlyn et pas de marque psychique pour Réverse, c’était sans réelle surprise, et c’était sincère, au moins. Quant à l’aveu qui suivit, il le fut tout autant, même s’il lui demandait son avis. Le Phénix haussa la tête : oui, la vie était semée d’embuches, et les actes entrainaient toujours des conséquences, depuis la petite échelle des molécules jusqu’aux univers entiers, c’était ainsi que cela fonctionnait ; des entités comme la Force Phénix veillaient à cela.

Devoir changer parce que sa vie n’était plus aussi simple ? La seule constante de l’univers était le changement, et pour survivre, il fallait s’adapter ; deux théories plus que vérifiées sous des conditions normales. Une fois arrivée au bout de la route, Laura se projetait avec optimisme, chose qui la fit raccrocher le regard de son vis-à-vis, qui sourit légèrement.

" Par contre dans toute la liste de pouvoirs qui en jettent, tu te dis télépathe ! Arf ! Ne prends pas pour toi toutes les pensées tordues que j'ai eu depuis le début de notre entretien ! C'est… C'est pas du jeu ça ! "

- Je ne suis pas dans ta tête, ne t’inquiète pas, corrigea-t-elle rapidement, même si Laura prenait la lecture de pensée à la légère. Quant j’utilise ma télépathie, mon œil s’allume, s’il est éteint, je ne l’utilise pas. Et pour les pensées fortes, j’ai quelques échos mais j’ai apprit à ne pas y faire attention, donc ça va.

Se réinstallant correctement face à Laura qui semblait s’obséder mentalement sur une idée saugrenue au point de la faire raisonner dans l’astral, Rachel posa ses mains sur ses genoux, simplement, avant de poursuivre avec autant de simplicité.

- Tu me demandes ce que tu peux apporter contre « nos » ennemis. Je crois que tu confonds Institut et X-Men. Je ne t’apprendrais rien en te parlant de l’Institution Charles Xavier pour Jeunes Surdoués, je suppose.

Attrapant son soda, Rachel le secoua un instant, consciente qu’il y avait encore un fond de liquide à l’intérieur, mais qu’il ne serait jamais accessible à la paille, chose qui la motiva pour virer le capuchon et l’instrument suscité pour dévoiler les restes du coca.

- Les X-Men et l’Institut ont les mêmes valeurs, mais le second reste une école. La plupart des élèves qui y sont ne deviendront jamais X, et la majorité n’a même pas la volonté de le devenir. Les X-Men sont avant tout des protecteurs, parce que tout aussi pacifiques qu’ils soient, il faut des gens capables de se battre si l’on venait à être attaqué. Ils sont des ambassadeurs, aussi, essayant de promouvoir la bonne volonté mutante.

Elle y croyait, malgré les événements récents et tous les problèmes rencontrés, Rachel croyait encore au tendre la main, vers les humains tant que les mutants, envers les gens normaux tant que ceux en difficulté. Oui, il y avait des pourritures, de partout, le Gène X n’impactait pas, mais contrairement à ce que croyaient certains, même parmi les X-Men, ils n’avaient pas encore échoués, et les pourritures restaient minoritaires, même si oh combien plus dangereuses. Il n’y avait pas encore de guerre, quel qu’elle soit, c’était la vision de la confrérie, cela, et c’était ironique de se dire que c’était la chef des X-Men qui percevait le monde ainsi. Mais sans doute que ses positions avaient évoluées, depuis leur dernière discussion.

- Le combat le plus difficile n’est pas celui d’affronter des Purificateurs comme à Mutant Town, ou des je-sais-pas-quoi comme à Yggdrassil, mais c’est de tendre la main, chaque jour, pour aider les autres. Les X-Men ne sont pas seulement X-Men, ils sont professeurs, psychologues, conseillers sociaux, ils tentent d’aider et d’éduquer les pensionnaires de l’Institut afin qu’ils puissent s’insérer dans la société à leur sortie, et participer à l’évolution de la pensée concernant la communauté mutante.

C’était là le but premier de l’Idéal Xavier, non avoir des super-héros, mais avoir des gens normaux et insérés comme tel, reconnus comme tel. Faire changer la société par l’éducation, formant des gens selon leurs vœux et leur enseignant un idéal qu’à leur tour, ils pourront propager. Paix et acceptation, c’était ce qu’avait tenté de faire tant d’hommes entre les blancs et les noirs, et ce que tenteraient de faire tant d’autres entre les humains et les mutants, Charles Xavier n’avait été que le premier à proclamer ouvertement ce fait.

- Nous avons chacun notre échelle, Laura, et différentes peuvent cohabiter, chez les gens normaux comme aux seins des X-Men. Mais si tu veux aider les autres, tu n’es pas obligée de les rejoindre. Tu peux apprendre à tendre la main et à aider à l’Institut, puis en repartir lorsque tu auras fini tes études, tout simplement. Aider les autres, que ce soit dans une institution spécialisée ou de ton côté, cela ne change rien, tant que tu les aides.

Rachel marqua une pause, laissant sa passion pour ces propos s’évacuer. Les X-Men étaient un groupe marginal, pour l’heure, trop marginal pour être efficaces, surement, mais leur but n’était nullement de former de nouveaux X-Men, des personnes faisaient le choix de les rejoindre, oui, mais eux ne forçaient pas la main. L’utopie de Xavier était la fin de leur ordre, puisqu’ils n’auraient plus de raison d’exister, d’ailleurs. Les X-Men étaient un groupe ayant choisie une voie à part pour que d’autres n’aient pas à le faire, parce que c’était nécessaire, mais lorsque cela ne le seraient plus, ils en retourneraient à la normalité.

- D’ailleurs, tu fais quoi comme études ?