Undertow ( Pv Abraham)

Cela ne faisait pas si longtemps que ça qu’Abraham s’était vraiment établi à New York. Même s’il possédait, verbe relatif puisque le remboursement n’était pas terminé, son petit pied-à-terre depuis le courant de l’année 2011, ce n’était que depuis la mi-novembre qu’il y habitait réellement. Depuis le jour de sa mise à pied. Là encore, tout dépendait du point de vue puisqu’il avait pas mal voyagé jusqu’à la fin de cette année 2013, principalement en Asie et Océanie. Et il savait très bien pourquoi il avait enchainé directement avec ses différents voyages …

Au début, c’était parce qu’il avait du temps à disposition. Du temps à occuper. Du temps à tuer. Il ne pouvait passer, du jour au lendemain, d’une vie militaire, ordonnée et à la limite d’être planifiée à outrance, à une vie civile quasiment vide de sens. Il est quelqu’un d’organisé et méthodique, il n’y avait même pas de rangement à faire chez lui, de papiers à trier, de choses triviales à faire et il n’était pas d’humeur à lire. Alors, il s’était téléporté pour remplir ses journées. Pour s’épuiser. S’épuiser rapidement. Pour oublier. Pour dormir et recommencer. Son petit manège l’avait satisfait quelques jours, huit ou neuf tout au plus, avant qu’il ne fasse le point et réalise par lui-même que c’était complètement ridicule, stérile et que cela ne le mènerait à rien. Bien sûr, ses parents lui en avaient touché quelques mots. Isaïah aussi. Mais s’il avait entendu, il n’avait pas voulu comprendre. Il n’y était pas près sur le moment. Il ne savait pas trop quel avait été le déclencheur de sa prise de conscience. Le fait est qu’elle était là et qu’en réfléchissant sur les derniers jours, il s’était trouvé particulièrement con et qu’il avait bien mieux à faire s’il voulait utiliser son pouvoir. C’est à partir de là que ses motivations changèrent.
Par la suite, c’était pour continuer de tenir une promesse qui avait été faite il y a des années et qu’il avait désormais plus de temps à y consacrer. Initialement, il avait juste été question de faire le tour de la Terre. Puis d’en rapporter deux souvenirs, uniquement deux, par escale. Et encore après, d’en rapporter trois, jamais plus. Un pour chaque vie. Maintenant, c’était toujours pour les mêmes raisons. Un pour chaque vie, qu’elle soit de ce Monde ou de l’Autre. S’il voyageait léger, ne s’encombrant généralement que d’un sac à dos, il n’était jamais parti sans appareil photo. Ce n’était pas du matériel de professionnel, loin de là, juste un outil modeste qui lui permettait d’immortaliser certains instants. S’il gardait tout sur différents supports de sauvegarde, au cas où, il imprimait toujours deux exemplaires de chacune de ses photos. Il les rangeait ensuite dans deux albums distincts dont l’un qu’il annotait avec de petits commentaires et anecdotes. Il gardait le premier pour lui, pour laisser son esprit voyager sans fatiguer son corps. Et il offrait le second à ses parents qu’ils puissent faire la même chose et rire de ses aventures.

Au final, Janvier 2014 était bien plus significatif en termes d’occupation véritable. Deux petits mois. A l’échelle d’une vie, ce n’était rien. Et ce n’était certainement pas suffisant pour parcourir New York de bout en bout quand on ne restait pas sur les artères principales de la ville et que l’on se baladait à pied. L’américain n’avait contre les bus ou le métro mais son nouveau boulot pouvait l’amener à se pointer n’importe où. Il ne tenait pas à être pris au dépourvu et il n’aimait pas faire les choses à moitié. Bien sûr, il ne pouvait pas connaître chaque ruelle mais rien, si ce n’était sa motivation et son professionnalisme, ne l’empêcherait de vagabonder dans la ville qui ne dort jamais.
Assez logiquement, il avait commencé par les alentours de chez lui, dans un rayon d’un kilomètre. Cela lui laissait une bonne marge s’il était suivi et un parc était inclus dans la surface. Plus discret. Puis il avait continué avec Manhattan, débuté avec le Financial District, tout juste après le Brooklyn Bridge, et il remontait tranquillement vers le Nord, jour après jour.

C’est de cette façon qu’il s’était retrouvé devant l’Hôpital MayFlower Parc. Le bâtiment en soi ne l’intéressait pas … contrairement à l’un des petits bancs exposés au soleil face à lui. Musicalement isolé, il avait entrepris d’y faire une petite pause, souriant sans s’en rendre compte alors que les rayons du soleil réchauffaient sa peau. Il serait resté là quelques minutes avant de repartir sans demander son reste si un cycliste n’avait pas, en roulant trop près du trottoir, bousculé une jeune femme. L’histoire aurait pu s’arrêter là. Sauf qu’elle s’était foulé la cheville et qu’elle n’arrivait pas à se relever. Bien évidemment, le pédaleur avait détalé en vitesse. Il n’avait pas hésité bien longtemps. Une demie seconde peut être bien. Retirant ses écouteurs et les laissant pendouiller autour de son cou, il s’était levé pour aller voir la victime de l’accrochage.

« Un petit coup de main pour aller à l’hôpital de l’autre côté de la rue mademoiselle ? »

Si elle avait été surprise qu’il lui adresse la parole et que la voix masculine soit plus douce que ce à quoi elle s’attendait, elle n’en montra rien, acquiesçant simplement en souriant doucement.

« Si ça ne vous dérange pas … j’aimerai bien s’il vous plait …
- Aucun inconvénient à ce que je vous porte ?
- Aucun tant que vous ne me laissez pas tomber ! »

Rendant un demi-sourire à celle qui ne perdait pas le sens de l’humour, il se baissa pour passer un bras sous ses genoux et l’autre dans son dos avant de se redresser tranquillement. Poids plume. 60 kilos toute mouillée à l’estimation. Elle posa d’elle-même son sac sur son ventre avant de passer les bras autour du cou de son porteur qui, regardant à gauche et à droite avant de traverser, rejoignit l’hôpital. Après l’avoir déposée délicatement sur une chaise roulante, il expliqua la situation à l’infirmier qui se trouvait à l’accueil. Professionnel, il le remercia avant d’aller s’occuper de sa nouvelle patiente. Celle-ci adressa un sourire et un petit signe de main à celui qui l’avait aidée.

Alors qu’il s’apprêtait à ressortir et reprendre sa marche, un brouhaha peu commun dans un hôpital commença à se faire entendre et des gens semblaient débouler, plus ou moins alarmés, des étages supérieurs. Haussant un sourcil perplexe, il entreprit de remonter le flux pour en savoir un peu plus. Il ne savait pas à quoi il s’attendre … mais certainement pas à voir de l’eau couler dans l’escalier. Il jeta un œil exaspéré à ses converses. Pas la meilleure paire de pompes pour faire de la plongée. Il commença à monter les escaliers, se tenant fermement à la rampe pour éviter de glisser. Le débit devenait de plus important. Si c’était une fuite, elle était d’envergure ! C’était toute une citerne qui avait éclaté à ce rythme. Il excluait le cas du petit malin qui avait ouvert tous les robinets. Il se serait fait pincer avant et l’écoulement serait bien moindre. Si ce n’était pas un accident, il craignait le pire …
Arrivé à l’étage, c’était bien pire. Il avait de l’eau jusqu’au mollet. Et ça ne semblait pas se stabiliser, loin de là. Cette histoire commençait à puer vraiment. On lui avait bien dit qu’aider son prochain lui apporterait son lot d’emmerdes. Éloignant cette pensée, il remarqua une jeune femme en tailleur rouge électrique qui semblait sortir de l’une des chambres. S’il l’avait repérée, ce n’était pas ni pour la couleur de ses vêtements ni parce qu’elle était rousse. Non. Elle était la seule à regarder dans le même sens que lui, contrairement aux autres qui fuyaient il ne savait quoi en sens inverse. Il la rejoignit en quelques grandes foulées avant qu’elle ne bouge et lui tapota doucement l’épaule.

« Excusez-moi … vous avez une idée ce qui se passe ? »

Si elle voyait à travers la matière, peut-être savait-elle. Ou peut-être qu’elle était sortie de la chambre pour la même raison que lui avait grimpé les escaliers : en découvrir plus sur l’origine de cette montée des eaux.

Okay … Abraham lui avait juste tapoté l’épaule gentiment. Rien de plus. Il ne s’était pas franchement attendu à ce que la jeune femme réagisse de cette façon. D’abord, il y avait ce dégagement d’épaule, plutôt efficace, il fallait le reconnaître. Surpris, il n’avait pas cherché à se maintenir sur place et il avait reculé d’un pas quand elle l’avait repoussé. Tout en la regardant prendre position, il trouvait un peu excessive sa réaction. Cela étant, vu l’étrangeté de la situation actuelle, il aurait pu réagir de la même façon si quelqu’un s’était amusé à le surprendre … même s’il n’estimait pas avoir été particulièrement silencieux sur ce coup-là.
Toutefois, l’important n’était pas là. Ce que lui apprenaient sa posture et son regard était on ne peut plus intéressant. Elle n’était pas qu’une simple femme. Elle disposait de certaines notions, il ne savait pas jusqu’à quel point, de combat et il ne doutait pas qu’elle ait employé ses capacités auparavant. La rapidité avec laquelle elle les avait mises en œuvre sous ses yeux le lui montrait. Le moindre geste suspect de sa part et il en aurait un aperçu. Mais ce n’était franchement le moment. Alors qu’il commençait à lever les deux mains, lentement pour ne pas qu’elle se méprenne, pour lui signaler qu’elle n’avait rien à craindre de sa part, il nota un relâchement de son côté. L’avait-elle observé comme lui-même venait de le faire ? En concluait-elle qu’il n’était qu’un simple visiteur en goguette ? Loin d’être vexé si c’était le cas, il trouvait même plutôt rassurant que les mots « ex-militaire membre d’une unité spéciale » ne soient pas inscrits sur son front.

En tout cas, l’inconnue ne perdait pas son sens de l’humour, quand bien même ce n’était pas forcément propice à l’instant. Elle lui rappelait Will. Et s’il avait été là, il aurait trouvé quelque chose à lui répondre dans la seconde sans y réfléchir énormément. Lui, il se contenta d’une ébauche de sourire … avant de la suivre alors qu’elle reprenait sa marche tout en lui indiquant l’escalier d’où il venait. Il remua lentement la tête de gauche à droite tout en lui répondant.

« Ce serait m’asseoir sur certains de mes principes alors je ne préfère pas. Quant aux retardataires … je pense que le personnel de l’hôpital est assez réactif pour être en train de faire sortir tout le monde. »

Il allait revenir sur ses 36 théories, pour lui demander la plus probable, qui ne serait pas forcément la moins stupide, mais l’herbe lui fut coupée sous le pied. Une détonation prit son tour sans la moindre hésitation. Une bombonne de gaz qui aurait explosé n’aurait pas fait moins de bruit. Idée la plus optimiste : l’hôpital était plus que vétuste et son matériel lâchait de façon synchronisée aujourd’hui même. L’espoir fait vivre il parait. Le son, c’était déjà très bien … il se serait bien passé de l’image ! Rendu très réaliste d’ailleurs. Piscine à gros remous au milieu d’un couloir d’hôpital, pas mal.
Avisant la rambarde qui courait le long dudit couloir, probablement pour aider les personnes ayant des difficultés à marcher, Abraham s’y accrocha fermement. Il se pencha un peu en avant tout en fléchissant en même temps les genoux pour ancrer sa position et éviter de se faire emporter comme l’infirmière qui semblait être en mode « mixte rapide » d’une machine à laver. Parallèlement, cette dernière avait été harponnée par l’autre jeune femme qui s’était ensuite accrochée à son bras. Se servant de sa main libre, il saisit à son tour son bras, histoire d’éviter de lui courir après si elle venait à le lâcher. Surveillant le niveau de l’eau et le bout du couloir du coin de l’œil, il la laissa procéder à son interrogatoire sans intervenir, se contentant d’enregistrer les informations. Un sourcil curieux se leva à la mention d’un monstre. Pour le coup, à part un mutant, à moins qu’un défibrillateur n’ait pris vie, il ne voyait de qui elle pouvait parler. Si c’était bien ça, le contrôle de son pouvoir n’était pas encore là …
Rectification. Maintenant que le détenteur apparaissait au bout du couloir, c’était plus une perte totale d’un éventuel contrôle, s’il avait jamais existé. Dans un état pitoyable et le regard loin d’être normal, si l’on pouvait parler de normalité pour un mutant, il ne semblait pas être dans la même réalité qu’eux. Drogue ? Probable. Même s’il n’avait pas connaissance de celle qui avait un tel effet. Cependant, à l’imprécation de la jeune femme rousse, certains les avaient, ces données. Speed X ? Inconnue au bataillon … pour le moment en tout cas. Il aurait tout le temps de vérifier les bases après leur séance de natation.

Si mentalement il avait eu le temps de la reprendre, ses propos ne sortirent pas de sa bouche. La piscine venait d’évoluer en tsunami miniature. Il eut tout juste le temps de jeter un coup d’œil en arrière avant d’être happé par la vague. Un mur plein aurait pu les retenir, quitte à leur briser quelques os sous la pression. Là, c’était une fenêtre. Selon toutes les probabilités, ils allaient passer à travers. Et une chute du quatrième n’était pas plus appréciable pour garder un corps intact. Sans perdre plus de temps que la seconde de réflexion et sans lâcher le bras qu’il tenait toujours fermement, il chercha à attraper l’infirmière … il ne lui fallait qu’un tout petit contact de la paume … ce n’était pas la mer à boire.
Tout en recherchant ce contact, son cerveau réfléchissait à toute vitesse où atterrir. Malgré la situation, il ne souhaitait pas particulièrement être remarqué, l’extérieur du bâtiment était à proscrire puisque selon toute vraisemblance, des badauds devaient d’y agglutiner dans l’espoir d’avoir des images sensationnelles. Connerie humaine … Restait l’intérieur. Il avait remarqué un système de surveillance sur la porte principale et un juste avant les escaliers. Et il n’avait pas franchement eu le temps d’explorer les lieux. Alors qu’il optait pour l’espace derrière l’accueil, sa main rencontra enfin l’épaule de l’infirmière. Cela n’avait pas duré plus de quelques secondes. Il visualisa l’arrière du petit plot central au rez-de-chaussée et se concentra en fermant les yeux.

Au contraire de leur ami hydrokinésiste, il n’y eu ni son ni lumière. Pas même une demande de confirmation. Rien qui ne trahissait en elle-même la téléportation au niveau 0 du bâtiment. En revanche, le bruit de trois corps qui glissent sur du carrelage et les toussotements, ça oui. Connaissant la conservation de l’énergie, il avait visé assez loin derrière le bureau mais pas suffisamment pour que lui ne se prenne pas le dos dedans avec le recul. L’impact lui arracha un grognement douloureux. Mis à part ça, il était entier. Et c’était toujours mieux qu’un saut depuis le quatrième. Clignant les yeux rapidement pour chasser l’eau, il remarqua que les jeunes femmes étaient toujours de ce monde aussi. C’était toujours ça de pris. Lâchant la rousse, il s’accroupit et força l’infirmière à s’asseoir, lui demandant si elle allait bien. Elle semblait avoir recraché toute l’eau mais elle hoquetait toujours, sous le choc. Il soupira. Il n’avait pas le temps pour ça. Il n’aimait pas ça mais il la gifla, une fois, sans ménagement et elle sembla enfin le voir. Il reposa sa question. Elle hocha lentement la tête.

« Bien. Alors vous allez vous lever, donner l’alerte pour l’évacuation de l’hôpital si ce n’est pas encore fait, faire sortir ceux qui sont encore à ce niveau puis rester à l’extérieur en faisant votre boulot : apporter les soins à ceux qui en ont besoin. Vous m’avez compris ?
- O-Oui …
- Alors allez-y. MAINTENANT ! »

Elle n’était pas sourde mais il avait haussé la voix uniquement pour la faire réagir. Elle se leva, comme mue par un ressort avant de se reprendre en main. Les sens en alerte, toujours accroupi, il se tourna vers l’autre jeune femme.

« Je vous ai entendu parler de Speed X. Et aussi du fait que ça tombait toujours sur vous. Je n’ai pas besoin de l’histoire globale mais quels sont les effets concrètement ? A quoi puis-je m’attendre de la part de notre ami là-haut ? Et comme ça n’a pas l’air d’être votre première fois, comment vous avez fait la précédente ? »

Il marqua un temps d’arrêt. Mauvais timing cette fois encore. Il aurait pu aller étendre sa carte de l’autre côté de la ville. Mais non, c’était ici qu’il avait choisi de venir. Et maintenant, il ne se voyait pas spécialement foutre le camp en la laissant se débrouiller. Elle avait dit qu’elle maîtrisait et que c’était son rayon. Il ne remettait nullement ses paroles en doute mais une deuxième paire de mains était toujours la bienvenue. Il jeta un œil aux escaliers d’où l’eau dévalait toujours.

« Je peux nous ramener n’importe où dans les escaliers qui montent jusqu’au quatrième … mais ils risquent d’être sous l’eau …  ou bien n’importe où dans le couloir du même étage. Une préférence pour l’extrémité où nous n’étions pas d’ailleurs. Sauf s’il a fait demi-tour, elle doit être moins humide que le reste. Cela étant, je suis ouvert à toute proposition pour le mettre hors d’état de nuire. Une idée ? »

Abraham croisa son regard curieux et plutôt soupçonneux. Réaction logique. Après tout, ils étaient passés d’un mode essorage à celui de l’étendage en l’espace d’à peine une seconde. Comme l’infirmière était sous le choc et que lui-même n’était pas franchement étonné de se retrouver là, le calcul était vite fait. Pour sa défense, il n’avait pas eu le temps de leur expliquer ou de leur faire un dessin. Et même maintenant, il n’estimait pas ça utile. Et il ne savait pas dessiner. En tout cas, s’il avait précédemment noté sa posture de défense, il remarquait maintenant qu’elle se remettait plutôt de façon rapide physiquement … lié à un pouvoir quelconque ? Dans l’absolu, il s’en fichait un peu. Tant qu’elle allait bien, il n’en demandait pas plus.

Alors qu’elle lui répondait à voix basse, son attention s’accrut et il tendit l’oreille pour ne pas en rater une miette. Il pourrait éventuellement lui demander gentiment de répéter mais ils n’avaient pas que ça à faire. Ainsi donc, la jeune femme commandait, de quelle façon, il n’en savait rien mais ça n’allait pas changer sa vie, à l’électricité. Effectivement, dans le cas présent … à moins de sécher tout le monde, l’utilisation de son pouvoir, ou d’une partie s’il considérait sa résistance physique, allait être plutôt problématique. Oui, il avait accès à Internet mais il n’y perdait pas forcément son temps. Par contre, les jumeaux lui avaient envoyé le lien d’une vidéo qui collait plutôt bien à ce qu’elle disait. Pendant qu’il assimilait ce qu’elle disait, son esprit combla les trous et il la regarda sous un nouvel angle.

« Alors c’était vous à San Francisco ? »

De sa question n’émanait aucune crainte, admiration, peur ou dévotion soudaine. Juste de la curiosité et le sentiment de pouvoir expliquer certains éléments qui étaient liés à cette histoire. Mais tout ça attendrait. Sa théorie de la drogue était la bonne et elle portait désormais un nom : Speed X. Il mémorisa ça dans un coin de ses petites cellules grises tout en restant attentif à ce qu’elle lui énonçait. En l’occurrence, l’expression « ce qui ne te tue pas te rend plus fort » prenait tout son sens avec cette substance. De la même façon, il comprenait l’impératif de l’arrêter puisqu’il en serait incapable de lui-même. Il la suivit des yeux quand elle devint silencieuse et qu’elle se dirigea vers une porte.
Il arbora un bref sourire en coin à sa première phrase quand elle reprit tout en continuant d’enregistrer les informations qu’elle lui donnait. Le partenariat l’intéressait. Là encore, creuser un peu ne ferait pas de mal. Mais il avait laissé sa pelle à la maison et ils avaient toujours un apprenti sorcier à arrêter. Il décida de quitter sa position accroupie pour se redresser, avant de passer fissa à sa suite. Il ne craignait pas de rester tout seul mais il voulait plutôt rester hors d’un éventuel champ de surveillance. Par réflexe, il vérifia que sa nuque était dissimulée par le col de sa chemise et que son avant-bras gauche n’en montrait pas plus. Inutile d’exposer des points d’identification évidents. Il avait déjà suffisamment à faire avec sa taille.

Ne faisant pas attention à ce que l’inconnue était en train de faire, il réfléchissait à son dernier ordre. La téléporter au contact. Elle en avait de bonnes. Il n’avait pas non plus eu le temps de lui coller une balise GPS. S’il était toujours au quatrième, ç’allait être simple. Sinon, ils étaient bon pour faire les étages un à un. Par logique, il allait commencer par le dernier endroit où ils l’avaient vu … le couloir. L’autre bout lui apparaissait être le meilleur endroit pour débuter. Après ? Elle en faisait son affaire, elle l’avait dit elle-même. Il resterait juste en solution de replis. Rien n’empêchait de penser qu’il réitérerait le coup du tsunami. Et la même problématique se présenterait : revenir au rez-de-chaussée ou faire une chute.
Alors qu’il émergeait de sa réflexion, il constata la nouvelle tenue de son acolyte du moment et haussa un sourcil perplexe. Changement pour le moins … radical. Sans s’arrêter sur ses courbes, il passa de la jupe nouvellement fendue au tas de tissu abandonné sur le côté. Puis il revint à la jupe avant de comprendre. Il fixa alors les prunelles au couleur de l’émeraude.

« Liberté … bien vu. »

Et maintenant, il avait aussi une identité qu’il classa avec les autres tout en lui collant l’étiquette « à voir plus tard ». Il continua de la fixer suite à ses derniers propos. Il ne pouvait pas être d’accord avec elle. Que ce soit avec son passé personnel ou professionnel. Mais elle n’avait pas besoin d’en savoir autant. Il acquiesça d’un signe de tête avant de reprendre.

« Si vous permettez, nous allons passer à la suite des réjouissances … j’ai besoin d’un contact avec ma paume pour vous emmener avec moi. C’est à votre guise : votre main, votre épaule, votre poignet ? »

Il lui tourna le dos en attendant sa réponse. A moins qu’elle ne choisisse l’orteil, il avait le bras assez long pour disposer du contact nécessaire. Agissant selon son choix, il poursuivit ses explications, qu’elle ne soit pas prise au dépourvu.

« La téléportation, la mienne en tout cas, ne modifie pas les positions initiales. Si nous partons dos à dos, nous arriverons de la même façon et cette configuration permet une meilleure visualisation de notre espace. Question de sécurité. Au quatrième, l’autre extrémité du couloir formait un angle. C’est là que je vais nous téléporter. Comme vous en faites votre affaire, je vous place en première ligne, c’est vous qui verrez ce qui se passe dans le boyau. Si notre ami y est toujours, je pourrai vous rapprocher de lui autant que vous voudrez. Si ce n’est pas le cas, il faudra continuer à pied. Je ne peux rien faire tant que je n’ai pas vu les lieux par moi-même. Si vous avez des questions Caitlyn, c’est maintenant. »

L’ancien soldat fit craquer sa nuque et respira un bon coup avant de fermer les yeux.

« On est parti … »

Abraham l’observa du coin de l’œil quand son visage changea de ton pour devenir embêté. Avait-il dit quelque chose qu’il ne fallait pas ? Pourtant sa question n’avait pas été si compliquée ni tordue que ça … pas de son point de vue en tout cas.  Il allait lui demander ce qu’il en était, pour s’excuser si c’était nécessaire, mais elle lui répondit directement. Il l’écouta avant d’hausser les épaules sans se retourner.

« Aucun souci. Il m’en faudrait plus que ça pour vous reprocher quelque chose Caitlyn. C’est moi qui suis désolé de ne pas pouvoir faire autrement. Je vais essayer de limiter au minimum. Quant à ma veste … je connais un très bon pressing, ne vous en faites pas. »

Comme elle le lui avait demandé, il saisit son bras sans le comprimer. Juste un léger contact, juste ce qu’il fallait pour qu’elle l’accompagne dans leur téléportation. Il irait plus fermement s’il n’avait pas le choix. De nouveau il l’écouta quand elle lui confirma qu’elle n’avait pas de questions. Au moins, elle ne s’embarrassait pas de détails inutiles. Ou peut-être que, comme lui, elle estimait que ce n’était pas le moment pour avoir une lecture publique du mode d’emploi de son pouvoir. Il sourit. Sérieusement, en d’autres occasions, il aurait vraiment fallu qu’il lui présente Will. Le même genre d’humour et de réactions, quel que soit le moment. Critique ou pas. Enregistrant le conseil, tout en pensant que des hommes armés jusqu’aux dents avec une mission bien implantée n’en avaient pas forcément non plus de limite, il acquiesça, plus pour lui-même puisqu’il lui tournait le dos délibérément.

« J’en prends note. »

Here we go. Il eut le temps de voir que sa branche de couloir ne contenait rien de désagréable. Passer un bon coup de serpillère s’imposait, refaire la tapisserie et la peinture aussi … et un petit poil de rangement. Mais rien de néfaste en soi. Excepté, peut-être, le cri de sa collègue du moment. A peine un coup d’œil en arrière pour en connaître la raison. Sincèrement … quelle était la probabilité pour que leur mignonne petite cible ait décidé, au grand hasard, de se bouger le cul pile à côté du coin ? Plutôt basse non ? Manquait-il de chance à ce point-là aujourd’hui ? S’il ne pouvait pas se téléporter en collision avec un autre corps humain, heureusement pour tout le monde, il était bien dommage qu’une notification ne lui indique pas les présences qui se trouvaient à proximité. Cela aurait évité certains … désagréments. Peut-être qu’un jour ou l’autre son pouvoir évoluerait en ce sens. Ou pas du tout et qu’il devait continuer d’y aller un peu à l’aveugle …

En attendant, ils étaient beaucoup trop près et la suite ne rata pas. Seconde éjection. Nouvelle douleur. S’il avait été face à l’hydrokinésiste, il aurait pu, éventuellement, avoir le temps de les pousser de là avant le choc. Mais il ne servait à rien de tabler sur un événement du passé. Un battement de cil et il les transposa dans le sens la longueur du couloir, évitant ainsi de finir broyer contre le mur. L’idée fugace qu’il avait en tête était plutôt simple : se téléporter d’un bout du couloir à l’autre, le temps que leur vitesse diminue pour empêcher un écrasement mural. L’avantage de la théorie : on pouvait tout envisager, le pire comme le meilleur, sans prendre de risque. Là, en pleine pratique, il fallait transformer le pire en quelque chose de meilleur et réussir à le conserver comme tel.
Si son idée n’était pas forcément stupide, le contexte décida qu’il en serait autrement. Il eut la possibilité de faire deux passages … avant qu’une douleur dans l’épaule gauche ne le perturbe et déconcentre. S’il prit sur lui pour la souffrance occasionnée, comme il le lui avait été enseigné, il ne put empêcher ses muscles de se relâcher sous la contrainte. Fatalement, l’eau n’aidant en rien, ses doigts lâchèrent le bras de Caitlyn et un chapelet de jurons bien français lui échappa quand il comprit qu’il ne réussirait pas à la rattraper à temps. C’était le moment de parier sur son pouvoir en croisant les doigts pour ne pas se planter sur la modification de la résistance physique. Même s’il supposait qu’elle ne pouvait l’entendre, il s’excusa tout en se retournant avant de se téléporter dans l’autre couloir, évitant le coin où leur camarade de jeu devait se trouver.
Les pans de sa veste flottant au vent, son cerveau assembla quelques souvenirs pour faire germer une nouvelle idée. Pas forcément plus brillante que la précédente mais il saisit tout de même l’opportunité. Attrapant les bouts, l’ancien, administrativement parlant, soldat les écarta autant que possible pour augmenter la surface exposée à l’air. Il espérait ainsi ralentir sa vitesse … ce qui ne marchait pas si mal que ça pour une mesure un peu décidée à l’arrachée, il fallait bien le reconnaître. Quatre passages avant qu’il ne soit à peu près satisfait. Plus aurait été bien mieux. Mais il n’était pas tout seul dans l’histoire. Grimaçant d’avance à ce qui allait suivre, il se téléporta de nouveau au rez-de-chaussée, visant encore une fois derrière le petit ilot central. Il se plaça volontairement dans une position qui l’orienterait vers le sol. Il comptait sur ce dernier pour continuer de ralentir sa vitesse … quand bien même il savait très bien qu’il allait se prendre le même mobilier … Nouveaux jurons. Américains cette fois.

Il se redressa rapidement, endolori et vive les bleus à venir, avant de palper son épaule gauche. Le liquide visqueux qu’il sentait sous ses doigts ne l’enchantait guère. Il jeta un coup d’œil et écarta les tissus pour constater qu’il n’y avait aucun souci devant … il répéta l’opération au niveau de l’omoplate et soupira. Il aurait bien le temps de se lamenter sur son sort après. S’étira tant bien que mal, il inspira un bon coup avant de repartir là où il supposait qu’elle était … Il eut tout juste le temps de voir une masse de cheveux roux disparaître à l’étage inférieur avant d’entendre un craquement au bout du couloir. Leur brave ami.
Tout en le surveillant, penché en avant pour contrebalancer le torrent qui déferlait toujours, il réfléchissait à ce que Caitlyn venait de faire. Une fuite ? Cela y ressemblait. Et pourtant … Il ne connaissait pas la jeune femme mais jusqu’ici, rien ne lui laissait penser que c’était son genre que de tourner le dos aux problèmes. Que souhaitait-elle ? Une secousse agita le sol quand leur cible commença à se déplacer vers lui, lentement. Avait-elle une idée en tête qui impliquait que l’autre la suive ? A part cette option, il n’en avait pas d’autre. S’il avait voulu qu’on lui emboite le pas, il aurait fait la même chose. Quitte à agir, autant suivre cette ligne de conduite et servir d’appât. Mais comment attirer quelqu’un qui ne semblait plus avoir de raison ? Premier réflexe, un peu débile soit mais il faisait avec ce qu’il avait, le siffler. Pas la peine d’être vulgaire et de l’invectiver. Contre toute attente, l’autre sembla fixer son attention sur lui tout en poursuivant son chemin. C’était déjà ça. Maintenant … accélérer un peu les choses et y aller au culot. Abraham se téléporta juste avant le trou dans le sol et incita l’autre à poursuivre son avancée. S’il avait pu rester fixe, ç’aurait été très bien. Mais non. Une nouvelle déferlante l’obligea à se téléporter dans le couloir perpendiculaire. Il pouvait y voir son adversaire de dos. S’il n’y avait pas eu le mur d’eau … il aurait pu le frapper maintenant. Dommage. Il attendit que le flot se calme avant de se replacer à sa position initiale. Et de constater que l’autre en avait profité pour avancer malgré tout. Téléportation éclair derrière le trou. Il ne fallait pas déconner non plus. Un retour express suffisait. Son dos n’allait pas supporter des contacts trop fréquents avec l’ilot. Il continua de jouer le temps qu’il s’approche suffisamment pour n’être qu’à quelques centimètres du gouffre.

Puis il se téléporta dans la cage d’escaliers, au troisième étage. Il espérait que son acolyte savait ce qu’elle faisait. Restant silencieux, il s’engagea dans le couloir dans l’espoir de la rencontrer en chemin.

Alors qu’elle le fuyait depuis tout à l’heure, il fallait bien que la chance soit un peu, enfin, avec lui ! Tout bien considéré, Caitlyn n’aurait pas forcément pu aller bien loin … mais Abraham était tout de même plutôt soulagé de la retrouver là. Il lui retourna le demi-sourire sans faire de commentaires même s’il se demandait si elle le pensait aussi idiot. A l’aéroport pour accueillir la famille, oui, carrément. Il sortait le grand jeu avec les ballons, la pancarte et tout ce qui pouvait faire rire les siens. Ils ne venaient pas souvent à San Francisco alors quand c’était le cas, il marquait le coup, largement. Là, il doutait qu’offrir un bouquet de fleurs est le même effet.
Tout à ses réflexions, il ne manqua pas de remarquer le sang et d’en remonter à la source. Il inclina brièvement la tête sur la droite, accordant ses idées. Il avait désormais un petit bout de solution quant à sa propre blessure. Les emplacements correspondaient à leur position précédente. Un quelque chose vraisemblablement cylindre, et vu le pouvoir de l’énergumène surement un tuyau, avait traversé l’épaule de la jeune femme avant de finir dans son omoplate. Classe. Et à en croire sa négation, cela ne semblait pas spécialement la déranger outre mesure et la plaie ne paraissait pas saigner énormément. La résistance physique commençait à se rouler d’aise dans les probabilités élevées. Lui-même n’était pas particulièrement douillet, loin de là d’ailleurs, et il avait appris à prendre sur lui pour remettre à un meilleur moment, mais il devait bien avouer que ça picotait un peu tout de même …

A moitié en train de se demander comment il allait s’occuper de ça, un geste en direction de l’effondrement dans le plafond l’interrompit. Il eut envie de rétorquer un « Oui et ? » mais ce dernier ne passa pas ses lèvres, se muant en un sourcil perplexe. Il pouvait être imaginatif sauf que là, si elle voulait être précise, il allait falloir qu’elle y mette un peu du sien. Elle semblait être arrivée à la même conclusion. Il se rapprocha pour tout saisir sans lui faire hausser la voix. Tout en écoutant sa proposition d’attaque, il leva les yeux pour estimer les besoins. Côté distance pure, il ne s’en faisait pas vraiment. C’était largement au-dessus des cinquante centimètres et bien loin de son premier palier, même s’il prenait en compte les sauts précédents. La courte fenêtre dont ils disposeraient ne l’inquiétait pas non plus. Il avait déjà fait pire avec d’autres conséquences en cas d’échec. Il était toujours là pour ne pas en parler. A dire vrai, le seul point qui l’avait empêché de la couper pour lui dire oui directement, c’était la taille ridicule du périmètre à leur disposition. Trente à quarante centimètres … Il restait sur la plus petite valeur pour parer au pire. Trente centimètres. Comment voulait-elle caser deux corps dans un espace aussi restreint que celui-là ?
C’est d’une oreille que l’ancien soldat entendit la suite. Même si elle n’était pas épaisse, même en étant dans ses bras, ça n’allait pas passer … et elle était convaincue du contraire. Il était plus que sceptique. Ce qu’il prévoyait ? Se prendre à moitié le mur et devoir la lâcher pour ne pas l’entrainer à l’extérieur avec lui. Soit. Si elle réussissait à l’occire, c’était tout ce qu’il demandait. Il n’était plus à une blessure. Il baissa enfin les yeux vers elle.

« J’ai encore deux trois choses à faire dans ma vie avant de me voir transformer en feu d’artifice si vous voulez bien ... Et j’étais marié, je sais ce que signifie les mots engagement et fidélité. répliqua-t-il en montrant sa main gauche dont l’index était toujours orné de son alliance avant d'enchaîner Abraham. »

Il leva de nouveau les yeux pour une dernière vérification, n’entretenant même pas l’espoir d’avoir une idée plus brillante à proposer, puis il reprit à son attention.

« Vu le faible espace, il est probable que je me paye le mur d’eau et que je sois envoyé je ne sais où. Si cela reste cohérent avec votre plan, je nous téléporte puis je vous lâche. Si moi je me retrouve éjecté, ce n’est pas important tant que vous, vous pouvez l’atteindre … y allons-nous ? »

Il écarta les bras pour qu’elle s’y place comme elle le voulait avant de les refermer tout en évitant de la toucher un maximum, ses paumes gardant le contact nécessaire à la téléportation. Il attendit le moment propice, confirmé par une brève indication de la jeune femme, et se téléporta. Pourvu que l’écart soit plus large …

Bien, à force, Abraham allait être convaincu que Will avait une sœur cachée et que celle-ci se présentait sous la forme de Caitlyn. Si elle avait eu des cheveux blonds et des yeux bleus comme son ami, il aurait pu sérieusement l’envisager. Là … pas totalement. Mais l’humour restait le même. Un concours à organiser peut-être. Malgré la situation, sa réponse le fit sourire et il reprit à voix basse.

« Désolé, Moïse était occupé ailleurs, j’ai dû le remplacer au pied levé. Mais après cet … interlude, ce sera avec plaisir que je vous inviterai à boire un verre et non la tasse. »

Il suivit son regard pour observer le même élément absent du plafond. Oui, ç’allait être un peu tendu. Si peu. Il réfléchit brièvement à d’autres cas similaires qu’il aurait pu vivre. Et il en trouva quelques-uns. Dont un qui le fit grimacer. Au final, la situation s’annonçait sous de bons auspices s’il considérait ses propres antécédents. La seule différence notable, c’était les alliés en présence. D’un côté, quatre hommes dont il savait tout et à qui il aurait confié sa vie sans hésiter. Et réciproquement. De l’autre, une jeune femme rencontrée par hasard dans le couloir, dont il ne connaissait que le nom, certains détails de sa vie, un bout de ses principes et un peu de son pouvoir. Mais cela lui suffisait pour lui faire confiance en ce qui concernait leur condition actuelle. Et c’était suffisant pour lui.

« C’est ce que je vais tenter de faire mais nous verrons bien à ce moment-là. Rien ne sert de tirer des plans sur la comète. »

Il la laissa prendre place, nota à travers ses propos la jalousie, ou tout autre sentiment similaire, de sa femme et se promit de rapporter la discussion à Will juste pour que ce dernier se marre et qu’il sache qu’il avait de la concurrence.
Il attendit le moment propice, confirmé par une brève indication de la jeune femme, et se téléporta … non, erreur. Il aurait aimé que ce soit le cas. Sauf que non. Peut-être qu’il aurait mieux fait de se taire à propos des plans. Le craquement de mauvaise augure venait d’au-dessus et il n’y avait pas énormément d’hypothèses quant à son origine. Un coup d’œil au-dessus et les craintes se confirmaient. Très honorable de la part du plafond que de venir directement à eux. Il aurait un bon point et une image. Il relâcha la jeune femme alors qu’elle-même se délogeait. Synchrones. Il étudia alors la suite des événements, réfléchissant à comment tourner ça en leur faveur. A en croire l’étonnement qui se peignait sur son visage, leur ami du jour n’avait pas envisagé ce cas de figure. Peut-être était-ce la raison de la disparition de son bouclier protecteur. Ou pas. Mais en tout cas, c’était bon pour eux. Il pouvait se téléporter derrière lui et … non. Une nouvelle fois non.

Alors que le plâtre pleuvait, Caitlyn en avait décidé autrement. Songeant seulement à se reculer, il l’observa faire tout en surveillant le plafond, attendant sa propre fenêtre pour intervenir parce qu’il était clair que là, présentement, elle n’avait nullement besoin de son aide. Un direct du droit, à peut-être rendre jaloux Isaïah, lui dévissa la mâchoire en une explosion sanguine qui égayait le sol d’une jolie couleur carmine. Il nota mentalement de ne pas se la mettre à dos. Elle continua sans répit en lui attrapant la gorge. Mais que cherchait-elle à faire ? Sauf si c’était à un niveau invisible, rien à voir avec l’électricité … à moins que ce soit une conception différente de celle qu’il avait en tête. Peut-être lui demanderait-il des explications quand ils iraient boire leur café.
Un morceau plus conséquent que les autres commença à se détacher et sa chute n’allait être bénéfique pour personne. S’il avait été positionné au-dessus de leur cible, il aurait laissé faire … là, valait mieux éviter. Du haut de son mètre 92, il tendit rapidement les bras pour apposer les paumes sur le morceau qui se dédouana du reste et disparut avec à l’autre bout du couloir. Juste le temps d’apparaître, de le lâcher et de revenir à son point de départ avant même que le bruit de la chute ne lui parvienne.

Mais c’était suffisant pour que les choses évoluent et que son acolyte apparaisse au sol, s’étant adapté en troquant la gorge pour la jambe. Ce point et le fait qu’elle se retrouvait la visée première de l’autre individu qui semblait l’avoir complètement oublié. Dommage. Seul détail à prendre en compte : malgré sa position, Caitlyn n’avait pas cessé de maintenir un contact. Il devait bien y avoir une raison. Il fallait agir sans l’éloigner ni briser ce lien. Soit.
Faisant abstraction de la douleur qui lui vrillait toujours l’omoplate, Abraham se téléporta dans son dos et lui donna un violent coup de pied à l’arrière de la rotule de l’autre jambe, le forçant à mettre genou à terre, tant bien que mal. Surtout mal. Le cri et le craquement indiquèrent qu’une rééducation allait être à prévoir. Ne s’en émouvant pas et profitant de l’instant de surprise, il poursuivit avec un coup de genou dans les côtes, puisqu’il était désormais à hauteur, puis un coup de coude dans l’épaule. Il l’empêcha de se retourner en passant un bras autour de sa nuque et en servant de l’autre pour maintenir sa prise fermement. Il augmenta la pression rapidement pour que leur cible se concentre exclusivement sur sa recherche en oxygène au lieu d’envisager de recommencer à administrer de nouveaux coups à la jeune femme. Il espérait ainsi lui laisser suffisamment de temps pour l’idée qu’elle avait en tête … ou pour le rendre inconscient si elle n’y arrivait pas. Mais il ne doutait pas franchement de ça à dire vrai.

Abraham continua de maintenir sa position et la pression sur leur cible jusqu’à ses tentatives de libération se fassent plus faibles puis inexistantes et que ses bras finissent par pendre lamentablement. Alors, il s’autorisa à desserrer sa prise, l’accompagnant dans sa chute avant de le laisser baigner dans l’eau. Enfin …
Il hésita entre s’asseoir et s’appuyer contre le mur … le second demandait moins d’effort. Il recula de trois pas pour s’y adosser, prenant tout de même soin de ne pas trop y coller son épaule sanguinolente. L’hôpital était bon pour faire des travaux mais ce n’était pas la peine d’en rajouter et il ne tenait pas à se répandre un peu partout. Aventure éprouvante. Ce n’était pas ce qu’il avait prévu ce matin en se levant mais pourquoi pas. La vie est faite d’imprévus. Il aurait juste apprécié qu’elle ne s’en prenne pas à son omoplate. Mais on ne pouvait pas tout avoir. En fin de compte, il ne s’en sortait pas si mal. Et il n’était pas le seul s’il en croyait le pouce levé de Caitlyn, geste qui lui tira un sourire.

« Je t’aurai bien proposé d’y aller dans l’instant pour boire un café mais physiquement, ça va m’être impossible … deux fois 4.000 kilomètres et des brouettes … je ne tiendrais pas. Une autre fois peut-être. »

Même s’il était en pleine forme … il dépasserait sa limite des 5.000 et il lui faudrait une petite semaine pour s’en remettre. Là, ce n’était même pas la peine d’y penser. Il s’écroulerait dès qu’il aurait un pied dans le salon et passerait les quinze prochains jours à comater tranquillement dans son lit, soumis aux bons soins de ses parents qui avaient bien autre chose à faire. Et lui aussi.
Il l’observa se redresser avec aisance, il aimerait pouvoir en faire autant, pour pianoter, avec un amusement non feint, sur les jambes inertes de l’inconscient. On ne pouvait pas dire qu’il ne l’avait pas cherché. Bon, peut-être, qu’éventuellement, il aurait pu y aller un peu plus molo avec le coup de pied à l’arrière du genou. Mais aux grands maux, les grands remèdes alors après tout … sa conscience ne le titillait pas franchement pour le coup.

« J’aime autant sécher d’abord si tu n’y vois pas d’inconvénient. Et je n’ai pas d’autres mutants sous Speed X hors de contrôle à portée de main en plus … Par contre, pour ta vidange comme tu le formules … j’ai un petit champ en friche, une décharge sans surveillance ou un entrepôt désaffecté si ça peut te convenir. Sinon, si tu as un lieu de prédilection … de préférence dans un champ de disons … 40 kilomètres, donne-moi l’adresse et je te dis si je peux t’y emmener. »

Le chiffre n’était pas donné au hasard. Il comptait l’aller-retour pour deux personnes … ça montait déjà à 160 kilomètres. Et pour éviter de sérieux contrecoups au milieu de l’hôpital, il préférait rester sous sa barre des 200. Question de sécurité et de confort. Surtout de confort.

« On peut regarder dans les chambres … mais je ne sais pas si ça va être sec. Idem pour les téléphones. On aurait peut-être plus de chance dans les étages supérieurs à moins qu’il ait vraiment tout fait péter … proposa-t-il tout en regardant le tour béant dans le plafond d’où l’eau continuait de ruisseler docilement Autrement, j’en déduis qu’Amy est ton épouse … un caractère particulier ? »

Aucun jugement là-dedans, il demandait juste par rapport à ses propres propos. Il ne connaissait pas l’autre jeune, il se gardait bien de tout apriori. Il se décolla du mur pour la suivre d’un pas léger, levant le bras gauche pour vérifier, malgré la douleur, l’état relatif de son articulation. L’exercice lui tira une grimace qui tomba à pic avec la remarque de Caitlyn.

« Je ne vais pas nier avoir mal, ce serait complètement con, mais tant que je peux rester debout, avancer et réfléchir, c’est suffisant. Même si je ne vais pas contester que ce doit être plutôt agréable de voir des éléphants roses, j’aime autant rester l’esprit assez clair pour savoir où je vais me téléporter … sait-on jamais. »

Normalement, il n’était pas censé pouvoir se retrouver à l’autre bout du monde parce qu’il l’avait rêvé mais il n’avait jamais testé l’état semi-conscient … et il ne préférait pas vraiment prendre le risque maintenant. Il s’appuya au chambranle de la porte de son épaule valide et la regarda quand elle lui posa cette question à laquelle il s’attendait plus ou moins. Il commença tranquillement.

« Elle remonte à longtemps maintenant … avant, on m’appelait Abram. Je suis l’un des descendants de Sem, lui-même fils de Noé. Un jour, j’ai quitté la ville d’Ur pour aller à Harran. Puis à partir de là, il m’a été ordonné d’aller au pays de Canaan … »

Il s’arrêta, réprimant un fou rire. Will aurait apprécié la réplique. Cela faisait un moment qu’il essayait de la placer, il connaissait la plupart des éléments communs qui tournaient autour de son prénom, mais jamais quelqu’un n’avait aussi bien mis en place le contexte que la jeune femme en peignoir qu’il avait devant lui.

« Désolé … bien trop tentant et c’est toi qui a commencé avec Moïse. Je te devais au moins ça. Plus sérieusement, commença-t-il, son ton s’accordant à ses propos je suis du côté qui me permet de rester en vie et en ce moment, c'est la vie civile. Quant à mon entrainement … j’étais membre, ou je le suis toujours si tu considères mon attachement à mon ancienne unité, de l’US Army. Pour la réelle histoire, j’ai été dénoncé en tant que mutant. Je ne te fais pas de dessins, nous ne sommes pas spécialement bien vus là-bas. J’ai été congédié dans la foulée et maintenant, j’essaye plutôt de faire profil bas pour qu’ils m’oublient. Bon, aujourd’hui, on repassera pour la discrétion. Je savais que j’aurai dû rester à San Francisco encore quelques jours … »

Il marqua une pause, observant toujours la rouquine sans ciller avant de lui retourner la question, chose qu’il estimait légitime.

« Et toi alors ? Tu te disais avocate, ce que je ne remets pas en cause, mais je ne savais pas que ce genre de défense était inclus dans les cours ni qu’il y avait possibilité de le faire en alternance avec le BAM. C’est un nouveau cursus ? »

Abraham n’était pas quelqu’un de particulièrement chiant, excepté sa crise d’adolescence mais elle était derrière lui depuis un peu maintenant, alors il a suivi la demoiselle pour ne pas la perdre de vue. Et aussi parce que c’était bien plus simple pour avoir une conversation suivie. Alors qu’il était lui-même trempé jusqu’aux os, il grimaça quand il l’entendit renifler. Il s’apprêtait à faire un commentaire … il n’était pas vraiment le mieux placé pour le faire et il le garda gentiment pour lui.

« Aucun souci pour moi. Si ma visualisation n’est pas assez précise, je ne décolle pas. Mais c’est comme tu veux. Si jamais tu changes d’avis, n’hésite pas. »

Il ébaucha un sourire quand elle mentionna le côté légèrement possessif de la dénommée Amy. Les réactions précédentes de Caitlyn prenaient tout leur sens. Du coup, il ne savait pas trop s’il préférait la rencontrer maintenant ou pas du tout. Vu leur état … il était peut-être risqué de faire les présentations dans la foulée. Un « plus tard » lui semblait préférable. Juste histoire d’être sec. Autrement, il doutait que la situation puisse être pire, en termes de stress et d’angoisse, que sa première … confrontation avec celui qui deviendrait son futur beau-père. Il en secoua rapidement la tête, chassant ses pensées de là pour reprendre à la suite de ses propos.

« Que ce soit la force, l’entrainement ou la puissance, ils ne servent à rien si tu n’es pas là quand il le faudrait. »

Il haussa les épaules et n’épilogua pas sur le sujet, il ne s’était pas encore tout à fait pardonner son absence. A cette partie de sa vie, il préféra poursuivre sur sa question et son histoire personnelle, restant dans les grandes lignes tout en omettant volontairement les détails. Le fait de rencontrer une concitoyenne le fit sourire réellement.

« J’imagine plutôt oui … je ne vais pas supposer que l’on se soit croisé, j’étais plus au Nord et j’y ai rarement mis les pieds. J’étais à Pacific Heights puis j’ai migré à Telegraph. Avant de finir à Brooklyn. Mais il n’y a qu’à Pacific que je me sens … chez moi. »

Le second quartier n’avait plus rien à lui offrir, quant à son petit logement actuel … il était bien trop tôt pour qu’il le considère comme son foyer. Dans quelques mois, années peut-être. Il l’observa récupérer ce qu’il restait de son ensemble.

« Aucun moyen de les sauver ? Même avec une excellente couturière ? »

Elena en avait quelques-uns et il connaissait parfaitement leur coût. Eux, ils avaient juste eu la chance que la mère d’Ixas et Aiolos maîtrisait très bien les chas d’aiguille et le fil. Et c’était elle qui insistait pour leur faire au lieu de payer pour rien. En échange, ses fils restant, d’après elle, désespérément célibataires et surtout sans enfant, elle voulait juste avoir le petit bonheur de garder Kira. Ils avaient accepté.

« Je ne remettais pas en cause ce que tu m’avais dit sur le fait d’être presque avocate. Il y avait seulement les extras que je trouvais surprenant. Mais avec des explications claires et concises, tout s’emboîte à merveille. En tout cas, ta tenue de travail sonne plus sexy et glamour que mon treillis et mon M16. Mais bon, le rouge vif, pour passer les lignes ennemies … ce n’est pas forcément le plus efficace. Quant à l’autographe, ça ira, je te remercie. Je préfère aller boire une bonne petite bière au bar comme tu me l’as fait promettre. Enfin, si on arrive à sécher. »

Tout en emmagasinant les informations dans certains coins de cervelle, qu’il pourrait ressortir au besoin, il l’écouta passer son coup de téléphone sans l’interrompre, ravalant la remarque sur la musique d’attente. Comme celles des ascenseurs. En admettant qu’il ne pouvait pas être mis du bon vieux rock qui déboîte, il y avait tout de même des musiques instrumentales ou électroniques bien plus agréables à écouter que les horreurs choisies. Il existait le boulot de sélectionneur musical pour ascenseur ?

« On a qu’à commencer par te trouver un bureau vide. Il devrait y en avoir sur le chemin du rez-de-chaussée. Ou monter un ou deux étages s’il doit être sec. Quant à mon épaule … si on peut retrouver l’infirmière qui nous a signalé notre gentil pote hors de contrôle et que j’ai giflée sans ménagement, j’aimerai bien. Déjà pour m’excuser. La situation l’exigeait mais tout de même. Et ensuite … elle doit avoir compris que je suis un mutant. Elle posera moins de questions que les autres. Et je préférerai vraiment qu’on m’oublie pour le coup. Tout comme tes amis du BAM. Si j’essaye de rester sous les radars de l’armée, ce n’est pas pour qu’une organisation gouvernementale ne vienne me voler dans les plumes. Si je pouvais me glisser parmi la foule de blessés l’air de rien, ça m’arrangerait. Je ne tiens pas à leur faire un récit détaillé. J’ai assez donné dans les rapports. Et à moins que tu ne puisses leur faire croire que je ne suis pas intervenu du tout, y a moyen de minimiser ma présence ? Et disons de ne pas mentionner mon identité ? »

Rêve éveillé quand tu nous tiens. Mais qui ne tente rien n’a rien. Et il souhaitait vraiment ne pas apparaître dans leur dossier.

Je ne sais pas quoi dire. C’est perturbant parce qu’il y a tellement de choses que j’aurai pu dire, que j’aurai voulu dire, mais je ne sais plus. Ce n’est pas une question de ne pas y arriver, non, ce n’est pas non plus un trop plein d’idées faisant embouteillage dans ma tête, c’est juste… j’en sais rien. Alors je l’écoute parler au téléphone en faisant silence, assise contre la fenêtre à regarder l’hiver Newyorkais et ses températures si froides que la neige a parfois du mal à tomber. Mon reflet me rend se regard perdu, lui qui est aussi vêtus d’un sous-pull et d’un pantalon chaud que moi ; je ne suis pas frileuse, je démens, je suis juste méditerranéenne. Ce n’est pas le même climat. Un peu plus loin, sur la table de verre de « mon » bureau, il y a encore un paquet de feuille, des rapports d’Emma, de Xavier et de Moïra sur ce que certains leurs ont confiés de leurs perceptions de leur mutation, me permettant ainsi de compléter ma thèse clinique. Je manque cruellement de source, peut-être du fait que je sois l’une des premières à exploiter le domaine mais surtout du fait qu’il n’y a qu’un nombre très restreint de personne à qui je peux le demander. C’est bien plus facile de parler du décryptage corporel que de la perception de la mutation par l’individu, d’autant que certains ne se posent pas de question et prennent ce qui est sans y réfléchir, comme s’il n’y avait aucune incidence ou causalité. Du coup j’ai toute une partie où je me la joue Freud en m’auto-analysant et c’est surement la partie la plus contradictoire.

Mais continuer mes thèses est plus simple que parler avec lui, cependant. J’ai souvent imaginée des discutions similaires, j’ai souvent espérées des discutions similaires, mais maintenant que j’en ai, je sèche. Nous avons tous des personnes que, quoi qu’elles fassent et quoi qu’elles nous fassent,  nous aimerons quand même, il est la mienne. Mais malgré sa réapparition bien pensante j’ai toujours du mal, je n’arrive pas à lui « tomber dans les bras » parce que je ne l’ai jamais fait avec quelqu’un d’autre que Caitlyn hors la relation est bien différente. Heureusement que je tiens de lui ma capacité à monologuer.

- Euh, je t’interdis de draguer Ruth. Tu as dis que tu restais en Irlande le temps de faire le ménage, pas celui de te mettre en ménage, tu vois la nuance ?

Seigneur-Dieu mais il n’est pas possible celui-là. Et il a quoi, 120 ?

- Euh, ça plaide pas en ta faveur ça. Et ne me dis pas que t’es amoureux t’en as déjà eu quatre des femmes et tu sembles t’être parfaitement remit de leurs pertes ; moi perdre Caitlyn ça me tuerait et… cinq femmes ? Tu cherches à t’enfoncer tout seul ?

Gros con machiste et égocentrique. Je ne suis pas conne ni machiste mais le troisième point doit être héréditaire.

- Euh, euh, euh, comment tu peux me demander ça ? Ey, je suis ta fille !

Nan mais franchement… et bien sur que ce sont de vraies rousses ! En parlant de rousse et de Caitlyn…

- Excuses-moi, j’ai un double appel.

Comment on peut être catholique, aussi libre de mœurs et de pensée, et pas accepter que sa fille soit lesbienne sans tirer une tronche de trois pieds de long ? Enfin il m’a bien enterrée sous une église parce que j’avais les yeux bleus donc même s’il a du mal à accepter mon choix de vie, il ne réagit pas trop mal non plus. Enfin bref je coupe la conversation pour écouter mon amour durant son temps de pause.

- Hum… Allo ?

- Coucou ma puce.

- Coucou mamour… – ah, « mamour », ça veut dire qu’elle a fait une connerie – Ca va ? Je te dérange pas ?

- Nope t’inquiètes. Et ça va même s’il faudra que je te parle de placement en maison de retraite quant tu rentreras. Et toi ?

- Ca va, ca va… Ah ah…

- Qu’est-ce qu’il t’arrive ?

- Hum… La routine tu sais… – je ne réponds rien car la routine plus un coup de téléphone commençant par « mamour » ça veut dire qu’elle va encore finir aux informations du 20h – Heuuu Dis ? – enfin si elle a le temps de téléphoner c’est qu’elle n’est pas en danger ni rien et qu’elle s’en est sortie sans trop de dommages – Tu… Tu pourrais me ramener des fringues, – Wait What ?! – j'ai… j'ai taché mon tailleur et…

- C’est pas du sang rassures-moi.

- Non c'est de l'eau mais…

- Ah, ok, ça va alors, dis-je en me dirigeant vers mon bureau pour ramasser mes feuilles. Je t’amène une veste de rechange et…

- Non c'est pas que la veste et…

- Le pantalon aussi ? Mais qu’est-ce tu vas nous sortir encore ?

- Ah non franchement j'peux pas sortir comme ça.

- Ce n’est pas ce que j’ai dit ; mais c’est à ce point ?

- Hum…

- Ok. On va parer au plus court : il te faut quoi ?

- Ben un tailleur complet si possible avec chaussures et… et sous vêtements aussi…

- Pardon ?!

Bon, là tant pis pour les feuilles, je quitte mon bureau et l’infirmerie à grande vitesse en direction de notre piaule, tout en continuant de parler malgré le déplacement d’air.

- Mais…

- Que…

- Non…

- Quoi ? Cait’ il…

- Je…

- c’est passé…

- Ah mais…

-Quoi ?

- Attends que…

- J’attends rien du tout, où es-tu ?

- A l'Hopital…

- A l’ho… t’es blessée ?!

- Mais nooon…

- Ils ont dû découper tes fringues pour t’extraire des balles ?! Ils ont…

- Mais roooh…

- T’es toutes nues dans une chambre d’observation, c’est ça ?!

- Ey ! J'ai un peignoir quand même et puis ils sont trempés les fringues et je dois répondre au BAM et…

J’ai descendu trois étages et je suis à notre chambre, toujours une main sur l’appareil et l’autre rassemblant ce qu’elle m’a demandé avec ma vitesse surhumaine ; le tailleur, les premières chausses, chemise et sous-vêtements qui me passent sous la main. Bon, elle aura du push-up mais tant pis pour elle j’ai pas la tête à ça – ou peut-être que si, inconsciemment…

- Au BAM ? Tu te fous de moi ? T’as conscience que dès que tu fous les pieds dehors toute seule ça finit toujours chez les hommes du Triskelion ?

- Ah…  heu ?

- Cati mia, qu’est-ce qui c’est passé ? T’es blessée ?

- Non, j'ai du arrêter un hostile…

- T’es blessée ?

- Mais noooon… fin…

- ‘fiiiiiiin ?

- Rien de grave…

- Comment ça rien de grave ?

- Mais osef, ca régénère…

- C’est pas une raison, reproche-je avec mauvaise foi, puisque c’est typiquement l’excuse que je sors lorsque je me blesse, tout en m’ôtant de mon haut chaud pour enfiler celui qui me dégage le dos, ne me tenant qu’à la nuque et à la ceinture. T’es irresponsable ma parole !

- Quoi irresponsable ? Mais c'est pas moiii…

- Si, c’est toi qu’es blessée et à l’hôpital ! Pourquoi faut toujours que tu…

Je tente de combler la brèche avec une écharpe blanche et noire qui finit par atterrir dans le sac parce que j’ai encore suffisamment d’intelligence pour savoir que je la perdrai pendant le trajet si je l’ai autour du cou, puis je quitte notre chambre sans fermer la porte à clé non plus, par manque de temps.

- Ecoutes j'ai froid et je suis a poil sous mon peignoir, j'vais quand même pas faire une annonce au haut parleur pour une collecte de fringues en leurs montrant ma nudité, non ?

- Si tu grossis tant le trait en espérant du namoe c’est qu’il y a quelque chose de grave à côté !

- Mais j'ai riennn j'te dis, ca cicatrise déjà… – si ça cicatrise c’est qu’il y a quelque chose, CQFD – na… - … mais alors .     .     . – voilà… ca saigne même plus…

- Ça saignait ?!

Je cours, même si l’on n’a pas le droit de courir dans l’Institut je cours, et à ma vitesse.

- Ahhh Par le sang du Christ… ouiiii ca a saigné mais…

-Mais où est-ce que tu t’es fais ça ?

- A l'Hosto…

- Mais non, pas le lieu, l’endroit !

- D'façon, t'as qu'à allumer la télé, ca doit être en train de faire le buzz…

- J’en étais sure : tu t’es encore farcie des trous du cul sous le pseudonyme de Wonder Beaver…

- Non, un seul… un shooté au Speed X hors contrôle…

- Caitlyn Emilie de Lauro-Elioth, tu as conscience qu’à chaque fois que tu passes une journée dehors seule, pour quelque raison que ce soit, ça tourne toujours en bagarre ?!

- Mais…

- Et tu finis TOUJOURS blessée !

-T'énerve pas…

- Je ne m’énerve pas, je suis morte d’inquiétude et légèrement paniquée, nuance. Ecoutes-moi bien…

- Parle moins vite j'te comprends plus…

- T’es obligée de te la jouer solo à chaque fois ?

- Mais j'avais pas mon bipeur, pouvais pas appeler du renfort, mais y'a un gars avec des pouvoirs qui est venu me filer un coup de…

- Pour une pacifiste tu passes beaucoup de temps à te bagarrer et pour ma femme tu passes beaucoup TROP de temps à te bagarrer ! Et c’est qui ce gars ? Il t’a fait mal ? Caitlyn ? Caitlyn ? Allo ? Ey oh ? Seigneur-Dieu…

Bon, la ligne ne répond plus, son téléphone vient de rendre l’âme ou un truc du genre… bordel Caitlyn qu’est-ce que t’as foutu ?! Je franchis les portes de l’avant de l’Institut, manquant de me casser la gueule sur la cour gelée mais un déploiement d’ailes et une prise d’appui si glissante soit-elle me permettent de m’élever dans les airs. Cependant, raccrocher à mon aimée me remet sur la premier ligne.

- Non toi c’est plus le moment. Je m’excuserai une autre fois de te rapprocher au nez mais j’ai des problèmes plus urgents. Passe nous voir à l’Institut, on te présentera ta petite fille. Bye !

Je raccroche et j’éteins le téléphone parce que le coup de la petite fille va le faire buguer un moment ; un moment suffisant pour qu’il arrête de penser à sa libido. Puis je passe en Berserker pour assurée une arrivée en dix à quinze minutes au lieu de l’heure nécessaire. Elle ne m’a pas dit quel hôpital mais j’ai un moyen très simple de retrouver une Caitlyn en sortie citadine : suivre les sirènes. Ça marche presque toujours…

« Pour le coup, ce n’est pas vraiment de ta faute. Tu n’avais pas été prévenu que c’était piscine cette après-midi. Et tu peux toujours essayer. Qui ne tente rien n’a rien. Ils seront peut-être compréhensifs. »

Ou pas. Tout dépendait de ses employeurs ou de sa hiérarchie. A titre personnel, Abraham ne pouvait pas tomber sur mieux en termes de supérieur direct. Equivalent, peut-être. Mais pas plus. Ce n’était pas qu’il plaçait Isaïah sur un piédestal. Juste qu’en plus d’apprécier l’homme qu’il était, c’était un leader incontestable qui savait mener ceux qu’il avait sous son commandement et s’en faire obéir sans avoir à recourir à des techniques à la con. Il combinait des qualités personnelles et professionnelles. Cela étant, peut-être que le connaître depuis une dizaine d’années influençait, légèrement, son jugement. Quant aux employeurs … il y avait deux catégories. Ceux qui se foutaient qu’il soit mutant et les autres. Ces derniers avaient été plus influents. Affaire classée.

Caitlyn déclarait être une machine de combat et avoir été formée en conséquence. Seul un aveugle nierait ladite formation. Il était convaincu de n’avoir eu qu’un aperçu, une sorte de bande-annonce en attendant la suite. La question était de savoir s’il souhaitait avoir une autre démonstration ou non. Sans être blasé, il n’avait rien contre les situations chaotiques. Il en avait un certain nombre à son répertoire. Mais pas au point de vouloir s’y fourrer volontairement. Sans y réfléchir vraiment, avoir de nouveau la jeune femme comme acolyte ne le dérangerait pas plus que ça.

« Chacun son boulot. Enfin … presque puisque je n’en ai plus pour le moment. reprit-il en haussant les épaules sans cesser de la regarder avant d’éluder Il parait oui … »

Alors qu’il exprimait les raison de son besoin, tant souhaité, d’anonymat, il pouvait observer un soupçon de méfiance traverser les traits de son interlocutrice. Il ne pouvait pas vraiment la blâmer pour ça. Lui aussi, si les rôles avaient été inversés, aurait trouvé ça bizarre. Mais l’étrangeté ne retirait pas la compréhension.

« Deal accepté avec plaisir. Et je n’ai aucun doute sur le fait que tu saches te débrouiller comme une grande … poursuivit-il avec un sourire Un peu que je le veux toujours ce verre ! Donc je serai là dans une heure. Sec. En attendant, bon courage … que ce soit pour le côté administratif ou pour ton dragon. Et c’est à moi de te remercier pour me laisser partir en douce … à toute ! »

Il s’éloigna, lui adressant un petit signe de la main avant de s’avancer vers une fenêtre pour observer les alentours sans être vu. Bien … sans surprise, un tas de badauds. Enjoy. Mais surtout pas mal de personnel médical qui s’activait dans le coin. Il croisa les doigts pour que leur infirmière soit toujours là. Pour l’instant, il fallait surtout sortir discrètement. Il visualisa un petit bosquet de l’autre côté de la rue et qu’il avait repéré un peu plus tôt. Il ne l’aurait pas risqué en pleine journée mais là, tout le monde était absorbé par l’hôpital … personne ne faisait attention à ce qui se passait derrière. Trois, deux, un.

Il s’appuya brièvement à un tronc, sa tête décidant de passer en mode toupie lente. Il respira tranquillement. Il n’y avait pas à dire, l’air frais faisait du bien. Il sortit de sa planque en surveillant la zone mais le complexe hospitalier restait l’attraction. S’il désapprouvait ce côté voyeur malsain, il n’allait pas s’en plaindre aujourd’hui. L’air de rien, il se rapprocha afin de chercher une autre jeune femme. Finalement, la chance était-elle, au moins un peu, de son bord. S’assurant qu’elle n’avait plus de patients sous la main, il fit quelques pas vers elle avant de lui tapoter doucement l’épaule. Inutile de l’effrayer. Elle se retourna directement et ses yeux exprimèrent la surprise. Il coupa court à toute tentative de prise de parole en lui coupant l’herbe sous le pied, à voix basse pour qu’elle soit le seul à l’entendre.

« Vous vous souvenez de moi ?
- Bien sûr ! Vous étiez à l’int …
- Oui et j’aimerai que vous le gardiez pour vous s’il vous plait.
- Mais je …
- S’il vous plait. Je préférerai que cela reste entre nous. »

Elle resta silencieuse un instant, comme mesurant le poids de sa demande. Son altruisme et le ton employé par l’américain finirent par la convaincre.

« D’accord. Je vous dois au moins ça. Sans compter le fait que vous m’ayez …
- Merci. reprit-il en la coupant une nouvelle fois Mais vous ne me devez rien. C’est plutôt moi qui vous dois des excuses pour vous avoir giflée. J’en suis désolé.
- Vous n’avez pas à l’être … la situation l’exigeait. J’aurai aimé avoir le même sang-froid que vous …
- Vous avez réussi à soigner ceux qui avaient été blessés ?
- Oui mais …
- Alors c’est tout ce qui compte. Ne vous souciez pas du reste.
- Vous avez fait tellement plus …
- Non. Sur le long terme, vous dispensez plus de bien que moi. Ne vous jugez pas trop durement sur un seul petit moment d’égarement.
- Vous êtes un homme …
- Étrange ?
- Différent. En dehors de … enfin, vous savez quoi. dit-elle en souriant avant de continuer Mais est-ce que je peux faire quelque chose pour vous au moins ?
- Oui … si vous avez quelques instants, j’ai bien une plaie à l’omoplate qui nécessiterait un petit nettoyage ... »


L’infirmière, prénommée Sasha, avait fait son office rapidement avec efficacité. Les soins avaient été pliés en une quinzaine de minutes. Et il avait gagné un numéro de téléphone. Il avait au début refusé mais elle avait argué qu’il pouvait toujours avoir besoin d’elle si un problème comme ça survenait ou tout simplement pour refaire le bandage. Après tout l’omoplate n’était pas le point le plus facile d’accès. Elle avait marqué un point.
Il était rentré en taxi, le prenant à 3 rues de l’hôpital, sans se soucier de mettre de l’eau un peu partout et le chauffeur n’avait pas fait de commentaires. Il s’était douché en faisant attention de ne pas mouiller le pansement avant d’enfiler de nouvelles fringues. Sèches. C’était tout de même appréciable. Les autres étaient désormais sur l’étendoir, il aviserait de leur sort plus tard, et ses baskets non loin du radiateur en train de se dorer la pilule. Contre toute attente, son portable avait survécu à la noyade. Pas les écouteurs. Aucune importance, il en avait toujours une paire d’avance. Il l’avait retirée du tiroir, sortie de sa protection de plastique avant de la ranger dans une autre de ses vestes, en cuir celle-ci. Il avait sauté dans une autre paire de Converse avant de reprendre un taxi pour se faire déposer non loin de l’Hôpital, rejoignant à pied le parking Est comme convenu.

Et c’était là qu’il attendait patiemment. Il avait un peu d’avance alors il s’était assis sur l’un des bancs, reprenant l’activité par laquelle tout avait commencé : écouter de la musique en profitant du soleil, les yeux fermés et un demi-sourire aux lèvres.

Et puis d'abord c'est pas vrai que j'ai zappé d'appeler du renfort… – c’est de la mauvaise foi ça ! – j'ai besoin d'une X en particulier… Je veux Nephilim… – je décroise les bras, interloquée, tant parce que ce n’est pas réellement la plus du Nephilim que parce que je sois les renforts ; c’est pas terminé ? – Ce mec… un TP qui se la joue héro solitaire et qui a un entraînement militaire avéré… – encore un TP ? Mais il n’y a plus que ça sur la surface de la Terre ? Et si je suis capable de m’en protéger, ça me coûte beaucoup je te rappelle, je ne suis pas experte dans le combat psychique… – qui fait des pieds et des mains pour éviter le BAM… Je crois qu'il me prend ouvertement pour une Blonde, il va découvrir que les rousses sont particulièrement vicieuse… – pas aussi bien que moi je l’espère – hum… – sisi, tu as dis ça – Fin j'veux dire… il ne va pas s'en tirer comme ça. Si c'est une menace, on doit le découvrir le plus vite possible et si c'est un Franc Tireur, on va le virer de la scène rapidement… plein l'cul des Reverse- like et on a vu ce que ca a donné pour le Fantôme… paix à son âme. Le meilleur moyen d'éviter les problèmes ca reste de les anticiper… – notre nouvelle politique me fait amèrement sourire ; aller de l’avant, foncer dans le mur en espérant passer au travers… c’est toujours mieux que de freiner des quatre fers pour ralentir un conflit inéluctable. Soit, on va rejouer les X-Men aujourd’hui ; robin is back – Ca veut dire, ma zolie Poulette, que je te laisse faire tes tours de passe-passe mentaux et physiques et puis c'est une belle occaz' puisque l’extérieur est sec, de prendre ta plus belle voix pour mouiller l’intérieur… huhuhu… Il sait le minimum vital, j'ai fait gaffe à ce que j'disais… à nous de creuser. On est les X Men… yeah Baby… We rule ! Sniffff… TCHOUMMMMMMM ! Merde… je crois que j'ai attrapé froid… sniff

Moi aussi je vais faire sniff si elle est réellement tombée malade… mais en attendant je me contente de l’approcher pour lui frotter dans le dos afin de la réchauffer, alors même que mon corps change. Les « tours de passe-passe physiques » se résument assez rapidement : modification de la chevelure pour une couleur noire et un carré court qui ne me gênera pas en combat – et nécessite au passage un renouvellement de la chevelure qui fait que je laisse une partie de l’actuelle sur place – ainsi qu’une altération épidermique pour changer la couleur afin qu’elle soit plus terne, qu’une altération très légère des traits du visage afin de brouiller d’éventuels logiciel de reconnaissance faciale sans pour autant emmêler les pinceaux des gens me regardant – pas très utile pour un portrait robot mais je m’assure généralement que le faux visage soit visible des enregistreurs mécaniques pour justement mettre en avant « l’erreur humaine » –, qu’une altération de la voix dont les vibrations changent pour quelque chose de plus grave et de légèrement plus violent que la « véritable » et une autre de l’odeur histoire de ne pouvoir être pistée. Les empruntes digitales sont également altérées aujourd’hui puisque je ne porte pas de gants ; sécurités minimums.

- Bah tien, dis-je avec un sourire plein d’indulgence et cette voix qu’elle aime tant, cette seconde voix qui n’apparaissait jadis que lorsque j’entrais en état de Berserk, t’attendras la maison pour phaser complètement et nous guérir tout ça, d’accord ma puce ?

Moi aussi je pense que je vais attraper froid, l’écharpe n’est définitivement pas suffisante et mes ailes ne sont pas des plus discrètes, même collées dans mon dos pour lui tenir chaud ; rouge-chair et d’une envergure qui doit maintenant se rapprocher des 255cm… mais c’est pas ça le pire !

- Si j’avais su qu’on allait à en mission après, j’aurai évité le Wonder-Bra ; ‘scuse puce… mais j’ai enfin trouvée une tenue où il me gène pas.

Je peux être une peau de vache quand j’ai envie et c’est un moyen comme un autre de me déstresser ; je pourrais avancer l’argument stratégique de la déconcentration de l’ennemi mais s’il le fait je vais faire mon NAMOE. Mais passons : mon sourire provocateur s’effacera dès que j’aurai eu mon baiser pour me faire taire voir une main aux fesses pour montrer qui domine et je passerai à la suite de ma pensée qui mijote depuis qu’elle en a parlé.

- Si c’est réellement un TP, ce que tu as dit n’importe pas, c’est ce qu’il a lu qui posera problème. De plus, si je veux l’empêcher d’entrer dans mon esprit, je dois utiliser l’APB… j’ai vidée une bonne partie de la réserve de biomasse pour venir le plus vite possible et une fois la vitesse stable atteinte, n’oublie pas que les mots n’ont plus le moindre sens pour moi. Je vais essayer de l’arnaquer avec des pensées hors sujet – et pour ça le renforcement thoracique du tailleur, pour l’appeler ainsi, risque de m’aider – cependant s’il a eu un entrainement paramilitaire ça va compliquer les choses.

Alors qu’on avance je lui prends la main, glissant la mienne dans sa paume mais comme toujours avec Nephilim, il y a bien plus de raisons qu’il n’y parait. Et si la première reste l’écho de moi-même qui souhaite sa compagnie et son contact, il y a quelque chose de bien plus utilitaire dans ce geste que notre contentement mutuel.

- Il te reste de quoi me charger une dose électrique paralysante ? Au cas où il faille le convaincre de rester tranquille.

L’absorption bioélectrique a certes été conçue dans le triple but de pouvoir vivre l’un de mes fantasmes, de lui faire revivre cela et de pouvoir la protéger de mon corps de façon la plus littérale possible mais son fonctionnement lui permet bien d’autres occupations et court-circuiter un adversaire en est une, en plus de me prémunir contre l’électricité en générale.

Je n’ai pas de plan à proprement parler, juste pleins d’idées qui s’agenceront si nécessaire et fonction de la situation afin de nous permettre de la faire tourner à notre avantage, ou à défaut de nous sortir de la panade ; généralement plus du second cas que du premier d’ailleurs.

- Mais sinon, il a un nom, ce héros solitaire ?

Un parking, sérieusement ? Ce n’est pas illogique si l’on pas du principe qu’on se déplacera vers un autre lieu par la suite mais ça surprend comme lieu de rendez-vous surtout lorsqu’on prévoit de faire passer un interrogatoire. Enfin j’ignore la manière exacte dont Fuzzy va procéder mais on sera synchronisées comme toujours. Mon rôle est le même que d’habitude, je suis la Mentat et le détecteur de mensonge, avec le supplément le plus apprécié qu’est « femme aimée et aimante ». Echarpe coulant dans le dos jusqu’entre les troncs de mes ailes pulmonaires toujours déployées et repliées au mien contre mon dos, je ne lâche le bras de Caitlyn que lorsque nous arrivons face à l’inconnu lui tendant la main avec un sourire.

Classe moyenne, un gabarit à faire passer Caitlyn pour une naine et presque atteindre nos poids additionnés (à 10% prêt) parfaitement entretenu, une barbe dans le même style mais une chevelure certes courtes mais en laissé-allé ; sans doute a-t-il fait l’armée considérant sa tenue physique et son port mais il n'en est plus depuis un certain temps ou alors cela c’est mal terminé. Tempérament calme avec une possibilité d’éclat de violence, maitrise de lui-même probablement naturelle augmentée par l’entrainement, posé et réfléchit, appréciation particulière de la musique possiblement due à la réhabilitation…

- Amaranth Oldfield, enchantée, dis-je simplement, pour me présenter et encourager la poignée de main, je tenais à vous remercier d’avoir aidée ma femme.

Et n’ait pas l’intention de vous lâcher la main même s’il n’est pas encore question de vous neutraliser.

Abraham n’avait pas bougé d’un iota. A quoi bon ? Il était bien calé et, malgré la récente épreuve physique, plutôt serein. Soleil et musique, c’était un combo appréciable. Soit, il évitait de solliciter son épaule qui le tiraillait par moment mais hormis ça … il n’avait rien à redire. Son sourire n’avait pas plus foutu le camp que le reste.

Il n’avait pas rouvert les yeux avant de sentir leur présence. Cela ne tenait pas d’un pouvoir quelconque … sauf si un sixième sens pouvait être considéré comme tel. Il pouvait reprocher certains éléments à son passé militaire mais pas tous. Et l’entrainement faisait partie du second lot. Il ne pouvait pas vraiment expliquer son ressenti mais à force d’observer les autres, il savait quand il l’était lui-même. En pièce close, c’était facile : un changement de pression, un déplacement d’air, un bruit. Là, en plein air et avec le son un peu trop fort … aucune notification mentale véritable à ce sujet ni de point rouge sur une carte pour la localisation des observatrices. Juste une sorte de sensation indescriptible.
Et cette perception ne l’avait pas trompé : elles étaient là, en face de lui, à une vingtaine de mètres. Non, cela ne permettait pas de fuir sans être vu. Pas ce coup-ci en tout cas. Et il n’acceptait pas de rendez-vous pour changer d’avis dans la foulée. Ou du moins, pas sans pouvoir prévenir. Poser des lapins, ce n’était pas vraiment son genre. Se levant, il s’épousseta et rangea ses écouteurs ainsi que son portable le temps qu’elles arrivent à sa hauteur. Tenant compte de la brève description qu’il avait eue par Caitlyn de son épouse, il ne doutait nullement de l’identité de la jeune femme au carré noir. En tout cas, simple avis de première impression, leur amour sautait aux yeux. D’après les dires de certains, il rayonnait de la même façon avec Elena … Il parait.

Alors que l’américain se demandait comme la saluer, elle lui facilita le travail en tendant la main. Au moins, c’était réglé. Avec un sourire ravi, il devait avouer qu’il se demandait à quoi pouvait bien ressembler la territorialiste en question, il lui rendit la politesse en tendant la main à son tour.

« Abraham, moi de même. Et vous n’avez pas à me remercier pour ça. répliqua-t-il en haussant les épaules Ne pas le faire aurait été idiot et surtout contraire à mes principes. Et puis … »

Initialement, il aurait voulu dire qu’elle l’avait aidé également, qu’ils étaient à 50-50 dans l’histoire. Mais le fait de ne pas pouvoir récupérer sa main l’avait interrompu. A la première tentative de retrait, il avait pensé qu’Amaranth avait de la poigne. A la deuxième, il soupçonnait autre chose. Quoi, il ne savait pas encore, même si quelques théories s’organisaient en tâche de fond, mais le fait est qu’il ne pouvait pas se téléporter sans l’emporter aussi. Inutile d’envisager la fuite pour l’instant. Il les regarda toutes les deux avant de désigner leurs mains d’un petit signe de tête.

« Dites, vous accepteriez de me la rendre s'il vous plait ? Ou vous avez d’autres idées en tête ? demanda-t-il d’un ton tranquille sans hausser la voix Parce que si c’est le cas, autant en parler maintenant. Je ne suis pas du genre à me compliquer la vie inutilement alors si, à tout hasard, vous avez des questions, je vous en prie. Posez-les que nous puissions aller boire un verre sans ambiance pesante. »

Il n’avait pas envisagé ce cas de figure. Qu’avait dit Caitlyn ? Que pensait-elle réellement ? Qu’il avait menti ? Non. Qu’il n’avait pas tout dit. Evidemment. Il ne disait déjà pas tout à ses parents, ce n’était pas pour se livrer à une inconnue, quand bien même ils avaient combattu ensemble plus tôt dans la journée. Il n’allait pas lui dévoiler sa vie en un claquement de doigts. Hormis les parties confidentielles et top secrètes, il y avait des pans qui n’appartenaient qu’à lui et personne d’autre.

Sans mouvement brusque ni la moindre colère, il rangea son autre main dans sa poche, attendant patiemment la suite des opérations. Il avait vécu pire en termes de tension palpable et la journée était trop radieuse pour ne pas leur laisser le temps d’expliquer la situation actuelle. Après … il aviserait.

Alors qu’il observait Caitlyn l’imiter doublement en mettant ses mains dans ses poches, Amaranth ne le lâchait pas. Sacrée poigne en tout cas. L’adage « l’habit ne fait pas le moine » prenait décidément toute sa valeur aujourd’hui. Abraham aurait bien spécifié qu’elle pouvait le lâcher, qu’il ne s’en irait pas mais il doutait d’être entendu. Elles prenaient sans doute leur précaution, quoi qu’elles craignent. Et il ne pouvait pas les en blâmer. Situation inversée, il aurait probablement agit de façon similaire. Et c’est maintenant qu’il regrettait d’autant plus la présence des siens, quand bien même ils n’avaient pas forcément de pouvoirs.
Il fut légèrement surpris par la voix de la jeune femme. Pas par son calme, contrastant radicalement avec les fois précédentes, mais plutôt par l’espèce de fatalité qui s’en dégageait. Comme si elle avait répété ce genre de propos maintes fois et qu’elle en était fatiguée. Rien n’est jamais aussi simple qu’il n’y parait … Il l’écoutait sans l’interrompre, son tour viendrait après de toute façon. Il n’était pas d’accord avec tout ce qu’elle énonçait mais il n’avait pas le même point de vue non plus. Malgré lui, il serra brièvement le point à la mention des vies perdues des innocents. Personne n’était à l’abri, même dans un petit quartier tranquille de San Francisco. Mais la folie des hommes n’était malheureusement pas prévisible.
Il lui rendit son sourire avant d’intervenir brièvement, sentant qu’elle était loin d’en avoir fini.

« Et je te remercie de ce bout de confiance. J’espère avoir l’autre bout après notre discussion et fêter ça autour d’un verre. »

Il ne voyait pas de raisons du contraire. Mais il ne savait pas ce qu’elles cherchaient exactement alors il se pouvait que quelques détails lui ait échappé. Restant toujours aussi tranquille, il attendit patiemment la suite qui arriva à son rythme. Lui n’en connaissait pas d’autres de téléporteurs, dans cet univers ou dans d’autres. Il n’était pas le plus impressionnant ? Tant mieux. Il ne cherchait pas à l’être et sa situation mutante actuelle lui convenait à merveille. La vie était déjà suffisamment compliquée comme ça, pas besoin de son et lumière supplémentaires. Intérieurement, il la remerciait de sa franchise. Ils gagneraient du temps à éviter de tourner autour du pot. Il avait déjà perdu … oui. Il le savait déjà. Il n’était pas aussi doué qu’Isaïah pour l’analyse des situations mais l’entrainement avait tout de même porté ses fruits. La seule chose qu’il pouvait éventuellement envisager de faire, c’était de se téléporter ailleurs. Pour ça, il faudrait qu’Amaranth le lâche. Ce qui ne risquait pas d’arriver de sitôt. Même sans le rappel actuel de Caitlyn, il se souvenait très bien de ce qu’elle avait dit plus tôt dans l’après-midi sur sa compagne. Et il avait eu la démonstration de ses propres pouvoirs. Un contre deux. De base, c’était mauvais. Sans compter l’état physique peu reluisant qu’était le sien. Autant se battre avec un cure-dent contre un sabre laser. Il était là, il n’avait rien d’autres à faire que de les écouter. Il avait été élevé dans les principes de la vérité et de la franchise. Les conditions ne lui déplaisaient pas. Et oui, il aurait sans nul doute agit de façon similaire.
Tout en attendant la suite, il continuait de la regarder. Aucun dédain pour Amaranth, loin de là, mais on lui avait appris à regarder son interlocuteur alors … La pose prise semblait décontractée mais cela ne collait pas avec ce qu’elle avait énoncé. Il soupçonnait autre chose. Une autre application de son pouvoir peut-être ou quelque chose de cet acabit. Tenter une feinte, une fuite ou toute autre bêtise dans ce goût-là lui apporterait surement la réponse. En plus de désagréments dont il se passait très bien. Il réprima un sourire à cette idée alors qu’elle commençait ses questions qu’il mémorisait au fur et à mesure sans sourciller. Il attendit, pris note de sa dernière remarque et fit craquer sa nuque. C’était à lui de délivrer les réponses. Encore une fois, sa voix restait calme et paisible.

« Abraham Lincoln Blackwood. Bee pour ceux qui me connaissent. Scotty pendant les missions, rapport à Montgomery "Scotty" Scott, préposé aux téléportations sur l’Entreprise dans Star Trek. Autrement, pour les jeux de mots présidentiels, voyez ça avec mes parents directement, je n’en suis pas responsable. Cherchez à Léo et Flavie Blackwood, à Pacific Heights, San Francisco, ils sont dans le bottin. Je suis né le 28 Juillet 1982 à Paris mais j’ai grandi et été élevé à SF, ville natale de mon père, psychologue de son état. Ma mère est française, elle l’a suivi. En tant qu’harpiste professionnelle, elle voyage beaucoup. Je vous passe la scolarité tranquille, sauf pour mes professeurs avant que mon pouvoir ne se révèle quand j’avais 14 ans, découverte qui m’a assagi pour le plus grand plaisir de mes parents, dans des établissements publics. Je me suis engagé dans l’armée dès que je l’ai pu. J’ai suivi les entraînements basiques pour tout bleu. J’ai fait un peu plus d’un an en base avant d’être recruté pour intégrer une unité spéciale. continua-t-il tout en levant la main lentement pour sortir ses plaques militaires, entremêlées au collier de sa fille, de son cou Suite à ça, question compétence, vous pouvez ajouter la maîtrise des fusils d’assaut M-16A4 et M-4 et une utilisation plutôt efficace d’une majorité des armes à feu. J’ai également été entraîné au close-combat et au maniement du couteau. Après, il y a deux ou trois autres petites bricoles que j’ai apprises mais ça reste confidentiel et, plus que tout, propre au leader de mon unité. J’y suis resté pendant une dizaine d’années avant, comme je te l’ai dit tout à l’heure, d’être dénoncé en tant que mutant. Affaire vite expédiée : j’ai été sorti du rang le 14 Novembre de l’année précédente. Il était un peu plus de 7h. Et là … je m’accorde une pause pour faire des bouts d’une promesse que j’ai faite il y a quelques années : un voyage à travers le monde. Je ne vais pas le nier, se téléporter aide beaucoup. Après … j’envisage de reprendre des cours de langues pour être traducteur ou interprète. Un métier dans ce sens en tout cas. Pourquoi ? Parce que je parle, écris et lis l’anglais et français, mes parents, mais aussi le grec moderne, des amis d’enfance, le russe, ma femme, et le japonais, un membre de mon unité. Par contre, si je lis et écris le grec ancien, je ne le parle pas. Apprendre de nouveaux langages est quelque chose qui m’amuse alors pourquoi pas. Sinon, je suis bon cavalier aussi. Ma grand-mère est dresseuse équestre. Son ranch est à SF aussi si jamais vous voulez y faire un tour. Si vous y allez, dites-lui que vous venez de ma part, elle vous offrira des cookies et un petit tour gratuit. »

L’américain s’arrêta brièvement. Il avait gardé un débit tranquille et le ton n’avait pas varié. L’habitude des rapports à faire pendant dix ans. Il reprit exactement de la même façon.

« Je suis conscient que ça ne répond peut-être pas à ta première question mais elle était plutôt vague. Si jamais vous voulez des précisions sur certains points, n’hésitez pas. Je vous répondrai si je le peux. Ensuite … excepté si tu considères l’armée comme un groupe de criminels, non, je n’ai pas mis mon pouvoir à disposition d’une telle entité. De la même façon, non pour le groupe de terroristes même si je ne peux pas contredire les actions illégales à base de violence. Ne m’en demandez pas plus, ça tenait et ça tient du secret défense. Je ne fais peut-être plus partie de l’armée mais je me refuse à la trahir même si c’est elle qui a commencé. Au-delà de ça, il y a mon unité et elle fait partie de ce à quoi je tiens le plus. Du coup, ça répond aussi à l’une de tes autres questions : oui, j’agissais sous couvert et suis maintenu au silence. »

Nouvelle pause avant de passer à la dernière question, sauf s’il en avait oublié une en cours de route, celle qui l’intriguait le plus. Pourquoi pensait-elle qu’elle en avait après lui ? Il ne connaissait pas sa vie mais elle ne devait pas être de tout repos si elle en arrivait à des conclusions de ce genre. Après, peut-être était-ce lui qui était trop naïf.

« Quant à l’hôpital … initialement, je n’y étais pas. Ou pas tout à fait. J’ai une petite maison à Brooklyn, cuisine, salon, salle de bain, chambre et bureau, dans une rue sans voisin curieux acquise en 2011 si tu veux du détail, et je cartographie les alentours, rapport à ma téléportation. Si Caitlyn ne te l’a pas dit, je dois aller physiquement une première fois là où je veux me téléporter avant de pouvoir le faire. précisa-t-il en se tournant vers Amaranth, poursuivant ensuite Avant, j’habitais à Telegraph alors ce n’est plus tout à fait la même zone géographique. J’ai commencé autour de chez moi et continué sur Manhattan par le Financial District et je remonte progressivement. Aujourd’hui, j’en étais arrivé à la rue de l’hôpital. J’étais assis sur un banc en face, je faisais une pause au soleil. Un peu comme tout à l'heure avant que vous n'arriviez en fait. Un cycliste est passé trop près du trottoir et il a renversé une jeune femme qui s’est foulé la cheville. Je lui ai simplement proposé mon aide pour traverser la rue. Rien de plus. C’est pour ça que j’étais dans l’hôpital au moment de sa transformation en piscine. S’il n’y avait pas eu le mutant sous Speed X, je serai reparti sans demander mon reste et nous n’aurions pas cette conversation. Te voir dans une vidéo Youtube que j’avais oubliée jusqu’à ce que tu m’en reparles ne comptant pas vraiment, je ne te connaissais pas et je n’avais aucune raison de te tracer. Et je n’en ai toujours pas, de raisons. »

Premier flot de réponses délivré. Y aurait-il un second tour de questions ? Probablement. De réponses ? Sans aucun doute. Il tenait à récupérer sa main dans un état potable. Il y jeta un coup d’œil, attendant les retours des jeunes femmes. Elle ne bleuissait pas. Amaranth ne le lâchait pas mais elle ne lui broyait pas les os non plus. Il ne doutait pas qu’elle en soit capable cela dit. Tant qu’elle n’abîmait pas son alliance, le reste de sa main lui importait peu.

« Abraham, me répond-t-il avec un sourire vrai qui me ferait presque culpabiliser de lui tendre un piège, moi de même. Et vous n’avez pas à me remercier pour ça. – haussement d’épaules, ce n’est pour lui pas grand-chose. Je l’interprète doublement : il a connu pire et il n’a pas la moindre idée du fait que pour Caitlyn, se soit habituel de se mettre dans pareilles merdouilles – Ne pas le faire aurait été idiot et surtout contraire à mes principes. Et puis… »

Héros solitaire en effet, avec tous les principes comme on les aime ; vraiment dommage de le rencontrer dans ces conditions. Et non mon cher Abraham, je n’ai pas l’intention de vous lâcher. On peut apprendre beaucoup plus qu’on ne le croit d’une poignée de main, elles ont d’ailleurs toutes un nom et une signification spécifique et la mienne, de par son refus de se desserrer, se traduit comme le simple piège qu’elle est. Au premier essai de rupture, naturel et irréfléchi, je ne réagis pas réellement moi-même mais lorsqu’il se rend compte que quelque chose ne va pas je ne peux m’empêcher un petit sourire en coin : je l’ai eu. Oui, bon, c’est vil, bas et vraiment pas énorme comme piège mais je ne peux m’empêcher d’être contente de moi que ça ai marché.

Vais-je accepter de lui rendre sa main ? S’il plait à Caitlyn je le ferais mais je ne la garderai pas indéfiniment non plus je suis déjà mariée. Sinon, oui j’ai d’autres idées en tête et je lui confirme d’un léger hochement. Nous allons en parler maintenant, pas d’inquiétude là-dessus, et il s’agit effectivement de question ; il comprend vite et encaisse plutôt bien le coup. Il reste même partant pour prendre un verre malgré le coup de vice ? C’est… surprenant. Et plutôt une bonne chose. Surement.

Nous sommes des X Men, Ab' si bien entendu tu t'appelles réellement ainsi. Nous n'avons pas vocation à sauver le monde de ses propres travers, mais nous ferons ce qui est en notre pouvoir pour éviter qu'il ne s'enfonce trop vite dans les sables mouvants.

C’est pessimiste comme point de vu mais c’est professionnel, y’a pas à dire. J’écoute sans commenter même si je ne peux empêcher mon visage de trahir certaines émotions à certaines références, de la tristesse s’affichant un vingt-cinquième de seconde alors qu’elle évoque la Traque et les douleurs qui y ont été liées, ainsi que les conséquences que cela a eues pour les X-Men. Tendre la main n’en devient plus difficile après que l’on nous l’ait passée dans une déchiqueteuse et croire en la bonté est une chose mise à rude épreuve lorsqu’on contemple les flammes de Néron et les racines d’Yggdrassil. Mais nous sommes toujours là et nous prenons les devant, désormais. Nous tentons de prévenir en plus de guérir. Même à un niveau personnel, les souffrances et les épreuves ont faites qu’on en soit arrivées là.

Caitlyn lui fait assez confiance pour passer un interrogatoire avec moi et non avec Rachel, comme j’ai confiance en Caitlyn je suivrais son initiative et agirai de mon mieux, par contre si on va le boire ce verre je le veux en face de nous le Ab’, et la banquette est à nous sinon je suis sur les genoux de mon aimée ; NAMOE.

Autant mettre les choses aux clairs tout de suite, oui : je suis territoriale et faussement jalouse, je peux être une peste et je suis une experte dans l’art du lattage de couille, mon beau-frère peut témoigner. JE SUIS UN DANGER A VOTRE MASCULINITE ABRAHAM ALORS FAITES PAS LE CON.

Un téléporteur, considérant qu’on connait Aislinn et Rachel, certes il doit être loin du compte ; d’un autre côté la seconde est hors catégorie et la première fait dans le trans-réalité donc bon… Les deux meilleures sur plusieurs univers peut-être pas mais deux très bonnes tout de même. Considérant la condition physique, c’est vrai par contre ; après, je ne vais pas l’abimer mais le taser, nuance. Je suis la main qui frappe mais si je peux éviter de le faire ça me va aussi. Quand à être la mutante la plus dangereuse qu’elle a côtoyé… c’est un mensonge éhonté mais je suis contente quand même ! Après faut que j’évite de le montrer mais son professionnalisme calme et flatteur, il m’indiffère pas du tout… heureusement qu’on va boire un verre après.

Caitlyn une arme ? Namého ! Bon, je vais me montrer pégante ET chiante, même si c’est de l’esbroufe, je n’aime pas qu’elle se qualifie d’arme. Esclave sexuelle c’est le pire qu’elle puisse s’affubler. Bon ça fait pas joli pour la coercition mais… voilà quoi ! Puis vu l’effet qu’elle lui fait son intimidation… je crois que j’y réagis plus que lui ! Je suis pas plus intimidée mais j’y réagis plus que lui-même si, dos à Caitlyn, je ne peux réellement la voir. Tant que je ne lui fous pas un coup d’aile ça va, d’autant qu’elles bruisseront de manière à traduire mes conclusions ; on a des petits signes ainsi, du langage non verbal mit au point instinctivement à force de ce côtoyer, et si d’habitude je taponne de mon doigt sur la cuisse pour l’avertir, un coup pour vérité et deux coups pour mensonge, le bruissement des ailes est également une manière plus discrète encore.

Aucune échappatoire ? S’il est doué si mais comme ce n’est pas ce qu’il cherche, on ne va pas se plaindre ; et puis il faut qu’il soit plus doué que nous et je n’ai pas envie que ça soit le cas… puis pour le coup cela signifierait qu’il est sacrément dangereux. Mais visiblement il est d’accord sur la conclusion de ma tendre : il a déjà perdu. Mais il le vit bien, les situations de tension ou d’infériorité stratégique ne lui posent plus de problème ; je vais finir jalouse.

Qui es-tu réellement ? – question complexe, en attente de la réponse orale – Mets tu ton pouvoir au service d'un groupe de criminels ? – question simple, réaction simple, ce n’est pas le cas – Ou appartiens tu à un groupe de terroristes visant à commettre des actions hors la loi à base de violence et de meurtres d'innocents ? – question simple, réaction complexe, en attente de la réponse orale – Il est possible aussi que tu agisses sous couvert d'une organisation Étatique, je veux seulement savoir si c'est le cas si tu es maintenu au secret défense… – question simple, réaction simple, c’est le cas –  Que faisais tu dans cet hôpital, au juste ? – question complexe, en attente de la réponse orale – Est-ce que tu… me traçais ? – question simple, réaction simple, ce n’est pas le cas ; et ça n’avait pas intérêt parce le premier qui suit MA femme comme un clébard je le renvoie à la niche d’une telle manière qu’il chantera dans les aigus après.

Un geste d’aise et il reprend la parole, me faisant faire ma première conclusion : je suis la moins professionnelle ici… heureusement je le cache bien.

« Abraham Lincoln Blackwood. – Vérité, un bruissement – Bee pour ceux qui me connaissent. – Vérité, un bruissement – Scotty pendant les missions, – Vérité, un bruissement – rapport à Montgomery "Scotty" Scott, préposé aux téléportations sur l’Entreprise dans Star Trek. Autrement, pour les jeux de mots présidentiels, voyez ça avec mes parents directement, je n’en suis pas responsable. Cherchez à Léo et Flavie Blackwood, à Pacific Heights, San Francisco, – Vérité, un bruissement – ils sont dans le bottin. Je suis né le 28 Juillet 1982 à Paris mais j’ai grandi et été élevé à SF, – Vérité, un bruissement – ville natale de mon père, psychologue de son état. – cool, un fils de psy, ils ne deviennent pas tous névrosés, on a nos chance avec Cait’ pour nos futurs enfants – Ma mère est française, elle l’a suivi. En tant qu’harpiste professionnelle, elle voyage beaucoup. Je vous passe la scolarité tranquille, sauf pour mes professeurs avant que mon pouvoir ne se révèle quand j’avais 14 ans, découverte qui m’a assagi pour le plus grand plaisir de mes parents, dans des établissements publics. – Vérité, un bruissement – Je me suis engagé dans l’armée dès que je l’ai pu. – Vérité, un bruissement – J’ai suivi les entraînements basiques pour tout bleu. J’ai fait un peu plus d’un an en base avant d’être recruté pour intégrer une unité spéciale. – Vérité, un bruissement – Suite à ça, question compétence, vous pouvez ajouter la maîtrise des fusils d’assaut M-16A4 et M-4 et une utilisation plutôt efficace d’une majorité des armes à feu. J’ai également été entraîné au close-combat et au maniement du couteau. Après, il y a deux ou trois autres petites bricoles que j’ai apprises mais ça reste confidentiel et, plus que tout, propre au leader de mon unité. J’y suis resté pendant une dizaine d’années avant, comme je te l’ai dit tout à l’heure, d’être dénoncé en tant que mutant. – Vérité, un bruissement – Affaire vite expédiée : j’ai été sorti du rang le 14 Novembre de l’année précédente. Il était un peu plus de 7h. Et là… je m’accorde une pause pour faire des bouts d’une promesse que j’ai faite il y a quelques années : un voyage à travers le monde. – Mensonge, deux bruissements – Je ne vais pas le nier, se téléporter aide beaucoup. Après… j’envisage de reprendre des cours de langues pour être traducteur ou interprète. – Vérité, un bruissement – Un métier dans ce sens en tout cas. – Mensonge, deux bruissements – Pourquoi ? Parce que je parle, écris et lis l’anglais et français, mes parents, mais aussi le grec moderne, des amis d’enfance, le russe, ma femme, et le japonais, un membre de mon unité. – Vérité, un bruissement – Par contre, si je lis et écris le grec ancien, je ne le parle pas. Apprendre de nouveaux langages est quelque chose qui m’amuse alors pourquoi pas. Sinon, je suis bon cavalier aussi. Ma grand-mère est dresseuse équestre. Son ranch est à SF aussi si jamais vous voulez y faire un tour. – Vérité, un bruissement ; une envie de faire du tourisme équestre aussi d’ailleurs – Si vous y allez, dites-lui que vous venez de ma part, elle vous offrira des cookies et un petit tour gratuit. »

Bon, la biographie c’est fait. Personnellement je trouve que ça réponds bien à la première question ; un peu moins aux autres.

« Ensuite… excepté si tu considères l’armée comme un groupe de criminels, non, je n’ai pas mis mon pouvoir à disposition d’une telle entité. – Vérité, un bruissement – De la même façon, non pour le groupe de terroristes – Vérité, un bruissement – même si je ne peux pas contredire les actions illégales à base de violence. – Vérité, un bruissement – Ne m’en demandez pas plus, ça tenait et ça tient du secret défense. – Vérité, un bruissement – Je ne fais peut-être plus partie de l’armée mais je me refuse à la trahir – Vérité, un bruissement – même si c’est elle qui a commencé. Au-delà de ça, il y a mon unité et elle fait partie de ce à quoi je tiens le plus. – Vérité, un bruissement – Du coup, ça répond aussi à l’une de tes autres questions : oui, j’agissais sous couvert et suis maintenu au silence. »

Vérité une fois encore même si je ne suis pas sure que le passé soit le bon temps à employer ; en tout cas il sait répondre à un interrogatoire et ça ne plaide pas en ma faveur : les probabilités que je me plante n’en sont qu’accrue. Après même si le gouvernement s’amuse à faire des équipes de mutants à la X-Men, sachant que les Canadiens et les Anglais le font déjà, ce n’est pas réellement un problème ou un danger pour nous, de mon point de vue, et je n’attendais pas la moindre franchise de leur part ; c’est une cohabitation que l’on fait avec le BAM, pas un partenariat. Ils savent qu’ils n’ont aucun moyen de nous nuire et qu’on n’a pas l’intention de le faire alors on se supporte et s’entraide au besoin dans la méfiance réciproque.

Enfin on passe à s’il suivait Cait’, la question déterminante pour savoir si oui ou non on va aller boire un verre ou on le laissera sur un parking dans son urine. Maison à Brooklyn, vérité, volonté de cartographie, vérité. Non Caitlyn ne me l’a pas dit mais pour le coup il est vraiment peu impressionnant le Téléporteur… en fait dans son unité, il fait le taxi ; le pauvre, qu’elle boulot ingrat. Je pense qu’ils pourraient faire un groupe avec Aislinn et Ruth : les Téléporteurs anonymes. Mais je m’égare.

L’histoire de son arrivée chevaleresque à l’hôpital est vraie ; mon dieu, on a trouvé Sanzo adulte, calme et responsable.

ENFIN BREF… Non, je ne broie pas la main d’Abraham, je prête même attention à ne pas gêner la circulation sanguine que je sens sous sa peau, je suis juste la paire de menottes qui le tien sur place. Je le regarde conclure son discours sans un mot ou une remarque, continuant de fixer son visage pour y surveiller les quarante-cinq marqueurs musculaires trahissant de ses micro-expressions, tout en attendant les consignes de Fuzzy. Si ça lui va, cela m’ira aussi, si elle a encore des questions, je continuerai mon œuvre.

Cependant, je reste bien éduquée et le lâcherait immédiatement dès que cela sera possible, ne me privant pas de m’excuser pour la manière abrupte dont on a fait tourner nos présentations.