Les "rat"rouvailles... (PV Ernest)

Esther brûlait d'impatience. Elle avait l'impression que la voiture aux vitres teintées qui l'amenait à l'Institut roulait à pas d'homme. C'était presque vrai. Le chauffeur, inaccessible derrière la vitre qui le séparait de l'habitacle, avait ralenti l'allure après avoir passé les hautes grilles qui marquaient l'entrée officielle de l'enceinte de l'Institut Xavier. La voiture remontait désormais une des allées de gros sable jaune qui menait à la terrasse de l'Institut sous l'oeil méfiant et légèrement craintif de certains élèves. Apparemment, ce genre de voiture n'inspirait guère la confiance et devait plus être porteur de mauvaises nouvelles.

Quoi qu'il en soit, la crainte fut de courte durée. La voiture repartit à peine Esther descendue. Elle se retrouva seule au pied de ce grand bâtiment qui servait de centre éducatif à de nombreux jeunes mutants. Elle se sentait un peu nue et perdue. On lui avait restitué les vêtements qu'elle portait lors de son arrestation (lavés et repassés tout de même) mais le BAM avait gardé sa précieuse besace contenant toutes ses graines rares et précieuses ainsi que son élixir de croissance rapide. En contre partie, on lui avait remis un symbolique billet de 100$ qui devait subvenir à ses premiers besoins. A sa charge de trouver un moyen de se soutenir pour l'avenir. De toute façon, l'Institut pourvoirait à la plupart de ses nécessités. C'était donc les mains vides et un unique billet en poche qu'elle mit le pied sur la première marche du perron, sous l'oeil curieux et parfois amusé de certains élèves. Il était vrai qu'une parfaite inconnue à la peau verte et aux cheveux olivâtres avait de quoi surprendre quoi que certains cas de freaks plus surprenants qu'elle avaient très certainement du passer par l'Institut.

Soudain, elle remarqua une petite silhouette étrange perchée sur une des rembardes de pierre qui délimitaient la terrasse de l'Institut. Une petite créature aux gestes nerveux était assise, balançant ses jambes et une longue queue rose et nue dans le vide. Esther reconnu le long museau, les vibrisses, le poil gris hirsute et les grandes oreilles légèrement tombantes de Ernest. Son coeur fit un bond dans sa poitrine tandis qu'Ernest faisait lui-même un bond pour se mettre debout sur son perchoir. Leurs regards se croisèrent, Esther laissa échapper un cri de joie.

- Ernest!

Et déjà elle écartait ses bras tendus gravissant quelques marches et tournant tout son corps vers son enfant retrouvé.

L’Institut avait déjà opéré chez Ernest une métamorphose certaine qui, ajoutée aux efforts de Cérès, le conduisait désormais à pouvoir prétendre à plus ou moins de normalité. Du point de vue de l’apparence, Esther avait déjà accomplit le plus gros du travail. Elle avait poussé le petit mutant à retrouver un niveau d’hygiène décent, voir exemplaire, et avait eu raison de son habitude à ne pas se vêtir. Crapule demeurait toutefois dans un style paramilitaire assez intimidant alors que le présent Altérion ne portait sur lui plus aucune arme et il avait troqué son sombre costume pour un pantalon de velours, une chemise blanche et un veston bleu-marine, le tout impeccablement ajusté. L’adolescent faisait très sage, ainsi accoutré. Il demeurait pieds nus par contre, cette habitude n’étant toujours pas passée. Et peut-être ne passerait-elle jamais vraiment. Mais ce n’était même pas choquant. Ça allait dans son style de rat de bibliothèque. D’un point de vue psychologique, Cérès avait fait de son mieux, changeant une folie quasi-totale en un semblant d’équilibre. Crapule était un sociopathe soumis à ses pulsions sanguinaires, un être très peu fréquentable. Altérion n’était pas totalement guérit mais on le sentait plus apaisé, moins désaxé. Il continuait de prendre son traitement et ne pouvait à coup sûr pas sans passer sans faire courir aux autres des risques. Mais il n’y avait plus de raison désormais de douter qu’un jour les Inhibiteurs ne lui serviraient plus à rien. Des années pour réparer un traumatisme essentiellement né en deux semaines, c’était ce qui se passait, un beau début de victoire. Malgré tout, le jeune Lenoir s’en sortait bien, il aurait pu finir en asile psychiatrique.

-Bien sûr ! Suis-moi, déclara, joyeux, l’hybride.

Il évita de prendre la main de sa mère toujours parce qu’ils n’étaient pas seuls et qu’il ne voulait pas donner de nouveaux motifs de moqueries à ses adversaires de classe. Au fond de lui, il s’en voulait un peu de faire des concessions face aux regards des autres. Mais c’était les règles du jeu en quelques sortes, les règles de la vie en société. Et que ces règles soient stupides ou non, les respecter facilitait les relations. Ernest gravit en tête le reste des marches et se dirigea vers les bâtiments.

-Le cadre est très sympa, tu va voir. C’est quand même chouette d’évoluer dans un manoir. Je te propose de débuter par l’intérieur, comme ça on finira par l’extérieur. D’abord l’utile, après l’agréable en gros. Je présume qu’on t’attend à l’administration pour la paperasse, l’obtention de ta chambre et d’autres détails impérieux. C’est là, au rez-de-chaussée. Fait attention, la porte d’entrée est un peu lourde.

Ernest et son organisation. Il ne perdait pas le sens pratique et ne cédait pas au désir de sauter les étapes barbantes. En cela, il se comportait comme un adulte. Chemin faisant, il commença à donner à sa mère des points de repaire et une idée de l’agencement général des lieux. Les entrées du bâtiment, la position des escaliers, etc. Voilà bien vite le duo face à l’accueil administratif où attendait la secrétaire.

-Si on te propose de visiter, dis juste que je m’en charge. Je t’attends ici. Ne t’en fais pas si c’est long, j’ai tout mon temps. A titre exceptionnel, on m’a donné ma journée, sinon je devrais être en cours à l’heure actuelle.

Il invita Esther à s’avancer et ajouta, plus bas :

-La secrétaire est un peu sèche, ne sois pas surprise. Elle est comme ça avec tout le monde.

[HJ : Voir mon MP pour connaître la suite des évênements ]

HRP : navré pour le retard.

Il ne fallait guère s’étonner qu’Ernest semble un peu bourgeois. Après tout, avant que le gène X ne s’emmêle, il était fils de milliardaire. La vie de château et les bonnes manières, c’était toute son enfance. Visiblement, le retour à la normalité avait fait ressurgir ce vernis éducatif. Cette existence révolue ne l’était peut-être pas totalement. Même sous les traits du rat, même avec le passif du sociopathe, il portait encore une partie de l’héritage des Lenoir. C’était ça, sans doute, la petite nuance dans sa gestuelle et son intonation, ce petit plus infime mais bien là qui le replaçait dans son rôle d’en temps.

En ce jour d’exception, Altérion était si enjoué que ses traits creusés par de trop nombreux tourments s’étaient atténués. Il en paraissait plus jeune. Sa petite taille participait forcément à l’illusion. L’un dans l’autre, on avait de toute façon du mal à donner l’âge juste de l’adolescent. Soit on le prenait pour un enfant, soit pour un adulte. Aujourd’hui, ce sera l’enfant. Et cela ne le dérangeait pas. Sauf quand il était confronté à l’adversité de ses camarades de classe, il n’était pas orgueilleux. Loin de lui l’idée de se vexer pour une remarque peut-être inappropriée à ses 14 ans biologiques et son intellect de surdoué. Les répliques de sa mère ne lui arrachèrent que des sourires.

-A tout à l’heure ! fit-il alors qu’Esther passait la porte.

Maintenant, il n’avait plus qu’à attendre, ce qu’il fit en arpentant pensivement le hall. Une fois n’était pas coutume, il restait positif en toutes choses. Il voyait le chemin accompli, il savait qu’il était tombé bas, très bas. Mais il était sur la bonne voie. Cérès à l’Institut, la formule était merveilleuse, c’était la plénitude de ses désirs. Un jour, peut-être, pourrait-il se présenter face à Daniel Hopes sans trop de honte. Il allait se racheter envers lui, envers les autres, envers sa famille. La tâche était lourde mais pas impossible. En un mot, il pouvait espérer.