Le Bel et la bête ( Pv DDF)

Encore une fois, je n'avais rien pu faire …
Encore une fois, je n'avais servi à rien, et ça m'anéantissait encore une fois, peut-être plus encore que ça ne devrait …
Je m'étais fait une promesse cette soirée-là, je m'étais fait une croix sur le cœur lorsque je me promis. Je m'étais promis que je serais là pour mon ange, que plus jamais elle ne serait seule. Je ne voulais plus voir ses larmes, larmes de tristesse ...
Après cette soirée, ce moment si étrange que nous avons passé tous les deux, dans les bras l'un de l'autre, alors que je tentais de l'aider, de l'apaiser tant bien que mal…
Je l'avais laissé seule … elle était parti, et je n'avais rien pu faire, on m'avait interdit de sortir, m'avait intercepté à celle-ci, alors que j'avais presque réussi à partir, pour la rejoindre, où qu'elle soit … qu'elle ne soit plus jamais seule …
Quel con ! Même pas fichu d'être là pour aider ceux que je voulais protéger. Depuis ce soir-là, depuis que je l'avais vu, si vulnérable, si fragile, je ne voulais plus qu'une chose, c'était l'aider, cette jeune femme je …
J'aurais pu m'enfuir, mais la seule menace de retourner dans ce trou perdu, au BAM, m'avait fait rester, de peur de ne jamais pouvoir la revoir. Personne ne pouvait rien me dire, personne ne savait ou elle était. Ou personne ne voulait me le dire …
 
Et elle est revenue,
Et depuis son retour, je l'évite, je ne voulais pas voir son regard. À chaque fois que j'entendais ses mots, sa voix dans un couloir, je disparaissais, à chaque fois que je l'entendais arriver dans ma chambre, je me planquais, me laissant pendre par les bras le long du mur pour qu'elle ne me voie pas. Depuis son retour, je n'avais pas pu voir mon ange … par honte de n'avoir pas pu être là pour elle. Et c'était tout. Je n'arrivais pas à accepter d'avoir échouer, à nouveau, comme avec …
 
Non ! N'y penses pas, il ne faut …
Je fermais les yeux, le plus fort qu'il m’était possible, tout en continuant de jongler avec mes massues. Pas besoin de les voir pour savoir où elles étaient, à quel instant elle allait me tomber dans les mains ...
 
Depuis quelques temps, j'avais recommencé à jongler, et c'est ce que je faisais là, torse nu sous les arbres, pour tenter de penser à autre chose, pour tenter de … enfin peu importe, de tout façon, je n'y arrivais pas. Les massues tremblaient entre mes doigts, certaines de mes passes étaient bien trop … Enfin bref, ce n'était pas ce que j'arrivais à faire d'habitude, et ça me plombait encore plus !
Marre … Marre … MARRE !!!
De toutes mes forces, j'éjectais l'une de mes massues, voulant qu'elle aille s'exploser contre le mur et tombais à genoux, laissant les autres s'écraser par terre …
J'en entendis deux tombées à mes côtés alors que je regardais au sol. Et j'attendais la troisième et …
 
Un cri étouffé, un juron poussé, je me redressais aussitôt pour me précipiter vers celle que j'avais entendu hurler. Car, selon toute vraisemblance, c'était cela, la voie d'une femme...
Dix mètres … ma massue par terre, et une béquille pas loin. Je fis encore deux pas au pas de course … Oh mais quel con ...
Une jeune fille, la jambe plâtrée, empêtrée dans les buissons, les cheveux dans tous les sens, accrochés aux branches … C'était moi qui …
On verrait ça plus tard … aussitôt, j'allais vers elle, m'empêtrant à mon tour, pour être juste devant elle. Mes bras nus passèrent entre les branches, sous son corps à elle, au niveau de la nuque et des genoux pour la soulever, la dégager de ce piège épineux. Au passage, mes bras furent griffés, des traces rouges s'y dessinaient mais je n'y faisais même pas attention. Alors que je commençais à la soulever, en faisant bien attention à ses cheveux, je lui demandais, le visage très inquiet, presque désespéré par ce que je venais de faire, à nouveau sans le vouloir :
 
-Ça va ? Tu n'as rien ?
 
Question un peu conne mais si elle me répondait qu'elle s'était à nouveau casser, ou fouler, ou fait mal à la jambe, je préférais le savoir pour pouvoir la porter à … à je sais pas, l'infirmerie, quelque chose du genre !
 
Et je fis deux pas, mon pantalon râla, j'étais trois trous dedans maintenant, et je sentais des gouttes perlés sur ma cheville … tant pis.
 
-Je suis … vraiment désolé, je … ça va ? Ta tête, tu as mal quelque part ? Je ne regardais pas et … c'est parti tout seul, j'suis vraiment désolé.
 
Je la portais encore, debout en dehors des ronces, contre moi, un peu comme un prince tiendrai sa princesse (cette comparaison d'ailleurs me mit légèrement mal à l'aise) tenant ses épaules et sous ses genoux. Si un autre mec était passé, il aurait surement commencé par reluquer avant de lui porter secours. Mais aussitôt que le tissu de sa robe se détacha des épines, je le pinçais entre mon bras et ses genoux, pour qu'il ne puisse plus remonter. Elle ne devait même pas s'en être rendu compte de ce mouvement, fait en même temps que je la tirais de là.
Pendant un instant, je restais bloqué sur son visage, sur ses longs cheveux roux, sur sa peau claire, sur ses grands yeux verts dans lequel je pensais deviner de la surprise, ou peut-être plus. Elle semblait si petite dans mes bras, ça me faisait étrange, comme si je portais une enfant …
 
-Je … Tu veux que je te repose ?
 
Pourquoi ne pouvais-je jamais faire quoique que ce soit sans blesser qui que ce soit, dans la chair ou dans l'âme ...

D'abord tétanisée, elle semblait se calmer, me dévisageant à son tour, avec des yeux légèrement moins ahuris mais toujours rond. Pourquoi ce regard si étrange ? Avait-elle si peur que ça ? Ou est-ce qu'elle ne réalisait pas ce que je lui disais, ou ne comprenait pas.
Pourtant, je su qu'elle captait le sens de mes mots quand je vis un sourire se dessiner sur son visage.
Mais pourquoi un sourire ?

- Et bien…..Vu que je ne suis pas Blanche Neige et qu’suis éveillée, tu n’seras p’tete pas forcé de me rouler une galoche pour m’réanimer ! Donc oui, c’est sur j’apprécierai GRANDEMENT que tu me reposes ou je vais te latter les burnes, ceci dit en toute amitié…

Soit elle parlait trop vite, soit j'étais trop lent pour comprendre aujourd'hui mais elle venait vraiment de me parler de Blanche-Neige ? Un peu surpris par sa réponse, un tantinet agressive, les yeux ronds, je l'observais avant de commencer à bouger. Aussi doucement que possible pour elle, je la déposais sur le sol, comme si j'avais peur que le moindre mouvement un peu brusque ne la casse. Je la posais proche du mur, pour pouvoir aussitôt lui donner sa béquille, qui vu son état et sa jambe, devait en avoir sérieusement besoin. Mais c'était qui cette jeune fille ? Pas que je connaisse toutes les têtes, jouant à moitié l'ermite, j'en étais même loin mais elle, je ne me souvenais vraiment pas l'avoir vu ne serait-ce qu'une fois ...

- Mais merde ! T’es malade ou quoi, c’est ton passe-temps de jeter des trucs sur la tronche des handicapés ? Tu t’crois dans South Park ?

-Non, je ...

- Oh ? C’était ça ? Ben évidemment ! Quand on sait pas jongler, on fait du tricot ou on persévère dans la coiffure ! t’as pensé à Jean Louis David ? Le recyclage …c’est maintenant !

Je ne la regardais même pas, ahuri, les yeux cloués … Qu'est-ce qu'elle en savait d'abord ? Elle pensait mieux savoir que moi ?! J'avais eu un mauvais réflexe, et cette massue, c'était au mur qu'elle était destiné, pas à sa tête. Je m'étais excusé, je l'avais aidé et elle … Rageur, je ramassais ma massue par terre et commençais à reculer, puis lui tournais le dos pour aller ranger mon matos …
Jongler, c'est tout ce qu'il me restait d'avant ! De ma vie, je ne savais faire que ça, je n'étais doué qu'à ça, et à tuer …

-T'étais sur la trajectoire. J'en suis désolé, mais pas la peine de me balancer des trucs pareils. Si j'avais vraiment voulu te toucher, je t'aurais pas loupé !

Dans la coiffure … nan, mais pour qui elle se prenait, vraiment. D'un geste, je foutais mon couteau de lancer dans le sac et cherchais ma dernière massues des yeux … Et elle était à côté d'elle.

-Heu…Bon, arrête de faire c’te tronche de constipé…Tu peux pas m’faire mal, t’sais, je ressens pas la douleur…Et pis si t’as du mal à jongler, j’peux t’apprendre si tu veux. Bon là, avec une jambe pétée, c’pas facile mais bon…J’ai passé une partie d’ma vie à faire la manche dans la rue, j’ai des beaux restes. »

Elle se pencha, et prit l'instrument. Je restais devant elle, une poche dans une poche, et l'observais, le visage un peu fermé … En même temps, autant je peux en prendre plein la tronche, autant là, je n'acceptais pas. Je … je n'arrivais pas à dormir plus de 5 heures sans me réveiller en hurlant, je venais encore une chose de comprendre que je ne pouvais rien pour qui que ce soit, et je ne pouvais aider personne … Et qu'à nouveau j'étais un danger public …

Mais elle commença à jongler, à jouer avec l'objet, et …
Cent fois, on m'avait dit que de voir quelqu'un, c'était magnifique, ce à quoi je leur avais toujours répondu que de le faire soi-même, c'était mille fois mieux …
Mais là, de la voir ainsi, le visage si … ouvert, expressif, si lumineux. Je n'arrivais pas à garder le visage clos devant elle, devant ce que je sentais émaner d'elle. Éclatante de vie, de joie, comme une enfant, ses yeux … Comment pouvais-je bien continuer de lui en vouloir, quand j'arrivais à voir pareil spectacle. Une personne, heureuse, tout simplement …
Si rayonnante, si étrange malgré tout. C'était une femme qui avait un regard d'enfant. Et je trouvais ça d'une beauté sans pareille. Souvent, j'avais trouvé que ça manquait … Lyra l'avait, cette lueur …
Doucement, je m'approchais d'elle, le bras le long du corps. À moins de deux pas d'elle, je m'arrêtais, la regardant dans les yeux alors qu'elle continuait de jongler. Et d'un geste, je chopais la massue en l'air, lorsqu'elle se trouvait au-dessus de sa tête.

-Les bases sont acquises, une mauvaise rotation du poignet parfois, que tu équilibre en réceptionnant plus tôt, et un peu trop de force quand tu lance du côté droit, mais merci …

Pourquoi ce merci ? Pour, malgré ses brimades, avoir réussi à me faire sourire, à l'intérieur. Devant elle, j'étais un flou, un visage plus ou moins neutre, mais sans sourire, alors qu'en moi, pendant les instants ou je la regardais, je m'étais senti apaisé. Et c'était pour ça que je lui disais merci, même si je me doutais qu'elle ne comprendrait pas.

-Tu sais faire du passing ?

Son sourire, son émerveillement face à cette chose qu'on pourrait presque prendre pour un jouet d'enfant. Cette innocence … c'était si doux, si apaisant, reposant, comme un baume sur le cœur. Un sourire de plus en plus doux se dessinait en moi, une sensation de calme me prenant, c'était si agréable, si rare.
Elle avait les yeux levés vers moi, et moi baissé vers elle. Une impression d'enfant dans son expression si candide.

-Ouais…Après si tu veux…
Merci pour quoi ? De t’avoir tanné et enchainé à la warrior ? Bahhh. Merci à toi, j’suis une peste quand j’m’y mets mais j’suis pas si méchante qu’il parait. Et puis je rencontre peu de personnes ici, les gens m’apprécient pas trop….J’t’ai jamais vu dans l’coin d’ailleurs ? T’es venu en caravane ou bien ? Ils ont dressé un chapiteau dans l’parc tes potes ? Excuses, j’suis une grosse chèvre curieuse c’est juste que…Ah tu sais, j’arrive pas avec les gens , j’ai une gueule j’en suis pas maitre.

En caravane … j'aurais tant voulu que ce soit le cas. Mes yeux pendant un instant perdirent cet éclat de lumière pour sombre à nouveau dans la tristesse. Caravane … Ma famille, si longtemps que je ne les ai pas revu, que je n'ai pas pu les revoir. Même ici, j'avais interdiction de les appeler. Même ici, je n'avais pas le droit … ils ne savaient peut-être même pas où j'étais … si j'étais encore en vie. Mon regard se baissa davantage, allant presque jusqu'à mes chaussures.

-J’suis conne…si tu vis ici, c’est qu’t’es un mutos, comme moi…en parlant d’ca…

Un mutos … Rien qu'un sale assass…
Je redressais la tête, je ne l'avais pas vu venir, elle était si proche d'un coup. Je reculais d'un pas mais trop tard, elle était là, juste dessus, bien moins souriante d'un coup. Ses mains se posèrent sur mon bras, les emprisonnant sur l'instant. Je n'arrivais même pas à me débattre, à m'enfuir. Je ne voyais que ses yeux. J'allais protester quand j'entendis sa voix.

- Calmos…n’ai pas peur…tu verras, c’est comme un câlin…

De... je ne comprenais p...
Encore ma bouche s'ouvrit, comme celle d'un poison sans que je puisse répondre, alors que je me sentais si … quelque chose … la force que je sentais en moi, comme si … d'un coup … je faiblissais … mes jambes …
C'était flou … si étrange … le … mais merde ... c'était quoi ça … je me sentais tout flageolant. Tout bizarre … comme si … je tentais de murmurer mais ma tête tournait. Soit loué mon sens de l'équilibre sinon je me serais rétamer.
C'était comme si … tout disparaissait. Je me sentais … un peu nauséeux et en même temps si calme. Ma tête était si … vide d'un coup, comme si … Tout … disparut … tout envolé … Fumée … et c'était si inattendu. J'avais un air béat sur le visage. Les yeux écarquillés, le regard fixé au loin, le plus loin possible devant moi. Qu'est-ce qu'il …

- Ca soigne pas mais ça arrête la douleur, j’l’ai prise…heuu ca shoote un peu en retour, t’inquiète c’était pas énorme, ca va se calmer très vite. Tu devrais t’assoir…le temps qu’ca passe. La prochaine fois, va pas t’blesser inutilement, hein…

Mes yeux se relevaient vers elle, alors que je tombais presque à genoux par manque de force, vide, mais calme … si détendu, serein … la première fois depuis si longtemps. Mon esprit était quelques peu embrouillé, je n'arrivais pas à passer outre. À genoux, un bras me soutenant au passage, j'allais du sol à elle. Sans cesse. Elle allait jusqu'aux massues, et en refit, alors que je cherchais ce qui me manquait. Du flou, comme si j'avais du coton dans le crane. Et enfin, je trouvais ce qui me manquait … plus aucune douleur, plus le moindre sentiment de culpabilité … plus rien. Et c'était si … je n'arrivais pas à me rappeler quand cela m'était déjà arrivé … d'être aussi …
Si, dans ses bras à elle, là où j'avais toujours tout oublier de ce monde.

- J’m’appelle Caitlyn, tu peux m’appeler Cait’, c’est quoi ton nom ?

Cait.
Simplement Cait.
Je tournais la tête alors que ses mots hurlaient en moi, me ramenant le souvenir d'un ange en pleur. Ça revenait d'un coup, gâchant cet état second dans lequel elle m'avait plongé. Alors c'était pour elle que les larmes avaient coulé, que le sang avait été versé. Pour cette femme enfant, pour cette personne entre deux mondes.

-Je m'appelle …

Je n'arrivais pas à détacher mon regard d'elle. Alors qu'elle jouait à nouveau, qu'elle jonglait avec des couloirs.
Doucement, en tremblant presque, je me redressais, et m'approchais d'elle pour poser doucement mes mains sur les siennes, qu'elle me regarde quelques instants :

-Merci …

Pour tout.

Et je relevais les yeux vers elle. Que pouvais-je lui dire ? Mon nom ou celui que … je ne savais pas … Doucement, un peu tremblant encore, je regardais ses yeux. Comment, comme elle …

-Je m'appelle Doigts de Fée … mais mon vrai nom …

Encore, ça revenait, alors que je pensais à tout cela. Mais ça ne me faisait pas aussi mal, c'était si atténué … j'aurais donné n'importe quoi pour que ça continu comme ça.

-Je n'aime pas l'utiliser, mais c'est Alex, Alexander Funke. Car ...

Pourquoi lui cacher quoique ce soit … je ne risquais plus rien, de toute façon. Elle risquait juste de s’enfuir, et ce serait peut-être mieux pour elle. Ça avait déjà été une erreur pour Amy, puisque je ne pouvais même pas l’aider. Pas la peine d’en rajouter.

-Car c'est le nom d'un assassin Caitlyn ...

Mon geste avait été de trop, et je le sentis, à son visage, à ses yeux, à son sourire. Elle voulut les dégager, je les retirais aussitôt. J'avais besoin de ce contact, mais à chaque fois, j'allais trop vite pour eux, c'était inévitable.
J'avais besoin d'aide, et je voulais la trouver … il fallait que j'attends, que je cherche à ne pas faire ce que j'ai toujours fait

- Scuze…C’est pas contre toi. J’aime pas, c’tout…Et pis, t’as pas à remercier, c’est trois fois rien, c’était courageux de se piquer pour m’sortir du buisson, c’est ma faute, j’me fous toujours dans des situations pas possible. Même ma compagne m’dit qu’j’suis une catastrophe sur pattes.

J'allais lui répondre, m'excuser encore une fois mais son sourire. La douleur n'était toujours pas revenue, elle sommeillait pour l'instant, à peine à un centième de ce que je connais d'elle.

- Je m'appelle Doigts de Fée … mais mon vrai nom …Je n'aime pas l'utiliser, mais c'est Alex, Alexander Funke. Car ..Car c'est le nom d'un assassin, Caitlyn ...

Ses yeux, d'un coup, l'expression de son visage. Je baissais les yeux, je ne pourrais pas l'accepter encore. J'aurais dû me taire. Elle n'aurait pas dû savoir, encore une fois, j'allais la perdre … aussi … c'était peut-être mieux ainsi, pour elle.
J'entendis un soupir, je la vis s'asseoir par terre, et m'inviter à le faire. Elle avait à nouveau un grand sourire. Comment pouvait-elle sourire malgré ce que je venais de lui dire ? Je ne comprenais pas, et c'est moi maintenant qui avais des yeux ronds. Doucement, je la suivis, m'asseyant en tailleur à ses côtés. Je n'arrivais pas à comprendre, à suivre. Un nouveau soupir, qu'est-ce qui la faisait soupirer ?
Ses yeux étaient levés vers le ciel alors que je l'observais, le plus possible, en essayant de calmer mon étonnement.

-C’est con….C’est un beau prénom Alexandre. Dommage qu’il te plaise pas. C’est le prénom d’un assassin tu dis ? Qu’est ce tu veux qu’ça foute à moi ? Je m’en carre complètement ce qui apparemment n’a pas l’air d’être ton cas, hein…Tu veux un terrrrrible secret ? Caitlyn, c’est aussi le nom d’un assassin…Waouuuu ! On est des monstres alors tu crois ? Mouais je suppose que quelque part, on en sera toujours hein ? Ca se passe entre moi et moi-même et ca r’garde personne. J’suis ici dans le cadre d’un programme de réhabilitation du BAM, je crois que tout le monde est là pour une bonne raison…Certains veulent devenir des X Men pour défendre un idéal, certains sont simplement là parce qu’ils n’arrivent pas à gérer leurs pouvoirs, certains parce qu’ils n’ont nulle part où aller et y’a ceux qui comme moi ont merder quelque part et veulent prendre une nouvelle direction pour..j’sais pas…changer ? Ca n’enlève pas c’qu’on a fait …surement pas ! mais moi je crois…

Nous étions pareils ? Peut-être, je n'arrivais pas à comprendre. Il y avait quelque chose d'étrange, de si étrange. À ses premiers mots, j'ai cru qu'elle n'avait pas compris mais maintenant. Je ne savais plus, je la regardais, attendant la suite en la regardant, en attendant.
Son rire, un peu rire d'enfant, un rire si doux, auquel son sourire et ses cheveux en bataille qu’elle repoussait était si déroutant, désarmant. Tout n'était pas encore revenu en moi, mais je n'arrivais pas à voir comme elle, c'était si flou pour moi. Si étrange. Comment, qu'est-ce qui l'aidait à réfléchir ainsi ?

-Ouais..j’crois que si on est là, sous ce toit…qu’importe c’qu’on a fait parce que ce qui compte c’est qu’on est en train de faire et ce qu’on veut devenir. Ca m’empêche pas d’me réveiller en larmes quasi toutes les nuits…ca m’empêche pas d’avoir du mal à me regarder dans une glace. Mais j’avance par ce qu’il ne faut jamais s’arrêter de courir mais savoir où on va. Grace à cette fille que j’aime et qui m’aime en retour, j’sais où je vais et que toutes les merdes, il faut lutter contre elles si tu veux pas qu’elles te dévorent !
La vie est brève, Alex ! Hyper brève pour s’emmerder à se détruire soi-même. Si tu cherches à t’sentir mieux, commence d’abord par te prouver que t’es autre chose qu’un mot, qu’un concept. Tu me dis qu’t’es un assassin avec a voix de fausset et ta tronche de chien battu…Qu’est ce que tu veux qu’j’te juge ? En vertu d’quoi ? Le vrai courage, c’est d’se relever quand on a touché l’fond. J’en suis là , moi alors c’est que tout l’monde peut y arriver…Ca n’tiens qu’à toi…pas les autres.

Elle, elle avait un être à aimer, qui l'aimait.
Comment pouvait-on se considérer au fond dans des moments pareils ? Ce n'était pas possible, pas à mes yeux. Si elle n'avait pas succombé … j'aurais eu une raison de vivre encore mais là …
Donner de l'amour, comme faire lorsque celui-ci est mort au plus profond de soi ?
Ma main se serra sur le bracelet. Elle avait raison mais comment pouvais-je repartir de zéro ?! C'était … Comment …

-Qu’est ce qu’ils sont les autres pour te juger ? On nous traite de lesbiennes Amy et moi parce qu’on est ensemble : qu’est ce que ca peut faire si on est heureuse comme ca ? On me traite de monstre parce que j’fais peur : moi je sais qu’j’vaux mieux qu’ca. Ca prend du temps, ouais…faut partir du principe que l’pardon viendra jamais mais que la rédemption, c’est p’tete seulement de ne pas choisir la solution de facilité en sombrant dans la tristesse et l’auto apitoiement : faut s’battre ! Un jour…tu comprendras p’tete. Je te le souhaite, sincèrement.

Doucement, je relevais le visage vers elle, serrant toujours mon bracelet de toutes mes forces.
Lyra … Lyra …
Son nom résonnait en moi. Pourquoi … jamais cette question n'avait trouvé de réponse, jamais je n'avais réussi à lui demander une réponse … C'était moi qui l'avait tué, c'était juste cela.

-Je suis bien trop profond dans l'abime pour remonter Caitlyn. La seule chose que je peux espérer maintenant, c'est de ne pas complètement disparaître … mais même pour cela, j'ai des doutes.

Je lâchais mon bracelet et le redressais devant elle. Je ne savais pas quoi dire, quoi faire, mon corps et mon esprit laissaient aller ce que je n'avais jamais dit à personne depuis la Nuit. Pourquoi ? Je ne saurais dire. Toujours cette question, qui était gravé dans le sang et les larmes en moi : Pourquoi …

-J'ai tout perdu, en dehors de ses murs, je n'ai plus rien. C'est aussi par le BAM que j'ai atterri ici. C'était ça ou rester dans ses prisons sombres. J'ai choisi de revoir la lumière, mais je n'arrive pas à trouver quoique ce soit pour continuer.

Amy avait besoin d'elle, je ne voulais pas, elles étaient ensembles, je n'avais même pas pu tenir la promesse que j'avais faite à mon ange. Je n'avais pas pu être là pour elle. Je n'avais pas tenu ma promesse. Et je ne voulais pas la voir, de honte, de déception. Alors Caitlyn …
Je ne pouvais pas la mêler à ça, je ne pouvais pas faire ça à Amy. Elles étaient là l'une pour l'autre. Qu'elles restent ensemble, je n'en valais pas la peine. À chaque fois que je souhaitais remonter, aussitôt, je retombais. Comment y croire après cela … elle était bien plus forte que je ne le serais surement jamais.

-Et ceci, dis-je en secouant légèrement le poignet. C'est tout ce qu'il me reste de mon passé, de celle que j'aimais, de celle que j'ai tué Caitlyn. J'ai tué la seule personne que j'ai jamais aimée … C'est ma faute ... J'ai détruit ma lumière … Comment pourrais-je ne pas sombrer dans les ténèbres ...

Tous mes mots mourraient dans ma gorge, les larmes n'étaient pas encore là, mais elles ne seraient tarder. La douleur revenait, celle dont Caitlyn m'avait délivré. Elle remontait, réimprégnant mon corps, reprenant sa place comme avant. Je n'accepterais pas qu'elle me la prenne à nouveau, je ne voulais pas lui faire ça. C'était mon fardeau, et pour l'instant, personne ne pouvait m'aider. Car je n'avais plus personne à aider.

Son regard, son visage, c'était étrange, différent ce à quoi j'ai déjà eu le droit au poste, en prison, au BAM. Bien plus … différent, bien plus humain

-Tu dis des conneries Alex…Des conneries plus grosses que toi et si tu crois que ça peut m’amener à te prendre en pitié, tu te goures. J’ai pas de pitié et de compassion pour ceux qui refusent de remonter lorsqu’ils touchent le fond. Surtout quand il y a une personne au bord de la piscine qui les attend pour les hisser hors de la flotte. Tu t’aveugles a croire qu’y a personne et tu n’vois rien. Tu te complais dans ton malheur. Je crois qu’c’est ça qui m’rend le plus triste.

Ce nom … pas celui-là, pourquoi à chaque fois, pourquoi l'utilisaient-elles sans cesse... Qu'est-ce qu'elle pouvait y connaître, de quoi elle parlait, je n'arrivais pas à garder entièrement mon calme. Je me tendais, peu à peu, alors que ça me revenait en mémoire. Son pouls qui diminuait, diminuait … son sourire qui faiblissait … sa vie qui s'éteignait ...

- -J'ai tout perdu, en dehors de ses murs, je n'ai plus rien. C'est aussi par le BAM que j'ai atterri ici. C'était ça ou rester dans ses prisons sombres. J'ai choisi de revoir la lumière, mais je n'arrive pas à trouver quoique ce soit pour continuer. -Et ceci,…C'est tout ce qu'il me reste de mon passé, de celle que j'aimais, de celle que j'ai tué Caitlyn. J'ai tué la seule personne que j'ai jamais aimée … C'est ma faute ... J'ai détruit ma lumière … Comment pourrais-je ne pas sombrer dans les ténèbres ...

Je n'avais rien vu venir, ou n'avais rien voulu voir venir, ce mouvement, ce geste si brusque, son bras me saisissant pour me rapprocher, me tirer à elle. Réflexe, mon bras libre se posa par terre pour m'éviter de lui tomber dessus, sur sa jambe blessée. Son visage, si sérieux d'un coup. Mes mots n'avaient pas eu l'effet escompté … je voulais qu'elle me laisse, pas qu'elle s'intéresse. Je voulais la protéger, pas l'exposer. Rien de plus, la protéger, elle et Amy, pourquoi ne pouvais-je pas réussir juste cela ?

-Comment ? Je vais t’le dire ..Parce que nous ne sommes PAS composés de ténèbres mais de lumières. Ta lumière s’est affaiblit, c’est tout…mais elle est toujours là. T’en veux une preuve ? t’es vivant. Tu respires. A quoi ça t’servirait de rester en ce monde si tu y avais perdu tout espoir ? J’ai choisi de ne pas croupir dans les prisons du BAM et je pouvais y rester pour perpète’ Tu parles de choses que moi je connais bien, sérieusement, on se ressemble à un point que ça te ferait peur sauf que moi…j’ai marché plus vite que toi, j’suis de l’autre côté du tunnel et toi ru y avances en aveugle.

Ses mots, si vifs, si aiguisés, je les reçois, comme des couteaux de lancer. Mais pas dans mes mains, direction le cœur, s'enfonçant de plus en plus alors que l'image de ma lumière s'éteignant se faisait plus net au fur et à mesure. Cette douleur, bien plus présente que celle que recevait mon cerveau, concernant mon poignet. La douleur du remord … Ma faute … ma faute …

-J’ai accidentellement tué mes parents à cinq ans, a vingt et un, je défendais ma vie dans un braquage en tuant un pauvre abruti. Je suis une criminelle d’état, j’ai vu mourir sous mes yeux dans la flamme de mon refuge l’homme que j’aimais et mon frère adoptif : par la faute de mes choix, de ces choix que j’avais fait ! J’ai tué tout ce que j’aimais, tout ce qui pouvait me sauver : j’ai tout détruit ! Et c’est l’amour et l’espoir qui m’a sauvé ! Tu sais pourquoi j’suis dans cet état de momie ? Parce que y’a pas deux semaines, j’ai tenté de détruire le seul lien qui m’restait : Amy m’aimait et j’ai tenté de détruire ça en attaquant la seule chose qui pouvait la faire souffrir : moi ! J’ai voulu mourir, me suicider…voilà où j’en étais dans cette même merde dans laquelle tu te noies ! Mais ce soir-là…Tout a changé. J’ai vidé cette merde..j’ai tout vidé parce que je me suis rendu compte…que ca ne tiens qu’à NOUS de se laisser aider, à nous de se laisser AIMER ! A nous de reprendre le contrôle et de redevenir lumière.
Est-ce que tu peux comprendre cela ?

Je voulais répondre, je sentais la colère monter en moi, comme un brasier, ses mots … comment vouloir mourir alors qu'on vous aime. La semaine dernière disait-elle … alors qu’Amy était là pour elle ? Je ne comprenais pas, je ne comprenais plus et ça bouillait en moi… la colère, la haine que j'avais toujours senti à mon égard depuis cette Nuit. Les humains … le prêtre ... Ma main sur le sol se crispa, mes doigts s’enfonçaient dans la terre. Je me sentais de plus en plus … pas ça, il ne fallait, pas, pas comme ce jour-là … par pitié, tais-toi …

-Maintenant, c’est simple. Ouvres les yeux. Qu’est-ce qu’elle aurait voulu, celle que tu aimais ? Cette lumière…tu ne l’as pas perdu ? Y’a qu’dans la mort qu’on ne ressent plus rien. Alors décide toi, avance ou crève mais tu n’as pas le droit de stagner. Y’a des gens bien ici, Alex, des gens fréquentables…Y’a un million de manière de changer et de retrouver un sens à c’te vie. J’suis personne pour oser te sortir de tels vacheries, c’est clair…Mais tain, ta route..j’la connais que trop bien…et moi j’en suis sortie. Si c’est possible pour moi : tout l’monde peut y arriver.

Et enfin son étreinte se rompit, et je retombais en arrière, comme j'étais tombé tout à l'heure après ce qu'elle m'avait fait. Pourquoi voulait-elle me faire ça ? Pourquoi ? Je me sentais si … c'était un tel … bordel en moi … la colère, l'amertume du passé, le chagrin, le remord ….
Et je regardais son bras, tendu vers moi, à environ vingt centimètres de moi. Quoi, elle voulait me choper à nouveau ? Pourquoi faire ? Je ne bougeais, tentant de ne pas laisser apparaître ce qui bouillait et s'opérait en moi. Pas question de laisser ça venir, s'imprimer sur mon visage
Et qu'est-ce qu'elle voulait maintenant ? Son visage, son sourire, si différent maintenant. Qu'est-ce qu'elle avait maintenant ?

-Si..Si t’as besoin de quelqu’un pour t’écouter ou juste être au bord de cette piscine, j’suis là. Viens, chiale et je te jure par expérience que ça ira bien mieux après…vraiment bien mieux.
Personne n’a à être seul avec ça…Personne.
On ne se bat pas seul ici, c’est la règle.

Chialer … déjà fait … tant de fois, et la dernière fois, c'était alors que je la tenais dans mes bras, ce doux ange, alors que je tenais Amy dans mes bras pour la réconforter … parce que Cait avait disparu, parce qu'elle n'avait pas réussi à se calmer, parce qu'elle s'était senti abandonnée et trahie …
Et elle qui je voulais protéger à son tour, et c'est elle qui maintenant voulait m'aider. Pourquoi ? Pourquoi n'y arrivais-je jamais !
Et ma famille … sans nouvelle … savaient-ils seulement si j'étais encore en vie ou non ? Je n'avais pas le droit, j'en avais jamais eu le droit … même ici, je ne devais pas le faire. Et comment le pourrais-je ? Nous avions tous juste un portable pour tous … et jamais on ne pensait à le recharger, ou ce genre de chose …

-C'était notre règle … chez nous aussi …

Ma famille … notre famille, celle du cirque … celle de la communauté …

Je levais la tête vers le ciel … il était si clair, si beau … ça me rappelait tellement de chose, nos voyages, nos tournées … elle … surtout, l'arrêt que j'attendais sans cesse …
Tous nos moments … tout ce qu'il s'est passé avant la Nuit …
Les nuages, le feuillage des arbres … tout ça me renvoyait avant, avant tout ça, avant même sa rencontre. À une après-midi ou, jeune enfant, je m'étais demandé comment serait ma vie … jamais je n'aurais cru qu'elle ressemblerait à ça, environ dix ans plus tard. La mort, la prison, la vie d'un monstre … qui l'aurait cru en me voyant, une espèce de gosse blondinet qui courait partout et souriait à tout le monde et tout le temps.
Savait-elle écouter …
Doucement, alors que je me laissais porter par le vent, me sentant presque voler vers ce ciel inaccessible, je me mis à fermer les yeux :

-Elle m'a protégée … cette balle, elle m'était destinée, et elle s'est mise devant … Lyra.

Pas de tristesse, pas de peine, je racontais, juste raconter, ce que je n'avais fait. Personne n'avait réussi à m'arracher ça, ce qu'il s'était passé cette nuit-là. La seule chose que j'avais toujours dit, c'est que c'était moi qui l’avais tué …

-Elle est morte parce que j'étais différent, parce que je n’étais pas comme eux.

Ma main se porta sur mon torse, sur la marque de la seconde balle tirée par le prêtre. La marque resterait, on me l'avait rien, comme un tatouage, elle ne disparaitrait jamais. Une marque pour me souvenir à jamais de cette nuit, de ce jours ou mon monde imaginaire et si beau a explosé

-Ça ne fait que trois mois, trois mois qu'elle m'a été enlevé et chaque nuit j'ai rêvée de la rejoindre … Je n'ai jamais parlée, à ceux qui m'ont récupéré après et m'ont tabassé, au BAM bien qu'ils aient su, malgré mon mutisme … et j'ai atterri ici.

J'étais serein, presque trop à mon goût … qu'est-ce qui me permettait d'être aussi calme, de parler de cette manière, si ouvertement … savoir qu'elle avait déjà traversé ça peut être, ça devait être l'une des raisons, mais les autres ? Je ne saurais dire, vraiment, mais je ne voulais pas que ça s'arrête …

-Même ici, alors qu'on me dit que j'ai un espoir, j'ai manqué de sauter par la fenêtre … et on m'a rattrapée, au bord du gouffre, alors que je voulais en finir, vraiment.

C'était Lyra, ses mots qui m'avaient réveillé, ce dernier mot, soufflé entre la vie et la mort, son ultime volonté : « Vis »

-Parce que ce soir-là, c'est quinze personnes qui furent brulées, brulée par ma colère, par ma douleur, par ma tristesse … quinze personnes que je connaissais jadis, que j'avais apprécié et qui m'avaient rejeté, sans que je puisse réellement comprendre.

Mes yeux se baissèrent jusqu'à mes mains, ses mains qui s'étaient couvertes de sang ce soir-là. Pourquoi ai-je toujours cette impression de le sentir ?

-Lyra est la seule que j'ai pu protéger de ma colère … mais c'était déjà trop tard …

Cette nuit-là …

-Et j'ai failli y rester aussi, la rejoindre, ce soir-là … dans l'arme, il restait une balle …

Dans son revolver, que j'avais ramassé ensuite, après que tout fut mort autour de moi. Une balle, une seule balle dans le barillet, comme m'appelant à elle, à la mort. Et pendant près de cinq minutes, j'avais tenu le flingue contre ma tempe. Je sens encore le métal sur la peau, les battements de mon cœur s'accélérer … pourquoi n'avais pas tiré ce soir-là ?
Parce qu'il y avait eu trop de morts, trop pour une nuit … et que je refusais de … « Vis » juste ça …

-Love Each Day … Aime chaque jour … C'est ce qu'elle disait, car chaque jour peut sauver le suivant … j'aimerai comprendre comment on peut faire cela dans un monde tel que le nôtre … ou l'on tue pour la moindre différence … Retrouver ce que j'ai perdu en même temps que Lyra.

Ce monde si beau qui avait volé en éclat, brisé en mille morceaux par la balle qui tua Lyra. Sans que je m'en rende compte, des larmes perçaient à mes yeux. Je les sentais tout juste dévaler mes joues. Je portais mes mains à elles, et observait ses perles dans ma main … je ne les avais pas senti venir, ce n'était pas des larmes de tristesse, de colère … alors quoi …

Je restais silencieux, les regardant, l'air un peu perdu, voguant dans mes pensées, occultant un instant la présence de la jeune femme en face de moi.

Je ne bougeais pas, les yeux rivés sur ces perles qui étaient recueillie dans le creux de ma main. Comment elles étaient tombées ? Je n'avais rien senti. Pas de haine, pas de colère, rien du tout. Juste … rien en fait. Je relevais la tête vers elle, et elle était en train de se frotter le visage, je voyais ses yeux rouges. Elle qui paraissait si forte, si déterminée, la voir ainsi, sans sa carapace. Je ne peux m'empêcher de sourire, pas d'un sourire moqueur. Non, il était sincère, comme un message, un merci murmuré. Merci d'être là, merci de m'écouter, merci d'être toi. Je ne parlais plus, j'attendis qu'elle finisse de faire disparaître ses larmes avant qu'elle ne reprenne, un visage plus calme.

-J’suis navrée pour toi. Réellement. Mais j’ai dit ce que j’avais à t’dire…J’suis désolée mais j’peux pas m’battre pour toi, j’veux dire à ta place. Ca sera long…Très long…Ca c’est que j’sais. Je me suis effondrée quand j’ai accepté et j’ai pleuré, ouais…comme toi maintenant sauf que c’était ni d’la tristesse, ni d’la colère…seulement un truc qui m’étouffait et que j’devais vider…vider complètement.

Pouvait-elle lire dans mes pensées, j'en avais l'impression ? Et si c'était le cas, je ne savais pas si je devais le prendre mal ou non. Ne rien faire, ce serait le mieux je pense. Je la regardais alors qu'elle bougeait, qu'elle tapait l'herbe doucement. Je compris et lentement j'allais vers elle, pour m'assoir à ses côtés. Je la regardais, elle était bien belle. Amy et elle, quel beaux couple. Elles s'étaient bien trouver. Elle avait trouvé son but. Moi, lequel ça pouvait être ? Je devais retrouver quelque chose que j'avais perdu, depuis cette nuit, en plus de Lyra.

-Aime chaque jour…Je crois que c’est une très belle chose qui mérite qu’on se batte pour elle…Peut être que c’est pour ça que tu pleures, que c’est cette lumière qui subsiste au fond de toi, cette lumière qu’elle t’a donné et qui refait monter l’eau de ton cœur à tes yeux pour te faire comprendre qu’il est temps... qu’il est juste temps que tu intègres ce message et que tu t’mettes à sauver le jour suivant plutôt que d’le subir.
Moi j‘préfère voir la vie comme ça.

Je la vis rire, et ça me fit sourire. Vraiment, sincèrement. Un sourire qui prit tout mon visage. Un sourire comme j'en faisais avant. En fait … je … voulais continuer.

-Je dois chercher … il me manque quelque chose.

Ma main se posa sur mon torse, j'entendais mon cœur battre. Mais il manquait une chose. Que je n'arrivais pas à formuler. Et ce n'était pas Lyra.

-Je ne suis pas complet, pas encore.

Comme pour les pièces d'un puzzle. J'en avais égaré. Je devais les retrouver. Mais lesquelles ? Et où chercher ? Je devais y croire. Aimer chaque jour … merci mon ange, merci Caitlyn, merci Lyra …

-Le malheur restera sur toi si tu l’attires à lui. J’veux plus être malheureuse, je veux qu’ma vie aille mieux. Je crois pas à la rédemption : lesbienne et meurtrière, j’irai droit en enfer, d’façon. Mais je veux croire qu’aujourd’hui, j’sauverai demain pour toi et même si ca s’résume juste à une heure de ma vie et quelques paroles bien dérisoires face à ton grand désespoir. On n’a même pas besoin d’parler, si t’as besoin d’savoir que y’a quelqu’un qu’ça importe tout ça…j’suis là.
Par contre, Fais gaffe Alex, je reprends jamais l’amitié, j’donne. C’est quelque chose d’important pour moi.

Sa vision de la rédemption. Ma mère aussi était croyante pourtant moi, je n'y avais jamais cru. Je n'aimais pas l'idée que notre vie dépend de lui. Notre vie dépend de nous, de nos actions. Enfin je l'ai cru longtemps, maintenant je n'en étais même pas sûr.

-Tu n'irais pas en enfer. Il y a des personnes qui y vont alors qu'ils le méritent bien moins que toi. Je ne pense pas tout connaître. Mais si les justes y vont, tu iras. Merci.

Doucement, je me penchais, et posais un baiser sur son front. Tout simplement. Elle avait du mal avec les contacts, elle me l'avait dit, aussi je n'allais la prendre dans mes bras, mais par le geste que je venais de faire, je voulais lui communiquer toute ma reconnaissance, ce qui commençait à changer, à penser ainsi, c'était grâce à elle, à ses mots. Pourtant, même si je n'allais pas la prendre dans mes bras, c’est ce que j'aurais voulu. Elle ne connaissait presque pas, mais elle semblait plus croire en moi que moi je ne croyais en moi. Et ça me plaisait, ça me faisait plaisir, vraiment.

-Merci d'être là, tout simplement. Merci pour tout.

Avais-je vraiment trouvé une amie ? J'en avais l'impression. Et ça me faisait chaud au cœur. Une amie sur laquelle je pourrais parfois me reposer. Elle savait écouter, elle. Plus que les autres ne savaient le faire. Et elle ressentait. Ses larmes, elle avait peut-être essayé de les cacher mais je les avais vus.
Je n'avais plus envie de jongler … j'avais besoin de trouver ce qui me manquait. Entre autre chose, des informations concernant cette personne, celui qui m'avait pris ma lumière. Là-bas, on avait jamais voulu m'en dire un mot. Maintenant, je voudrais savoir. La bibliothèque était réparée depuis. À peine plus de quinze jours. C'est le temps qu'ils avaient eu besoin pour s'occuper de tout ça. Pour qu'elle soit opérationnelle à nouveau. Je devais commencer par-là, par comprendre ce qu'il s'était passé. Pourquoi cet homme avait voulu faire ça ? Je voulais le savoir.

-Ecoute, j'ai des choses à faire. Alors je pense que je vais y aller. Merci encore pour tout. Si tu veux, je peux te laisser mes massues, tu me les rendras plus tard, d'accord ?

-Tu n'ira pas en enfer. Il y a des personnes qui vont au paradis alors qu'ils le méritent bien moins que toi. Je ne pense pas tout connaître. Mais si les justes vont au paradis, tu iras. Merci.

- L’enfer ne m’fais pas peur…C’est de ne pas être à l’auteur de ce que les autres attendent de moi qui me gêne. J’aimerai être plus forte, être…plus..solide. Y’a beaucoup à dire la dessus, j’pense, autant que sur le pseudo concept de culpabilité, oui…Ca je crois qu’on se pose en expert de la chose non ? Y’a des moments j’me demande comment j’arrive encore à me permettre d’être heureuse avec ce que je me trimbale comme casseroles aux fesses ! Et puis après…je m’dis que si c’est pour rester dans mon coin à ne servir à rien, c’est pas comme que j’arriverai à me sentir mieux. Il faut avancer, courir. Tracer sa route et jamais s’arrêter parce que dès qu’on pose le cul dans l’herbe, ben ca te rattrape. Dés fois j’ai l’impression d’être une connerie de fantômes peureux poursuivit dans un labyrinthe par Pacman qui carbure à la Pac’gomme….j’vais faire bouffer…Game Over.

Tracer sa route et ne jamais s'arrêter … ça me rappelaient tellement, les journées passées à la fenêtre des caravanes, à sentir le vent sur mon visage alors que nous avancions de plus en plus vite, de plus en plus loin, vers un nouveau monde pour distribuer un peu de nous-même. À cette époque, j'étais comme un enfant. J'avais perdu cela, c'est ce que la balle m'avait pris ce jours-là. Ma naïveté.
Ça était mort le même jour que Lyra. Mais j'avais quelques choses d'autres de perdu, qu'il me fallait retrouver. Cependant, si je voyais la silhouette floue du mot au fond de moi, je n'arrive pas à le distinguer.
Mon baiser eut pour effet de la faire virer rouge tomate. Ça me fit presque rire. Et son sourire me fit chaud au cœur. Contrairement à ce que j'attendais, elle se laissa laisser contre moi et posa sa tête sur son épaule, contre moi. Je ne bougeais plus, un peu étonné. Visiblement, ça ne la gênait plus. Je ne savais pas ce que j'avais vraiment fait pour ça. Mais ça me faisait encore plus plaisir, me réchauffait le cœur. Amy, puis Cait, des amies, des personnes si … je n'arrivais à décrire toute l'admiration, toute la reconnaissance, la gratitude que j'avais pour elle. J'avais envie d'être là, de leur rendre mille fois ce qu'elles m'avaient donné, ne seraient ce que les mots, les gestes qu'elles m'avaient offert. Chaque sourire, chaque mot, je voulais être là pour elles, autant qu'elles l'avaient été pour moi.
C'était si rare des personnes comme elles. Une sur des millions. Et en quelques jours, je tombais sur elles ? Lyra veillait-elle sur moi de sa dernière demeure. Était-ce elle qui guidait mes pas ? Je voulais le croire, dans un sens.
''Merci'' murmurais au fond de moi.
Et juste là, assis avec sa présence contre moi, je regardais au loin, me souvenant d'avant, alors que des gosses jouaient au loin. Et enfin, j'arrivais à lui parler, doucement.

- T’as pas à remercier, crétin, si tu veux l’faire, fais juste en sorte de réfléchir à ce que j’t’ai dit et d’voir comment tu peux aborder les choses différemment plutôt que stagner dans ta merdasse.

C'est ce que je comptais faire, et commencer aujourd'hui même, me retrouver. Une pièce, juste une petite pièce du puzzle. Mais il me fallait la trouver.
Le temps passait, je m'en rendrais même pas compte. J'étais là, avec elle, et c'était tout, je n'avais pas besoin de plus.
Mais je devais avancer. Car aussi apaisant que pouvait être ses instant, ils précédaient le calme avant une tempête. Je devais y aller, je devais commencer à avancer. Pour pouvoir aider à mon tour, comme elle venait de le faire pour moi.
Elle ne me quittait pas des yeux, je me sentais presque mal de gâcher ce moment. Je ne voulais pas qu'elle croit un instant que je ne voulais plus rester avec elle, ici, qu'elle m'ennuyait ou un truc du genre.

- Ok…Si ça peut faire en sorte que tu ne te casses pas comme un voleur de poules, pourquoi pas…Tu n’te débarrasseras pas d’moi aussi facilement, t’en as bien conscience ?

Encore un sourire amusé, et elle essayait de se relever. Je me penchais pour l'aider à se redresser. Malgré le fait qu'elle soit blessée, elle gardait le sourire. Elle avait beau ne pas le croire, elle était bien plus forte que nombre de personnes en ce monde. Elle et Amy. Toutes les deux … elles pourraient survivre à tous ensemble.

- En tout cas…pas d’bétises et si t’as un coup de blues, tu sais où m’trouver hein…

Pas de bêtise. J'espère que j'en aurais pas à en faire. Je ne sais pas ce qui m’attend. Ça dépendra de ce qui me manque, de ce que je trouverai et que je devrais retrouver. Mais je ne ferais pas de bêtises fatales. Parce que je l'ai promis à tellement de personnes maintenant. À Amy, à Lyra … et maintenant à elle.
Mon bâton sur l'épaule, j'allais me retourner mais avant, je ne pus m'empêcher de lui dire :

-Promis Cait …

Et encore merci, pour tout.

Elle avait mon matos, mes massues. Je lui laisserai le temps qu'il faudra, j'avais confiance, vraiment.