Endurcissement forcé [Icare]

Bon. Trois heures du mat', j'étais en plein milieu du bois, normalement personne ne me croiserait ici. Je ressentais une certaine... appréhension. Ce que je m'apprêtais à faire ne serait pas vraiment confortable, mais dans un sens c'était soit ça soit rien du tout. L'opération "régénération bordel" était lancée... Enfin je faisais la maline à donner un nom d'opération débile à ce que j'allais faire cette nuit, mais très franchement, à chaque nouveau pas j'étais de moins en moins enthousiaste. C'était là que je verrais si j'avais de la volonté ou non, finalement, avec mes grands airs...

Je me retrouvai finalement devant le grand arbre que j'avais repéré. Parfait... Dans le même craquement dégueulasse que d'habitude, mes doigts se transformèrent en griffes difformes, et mes avant-bras se retrouvèrent parcourus chacun d'une longue lame sur le côté. Pour y arriver, je devais réfléchir le moins possible... Je fis quelques mouvements vers l'arbre, chaque fois me préparant à lui envoyer un coup, mais m'arrêtai systématiquement avant de le faire... J'avais des réflexes basiques d'autoprotection. Ce même réflexe qui entraîne que malgré le fait qu'il soit possible de se croquer le doigt aussi facilement qu'une carotte, on est incapables de le faire. Mais là il ne s'agissait pas de carottes. Au fond, des types arrivaient bien à mettre des coups de poing dans un mur, donc il était en effet possible, avec assez de volonté, d'y parvenir.

Zéro réflexion. Mouvement. D'un geste sec et rapide, j'envoyai donc un premier coup de griffes dans l'arbre, y laissant au passage de profondes marques de coups... Et PUTAIN ça faisait mal ! Car même si elles ressemblaient à une sorte de métal, mes lames étaient irriguées ET innervées de la même façon qu'un os le serait. Je retins donc de nombreuses insultes, et observai l'état du végétal... Il avait quand même pas mal ramassé. Il n'était pas assez solide, et bousiller des arbres je ne voyais pas trop l'intérêt. Si je continuais ainsi toute la nuit, je finirais probablement par le couper et le faire tomber, ce qui n'était absolument pas mon objectif. Peut-être qu'un jour je déménagerais au Canada pour me reconvertir en bûcheronne, mais pas aujourd'hui.

Je me dirigeai donc vers le deuxième point que j'avais repéré... Après quelques minutes de marche, j'arrivai devant cet insolite lampadaire qui illuminait une petite clairière. Aucune idée de ce qu'il foutait là, ni même de pourquoi il était allumé... Mais il était un peu "old school", en métal lourd, épais, le genre de matériau qui résisterait très bien à mes armes naturelles. Encore une fois, je refis le même petit manège qu'en face de l'arbre, coupant toute forme de réflexion... et un... deux... trois ! Prenant autant d'élan que possible, j'envoyai un coup magistral de griffes au réverbère, mettant tout mon poids dedans. La rencontre entre les deux produit un lourd et fort son métallique qui résonna dans le bois, et mes griffes laissèrent des traces dans l'acier du poteau qui m'avait servi de cible.

De mon côté je ne faisais pas la maline. J'étais tombée par terre sous le coup de la douleur, n'arrivant même pas à proférer des insultes à l'encontre de quoi que ce soit tellement ça faisait mal. Mais je n'avais pas le temps de m'occuper de ça. Pas de réflexion, on avait dit ! Me relevant, j'envoyai donc un autre coup avec l'autre main, puis d'autres encore avec les avant bras, mettant chaque fois autant de force que possible dans chaque choc. Je ne finis par m'arrêter qu'après une quarantaine de secondes, quand un craquement se fit entendre au niveau de mon annulaire droit.

Une nouvelle fois, la douleur me fit chuter au sol alors que, cette fois-ci, je ne me privai pas d'être parfaitement vulgaire, lançant des insultes merveilleusement obscènes à fort volume sonore. Les animaux nocturnes vivant dans ce petit bois purent ainsi apprendre plein de nouvelles expressions ordurières !

Après cette étape indispensable, j'examinai alors le doigt qui avait fait ce bruit. Une douleur intense y régnait, se répandait dans l'ensemble de mon bras jusqu'à l'épaule. La griffe était profondément cassée, et il y avait des traces de sang sur le lampadaire. Plusieurs, en fait. J'avais aussi craquelé les lames de mes avant-bras et de mon index gauche, mais ne m'en étais pas rendue compte sur le coup. Une sorte de liquide gluant dont l'apparence était mi-chemin entre le sang et le mercure s'écoulait de ces fêlures ; il s'agissait en fait de sang extrêmement riche en calcium, carbone et fer principalement. J'avais testé en cours de chimie, en seconde. A l'époque je me faisais vraiment chier toute la journée...

Pour le moment en tout cas, cette petite séance de baston n'avait pas donné grand chose. Les fractures restaient telles quelles, ne semblant pas vouloir se refermer... Mais je m'attendais à ne pas avoir de résultats rapides et de développer une mutation de régénération en une seule séance... Pour arriver à quelque chose, il faudrait sûrement que je m'entraîne ici pendant peut-être un an, deux même, ou plus encore. Et je n'avais au fond pas de vraie garantie de résultat... Selon ce que j'avais lu, le gène X permet au corps de s'adapter de façon surréaliste et très rapide, développant ainsi divers pouvoirs. S'il pouvait s'adapter, alors peut-être s'adapterait-il à ce que je lui faisais subir... C'était ma théorie de départ. Je savais pourtant au fond de moi que c'était probablement inutile, mais c'était la seule option que j'avais.

Tous les autres mutants que j'avais croisés avaient des pouvoirs terrifiants de puissance. Régénération, pouvoirs électriques, magnétisme, force démesurée, capacité à voler, télépathie, télékinésie, ils étaient tous invulnérables. De mon côté j'étais capable de faire du métal bio qui ne servait pas à grand chose... Si je ne voulais pas finir découpée en morceaux et jetée au fond d'un lac, il fallait donc soit que je me procure l'armure d'Iron Man (je doutais que ça soit possible), soit que je trouve un moyen de me mettre à niveau. Je n'avais rien trouvé de mieux.

Soupirant longuement, je me relevai alors, les jambes tremblantes. Une fois stable, je me replaçai alors en face du poteau, prenant une grande respiration pour me concentrer. Allez... On est repartis. Un... deux...

Icare rôdait souvent autour de l'institut, il avait fini par faire la paix avec les lieux, entretenant avec l'endroit un accord tacite. Plus résident qu'élève, il demandait le strict minimum soit l'accueil en échange d'une certaine fidélité. Le jeune homme avait finalement saisi que c'était un peu sa seconde maison et que quelques soient ses pensées il ne pouvait pas trahir l'école de Charles Xaviers. Ses idéaux se rapprochaient beaucoup de celui-ci même si ce n'était pas exactement pareil, aussi n'était-il pas rare de voir l'ombre d'un ange tâcher le ciel. Ce qui l'était beaucoup plus, c'était qu'il intervienne auprès de quelqu'un comme c'était le cas, tandis qu'il effectuait une piquée contrôlée, main en avant pour essayer d'avertir l'individu.

-Arrête!

Le cri venait d'en haut, Josh avait précédemment remarqué un pauvre arbre décharné. Curieux il avait piqué vers ce dernier sans mettre pied à terre puis était remonté pour tenter de voir si la "chose" qui avait blessé le végétal se trouvait toujours dans le coin. La vue d'ensemble lui avait finalement permis d'apercevoir une silhouette qui s'en prenait désormais au poteau. Les tâches rouges que ses yeux perçants voyaient et surtout le vacillement de l'intéressé laissaient peu de doutes quant à la situation. Bien sûr, l'ange ignorait si l'inconnu tentait de se relever grâce au poteau ou faisait face à un adversaire caché par les fourrés. Voir d'en haut ne lui donnait pas des dons de télépathie mais il avait bien deviné, dans le mouvement plus ou moins flou qu'un assaut allait être donné. Vérifiant que personne n'étaient aux alentours en priant pour qu'un dangereux mutant invisible ne soit pas l'adversaire de l'inconnu qui se révélait en fait être une fille, Icare s'approcha prudemment.

Lui qui craignait par dessus tout les porteurs du gêne X avait encore un peu de mal à venir à eux de lui-même. Il hésita d'ailleurs à se diriger vers la jeune femme tandis qu'il commençait à comprendre la véritable situation. Cette fois, pas besoin de don d'empathie, l'arbre n'était pas un dégât collatéral dans un duel mais bel et bien la victime. D'ailleurs ça paraissait logique, l'institut n'étant pas loin, un acte aussi grave aurait été repéré par les X-Men qui seraient intervenus. Vu l'état du poteau et de la fille, le chanteur avait fini par saisir qu'il avait les deux adversaires en face de sa personne. Le jeune homme esquissa un pas, repliant ses ailes de moitié seulement, signe de sa nervosité. Néanmoins Icare prenait sur lui, il souhaitait réellement aider l'inconnue... Elle lui rappelait ses propres souffrances, mais aussi ses actes de barbarie quand il mutilait ses ailes. Ce devait certainement être une personne qui n'acceptait pas ses dons et qui essayait de casser les espèces de griffes-peu ragoûtantes admettons-le- qui jaillissaient de son corps.

-Salut... Désolé pour tout à l'heure, j'ai crié, mais je voulais pas que tu te fasses encore mal. Je m'appelle Icare, Josh ou Jay comme tu veux. Qu'est-ce qu'il t'a fait ce pauvre poteau? Il a l'air inoffensif pourtant ou alors il cache bien son jeu...

Tenta-t-il dans un demi sourire, se souvenant que pour l'approcher à l'époque où il allait vraiment mal, le mieux à faire était de le prendre par la dérision et non de l'accuser immédiatement de s'automutiler. C'était le meilleur moyen de le forcer à se fermer comme une huître pour cette fois et toutes celles à venir. Là, il essayait de détourner un peu le dramatique de la situation pour alléger l'atmosphère. Un peu en retrait toujours, Icare rangea définitivement ses grandes ailes qui, repliées atteignaient le creux de ses genoux, il ne voulait pas impressionner son interlocutrice. Ses ailes repliées, son visage androgyne plutôt avenant devrait normalement faire le reste du travail, à savoir détourner la jeune fille de ses actes sauvages. Enfin tout du moins c'était ce qu'espérait Icare derrière son léger sourire qui se voulait engageant bien que timide.

... trois ! Je me jetai de nouveau en avant, mettant une nouvelle fois tout mon poids sur le coup, frappant encore une fois le poteau avec violence. Mais cette fois-ci, c'était différent. D'abord, parce que ma griffe fendue ne tint pas le coup et la partie supérieure sauta, brisée. La douleur irradiait de façon incontrôlable et fut suffisante pour me mettre par terre. Au même moment, j'entendis quelqu'un qui disait d'arrêter... Qu'est-ce-qu'un observateur foutait là ? Surtout à cette heure-ci ?

Enfin pour le moment, je ne pouvais pas vraiment réfléchir. Je prendrais sûrement l'habitude, si je parvenais à développer un quelconque don de résistance, mais pour le moment ça faisait vraiment mal. Au fond, je venais de me briser net un os... C'était donc assez normal. Mon bras tremblait et je ne pouvais pas m'empêcher de sangloter bêtement, assise au sol, en me tenant la main. Là, c'était fini pour ce soir... Les griffes et les lames ne se régénéraient pas, donc le seul moyen que j'aurais de les réparer serait de les rentrer, puis d'en déployer des neuves. Le problème était que chaque fois, cela consommait de grandes quantités de fer, calcium, carbone, et d'autres minéraux divers. En somme, plus je déployais de lames, plus j'avais faim.

Ensuite, chaque nouveau set déployé faisait plus mal que le précédent. Par conséquent, sortir du métal "neuf" me ferait encore mal et pour tout avouer j'en avais un peu marre, là. C'était la pause...
Le type qui m'avait hélée s'approcha alors, et je pus mieux l'apercevoir. Voilà donc pourquoi le cri semblait venir d'en haut, il avait une paire d'ailes. S'approchant lentement, il lui lança alors que le poteau n'avait pas l'air d'un adversaire bien méchant ou agressif... Cela m'arracha un petit sourire en coin, ce qui au vu des conditions était sûrement un exploit.

Je jetai un oeil à ma main, décidant finalement de faire rentrer les griffes, qui disparurent dans un bruit d'ossement qui craque. L'ensemble m'arracha une grimace de douleur ; replier des lames ou griffes brisées faisait vraiment très mal. Je me traînai alors vers mon sac, en sortant la même chose que d'habitude : une bouteille de lait à la fraise, que j'ouvris maladroitement avant de boire une grande gorgée. J'avais aussi un sandwich boeuf-mayo et des pains au lait avec du chocolat. Toujours prévoir un pique-nique dans ce genre de conditions !
D'un geste, je désignai le contenu du sac à l'arrivant, comme pour lui demander de manière non-verbale de se servir si le cœur lui en disait. Cela fait, je lui répondis enfin :

« Qu'est-ce-que tu veux. Quand on me cherche, on me trouve. Je me laisse pas emmerder, moi, même pas par les poteaux ! »

Je ricanai alors un peu, regardant ensuite le réverbère dans lequel j'avais laissé de nombreuses traces de coups. Et de sang, aussi, mais ça c'est autre chose.

« Tôt ou tard j'arriverai à le couper. Question de patience... Les cellules ne mutent pas en dix minutes, au fond... » ajoutai-je alors en soupirant, avant d'ensuite reprendre du lait.

La fille n'était pas agressive contrairement à ce qu'avait pensé Icare. Pour en arriver à frapper un poteau, elle n'aurait pourtant pas dû être aussi sociable? Enfin tant mieux en même temps, ce serait moins difficile de communiquer avec elle. Tant pour serrer les liens que pour se donner contenance et parce que son vol lui avait donné faim, Josh se dirigea vers le sac en remerciant l'adolescente d'un hochement de tête. Il piocha dedans, retira un petit pain au chocolat et s'assit dans l'herbe, prendre sa nourriture montrerait à l'inconnue qu'elle ne le dégoûtait pas, une impression qu'Icare éprouvait souvent à l'époque et qu'il fallait éliminer rapidement pour permettre à la personne d'avancer. Bien installé, le mutant essaya de ne pas trop fixer le poteau ou les griffes de la jeune femme qui venaient de rentrer dans leur fourreau bien qu'elles soient abîmées. Elle devait posséder un système de régénération semblable au sien, que ce soit juste pour ses armes naturelles ou son corps, allez savoir. Toujours est-il qu'aux yeux d'Icare elle semblait plutôt puissante, mais il n'était pas très objectif non plus. Un peu effrayé par ses frères mutants encore, Josh avait l'habitude de les voir toujours plus forts qu'ils ne l'étaient.

-Tu sais, je ne crois pas que l'institut soit ravi de te voir détériorer le matériel, surtout qu'il y a des scènes d'entraînement... De quoi se faire "mal" sans saigner en toute légalité, avec des appareils super sophistiqués et des profs pour calculer l'évolution. T'en dis quoi?

Fit-il d'un ton dégagé pour garder cette impression d'atmosphère allégée. Pour l'instant le contact passait plutôt bien, étonnamment bien d'ailleurs vu la situation en apparence désastreuse. C'était triste de voir quelqu'un se mutiler de la sorte, Icare en savait quelque chose et il avait conscience de ce qu'il avait fait subir à ses proches lorsqu'il se tranchait les ailes ou parfois la peau. Un frisson le parcourut. Apparemment ce n'était pas le même genre d'automutilation, la fille voulait s'améliorer alors qu'il se haïssait tout simplement mais ça n'en restait pas moins triste.

-Tu ne m'as toujours pas dis ton nom au fait. Tu es là depuis longtemps?

Acheva Icare en mordant une nouvelle fois dans son pain au chocolat, le tout sans faire référence aux pouvoirs de l'inconnue bien qu'il soit curieux. Josh ne voulait pas l'aborder de manière clichée en lui posant des questions sur ses dons comme cela se faisait souvent entre adolescents de l'institut, il voulait justement la tirer de ses idées sombres et discuter avec la personne, pas le mutant. C'était son état d'esprit qui l'intéressait avant tout bien que les deux soient inévitablement liés.

Profitant des rayons de soleil, le chanteur posa une main en arrière, à plat dans l'herbe, tenant son casse-croûte offert de l'autre et regardant le ciel. Ses ailes majestueuses ouvertes pour recevoir la chaleur du doux astres lui donnaient un air comique d'angelot mal fagoté. Il avait son charme certes mais semblait bien fragile entre ces deux appendices magnifiques, presque divins. Lui le petit garçon si mince, frêle avec un visage androgyne et une allure discrète. Si l'inconnue s'entraînait par peur de ne pas être assez impressionnante, qu'elle ne s'inquiète pas... Personne ne pouvait battre Icare dans l'art de se décrédibiliser en "gros méchant qui pète-la-gueule aux vilains poteaux" bien qu'il soir probable que ses puissantes articulations mettent à mal le pauvre objet déjà en piteux état.

Le type accepta la bouffe que je lui proposais. Dans un documentaire animalier, la voix-off aurait dit quelque chose du genre, euh... "D'abord intimidé par l'autre membre de son espèce, l'homo sapiens se voit offrir de la nourriture dans un geste de cohésion sociale. Faisant ainsi fi de sa méfiance, il accepte de partager ce petit morceau de caribou cru, qu'il déchiquettera avec ses canines. L'homo sapiens est en effet un omnivore, pour lequel blablabla". Ce serait assez marrant. Tiens, il devrait y avoir une voix off dans la vie réelle, ça la rendrait sacrément plus classe !

Mais encore une fois, je me mettais à réfléchir à des conneries, mais une vague de douleur dans ma main blessée me ramena à la réalité. Celle-ci trembla moins d'une seconde, et je réalisai alors que je n'avais fait rentrer qu'un seul set de griffes. Je me débarrassai donc de l'autre, toujours dans ces mêmes bruits assez peu engageants, avant de saisir un des sandwichs et d'en avaler un morceau avec avidité. Alors que je mâchouillais la suite, l'insolite personnage volant non-identifié se mit alors à me conseiller de faire ce genre de trucs à l'intérieur de l'Institut, avec les salles, les profs, et tout ça. Enfin non-identifié. Si, identifié, il disait s'appeler Josh, ou Jay. Ou Icare ? Voilà qui ressemblait à un nom de mutant puissant façon X-men ou Confrérie, qui se donnent des surnoms pour se la jouer... Queen of blades c'était le surnom (pourri) qu'on m'avait donné, pas que j'avais choisi.

Et autant dire que du coup, ça accentua quelque peu mon inquiétude. Mes séances précédentes n'avaient pas été des plus réussies, avec des mutants balèzes... Mais au fond, autant ne pas généraliser. J'avais eu deux expériences tout à fait lamentables avec deux personnes qui m'avaient l'air aussi dangereusement instables que moi... La première par une absence totale d'empathie affective et cognitive tirant vers la psychopathie, la deuxième par une personnalité quasi-borderline. On pouvait dire que c'était la faute à pas de chance, autant ne pas rester là-dessus...

« Les profs ? Bah oui évidemment, pourquoi pas le donjon cuir latex aussi ? Nan mais, c'est bon quoi, j'ai aucune envie de me faire encore écraser ou foutre dans un mixer... En dépit des apparences, je suis pas encore totalement masochiste, quoi. Nan les profs j'en reste aux leçons de lettres et ça ira très bien. Parce que sans déconner... première rencontre à l'Institut, Amy de Lauro qui m'a totalement écrasée psychologiquement pendant 15 minutes. A la fin de la séance en fait, j'étais plutôt indécise entre la fuite et le suicide pur et simple. Soit elle est particulièrement mauvaise en psychologie humaine, soit elle est profondément méchante. J'ignore quelle option serait la pire, mais je ne suis restée ici qu'à pas grand chose, franchement. Ensuite, la rencontre avec Caitlyn Elioth, je m'suis faite courser dans les couloirs, arracher les griffes, et anesthésier. Autant dire qu'après ça, moins je rencontre le personnel de l'Institut en dehors des cours, mieux je me porte. »

Je me mis alors à réfléchir, tout en continuant de manger, mais réalisai alors qu'il m'avait posé une autre question. Enfin, deux autres questions même. C'est pas poli, de pas répondre...

« Ow... Sinon m'appelle Kaya, et je suis là depuis un peu moins d'une semaine, désolée. »

Aïe, la dénommée Kaya était tombée sur le couple de mauvaise humeur visiblement. Icare était tout de même surpris car Amy de Lauro lui avait paru plutôt sympathique pendant le cours de vol, elle avait même insisté pour que lui, élève, la tutoie. De plus la jeune femme était aussi à l'accueil, ce qui supposait normalement de savoir être patiente. M'enfin, il ne saurait juger, n'étant pas présence ce jour là ni ne connaissant Caitlyn sinon de nom. La X-Woman était une originale qui avait commis bien des frasques en tant qu'élève mais si on pouvait reprocher des choses à l'institut Xavier, on ne pouvait rien dire sur les promotions. Si Caitlyn avait été nommée professeur c'était au mérite.

-C'est bizarre quand même... Ils ne sont pas du tout dans cette optique! Que t'as dit De Lauro?-Demanda-t-il avec empathie pour partager les malheurs de la jeune fille mais voulant également disposer d'un meilleur angle de vue pour juger la situation.-Sinon c'est vraiment très rare de se faire "écraser". Justement les profs sont là pour qu'on s'améliore. -Il n'en revenait pas de dire ça, lui! Mais c'était la vérité après tout. Icare avait bien fini par s'en apercevoir.-je n'étais pas du tout un élève facile, pourtant ils ont été super patients avec moi et j'ai encore quelques soucis mais bon... Je te conseille Kurt Wagner alias Diablo, ou Hank McKoy, le Fauve comme ils l'appellent. Ces deux là sont le top du top, très abordables et sympathiques... Sinon tu as aussi Morph, que je connais que de nom mais il paraît gentil, Worthington mon prof de vol, bougon et guindé pour le principe mais juste et certainement "tendre" au fond.-Fit-il en souriant, imaginant que de prime abord ce qualificatif collait peu pour l'homme d'affaires.-

Pauvre Kaya, en moins d'une semaine, rencontrer autant de déconvenues, le jeune homme en était tout froissé pour elle. Il avait connu ses propres déceptions à l'institut, rien n'était parfait, mais là l'école commençait vraiment à partir en vrac. A moins que Kaya ait tout prix de travers? C'était possible aussi avec le dépaysement, la tristesse d'avoir quitté les siens ou l'inquiétude. N'avait-elle pas tout mal interprété comme lui au début?

-Ou sinon je t'accompagne jusqu'aux fameuses salles et je te montre les bonnes les machines. On n'a pas du tout le mêmes euh... Pouvoirs -Pourquoi est-ce qu'on parlait de pouvoirs comme chez les super-héros alors qu'il s'agissait d'une malformation de gênes? Icare cherchait toujours mais il avait fini par se conformer à la norme bien que le mot lui semble encore très abstrait, d'où son hésitation.-mais la base est la même: entraînement physique, maîtrise de soi etc. Et puis tu as raison, tout ne se fait pas en un jour...

Kaya devait être une mutante puissante en devenir, apparemment Amy ou Caitlyn lui avait déjà "arraché" les griffes, c'était donc qu'elle se régénérait, peut-être était-elle une fille de Wolverine comme Laura Kinney? Enfin à ce propos seules des rumeurs circulaient, aucun moyen de vraiment vérifier. Et puis qu'importe au final? Le principal étant que la jeune femme cesse de se faire du mal ainsi.

-En tout cas, ce n'est pas en se blessant qu'on s'améliore, ça ralentit tout le processus au contraire

Acheva le mutant ailé en espérant se montrer convaincant. Il n'avait pas spécialement envie de raconter son aventure pour se justifier mais le ferait si c'était nécessaire pour aider Kaya. Ses yeux bleus lui disaient déjà à quel point il se sentait concerné par cette colère. Elle avait été différente certes, mais le résultat était le même. Terminant son petit pain au chocolat d'une bouchée, le mutant eut un petit sourire envers Miss Spencer, à la fois pour la remercier de ce goûter et pour l'encourager à se montrer un peu plus raisonnable. Son ton n'avait pas été celui du moralisateur car cela l'aurait fait fuir mais bien d'un camarade de classe qui lui parlait d'égal à égal. Icare était ici depuis de longues années déjà et c'était dans son "contrat" d'aider les nouveaux à s'intégrer, surtout lui qui avait tant peiné pour cela.

Lorsqu'il me demanda ce qu'avait dit Amy, je haussai les épaules. Je n'avais aucune envie de me remémorer cet instant fort désagréable. Je ne savais pas trop si elle était ou non "dans cette optique" mais pour le moment je n'avais aucune envie d'en savoir plus. J'avais suffisamment de problèmes sans en plus aller en chercher de nouveaux en supplément.

« Rien de spécial. » répondis-je donc quand il me demande ce qu'avait dit Amy.

Alors qu'il enchaînait sur les autres professeurs, je pris des notes mentalement. Kurt Wagner, Hank McCoy, Morph à voir, Worthington à voir. Je ne savais pas ce qu'ils enseignaient de toutes façons... J'étais en cursus littéraire, donc s'ils étaient spécialisés en sciences, je doutais de les rencontrer un jour. Mais c'était quand même bien de connaître des noms de personnes sympathiques. Qui sait. Peut-être qu'un jour j'aurais une opportunité de les croiser.

Je hochai donc la tête une fois qu'il eut terminé de me parler d'eux, mais affichai alors un air peu convaincu quand il parla d'aller s'entraîner, voir les machines, et autres. Je n'étais en fait pas très convaincue que ça aide des masses à parvenir à mon véritable objectif. Mon but ce n'était pas de devenir madame muscles avec des gros pectoraux bizarres et tout. Il me sembla donc important de remettre un peu les choses dans le contexte.

« C'est gentil, mais... »

Et alors que je disais "mais", je m'interrompis pour réfléchir à ce qu'il venait de dire auparavant. "C'est gentil". C'est vrai, pour la première fois depuis longtemps je croisais quelqu'un de sincèrement gentil. Les types du gang dans lequel je traînais n'étaient pas foncièrement méchants, mais pas bien sympa non plus... Et en fait je n'avais connu qu'eux pendant de nombreuses années. Faisant ce que je faisais de mieux, c'est-à-dire ce que j'ai envie de faire quand j'ai envie de le faire, je me dirigeai donc vers lui pour l'enserrer dans mes bras.

Pas de façon agressive, hein, plutôt genre rhôcalin. C'était probablement tout à fait pitoyable vu de l'extérieur, et il me sembla évident qu'à ce moment-là je passais clairement pour une cinglée totalement endommagée. Mais mon dernier contact humain remontait à un bon moment, et j'avais envie. Je finis néanmoins par me détacher de lui après quelques secondes, reprenant alors où je m'étais arrêtée :

« Désolée... Je disais que... oui... enfin l'entraînement... le but c'est de forcer mon corps à se régénérer. Quand... quand je casse une griffe, elle ne se répare pas, je dois en créer une neuve. C'est long, c'est douloureux, ça me fait crever de faim. Et si je prends un coup, il n'est pas soigné... » affirmai-je en levant mes avant-bras sur lesquels les impacts de balles étaient visibles.

Je haussai alors les épaules, soupirant.

« Toutes les personnes que j'ai vues ont des pouvoirs délirants. Amy se régénère en une fraction de seconde, Elioth lance de l'électricité partout, y'a des types qui volent et ont une super force, d'autres qui sont invulnérables, lisent dans les pensées... De mon côté j'ai pas trop eu le ticket gagnant au niveau génétique. Du coup, j'essaie de m'adapter histoire de pas finir larguée au bord de la route. »

Je regardai mes doigts, qui étaient couverts de coupures ; celles-ci semblaient s'être transférées depuis les griffes vers mes vrais doigts. Le résultat n'était pas très engageant. Je revins ensuite à Icare, affichant cette fois-ci un air plutôt curieux.

« Tu disais que t'étais pas un élève facile ? Pourtant t'as l'air d'un bisounours, il s'est passé quoi ? »

Surpris, Icare manqua de basculer en arrière. Il laissa une longue seconde s'étaler avant de répondre timidement à l'embrassade quelque peu "ensanglantée" de Kaya en lui tapotant légèrement le dos. Le jeune homme eut un petit sourire pour elle, encore un peu gêné par la situation mais rassuré, ben oui, il avait bien pensé se faire traverser par une griffe l'espace d'un instant pour ne pas s'être tu. C'est vrai, de quoi se mêlait-il avec ses conseils façon prof en devenir pouvait-on penser? Lui le premier s'étonnait d'être intervenu si directement, surtout pour aider une personne aussi instable alors qu'il aurait dû aller trouver un enseignant plus à même de le faire. Seulement le cas l'avait touché et Icare avait eu envie de se montrer sincère avec elle, de la questionner pour tâcher de la comprendre avant de juger sa façon de raisonner. Par chance Kaya s'était ouverte à lui, trouvant peut-être écho dans son exemple.

Ainsi c'était le manque de "puissance" qui la faisait se haïr de la sorte? Le chanteur réfléchit un bon moment avant de répondre, conscient qu'il avait un impact sur la jeune femme. Il ne s'agissait donc pas de se tromper. Repêcher quelqu'un au fond du gouffre était toujours très délicat, visiblement son interlocutrice l'avait choisi, l'artiste ne pouvait donc pas la laisser planter là et aller chercher un prof, ce serait vu comme une trahison. Du moins c'est ainsi qu'il aurait réagi à l'époque. Il allait donc devoir répondre malgré son manque d'expérience. Bah, il suffisait d'une bonne cuillerée de sincérité saupoudrée d'une once de jugeote n'est-ce pas?

-Si ça te fais mal, ne les casse pas pour t'améliorer. Avant le don il y a ton intégrité physique qui compte. L'Institut se fiche de la puissance de chacun, il recherche avant tout à donner un foyer à ceux qui sont différents, à ce qu'ils s'adaptent... Que ce soit pour devenir un X-Men, un défenseur des mutants ou un citoyen qui sait se maîtriser et peut vivre au milieu des humains le reste de sa vie. Chacun a des aspirations différentes, l'école ne demande pas de paiement. Après c'est comme partout, même chez les humains. Certains ont un talent our la course, d'autres non, des capacités sportives exceptionnelles, d'autres pas. Tu dois songer que derrière ces mutans très forts, il y a aussi des années de travail... Mais aussi d'autres porteurs du Gêne X qui n'ont que des déformations ou une petite incidence comme "pleurer de l'encre", ressembler à un oiseau sans pouvoir voler, être bossu ou même malade... D'autant plus que tu me parais avoir un sacré potentiel, Wolverine a des griffes un peu comme toi je crois bien et c'est un des plus forts de l'institut, une vraie légende, donc si tu aspires à plus qu'une vie de citoyen moyen, sois patiente et ne te dégoûte pas en te blessant ainsi.

Fit le chanteur en modulant légèrement sa voix pour la rendre plus assurée. Il voulait vraiment que Kaya saisisse l'importance d'arrêter cette haine de soi, ce rejet que lui-même ressentait encore un peu à son propre égard. Le mutant ailé devait aller au-delà de lui pour dire tous ces mots à la jeune fille car il n'aspirait pas à la puissance, se considérant comme appartenant à la masse inférieure. Ses dons faisaient pourtant de lui un mutant potentiellement puissant, mais le chanteur n'y croyait pas et n'en avait aucune envie. Il souhaitait aider son prochain sans ses dons, en faisant des concerts pour les enfants malades ou autre par exemple; son but étant bien de maîtriser ses pouvoirs pour ne faire de mal à personne mais les oublier ensuite-sauf le vol évidemment car c'était une chose impossible.- il ne connaissait donc pas la frustration de Kaya qui lui semblait assez forte de nature qui plus est. Elle était assez bonne pour martyriser un arbre ou faire flancher un poteau sans l'entraînement adéquat, la suite était donc prometteuse si elle s'y prenait bien... Ce n'était pas non plus comme si son gêne X se contentait de lui avoir fait poussé des poils mouchetés sur les bras tel un étudiant de l'école.

-Alors partante pour voir les machines et les programmes disponibles avec moi? Avant de te régénérer, ton corps doit acquérir une certaine résistance naturelle et non réclamer à manger après le moindre effort ou cassure comme tu le dis. Le sport est plus naturel et moins violent. Tu es mutante mais humaine de base aussi, et puis ça ne devrait pas trop prendre de temps vu que tu sembles déjà bien t'entretenir. Je ne suis pas un pro, loin de là mais ça me semble la voix la plus sage... Qu'en dis-tu?

Lança-t-il d'une voix guillerette en lui proposant de prendre patience. Oui, il pouvait plus ou moins comprendre sa frustration mais impossible de faire autre chose que l’exhorter à relativiser par rapport à d'autres dans un pire état que le sien et surtout à prendre patience. Il pouvait juste l'accompagner de son mieux. Et puis de toutes manières, lui aussi devait travailler un peu son endurance qui était encore très moyenne au sol à cause de sa mutation qui le rendait mal à l'aise en course sur terre et le fatiguait vite question énergie à l'instar de Kaya. Au moins la jeune fille savait maintenant qu'elle n'était plus seule même si avant de s'improviser prof Icare avait encore bien du travail devant lui, sans compter que ce n'était pas son but premier. Josh effrayé par les mutants qui devenait Coach pour l'évolution de pouvoirs, voilà qui allait surprendre bien plus qu'une lame de feu projetée en l'air par un mutant... Mais l'institut c'était également ça, l'évolution des mentalités et bien qu'il soit encore un peu timoré, Icare était un véritable modèle de réussite en la matière.

-J'avais peur des mutants. Original pour le troisième d'une famille de 9 enfants mutants non? Je refusais d'utiliser mes dons et comme toi, je me faisais mal bien que c'était pour briser mon gêne X et non l'améliorer... J'ai été interné de force ici car mes parents ne savaient plus comment m'aider. Ce sont des gens formidables, on pourra dire que je les ai usé les pauvres.

Acheva-t-il sobrement en s'essuyant les mains dans l'herbe après le petit pain au chocolat puis en se redressant. Le portrait n'était pas en sa faveur et il manquait le contexte -la mort de Julia tuée parce qu'il était mutant entre autre- pour ne pas le juger "taré" à son tour mais Josh avait décidé d'être sincère. Très concis certes, mais sincère.

Eeettt il commença à parler. Je m'attendais à ce qu'il fasse la morale ou je ne sais pas trop quoi... Mais finalement non. A la place il débita les platitudes classiques, dans le genre "mais non t'en fais pas, faut pas se faire de mal, y'a pire, tout le monde n'est pas fort, il faut s'entraîner, tu as du potentiel" etc... Pourtant, ça faisait du bien à entendre. Je ne me plaignais aucunement de ce discours qui, même s'il n'avait rien de bien original, était un peu rassurant. Il y avait des altérations génétiques moins puissantes que les miennes dans l'Institut ? Jusque là je n'avais rencontré que des personnes qui étaient certainement capables de raser un quartier en éternuant. Peut-être était-ce simplement une erreur de statistiques, j'avais aperçu un échantillon non-représentatif d'élèves et professeurs.

« Je suis patiente. » répondis-je une fois qu'il eut terminé.
« Je comptais faire ça tous les soirs pendant plusieurs années, je me doute bien que les gènes ne changent pas si facilement que ça... »

Je n'ajoutai en tout cas rien, vu qu'il rebondit en me proposant un entraînement moins "hardcore". Peut-être était-ce plus sage, mais peut-être que ça n'aurait absolument aucun effet. Mon but n'était pas de devenir une haltérophile ou quelque chose de ce genre-là... C'était de forcer ce mystérieux "Gène X" à développer des capacités défensives importantes. En fait, mon objectif n'était probablement pas celui qu'avait compris Josh.

« J'en dis que d'accord » répondis-je alors à sa question.
« Mais il y a sûrement... je m'suis peut-être mal exprimée. Je ne veux pas devenir "plus qu'un citoyen moyen", ou "puissante" ou rien de ce genre... Je suis... » Je réfléchis un instant à la meilleure façon de le formuler.
« Maladroite. Socialement. Je ne me rends pas toujours compte de ce que pensent les gens, et je ne fais pas toujours attention à ce que je fais. Si j'énerve par erreur un humain un peu excité, au pire il va me tirer dessus, mais ça ne me posera pas trop de problèmes. » dis-je alors en montrant mes avant-bras.
« Si je déploie mes lames et que je pare les balles avec, ça me fera mal, ça ne régénérera pas, mais je n'en mourrai pas. Par contre, maintenant que je suis ici... Si par malheur, sans faire exprès, parce que je n'ai pas fait attention, j'énerve un mutant dangereux... Je n'aurai même pas le temps de dire "oups désolée" avant d'y passer. Ce que je veux c'est de quoi survivre au cas probable où je me retrouverais avec un mutant puissant sur le dos après avoir fait ou dit une connerie... Quand Caitlyn Elioth m'a coursée dans les couloirs avec ses éclairs, j'ai vraiment cru que j'allais y passer et clairement j'ai eu de la chance de survivre. »

Ayant terminé mon sandwich, j'attrapai une petite brioche au chocolat et me relevai en même temps qu'Icare tout en l'observant. Un étrange personnage. Il était gentil, alors j'avais accepté de le suivre même si je n'avais pas spécialement envie d'aller au gymnase pour mesurer quoi que ce soit... Je n'avais pas refusé car je ne voulais pas le décourager d'être gentil, en fait. C'était trop souvent ce qu'il arrivait aux personnes adorables : ils se faisaient rejeter, marcher dessus par des connards, et pouvaient finir en gros psychopathes fous furieux alors qu'ils étaient au départ des gros bisounours. Les gens les usent, abusent d'eux jusqu'au bout, les écrasent jusqu'à ce qu'ils n'aient plus d'autre choix que de devenir des monstres... Pour ma part, j'encourageais le bisounoursisme. Non, ce mot n'existait pas, mais je pensais important de l'employer. D'ailleurs, j'allais écrire aux types éditant les dictionnaires pour qu'ils intègrent le mot dans leurs ouvrages !

Je le suivis ensuite alors que nous nous dirigions vers la sortie du bois, qui était à une dizaine de minutes à pieds environ, tout en répondant.

« Hm... » démarrai-je avec un air peu convaincu.
« Tu m'as l'air de quelqu'un d'émotif, mais pas d'un idiot. Mon truc, là, a une forme de logique. Si je me brise les griffes, alors mon gène X réagira au danger, et il forcera une forme de régénération au fil du temps. Bon j'avoue, les bases scientifiques sont peu solides, mais il y a une forme de logique chancelante. Par contre... Se blesser -les ailes j'imagine- pour que le gène X disparaisse de chacune de mes cellules, ça me semble bizarre. Y'avait autre chose dans le lot ? »

Je ne voulais pas être indiscrète, mais ça m'intriguait. Au fond, quand on est gamin on est rarement aussi posé et logique qu'à l'âge adulte... Il était donc fort possible que ces mutilations qu'il évoquait ne soient bel et bien le résultat d'une vraie conviction, selon laquelle couper les ailes couperait aussi le gène X. Mais comme toujours je voulais creuser, chose qui m'avait souvent valu bien des emmerdements d'ailleurs... Je ne venais qu'à peine de réaliser ça : que ma curiosité déchaînée avait parfois tendance à énerver. Restait à espérer que ça ne serait pas le cas ici... Car face à un type volant, j'étais juste totalement décédée. Sur ma pierre tombale, j'aimerais bien qu'on mette les paroles de "Never gonna give you up", tiens, histoire de Rick Roller tous les gens qui viendraient. 'fin... Personne ne viendrait, note. Rick roller les passants, alors.

-Tu comptais te massacrer ainsi pendant des années? Et bien...

Fit-il à la fois inquiet et admiratif. Kaya ne semblait plus si fragile tout à coup. Au contraire la jeune femme avait même l'air très sûre d'elle-même. A savoir ce que cela cachait mais Jay n'étant pas non plus un psychologue décida de ne pas s'y attarder. Déjà qu'il avait l'air de se tromper sur toute la ligne en ne grattant que la surface. Le chanteur se redressa, étira ses ailes comme pour profiter une dernière fois des rayons du soleil et les replia délicatement dans son dos.

-Faudra que tu me guides, je connais le chemin de là-haut, mais là... C'est fou ce que ce bois est dense.

Être au sol n'était pas toujours simples pour Josh. Ça aussi ça faisait partie de l'évolution mutante. Si au début le jeune homme avait même le vertige, petit à petit il avait apprit à aimer le ciel puis à ne plus s'en passer. A l'instar ds oiseaux bien qu'il ne soit pas un hybride, l'artiste peinait à rester par terre. Un moment, il avait même craint de se métamorphoser totalement jusqu'à ce qu'on le rassure. Son instinct était poussé mais n'irait pas plus loin, tout comme son physique. Décidément, ce gêne X n'était pas un cadeau. Enfin pas toujours admit finalement Josh qui se rappela de ses superbes virées volantes.

-C'est glauque ton truc. Heureusement que tous le monde ne tire pas sur les maladroits, je serais déjà mort; Enfin... Sensé-fit-il en baissant légèrement la tête, se souvenant de Julia qui elle, était bien décédée, tandis que lui s'était régénéré. Pour l'instant il n'insista pas cependant, laissant la révélation de côté.-Et à l'institut ils ne doivent pas t'attaquer comme ça sans raison. Depuis des années que cette école remplis d'ados gonflés aux hormones et au gêne X il y a eu peu d'altercations, ou elles ont été contrôlées tout du moins... Les profs veillent! Enfin... Pareil, sensément. Franchement ce que t'as fait Elioth me semble grave et disproportionné. Tu devrais aller voir Xavier ou un autre prof pour demander conseil. Moi je ne suis pas habilité à savoir ce qui s'est produit et encore moins juger. Mais tu devrais vraiment en discuter, voir avec l'intéressée elle-même. Si tu veux j'peux t'accompagner hein.

Icare chercha un instant dans sa tête si Caitlyn possédait un don d'illusion. Elle avait juste pu vouloir faire peur à Kaya? Ou alors elle avait utilisé de véritables dons d'électricité mais sous contrôle total? Le jeune homme soupira légèrement, il n'était pas assez intégré dans ce "monde" pour savoir qui possédait quelle capacité et surtout comment étaient les nouveaux X-Mens. Icare n'était pas tout à fait guérit encore, la convalescence était longue, ce qui expliquait son éloignement, son accord tacite avec l'institut. Il ne s'amusait pas à discuter avec tous les mutants qui passaient, devant encore outrepasser sa peur du paranormal et comme Kaya, des attaques de mutants trop puissants. En tout cas il ne pouvait pas démentir, la demoiselle était assez maladroite socialement parlant. Elle lui avait quand même sauté au cou alors qu'ils ne se connaissaient pas et qu'Icare abordait alors une certaine distance de sécurité. Mais bon, ce n'était pas méchant et Josh était sûr qu'en la connaissant mieux, les autres s'habitueraient vite... Elle n'était pas bien désagréable au final.

-Y'a des cas ici tu sais. Je ne veux pas t'effrayer mais des criminels repentis... Des mutants qui ont été contrôlés par des vilains télépathes, tout ça. Et l'école est habituée à la réhabiliter à la vie normale. Et je ne te parle pas des adolescents totalement perturbés qui arrivent ici, soit après des mois dans la rue, de maltraitance par leurs parents, d'histoires toutes plus tragiques les unes que les autres... Ils sont eux aussi "maladroits" mais à un niveau encore pire que le tien. Et puis tu n'imagines pas ma maladresse quand je suis arrivé ici, pour moi tout le monde voulait me blesser, je haïssais mes parents et tout ça... Donc je ne pense pas qu'ils essayeront de te massacrer à la moindre incartade, même s'il faut vraiment éclaircir ce qui s'est produit avec Elioth et De Lauro.

Fit-il essayant de se montrer impartial. Il compatissait avec Kaya mais ne pouvait pas non plus se lancer dans une critique ouverte de l'institut, chose qu'il aurait fait à tort à l'époque d'ailleurs. Seulement l'ange avait compris que ce lieu de refuge était indispensable pour beaucoup de mutants, et surtout que ceux qui l'habitaient était des gens biens qui souhaitaient réellement faire le bien. En effet il y avait des ratés mais comme partout et ce n'était pas à Jay de mettre les malheurs de l'école en avant, ce ne serait pas servir miss Spencer que de la fâcher encore plus avec l'institut.

La demoiselle fit encore preuve d'un peu de maladresse en lui posant une question sur "le sujet qui fâche". Icare avait heureusement mûrit, au point de comprendre qu'elle aborde ce sujet. Après tout c'était lui qui l'avait mis sur la table, et si voir qu'il s'en sortait désormais pouvait apaiser la jeune femme, autant continuer dans sa lignée de sincérité.

-Il faudrait m'opérer pour me les arracher totalement, et pas le genre d'opération que n'importe qui peut faire... Et encore je ne sais pas si ça repousserait, on ne sait pas trop d'où vient mon pouvoir même s'il paraît que ce sont bien mes ailes. Cependant ça n'est pas si simple encore une fois puisque je me régénère. Donc effectivement y'avait un autre truc dans le lot.

Avoua-t-il sans pour autant mettre son don de la voix qui se révélait de plus en plus pratique en avant. Kaya se plaignait d'avoir à faire à des mutants trop forts, bien qu'il ne se considère pas comme tel, Josh préférait éviter les comparaisons. Cependant, par soucis d'éclaircissement, il prit un petit bâton pointu et s'égratigna le dos de l'avant bras, tâchant de ne pas trop se faire mal pour ne pas que la jeune femme se complaise dans son "vice". La petite plaie se ferma presque aussitôt, juste le temps qu'une petite gouttelette rougisse son bras.

-C'est apparut sur le tard pour le reste du corps, les ailes, elles ont toujours repoussés.

Il évita bien sûr de mentionner ce qu'on lui avait dit à l'infirmerie: s'auto-mutiler avait grandement fait travailler sa régénération, lui servant d'entraînement involontaire en quelque sorte. C'était une méthode efficace, lus rapide qu'un très long travail de patience et d'endurance comme l'avait suggéré Josh à Kaya. Seulement, pour des raisons évidentes, la demoiselle ne devait pas prendre ce chemin, d'autant plus que ce n'était pas une régénératrice et qu'autant de souffrance pourrait laisser des séquelles bien plus conséquentes que le souvenir de la douleur intense qui lui provoquait parfois des sursauts nerveux rien qu'en y repensant.

-Tu sais quoi?-Fit-il en profitant de l'élan donné par la mutante puisqu'il allait également aborder un sujet délicat.- Au lieu d'essayer d'apprendre à survivre à ta maladresse, tu devrais tenter d'en finir avec elle. Pas de changer totalement non, mais essayer de voir quelqu'un... Genre McKoy, il pourrait te conseiller, comme ça tu aurais moins peur de la réaction des gens, non? Il t'aiderait à mieux saisir ce qui t'entoure, à diminuer tes problèmes relationnels et évacuer ton manque de confiance en toi...

Oui les psychologues étaient des aides précieuses, et Kaya pourrait bien se douter au vue du petit pan de l'histoire que Josh lui avait servit qu'il en avait vu. Le Fauve était parfait dans ce rôle bien qu'Icare l'ait peu vu. Il offrit un sourire d'encouragement à son interlocutrice. Admettre qu'on avait besoin d'aide mentalement était encore plus dur que se faire du mal physiquement contre un poteau, il le savait très bien, mais c'était une étape cruciale.

J’acquiesçai quand il me demanda de passer première pour montrer le chemin. Pour une fois, je compris assez facilement pourquoi il avait besoin que quelqu'un mène la route : depuis le ciel, se déplacer était nettement plus simple. Ici, le bois était relativement épais et retourner à l'Institut ne serait pas... Non, pas compliqué, mais quelqu'un ne sachant pas où aller pourrait tourner en rond une bonne heure avant de sortir de là, en tout cas. Pouvoir voler, c'était pratique ça. Contrairement à pouvoir couper les arbres et abîmer les poteaux... Je soupirai longuement, évitant de trop me focaliser là-dessus, avant d'écouter ce qu'il disait.

"C'est glauque". Ben ça... Il parla du fait qu'on n'était pas censé m'attaquer, et autres... Je ne dis rien, vu que dans chaque cas, les attaques (personnelles/psychologiques ou physiques) avaient été provoquées par une maladresse de ma part. Donc dans un sens... Je l'avais "bien cherché". Je m'étais habituée à cet état de faits. Je suis maladroite, je dis parfois des bêtises sans le vouloir, alors je me fais attaquer. Je m'étais même résignée à cette idée.
Par contre, quand il évoqua le fait qu'il y avait des criminels repentis dans l'Institut, je ne parus pas du tout rassurée. Parce qu'il y avait encore plus dangereux que la nana de l'accueil, et l'experte en réinsertion sociale ? Alors là... il allait falloir soit que je dorme à l'extérieur de l'Institut en prétendant être muette, soit que je commande des plaques de titane sur internet pour en faire une armure lourde. Tiens, ça m'irait peut-être bien au fond, le style chevalier ? Je pourrais me mettre à parler en langage médiéval, et dire des conneries aux gens dans les couloirs, héhéhé, comme par ex...

Non. Merde, quoi... Je n'avais aucune capacité de concentration. Je venais de me dire que je ne devais plus parler à personne pour ma propre sécurité et voilà que moins d'une minute après j'avais pour projet d'embêter tout le monde avec un délire bizarre à base de chevalier de la table ronde...
Mais lorsqu'il parla d'"éclaircir les choses" avec Amy et Caitlyn, là j'eus un vrai gros blocage. Alors ça, non, ça ne me semblait vraiment pas, mais alors VRAIMENT PAS stratégique.

« Oula, je pense plutôt que je vais mon possible pour me faire oublier. Au point où j'en suis tu vois, je me fiche d'être intégrée : être ignorée me conviendra très bien. »

Il évoqua ensuite les ailes, qu'il faudrait opérer de manière lourde pour parvenir à les retirer. Personnellement, je ne comprenais pas pourquoi il voudrait se les faire enlever vu que c'était super classe et super utile, mais je savais que chaque personne avait ses raisons. Même si je ne comprenais pas pourquoi, je pouvais en revanche comprendre qu'il ait une raison de souhaiter le faire, que je ne connaissais pas. Au fond, je le connaissais à peine... J'étais donc assez mal placée pour déterminer si oui ou non il avait tort de vouloir se faire retirer les plumes. Peut-être qu'un truc lui était arrivé, lié à ça, ou quelque chose de ce genre... New York est bien plus agitée que le patelin d'où je venais, il était donc plus probable de se faire agresser ou prendre à parti par des tarés, par exemple.

Mais quand il parle du fait qu'elles repoussent, il me montra ensuite... un pouvoir de régénération. Autant dire que j'eus alors immédiatement un air déprimé. J'étais déprimée. J'étais VRAIMENT la seule mutante au monde qui ne pouvait pas faire ça en fait ? Mais bordeeeeeel l'arnaque que je m'étais bouffée ! Mon paternel pouvait devenir incorporel et passer à travers tout, donc ainsi éviter les blessures, Amy se régénérait en deux secondes, Caitlyn j'étais sûre qu'elle le faisait aussi, l'angelot aussi, merde à la fin... Peut-être qu'en modifiant mon programme...

Parce qu'après avoir vu ça, autant dire que ma volonté de continuer les entraînements contre poteau avait redoublé. Il était bien sympa avec ses "entraînements", mais franchement, faire des pompes et des tractions je voyais assez mal comment ça forcerait le gène X à réagir en provoquant une régénération accélérée. A la limite je pourrais servir d'actrice pour des pubs pourries de télé-achat vendant des machines de muscu merdiques ou des "mélanges super muscle" daubés plein d'OGM... Mais à part ça, je ne voyais vraiment pas ce qui pourrait ressortir de tels entraînements. Néanmoins, il existait peut-être des moyens d'accélérer le processus... Grâce à notre amie la médecine.

Je ne savais pas s'il existait ou non des produits ou médicaments accélérant la cicatrisation, ou des trucs à base de cellules souche, je sais pas... Mais c'était peut-être une piste à explorer. Encore une fois, j'ignorais TOTALEMENT si un tel truc existait, mais si c'était le cas il faudrait que je découvre de quoi il s'agissait pour l'ajouter à mes séances de défonçage de métal.
Je n'avais aucune envie particulière, consciente ou inconsciente, de m'auto-mutiler. Ce que je faisais était purement stratégique, tactique, même. Mon but n'était pas de "me massacrer" comme il le disait, mais de forcer mes putain de cellules inutiles de merde à développer une capacité qui servait à quelque chose. Grosse nuance de fond ! Si j'avais la certitude que me déglinguer les griffes ne servirait à rien j'arrêterais. Malgré les apparences, j'étais une fille plutôt logique. Oui, c'était pas crédible, mais c'était pourtant vrai.

Le fait était qu'en réfléchissant à tout ça avec ma mine totalement blasée, je n'avais pas écouté ce qu'il racontait. Je ne réagis que quand il parla de la réaction des gens, et lorsqu'il eut terminé sa phrase, je lâchai alors :

« Hein ? »

Je pris alors quelques secondes pour tout réunir. Je n'avais pas écouté mais j'avais entendu, il fallait donc que je réfléchisse un bref instant à ce qu'il venait de me raconter... Ah, oui ok.

« Bah, je vais pas emmerder un prof sympa avec mes conneries. Il est pas payé pour ça le pauvre. D'autant que s'il devait se mettre à écouter mes histoires, il finirait probablement par m'envoyer chier comme Amy. Mais j'apprécie la suggestion, c'est gentil ! » finis-je avec un sourire forcé.

-Ça m'a pris deux ans pour m'intégrer tu sais, enfin mon cas était spécial aussi. Franchement, tu ne perds rien à essayer, et si... Les profs sont payés pour ça. C'est aussi dans leur vocation de X-Men normalement. Je ne croyais pas trop en leur truc, mais bon, ça art d'un bon sentiment et la majorité s'y tiennent. Vas voir Worthington, il est vraiment juste, il te parlera sans chichis mais sans violence. Sinon McKoy est encore mieux, de plus c'est un peu le psychologue. Il travaille à l'infirmerie, il soigne les bobos du corps et de l'esprit. Visiblement toi tu as besoin des deux, ça tombe bien non ?

Icare n'avait pas envie de laisser tomber, Kaya ne l'avait pas rejeté, c'était donc qu'être ignorée ne lui plaisait pas tant que ça non ? Pourtant le jeune homme évita d'insister plus suite à cette dernière réplique. Mieux valait doser ses mots pour qu'ils restent dans la tête de son interlocutrice sans qu'elle ne les rejettent d'office. Souriant toujours, le chanteur tendit le bras pour proposer à sa comparse de porter les affaires, après tout, lui n'était pas en train de saigner des mains comme un beau diable, et il ne s'était pas non plus acharné contre un poteau pendant de longues minutes voir des heures.

-Bon, tu n'as pas l'air très envieuse de faire ce que je t'ai proposé -nota-t-il, prenant son air gêné face à ses révélations pour ses dons pour une envie d'autre chose.- que voudrais-tu faire ? A part te faire du mal encore j'entends !

C'est vrai, quels étaient les loisirs de la miss ? Icare espérait bien la "brancher" comme on dit grâce à une activité qui la détendrait un peu et l'éloignerait de ses sombres pensées. La jeune fille devait apprendre à connaître l'institut sous un autre angle, un peu comme lui, sauf qu'il avait mis plus de deux ans pour se faire avec une rechute au milieu. Le jeune artiste n'avait pas envie que Kaya reste isolée aussi longtemps, elle semblait déjà tellement blasée. Sans éprouver une pitié qui serait inconvenante et humiliante, le mutant avait à coeur de l'aider comme on l'avait fait pour lui. Il n'avait peut-être pas la vocation d'un X-Man mais demeurait un gentil garçon avec une belle âme. Il faut dire que sa famille lui avait donné le bon exemple, et puis c'était dans sa nature de toutes façons. En tout cas son après-midi libre venait de se transformer en service express pour demoiselle en détresse. En bon chevalier galant, Icare avait décidé de se mettre en 4 pour elle, pas seulement pour l'aider mais aussi pour avoir un peu de compagnie. La solitude des cieux ça allait un instant, la tranquillité d'une chambre également mais il fallait aussi se socialiser un minimum. De plus, Kaya remarquerait peut-être qu'à partir d'aujourd'hui, au moins une personne était décidé à ne pas la rejeter et encore moins à l'ignorer.

Sans parler de la surveiller, encore très jeune, le chanteur avait simplement envie de s'amuser, d'adoucir un peu l'atmosphère lourde qui régnait, non seulement autour du poteau souffrant, mais aussi dehors, à Mutant Town, New York, partout. Qui sait s'il aurait aussi le pouvoir de faire changer un peu tout cela ? Ce serait un joli don ça... Ça vaudrait la peine d'être mutant tiens, transformer une sale journée en un bon moment de détente.

« Je sais pas... » répondis-je à la première tirade d'Icare.

Et en effet, je ne savais vraiment pas trop quoi en penser. En fait... Il y avait toujours eu trois processus simultanés dans mon esprit. La couche visible, la couche de contrôle, et la couche inconsciente. La couche visible était ce que j'affichais volontairement, comme par exemple mon côté irresponsable, joueur et gamin. Cette couche visible était contrôlée par la couche, ben... de contrôle. Je réfléchissais à chaque seconde à tout ce que je faisais, disais, interprétais, à chacune de mes réactions, je les calculais à l'avance afin de renvoyer la "bonne" réaction, celle qui était attendue de moi socialement. Enfin, la couche inconsciente était... ben en fait je ne la contrôlais pas. Elle contrôlait ma couche secondaire sans que je ne puisse vraiment changer ça.

Mais parfois, j'arrivais à "lire" dans cette couche inconsciente et je réalisais qu'il y avait des conneries ou des incohérences. Il m'arrivait parfois de dire quelque chose, puis de réaliser qu'en fait ce que je disais n'était pas logique du tout, n'avait pas de sens. Que la couche inconsciente avait envoyé un ordre totalement crétin aux deux autres, sans que je ne parvienne à le maîtriser convenablement. Autant dire que ça m'énervait... Pas qu'un peu, car c'était la source principale de mes problèmes. Et là, encore une fois, je réalisais après coup que j'avais sûrement raconté des conneries, qu'inconsciemment je m'étais faite raconter des imbécillités. Que j'avais même cru des imbécillités.

« En fait, je dis que les gens, Amy ou d'autres, m'envoient me faire voir et autres... Dans les faits c'est surtout que j'ai la conviction totale qu'ils vont m'envoyer chier quoi que je dise ou fasse, et que si je tente de leur parler je vais aggraver la situation. Pareil pour ce McCoy ou ce Worthington. Je sens que si je vais les voir, je vais me retrouver dans une situation pire que celle actuelle. Du coup, je préfère rester à la situation actuelle. Pas brillante, mais au moins je n'ai pas été virée de l'Institut. »

Même si je savais que ce n'était pas logique, je ne parvenais pas à me détacher de cette panique d'aller voir quelqu'un que je ne connaissais pas et de l'emmerder avec mes histoires. La vie était bien plus simple quand je ne laissais voir que la couche primaire, celle de l'élève un peu dingue. Je me laissais prendre au jeu et l'espace de quelques instants, j'oubliais que je faisais semblant. J'avais vraiment l'impression d'être une fille un peu bizarre mais heureuse d'inventer de nouvelles façons de s'amuser et de se mettre dans des ennuis. Maintenant, la vraie question était celle de la viabilité à long terme. Pourrais-je vraiment continuer de vivre dans cette illusion que je m'étais créée ? Il fallait que je trouve un autre moyen de fonctionner.

« Le programme héritage... J'ai vu des affiches... Comment ça marche exactement ? »

La question était sortie toute seule. Mes capacités étaient inutiles, mais ils semblaient rechercher des combattants. Je n'était pas du genre super héroïne qui se la pète avec un costume et une cape, mais... Comme je l'avais dit, j'étais le genre de personne qui se jetterait devant un flingue pour sauver quelqu'un d'autre, sans même réfléchir une seule seconde. Peut-être que ce genre de chose pourrait... Me donner l'impression que je peux faire quelque chose de mes dix doigts ? Que cette erreur génétique pouvait être bénéfique à quelqu'un ?

-Mademoiselle De Lauro et sa copine ne sont pas très connues pour être diplomates... Après je m'entends bien avec la première, on a des cours de vol ensemble bien qu'elle va sûrement me dépasser rapidement, y compris monsieur Worthington. L'étendue de ses dons à l'air sans limites !

Icare ne put empêcher un frisson de le parcourir de la pointe des cheveux jusqu'au bout des ailes. Encore maintenant, il avait tendance à craindre le pouvoir de certains mutants. Loin de les envier, le jeune homme avait plutôt tendance à mesurer l'étendue de leurs responsabilités. Il était très content avec son don plutôt "simple" à gérer une fois que l'on avait saisi le truc et qu'on possédait un long manteau. Oh oui, ses ailes étaient dix fois préférables aux trucs psychiques bizarres, aux capacités surdimensionnés qui mettaient les concernés dans un coin de monde bien à eux, les isolant jusqu'à les faire souffrir parfois. Franchement, personne ne pouvait rester sain avec autant de modifications, même invisibles à part Charles Xavier peut-être. Comment se sentir en confiance avec un tel potentiel destructeur, des possibilités de réflexion bien au-delà de la moyenne qui ne permettaient pas de profiter de l'instant présent et vous faisaient dépasser n'importe qui ?

-Je ne sais pas ce qui s'est passé avec mademoiselle De Lauro, voudrais-tu que j'aille lui parler ? Ça ne me pose aucun souci, vraiment. Et évidemment que tu n'as pas été viré ! Beaucoup ont fait pire que d'être "maladroits".

Le programme Héritage détourna sensiblement la conversation, Josh réfléchit un moment, essayant de se souvenir des fameuses affichettes. Curieux comme tout le mutant les avait regardé lorsqu'elles avaient été mises en place. Il se souvenait également avoir assisté à un cours de Caitlyn sur les X-Mens, on pouvait dire qu'ils mettaient la gomme pour "recruter". Icare voyait cette activité d'un oeil beaucoup moins critique qu'avant, après tout chacun faisait ce qu'il voulait et les X-Mens avaient vraiment l'air de savoir se contrôler. Samuel Paares était mort en étant conscient des risques, c'était ce qui le faisait vibrer et retirer ça à son ami aurait été lui voler une partie de lui-même. Malgré sa souffrance, Josh commençait à comprendre le défunt ainsi que le désir de certains d'utiliser leur don à bon escient. Lui même préférait se servir de son potentiel humain pour faire le bien autour de lui, de petites actions telles que diriger un nouveau perdu, consoler un copain triste, donner à manger à un SDF... Il ne se sentait pas l'âme d'un super héros qui poursuit des criminels, non pas part peur puisqu'il était quasiment immortel et surtout qu'il connaissait bien la souffrance physique mais par fragilité mentale. Le jeune homme n'était pas sûr de supporter toute la violence des combats, le stress des missions et surtout il avait encore un peu peur des mutants. Les X-Mens étaient très puissants, ce serait s'effrayer lui-même que de tenter de faire partie de leur équipe, enfin bon, le programme restait intéressant.

-Et bien selon ton pouvoir, qui, je pense, fait partie du même groupe que moi... C'est à dire une manifestation physique, tu peux t'entraîner sans boxer des poteaux.-fit-il en souriant, gentiment moqueur. En réalité le jeune homme était surtout soulagé car Kaya venait de trouver elle-même la solution à son souci.- des professeurs expérimentés te montreront comment améliorer ton potentiel. Du coup tu pourrais avoir à faire aux machines que je te conseillais mais sous la houlette de quelqu'un qui sait y faire pour développer tout ce qu'il faut... Physique, mental, don. Toi qui voulais améliorer tes capacités tu pourrais t'y inscrire non ? Si tu veux, je pourrais éventuellement venir même si je n'ai pas du tout l'intention de devenir X-Man ou de faire partie d'un de leur Squad... Je ne sais plus trop si c'est le mot. Je respecte leur idéologie mais ce n'est pas fait pour moi. Par contre toi, oui ça pourrait le faire, qu'en dis-tu ?

Le chanteur fit un clin d'oeil à sa comparse pour l'encourager dans la voie qu'elle avait prise, c'est à dire, chercher des solutions, y croire, s'intéresser. Oui la jeune femme en s'ouvrant pourrait être une très bonne candidate pour le programme, d'autant plus que Caitlyn avait bien dit dans son cours que n'importe quel mutant pouvait tenter de devenir X-Man, même ceux aux dons faibles. Or Kaya était loin de manquer de potentiel avec ses griffes à la Wolverine.

- Ouais... répondis-je avec un ton maussade, quand il parla de dons sans limites.

Je ne parvenais pas à me sentir à l'aise, quand on parlait des pouvoirs immenses des autres mutants de l'Institut... Vu que de mon côté, bah... à part rayer un poteau je ne servais pas vraiment à grand chose, au final. Plus on discutait, plus je me sentais mal et totalement inutile, et plus ma volonté de continuer ces "entraînements" se renforçait.
Lorsqu'il proposa de lui parler, je haussai les épaules avant de soupirer longuement.

- Je sais ce qu'il s'est passé, perso... J'ai fait n'importe quoi, et maintenant elle me voit sûrement comme une sorte de débile dangereuse et irresponsable avec une mauvaise influence ou je ne sais pas quoi. Après j'peux m'en prendre qu'à moi-même. J'me suis plantée, ça a des conséquences...

Il parla alors du projet héritage, sans vraiment répondre à ma question ceci dit, mais me donna pas mal d'informations intéressantes. Néanmoins, il y avait toujours le même problème récurrent... Mon absence d'utilité. Car contrairement à ce que semblait penser Icare, je ne voyais pas le programme en question comme une sorte de programme d'entraînement des élèves qui veulent s'améliorer, devenir plus responsables, se rendre utiles, et autres. Je voyais ça comme un programme dans lequel ils voulaient des résultats, un peu comme à l'armée. Si tu pèses 280 kilogrammes, ou si tu es incapable de faire 4 pompes sans t'évanouir, tu te feras jeter sans même pouvoir essayer.

Et c'était ça que je craignais... Je pensais être vue comme une sorte d'irresponsable dangereuse et mauvaise, avec en plus un pouvoir qui n'avait juste rien de rien à voir avec la puissance de personnes comme Amy. Je craignais donc fortement de me faire jeter à l'entrée, sans pouvoir tenter.
Une fois dedans, je savais que j'aurais l'assurance nécessaire pour être assidue, mais tant que j'étais "à l'extérieur"... C'était vraiment l'angoisse. C'était encore une fois tout le problème... Prendre le risque de se faire jeter, ou accepter le statu-quo et ne pas tenter en restant ainsi isolée ?

- Le souci c'est que contrairement à Amy, j'ai pas des pouvoirs sans limites, bordel... C'est tout le problème. Je vole pas, je suis pas invincible, je régénère pas, j'ai pas de pouvoirs mentaux, j'ai pas de super force, j'ai pas de lance-flammes, je peux pas geler les gens, ni projeter d'électricité... J'ai pas vraiment de don utile au combat.

Je soupirai longuement avec une mine préoccupée. Après quelques secondes, je haussai finalement les épaules, faisant part de ma conclusion.

- Je vais tenter quand même, mais je pense qu'il y a neuf chances sur dix que je me fasse jeter à l'inscription, tout simplement.

J'allais essayer. Je voulais saisir cette opportunité de faire quelque chose d'utile, au lieu d'être... Là, à servir à rien. Comme je l'avais affirmé à Amy lors de notre complexe voire chaotique rencontre, j'étais du genre à me jeter devant une mamie et prendre une balle à sa place, sans même réfléchir une seule seconde aux risques que j'encourais. Alors pourquoi pas, au fond ? Je voulais juste faire quelque chose de bien.

- Tellement inutile que même quand je veux aider, personne n'en veut...

En fait c'était ça que je craignais le plus, probablement. Avoir la confirmation finale que je n'étais rien et ne valais rien, de manière définitive et irréversible. Soupirant longuement, je me frottai le visage en tentant de penser à autre chose. Je savais, consciemment, que si je me mettais à me focaliser là-dessus je ne m'en sortirais juste plus du tout. Mieux valait réfléchir à autre chose de moins... disons... mélodramatique et chiant.

- 'fin désolée. J'vais tenter et on verra. Au pire, je me lancerai dans la boucherie, au moins là mes machins seront utiles, finis-je du coup avec un peu d'autodérision, et un sourire amusé au visage.

-Mais arrête de répéter ça -Lança Icare légèrement plus fort pour couvrir les plaintes de la jeune femme, sans méchanceté mais avec une certaine fermeté.- Tu as déjà vu l'espèce d'hybride rat déambuler dans l'institut ? Ernest LeNoir ? Même si tu es là depuis peu de temps, ça m'étonnerais que tu ne l'ai pas vu... Enfin bien que ce n'est pas le cas, ça ne va pas tarder, ce gosse a failli me tuer. Parfaitement, sur le toit de l'école, et je ne te raconte pas toutes ses autres frasques. Ce type est un danger mortel. Alors j'ignore pourquoi on est "plus patient" apparemment avec lui que toi, mais tu as encore une sacré marge d'erreurs, tu n'as certainement pas pu fait pire que lui. Il sème la bagarre partout où il passe ; Pas très rassurant je sais, mais au moins question irresponsabilité tu sais que tu es loin du compte. D'ailleurs si De Lauro ne s'était trouvé aucun tort et t'avais jugé folle, tu aurais été mise sous tutelle, comme moi. Internement forcé, sans occasion de sortir à moins de prouver que tu n'es pas dangereuse pour toi où les autres.

Fit-il en révélant que lui aussi, à sa façon, avait été un mutant très difficile. Jay l'avait déjà dit avant mais il appuyait bien sur son internement, se mettant presque au niveau d'Ernest a qui il n'avait jamais pardonné. Quoiqu'il en soit, le jeune homme était moins doux qu'il n'avait sûrement paru, et moins naïf également. Il espérait qu'avec cette lucidité des choses et son explication fournie, Kaya n'allait pas s'arrêter à son aspect angelot tombé de son ciel dans un nid de vipères. Icare connaissait les travers de l'institut, la tolérance allait trop loin par moments à ses yeux.

-L'école recueille même les mutants qui ont pour "don" de pleurer de l'encre. D'ailleurs j'espère voir Beck au projet héritage ! Et je pense qu'eux aussi, c'est une sorte d'hybride poulet, il ne vole pas, ne saute même pas plus loin que la moyenne, il ne fait que perdre des plumes.

Jeta Icare en pâture à celle qui ne voyait que les mauvais côtés. Se disant le mutant avait eu un petit air triste. Lui non plus ne saisissait pas combien il avait de la chance avant, pas celle d'être puissant mais de pouvoir au moins voler bien que son physique soit altéré.

-Le principe c'est d'aider, chacun à son échelle et crois-moi, tu n'es certainement pas en bas des échelons. Et puis, dans ton raisonnement, les pompiers, policiers, médecins humains ne servent à rien vu qu'ils n'ont rien d'utiles ? Ils devraient laisser la place à de super mutants à régénération etc ? Non, je ne crois pas, franchement la puissance ne fait pas tout. Et puis tes "machins" comme tu dis, il faut que tu apprennes à les utiliser pour qu'ils soient pratiques. Tu crois que j'ai volé en dix minutes ? Mes ailes ont pesé sur chacune de mes épaules pendant 3 ans avant de servir à quelque chose... Parce que je refusais de voler, mais même quand je l'ai accepté, ça m'a pris 2 mois avant de décoller correctement, et 1 an avant de voler normalement. Ce projet héritage ne teste pas les meilleurs, il forme des débutants pour arriver aux meilleur parti que ton don t'offre, quelqu'il soit, encore une fois je répète que le tien n'est pas nul et en plus, il peut évoluer, c'est certain.

Finit le jeune homme en se tournant vers sa camarade, marchant en arrière pour lui sourire et lui ouvrir les bras, comme s'il l'accueillait à nouveau à l'institut désormais bien visible. Malheureusement l'ange butta sur une racine, peu habitué à ce genre d'obstacles terre à terre. Tombant à la renverse, il éparpilla les feuilles en déployant ses ailes par instincts pour se rattraper. D'abord un peu hébété il sourit puis rit de sa bêtise. N'importe qui pouvait être fort s'il croyait en lui puis totalement ridicule et vulnérable dans la seconde d'après par inadvertance. C'était une question de volonté, c'était ça le vrai pouvoir. Ainsi songeait un jeune homme qui avait toujours plus compté sur ses capacités que son dons qu'il détestait au début.

Je haussai un sourcil quand Icare évoqua le rat tueur qui traînait dans l'Institut... Je l'avais effectivement croisé quelques fois, mais vite fait, sans vraiment plus discuter que ça ou quoi que ce soit d'autre. Je n'avais pas spécialement fait attention à cet élève à l'allure étrange... Je m'en tapais un peu de l'allure des gens, en fait, pour tout avouer. J'aurais peut-être dû faire un peu plus gaffe, du coup. Clairement, j'allais tâcher d'être disons, plus... circonspecte, si je le croisais. Enfin du coup je comprenais mal pourquoi j'avais éveillé une telle méfiance, parce que je n'avais jamais tenté de tuer quiconque. Certes, j'avais blessé mais jamais avec l'intention de butter qui que ce soit, c'était en général en dernier recours quand d'autres moyens ne fonctionnaient pas (négociation/intimidation).

Je fus en tout cas plutôt surprise par le fait qu'il ait été sous tutelle... mais dans un sens, ce n'était pas si étonnant que ça. S'il se mutilait, et autres, le fait qu'on le surveille de près pour mieux l'accompagner était logique. Après, autant dire que je n'aurais pas supporté d'être sous tutelle... Je pèterais vite un plomb si je n'avais pas la possibilité de faire ce que je voulais. En fait, le fait que je puisse faire n'importe quoi ne voulait pas dire que j'allais faire n'importe quoi. Mais je voulais en avoir la possibilité. Je voulais pouvoir faire n'importe quoi, même si je ne le faisais pas. C'était ma conception de la liberté, et de la responsabilité : pouvoir faire des conneries graves, mais ne pas les faire même si l'occasion se présente.

Quand il passa ensuite aux mutants avec des dons moins puissants que les miens, je soupirai longuement. Je savais très bien que certains étaient moins bien lotis que moi, mais dans un sens... Je n'arrivais pas trop à bien expliquer ce que je voulais dire. J'aurais préféré avoir un pouvoir ridicule ou naze, parce que du coup ça aurait évoqué quelque chose aux gens. Peut-être du dégoût, ou de la pitié, ou je sais pas. QUELQUE CHOSE. En règle générale, je n'inspirais rien à personne. C'était peut-être pour ça que j'étais détestable sans le vouloir. Pour évoquer quelque chose...

- Je sais, il y a pire... On m'a répété ça des milliers de fois pour justifier le fait de me laisser pourrir dans mon coin comme si j'étais invisible. "Il y a bien meilleur" quand je fais quelque chose de bien, "Il y a bien pire" quand je suis dans une situation difficile. Donc t'en fais pas, je connais...

Je regardai ensuite mes bras et haussai les épaules, continuant avec une mine pensive.

- Après comme je disais, je vois pas l'utilité de mes bidules, mais comme j'ai dit, je tenterai quand même. On ne sait jamais. Peut-être que ça pourra servir à quelque chose. A faire de la chirurgie, p'tet, tiens. Quoique... Nan c'est pas stérile merde. 'fin à quelque chose, quoi.

J'observai ensuite le mutant qui se trouvait devant moi, ne pouvant m'empêcher de sourire quand celui-ci manqua de s'étaler lamentablement. C'était bien le genre de truc que j'aurais pu faire, ça... Que je faisais régulièrement, même, pour tout avouer. Combien de fois m'étais-je ramassée de façon totalement ridicule...? Je ne pouvais pas vraiment les compter. Mais alors que je l'observais... Un mélange confus d'émotions et impressions diverses s'entrechoquèrent très rapidement dans mon esprit. C'était quelqu'un de fondamentalement gentil. Et il semblait avoir une certaine volonté, malgré des faiblesses évidentes.

Alors qu'il se redressait, je ne pus m'empêcher de m'approcher de lui pour le serrer dans mes bras. Ouais... J'étais la spécialiste de ce genre de truc carrément bizarre qui met mal à l'aise, mais j'avais envie de le faire. Les personnes de ce genre étaient trop rares pour que je ne le fasse pas.
D'ailleurs, alors que je le serrais doucement contre moi, je lui signalai d'une voix calme :

- Je sais que c'est bizarre, mais j'avais envie. Je fais jamais ce que j'ai envie de faire, mais t'es quelqu'un de gentil, alors pour une fois, voilà.

-Ben ça se stérilise, tu crois que les mains des chirurgiens sont stériles de base toi ? Ben tiens, si ça arrivait tu ferais une fine équipe avec un mutant qui aurait ce don. Ça existe sûrement.

Décida-t-il en trouvant qu'effectivement, un don de stérilisation serait un super pouvoir. En pleine hécatombe, pour opérer sur place ce serait vraiment bien vu, même les antis-mutants auraient du mal à percevoir ce type de personnes comme un monstre n 'est-ce pas ? Enfin, inutile de partir plus dans le hors sujet, ce que souhaitait dire Josh avec cet exemple-boutade, c'était que Kaya avait certainement une utilité avec son don. D'ailleurs si elle partait du principe que non, malgré tout ça ne servait pas, lui aussi était dans ce cas.

-Après si vraiment tu insistes, sachant que je me soigne moi et personne d'autre, mon pouvoir n'est pas super utile... Quant aux ailes, à part faire faire une crise cardiaque à la femme de ménage quand je rentre après un bon bain sous la pluie. Faut pas voir les choses comme ça je pense. Sans compter qu'il y a vraiment des gens avec ou sans pouvoirs plus "inutiles" que toi sur terre, on se passerait même bien d'eux des fois.

Continua le mutant d'un ton guilleret qui souhaitait clairement alléger l'ambiance. Ambiance qui s'adoucit au point que Kaya lui fit un gros câlin. Un peu gêné mais plutôt content, l'angelot se laissa faire après s'être crispé quelques secondes en se demandant ce qui allait lui arriver comme catastrophe. En juste retour des choses Icare plaqua un petit baiser sur la joue de la mutante, encore tout étonné de ce dénouement. Tellement étonné à vrai dire que le jeune homme préférait ne pas penser à tout ce qui s'était produit, il y aurait de quoi perdre la tête au vu des questionnements à se faire. Au lieu de ça Josh se contenta de sourire, lui montrant la salle de sport avant de se tourner vers elle. Rien de grave ne lui était finalement arrivé. Une nouvelle amitié, c'est tout.

[HJ: Rp clos ]

Un mutant qui aurait un don de stérilisation ? Bizarrement, moi, ça me faisait plutôt penser aux spaces marines de Warhammer 40K qui stérilisaient des planètes à grands coups de lance-flammes, héhé. Ce serait bizarre comme pouvoir n'empêche... Pas si utile que ça vu que stériliser quelque chose était assez simple, et qu'en général, lorsqu'une opération était pratiquée sur place en urgence, la cause de la mort n'était que très rarement une infection. Enfin, en tout cas, aux USA. Dans une forêt vierge, c'était sûrement différent, ouais.

Je haussai en tout cas les épaules, et éclatai de rire quand il parla de la tête de la femme de ménage quand il rentrait après avoir pris la pluie... Je devais avouer que ce genre de bordel qu'il avait dans le dos, ça devait être bien marrant à sécher ! Je l'imaginais déjà à se caler dans un sèche-linge avec un air boudeur, et cette seule image plutôt ridicule m'arracha encore un petit rire stupide. Le fait était que cette étrange conversation m'avait détendue. J'avais moins mal aux bras et aux griffes... Enfin, non j'avais toujours aussi mal mais j'y faisais bien moins attention pour le moment. Finalement, c'était quand même une réussite, non ?

Pour le moment en tout cas, ces histoires m'avaient profondément fatiguée, malgré tout. J'étais heureuse d'avoir croisé Josh, mais pour l'instant, j'avais quelques difficultés à réfléchir de manière convenable. Il fallait que je foute des pansements aux endroits où je saignais encore un peu, puis que j'aille manger un truc et dormir. Je ne savais pas trop ce qui m'attendrait le lendemain, ni même si je reviendrais au poteau pour m'entraîner... Probablement. Même si l'aide de l'ange m'avait été précieuse pour mieux me situer, il n'en restait pas moins que j'avais la très ferme intention de développer des capacités plus utiles que ce que je pouvais faire pour le moment. Qu'est-ce-que j'allais faire de sortes de lames biologiques ? Lancer une entreprise qui vend des couteaux écolo ? Mouais...

Je verrais ça le lendemain, en tout cas. Pour l'instant, je me contentai de visiter la salle de sport avec une mine curieuse, observant les différentes machines avec un intérêt limité. Je savais que le renforcement physique était important, ne nous méprenons pas. Je faisais un peu de sport et je m'entraînais quand j'en avais l'occasion, surtout de la nage en fait et de l'entraînement au combat. Les vieilles habitudes du gang où on se tapait dessus pour se maintenir en forme, quoi... Mais je voyais mal le lien avec les pouvoirs. Peut-être que je passerais, en tout cas... Occasionnellement.

Le bilan était positif, en tout cas. J'avais un peu de mal à le réaliser, mais je venais de me faire un ami dans de nouvel environnement, que j'avais pensé si hostile et dangereux...

[RP terminé de mon côté aussi ! =) ]

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