Le vendredi c'est raviolis [PV Scarlet Witch]

Au volant de sa voiture, Seth était renfrogné. Fâché, même. Il sortait d'une énième réunion du conseil qui, alternant entre des décisions budgétaires ambiguës et des changements stratégiques improbables lui avait demandé de terminer sa journée par une rencontre commerciale en centre-ville. Lorsque son patron lui a annoncé qu'il devait rencontrer un contact de manière discrète et professionnelle, il avait hésité entre lui rire au nez ou lui dire d'y aller lui-même. En tant que fils de sa mère bien élevé, propre et poli, il n'en fît rien. Il ravala sa fierté et paramétra son téléphone pour qu'il le guide jusqu'à l'adresse que son responsable venait de lui glisser.

Un nouveau contrat ? Une approche tactique d'un nouveau secteur ? Il n'avait aucune de la raison pour laquelle il était envoyé au front. Il craignait de devoir encore baratiner un zozo qui n'avait aucune espèce de vie sociale pour organiser une rencontre professionnelle un vendredi soir à 19h et qui serait pour sûr la seule conversation que ce dernier partagerait avec un être humain du week end.

La manière dont cette rencontre devait se dérouler le rendait encore plus nerveux. La personne qu'il était sensée rencontrer connaissait son identité et visiblement, semblait aussi connaître bien des choses sur sa société à en croire les regards échangés au sein du conseil lors cette entrevue fut évoquée. Quoi de plus agréable que de rendre à un rendez-vous avec quelqu'un qu'on ne connaît pas et qui en sait déjà plus sur vous que vous ne sauriez dire ?

Seth jeta un coup d'oeil au bout de carton froissé posé sur le siège conducteur. La carte d'un bar français de New-York de couleur sombre et à l'allure sobre. Il était arrivé. Une chance, l'établissement avait un service de voiturier, car s'il détestait une chose, c'était bien de chercher une place dans la mégalopole américaine une veille de week-end. Il sortit du véhicule, se saisit de sa veste posée à l'arrière et fit le tour de la voiture pour confier les clés au jeune homme aux cheveux ébouriffés qui sourit à son arrivée.

Il scruta la façade du bar où il allait venir enterrer sa soirée et fut étonné de la discrétion du cadre. De grands rideaux rouges foncés courraient le long des fenêtres. L'unique enseigne indiquait le nom de l'établissement et qu'ils servaient du vin français. A défaut d'être en charmante compagnie, il noiera son dépit dans un bon Bourgogne. Il enfila sa veste, défroissa un peu le tissu, réajusta son col et se dirigea vers la double porte, qu'il tira avant d'entrer, non sans avoir arrangé une dernière fois sa coiffure afin de faire l'entrée la plus classieuse possible.

L'endroit était coquet : l'épaisse moquette noire donnait l'impression d'entrer chez un ami chez qui l'on pouvait se détendre et enlever ses chaussures. La décoration, sobre et épurée, n'attirait pas l'oeil. Il y avait déjà quelques clients, certains un verre à la main, d'autre discutant discrètement. Chaque table était dégagée de sa voisine comme pour permettre une vraie intimité dans la discussion. On était loin des bars à l'américaine que Seth affectionnait tant et où on discutait à gauche ou à droite, sans considérer en particulier les personnes avec qui on était venu.

L’hôtesse vint à la rencontre du jeune homme :

- Bonsoir Monsieur. Vous êtes seul ? Je peux vous proposer une table ? Dit-elle dans un langage normalisé et impeccable.

- Non, j'attends... commença t-il avant de réfléchir à la tournure qu'il allait donner à la fin de sa phrase. J'attends quelqu'un et je pense que je vais rester quelques instants au bar en attendant qu'il n'arrive.

- Je vous en prie. Je vous apporte quelque chose ?

- Un club soda fera l'affaire pour patienter, dit-il dans un sourire.

La jeune femme eu une seconde d'absence mais se reprit bien vite.

- Certainement. Je vous laisse vous installer.

Les hostilités étaient lancées. Reste à savoir si son rendez-vous étaient plutôt pantalon de velours côtelé ou costume baskets sous le costume.

Sur le siège passager de la berline noire qu'on fit émerger à plusieurs centaines de mètres de l'entrée secrète de la Confrérie Wanda dans sa robe taille haute observait moins les avenues qu'avalait la voiture que son téléphone. La fin de l'après-midi devait affermir la collaboration avec une société d'import-export et entre deux messages texte pouvait s'insinuer ceux de son contact. Le conglomérat à la tête du groupe s'occupait secrètement de la liaison avec l'organisation de magnéto, et contre rétribution leur livrait notamment de la micro-mécanique complexe adapté à la structure de la Confrérie. Ce qu'attendait Wanda de cette rencontre tenait dans l'évolution qu'on pouvait donner aux contrats passés ainsi qu'à venir.

Elle scruta une nouvelle fois l'e-mail qui contenait les informations sur leur émissaire. Seth Ashfield, un cadre au seuil de leur hiérarchie, et qui pour l'heure constituait l'unique passerelle avec la corporation dans ce consensus. Elle lui faudrait détailler à celui-ci le rôle que chacun jouerait dans la collaboration. Ces supérieurs avaient-il au moins eu le scrupule de le renseigner sur l'objet de la rencontre ? Que lui importait qu'on mette au secret un employé de plus, qu'ils l'eurent tous été l'inquièterait davantage et impliquerait de raisonner durement le CA. Le point de rencontre se présageait lorsqu'elle releva les yeux, au coeur du centre ville et encore assez quiet.

C'était un bar français, qui ne manquait ni de discrétion ni de clientèle. Il lui rappelait qu'elle possédait un châlet dans l'hexagone. Rien ne lui évoquait mieux son séjour dans ce pays que sa restauration. On pouvait bien décider qui irait à sa rencontre mais le lieu on ne le détermina qu'en début d'après-midi par précaution. Une fois le véhicule à l'arrêt un voiturier tira la portière. Wanda descendit en sachant qu'on la précédait à l'horloge. Sauf retard impromptu elle trouverait l'employé dans l'établissement. «Inutile de la garer, le chauffeur repassera, merci.»

Sur cette recommandation elle saisit son téléphone et toujours devant l'entrée, reconsidéra la photo transmise par la société, le visage de son contact.
La devanture du bar était sobre, pas autant que ce qu'on y servait, bucolique et propice au calme devait être l'intérieur. Wanda franchit la porte et balaya des yeux le panorama de tables. Le bar se peuplait déjà de client avant l'affluence du soir, elle remarqua un jeune homme seul établi au comptoir. L'hôtesse vint vers elle en l'apercevant.

-Mademoiselle, je peux vous proposer une table ? Ici nous servons le meilleur vin français. Vous êtes venue seule ?

-Je dois rencontrer quelqu'un, dit-elle en scrutant le jeune homme au bar. « Je pense l'avoir trouvé, je vais m'installer au bar. acheva-t-elle, souriant à son hôte avant de sinuer vers le comptoir. « Vous devez être monsieur Ashfield, » Comme elle discernait son visage avec clarté c'est sans ambages qu'elle continua «Wanda Maximoff, le plaisir me revient. Je travail pour une structure particulière et vous êtes de nos fournisseurs à priori. Vous devez en savoir beaucoup pour qu'on vous envoie, c'est bien le cas ? La cadence des importations doit être augmenter, on parle de matériel conséquents, de contrats importants... » Elle considéra les tables avoisinant le bar, et qui se prêtaient mieux à cette conversation. « On y sera plus à l'aise à cette table, vous avez commandé comme boisson ? Je prendrai la même chose» Elle se leva dans l'idée de rejoindre une chaise vacante.

«Nos relations avec vous sont opaques et doivent le rester, pour tout dire c'est primordiale. Elle devait connaître un peu plus cet entremetteur, qu'elles étaient ses objectifs, d'autant plus que son emploi ne tenait qu'à un patron peu scrupuleux, ouvert à la Confrérie. Il disposait probablement d'informations de lui et ne pouvait être arrivé sans connaissance préalable. Du moins l'espérait-t-elle.

Les yeux dans le vague et les lèvres plongées dans son club soda, Seth patientait. Ne pensant pas plus à sa rencontre qu'à autre chose, il espérait juste rentrer rapidement chez lui. Soudain, une voix féminine résonna à ses côtés. Il reposa son verre, se détourna afin de faire face à son client.

Alors qu'elle se présentait, Seth ne put s'empêcher de la dévisager. Une sacrée surprise, c'était certain. Elle ne s'attendait pas à ce genre de personnage : il ne pensait tout simplement pas rencontrer une femme ce soir. Il lui tendit la main et lui offrit son sourire le plus naturel. Mais avant qu'il ne put embrayer sur des propos qui auraient pu sonner inappropriés, Wanda mit le professionnel en avant. Sa détermination déstabilisa un instant Seth. Non, il n'en savait pas beaucoup. Non, il ne connaissait pas les tenants du dossier. Il pensait juste sortir son bagout commercial sur la table, signer un contrat chiffrant plus milliers de dollars et rentrer chez lui. Il était sûrement peu banal pour Wanda de faire fac à de tels interlocuteurs. Il ne mentionna donc pas tout de suite son ignorance de la situation. Il l'écouta et s’apprêta à se rasseoir sur son siège lorsqu'elle lui proposa une table plus intime et plus propice à une discussion en privé. En un signe de tête, il fit comprendre à la jeune femme que cette option lui convenait. Il laissa son verre sur le bar et s'engagea en direction de la table.

« Je vous attendais avec un club soda mais je peux peut-être vous offrir un verre de vin ? Il serait dommage de ne pas en profiter » dit-il en faisant référence aux origines françaises de l'établissement, gage de qualité certaine pour le mutant.

« Ne vous inquiétez-pas. Notre société a une charte très stricte en ce qui concerne la discrétion. C'est d'ailleurs ce qui nous vaut d'être qualifié de partenaire très fiable par la plupart des grandes entreprises de la ville. En ce qui me concerne, je me ferai un plaisir d'accompagner votre dossier. En ce qui concerne nos accords, je crois savoir que des négociations ont été organisées il y a de cela quelques mois. Les demandes ont changées ? »

Il sortit son carnet de cuir, qu'il ouvrit à une page vierge. Il y griffonna la date et quelques lettres.

« De quoi avez-vous besoin Mademoiselle Maximoff ? Nous allons trouver une solution » lui dit Seth avec son plus beau sourire alors que la serveuse arrivait et apportait leur consommation.

Elle devait être quelqu'un d'important, garante de sa « structure » comme elle l'appelait. Ce terme restait dans la tête de Seth qui comptait bien en savoir plus sur cette dernière. Qu'est-ce qui était si important pour être protéger à ce point ? Travaillait-elle pour le gouvernement ? Un groupe politique ? Des terroristes ?

Il leva son verre et porta un toast à sa mystérieuse cliente.