♪ maman les ptit bateaux qui vont sur l'eau ont-ils des jambes ? ♫ ( PV Edelweiss C. Jung )

Andrew avait passé une semaine mouvementée auprès de Deadpool. Cela s’était terminé par son maitre qui le laissait devant l’école Xavier avec un mémento : un Tachi légué de génération en génération. Le jeune homme, un peu triste de devoir quitter son instructeur, avança doucement vers l’institut pour surdoués. Étant encore très tôt le matin, l’endroit était désert. Même la réception, où il devait se présenter pour son inscription, était fermée. Il devrait patienter quelque peu.

Regardant aux alentours, il remarqua la clairière qui entourait la bâtisse. Un sentier la traversait avant de se perdre dans un boisé. Se promenant le long du chemin, il remarqua une étendue d’eau. Quelques arbres se tenaient non loin de là, donnant leurs ombres aux passants, leur donnant un coup de fraicheur dans cette journée d’été.

Ce petit lac lui donna une idée : Lorsqu’il était plus jeune, il avait visité un concours de sculptures sur glace. L’une des œuvres d’art était un bateau magnifiquement sculpté. Bien sûr, ce n’était pas une représentation taille réelle, mais faisait au moins la taille d’un grand bateau de pêche.

Se concentrant, un jet d’eau constant venant du lac venait former une sphère de plus en plus grosse devant ses yeux. Une fois qu’il y eut assez de liquide amassé, l’embarcation e matérialisa avant de tomber à l’eau dans un grand splash, trempant Andrew de la tête aux pieds.

Créant des glaçons qu’il jeta dabs l’étendue d’eau, il se sécha rapidement. Regardant maintenant sa création plus grande que nature, il resta ébahi quelques instants devant sa splendeur. C’était exactement comme dans ses souvenirs. Le moindre détail était identique à l’originale.

Une idée enfantine se dessina dans son esprit : pouvait-il embrarquer dessus sans qu’elle ne coule sous son poids ? Une seule façon de le savoir ! Regardant dans les poubelles avoisinantes, il aperçut des déchets métalliques et caoutchoucs. Se créant des crampons, il se les enfila aux pieds avant de prendre son élan et de sauter sur le pont du bateau.

L’embarcation avait failli chavirer, mais s’était redressée. Se tenant au mât, il regardait la vue du navire. Le vent se leva, emportant le jeune homme vers le milieu du lac avant retomber, le laissant prisonnier de l’étendue d’eau.

Andrew flottait maintenant au milieu du lac. Son temps était compté, car il faudrait encore bien des heures avant que ce glaçon gant ne fonde. Se matérialisant une chaise longue en bois à partir des morceaux de bois jonchant le sol, il s’étendit dessus au milieu du pont, profitant du soleil.

L'Institut Charles-Xavier. Il était difficile pour le commun des mortels d'imaginer ce qui se tramait dans ces murs. Pour le voisinage et le reste du monde, il s'agissait d'une école pour surdoués. Certains y voyaient sûrement une de ces bâtisses privées dont le prix à l'année dépassait le salaire des revenus moyens. D'autres devaient s'imaginer n'y trouver que des adolescents boutonneux et perdus dans un monde de données mathématiques et physiques. Mais au final, rares étaient ceux qui en connaissait la réelle utilité, ou à combien de jeune et moins jeunes gens l'Institut servait de refuge et de nouvelle « maison ». Bien sûr, il semblait évident pour la sécurité des résidents, que le côté « repaire pour mutants » soit passé sous silence. Dieu seul savait ce que les hommes auraient pu faire. Il fallait bien comprendre que dés lors qu'il rencontre quelque chose de diffèrent ou qu'il ne comprend pas, l'homme a ce besoin insatiable de détruire. C'est dans sa nature, il n'y peut rien. Et lorsqu'il se lance dans une chasse aux sorcières pour exterminer ce dont il a peur, il oublie tous les principes, toutes les règles de base. Le mal et le bien ne sont plus dissociés. L'homme redevient animal.

Alors que faisait Edelweiss à l'Institut. Et bien comme tous les autres, elle apprenait à maîtriser son don. Oui, parce que bon, c'était bien gentil de faire mumuse dans un lac, et de jouer à faire des serpentins d'eau, mais quand on se retrouvait à manquer de noyer des gens sans le vouloir, y'a de quoi se faire peur. Ainsi envoyée entre les mains de mutants compétents, la jeune fille avait progressé. Elle prenait plaisir à étudier tant sa mutation que de suivre son cursus universitaire. Et elle commençait à faire des projets d'avenir. Choses impensable quelques années en arrière. Et du coup, cette chère hydrokinésiste s'appliquait à des règles de vie particulièrement strictes, et à un emploi du temps relativement serré où elle se réservait un créneau pour tout. Maîtrise de son pouvoir. Études universitaires. Travail théorique sur les mutations. Exercice physique. Et détente, un peu quand même. Totalement du matin, elle se levait fort tôt pour son petit tour habituel à l'extérieur de l'Institut. Elle avait tendance à aller jusqu'au bois où elle s'arrêtait au niveau de la petite mare, et se laissait allée.

Mais aujourd'hui était différent. Un peu diffèrent. Elle s'était bel et bien levée pour sa petite sortie journalière, mais avait plutôt été tentée par le parc. Eddie s'était donc dirigée vers le coin de verdure, après avoir discrètement fermé la porte de l'Institut. Non pas que ce genre de ballade etait à proscrire, mais tant qu'à faire, autant éviter l'affluence du réveil et surtout, en être la cause. C'était peut-être le principal inconvenient de vivre en dortoir. Ça et le manque d'intimité pour sûr. Mais on s'y faisait. Et au final, la jeune mutante m'aurait échangé cela pour rien au monde. Elle avait bien trop appris à tenir à tout cela, et elle y avait tant de repères, qu'elle se demandait parfois si elle ne connaissait pas mieux l'Institut que sa propre maison. En y réfléchissant maintenant, c'était d'ailleurs un peu inquiétant.

« Ça sent la journée fraîche... »

Elle marchait à proximité du lac qui ornant le parc lorsqu'elle ne put rien faire d'autre que se figer. Mon Dieu. Mais qu'est-ce que c'était que ça ? Sous les yeux ébahis de la jeune fille, se dressait, au beau milieu de l'eau, un bateau de glace. Grand et majestueux. Enfin... Si elle avait voulu être parfaitement honnête, elle aurait plutôt parlé d'un bateau de glace certes, mais un bateau de pêche. Ce qui, malgré la difference de taille implicite, était quand même surprenant. Edelweiss sentit sa curiosité être piquée à vif. Était-ce là l'oeuvre d'un cryogénèsiste ? Elle ne savait pas que l'Institut en hébergeait un. Dans un égo mal placé, elle s'imaginait être la seule à pouvoir transformer de l'eau en glace. Elle s'avanca discrètement, admirant la construction, cherchant à y trouver un défaut qui échappait pourtant sans cesse à son œil. Elle s'approcha encore un peu de l'embarcation, hésitante. Pouvait-elle la toucher sans risque ? Elle se mordilla la lèvre inférieure avant de tendre l'oreille.

Elle remarqua seulement à cet instant la présence de quelqu'un. Installé sur une chaise longue - que faisait une chaise longue ici ? - un homme, probablement le mutant cryogénésiste, semblait se reposer. Edelweiss se trouvait encore à quelques mètres du navire, et n'était pas vraiment sûre de la démarche à suivre. Elle ne voulait pas déranger quelqu'un qui cherchait manifestement la tranquillité. Puis il était quand même au beau milieu du lac. Alors la jeune fille ne se voyait pas vraiment l'interpeler d'aussi loin. Mais en même temps, elle était vraiment curieuse de voir cette création de plus prés. Et la curiosité est un vilain défaut...

« Excusez-moi ? »

Andrew, couché de tout son long sur sa chaise longue entendit une petite voix l’interpeler. Elle ne prononçait pas son nom, mais étant le seul dans le coin, ce devait être à lui qu’on parlait.

Excusez moi ?

Tournant la tête, il aperçut une jeune demoiselle aux cheveux noirs se tenir aux abords du lac. Elle semblait subjuguée par l’embarcation d’Andrew. Il est vrai que ce devait être étrange de voir un bateau dans cette petite étendue d’eau et en plus qu’il soit en glace devait couronner le tout. D’où venait-il ? Comment est-il arrivé là sans qu’il n’y ait de marque de roues dans le gazon encore gorgé de rosée. Mais la principale question qu’elle devait se poser était « pourquoi ». Il n’y avait pas vraiment de raison pour laquelle le jeune homme avait créé ce bateau, c’était l’inspiration du moment.

Se levant debout, il regarda aux environs : pas trace de qui ce soit d’autre. Ils étaient seul debout à cette heure du jour. Andrew ne pouvait juger de la chaleur du jour, étant sur une embarcation de glace. Il transforma sa chaise longue en très long bâton, comme ceux que l’on trouve dans les quincailleries, puis se dirigeant vers l’arrière du navire, il enfonça la perche dans le fond du lac pour ensuite se propulser vers la jeune fille.

Arrivé non loin de son but, il revint à l’avant du bateau, il se pencha vers la gamine pour la voir de plus près. C’était lui qui était grand, elle petite ou tout simplement qu’il était encore sur le bateau, mais elle semblait un peu petite.

Oui ?

Andrew se demandait ce qu’elle faisait aussi tôt dehors et pourquoi elle avait dérangé Andrew qui flottait tranquillement dans son coin. Pas que ça le dérange tant que ça, il attendait tout de même simplement que les portes de l’école ouvre pour qu’il puisse s’inscrire. Et puis ensuite, il pourrait probablement lui poser des questions sur l’institut en attendant.

Regardant derrière lui, il espérait que son Tachi, toujours attaché dans son dos n’effraierait pas sa nouvelle compagne.

La surprise. Le terme global qui représentait parfaitement les conséquences de la découverte de la création de glace part Edelweiss. Lorsqu'elle venait à devoir créer à partir de cette eau solide, elle ne parvenait jamais à atteindre une telle perfection. Alors évidemment, quelque chose d'aussi volumineux ne pouvait qu'être impressionnant. Elle savait qu'elle avait besoin de s'entraîner plus souvent encore, mais elle n'imaginait pas qu'elle allait devoir tant travailler que cela. Elle se surprit à décider de doubler ses séances d'entraînement par semaine. Juste pour pouvoir évoluer un peu plus. Et aussi parce que, mine de rien, avec ces murmures de squads, il valait mieux qu'elle soit au point lorsque cela se déciderait.

Un instant plus tard, Edelweiss vit l'homme qui se tenait sur le bateau se lever. Elle ne se rendit pas compte qu'un léger froncement de sourcils vint se placer sur son visage. La logique voulait que cette personne soit un cryogénésiste. Il se trouvait quand même sur un navire de glace. Chose que seul un cryogénésiste pouvait faire, puis qu'un cryokinésiste ne pouvait que la manipuler, et que ce lac n'était pas de base assez froid pour qu'une telle quantité de glace puisse être utilisée. CQDF, cet homme était un cryogénésiste. Mais là... Il venait quand même de manipuler du bois. Du bois. Or le bois n'était pas la glace. Alors en plus de créer de la glace, il pouvait manier le bois ? Heureusement qu'ils étaient du même côté, il aurait été un ennemi puissant. Heureusement qu'ils se trouvaient à l'Institut.

« Oui ? »

Au fur et à mesure que le bateau s'était avancé vers la rive, Edelweiss avait du relever la tête pour parvenir à regarder son interlocuteur. Ce n'est qu'au moment où il lui parla qu'elle se rendit compte qu'elle venait juste de le déranger alors que, manifestement, il souhaitait être au calme. Parce que bon, quelle autre raison pouvait se cacher derrière quelqu'un qui allait jusqu'à créer un bateau et s'installer au beau milieu du lac ? Elle mordilla légèrement sa lèvre inférieure cherchant ce qu'elle pouvait bien répondre à ça. Enfin, quelque chose qui ne se résumerait pas à « vous avez fait un super joli bateau ».

« Vous êtes un cryogénésiste ? »

Ah oui. C'était vachement plus intelligent ça. Typiquement Edelweiss. Parler, puis réfléchir ensuite à la stupidité de la chose. Sa curiosité avait pris le dessus, encore une fois. Lorsque quelque chose la tarabustait, elle avait besoin de savoir. A chaque fois, ça ne manquait jamais. Après quelques années passées au sein de l'Institut, Eddie avait pris l'habitude de croiser des gens sans pour autant les connaître. Mais les visages avaient au moins quelque chose de familier. Pourtant, il ne lui semblait avoir vu cet homme auparavant. Ce qui ne voulait pas dire qu'il était forcément nouveau dans les locaux.

« Vous êtes ici depuis longtemps ? »

Son regard se trouva à nouveau attiré par le bateau de glace. Ce genre de construction ne pouvait qu'attirer l'oeil, évidemment. Elle ne put donc s'empêcher de se promettre qu'un jour, elle aussi arriverait à créer un navire à partir d'eau liquide. Juste comme un petit challenge personnel. Il en fallait bien de temps en temps.

Plus il avait avancé vers la demoiselle, plus celle-ci devait monter son regard pour rivaliser le sien. Elle semblait hypnotisée par la création d’Andrew. Était-ce parce c’était un bateau fait de glace ? Avait-elle une fixation sur l’eau gelée ? Était-ce en rapport avec son pouvoir ? Parce qu’Andrew se doutait bien qu’en étant dans les alentours d’une école pour mutants, il y aurait nécessairement des mutants. La question était de savoir quel était son pouvoir, mais la question n’était pas si importante, car il faut plutôt se concentrer sur la personne derrière le pouvoir avant de s’intéresser au pouvoir.

« Vous êtes un cryogéniste ? »

La question surpris un peu le jeune homme. Ce n’était pas tous les jours qu’on tentait de deviner son pouvoir. Il était vrai qu’avec un bateau de glace, elle pourrait se dire qu’il était capable de manipuler la glace à sa guise. Pourtant, rien ne pouvait en être plus loin, car même si il pouvait en créer, il ne pouvait la manipuler. Il ne pouvait que copier des objets, sans pouvoir changer qui de ce soit, ni leur forme, leur matériaux, ou leur masse. Elle devait aussi se douter quelque part qu’il n’était pas cryogéniste, il venait de transformer du bois.

Non, je ne suis pas un cryogéniste. J’imagine que ça veut dire manipuler la glace, mais non. Je ne peux que copier des objets. J’ai déjà vu et eu la chance de toucher un bateau en glace identique à celui-ci dans un concours de sculpture sur glace. Je ne peux en modifier aucun aspect; ni la taille, ni la forme, ni les matériaux. Le reste est pas mal technique et je t’ennuierais sans doute à te conter tout ça.

« Vous êtes ici depuis longtemps ? »

Andrew ne savait pas si elle résidait là depuis longtemps ou si elle venait d’arriver comme lui. La première hypothèse était probablement la bonne : À part Andrew, personne n’arriverait ici à cette heure de l’extérieur. Une marche matinale pour se dégourdir les jambes était plus plausible. Elle regarda encore l’embarcation du jeune homme. Décidemment, elle était absorbée par celle-ci. Ce qui donna une idée amusante au jeune homme. Il décida néanmoins de répondre à sa question en premier.

Oui, je viens d’arriver, j’attends que le secrétariat ouvre pour pouvoir aller m’inscrire. Mais pendant que nous sommes tous les deux ici, j’ai un jeu à te proposer.

Le jeune mutant se promena autour du lac, ramassant la rosée du matin, puis ramassa le reste dans l’étendue d’eau, créant un deuxième bateau identique au premier et l’attacha à la rive grâce à de la corde de chanvre faite avec le gazon. Il créa ensuite une paire de crampons ainsi que deux lance-pierres. Il tendit l’une des deux armes à la jeune fille avec une poignée de cailloux avant de remonter dans son embarcation. Utilisant toujours son bâton, il se poussa de l’autre bord du lac.

Le premier qui coule celui de l’autre !

Andrew avait un grand sourire au visage. Il appréciait un peu d’action de temps en temps et si il pouvait le faire sans que personne ne se blesse, c’est encore mieux.

« Non, je ne suis pas un cryogéniste. J’imagine que ça veut dire manipuler la glace, mais non. Je ne peux que copier des objets. J’ai déjà vu et eu la chance de toucher un bateau en glace identique à celui-ci dans un concours de sculpture sur glace. Je ne peux en modifier aucun aspect; ni la taille, ni la forme, ni les matériaux. Le reste est pas mal technique et je t’ennuierais sans doute à te conter tout ça. »

Edelweiss hocha la tête. Immédiatement, le fait de l'avoir vu modifier ainsi la chaise longue de bois quelques instants plus tôt lui paraissait plus logique. Ce don paraissait assez sympathique aux yeux de la jeune fille. Après tout, c'était quand même pratique de pouvoir recréer n'importe quel objet un jour croisé dans sa vie, même si elle se doutait que ce ne devait pas être évident tous les jours et qu'il y avait probablement des difficultés d'utilisation qu'elle n'imaginait pas. Elle se rendit compte que sa question pouvait être un peu limite, surtout ne connaissant pas du tout le jeune homme. Mais elle n'avait pas pu s'en empêcher. Elle remarqua aussi qu'ils semblaient être du même âge, et décida donc de laisser tomber le vouvoiement.

« Désolée de t'avoir dérangé pour ça. J'ai juste été vraiment surprise de voir ce bateau flotter sur le lac. C'est vraiment pas fréquent. Dit-elle, un poil gênée. Je m'appelle Edelweiss, élève de l'Institut mutante de son état. »

L'idée de déranger quelqu'un était dérangeante en elle-même. Du moins, pour Eddie, elle l'était. Et pourtant, sa curiosité maladive passait au-delà même de son éducation. Et ça s'était même aggravé depuis qu'elle était entrée à l'Institut Xavier. Lorsqu'elle rencontrait quelqu'un, elle avait prit l'habitude de chercher à deviner son pouvoir. Sans réelle arrière-pensée, juste comme ça. Comme d'autres commençaient à demander nom, prénom, âge et date de naissance, la jeune fille préférait tenter de deviner quelles altérations le gêne X de son interlocuteur avait effectuées. Et elle était loin d'être douée. Suffisait de regarder son hypothèse erronée pour le don du jeune homme en face d'elle.

« Oui, je viens d’arriver, j’attends que le secrétariat ouvre pour pouvoir aller m’inscrire. Mais pendant que nous sommes tous les deux ici, j’ai un jeu à te proposer. »

Oh, un nouvel élève. Edelweiss eut un léger sourire avant d'hocher la tête. Le secrétariat ne devait pas ouvrir de suite de ce dont elle se souvenait. Mais elle avait souvenir d'un changement d'horaire récent, et son interlocuteur ne devrait pas avoir à attendre trop longtemps. Ou du moins, elle l'espérait pour lui. C'était quelque chose qu'elle avait en horreur, elle. Attendre. La patience envers les hommes n'étaient son fort. Une histoire assez compliquée de respect et de politesse qu'elle prenait plaisir à expliquer à tous ceux qui la faisait glander plus de dix minutes.

« Un jeu ? »

La surprise se lisait clairement sur le visage d'Edelweiss. Elle observa le mutant se balader sur la rive du lac, récoltant d'une manière qui semblait défier toute gravité, la rosée matinale ainsi que l'eau à proximité. Le tout, sous le regard perplexe de la jeune fille. Qu'est-ce qu'il était en train de faire. Elle vit alors l'eau prendre la forme d'un bateau, puis se glacer, créant un second navire à côté du premier. La bouche de la mutante s'entrouvrit sous la surprise, avant qu'elle ne la referme. Autant éviter de passer pour une cruche. Elle s'approcha de la corde qui maintenait le second bâtiment flottant, la touchant du bout des doigts. Le gazon servait de chanvre. Elle sembla se rendre compte à cet instant des nombreuses possibilités que pouvait offrir le pouvoir du jeune homme.

* Eh ? Un lance-pierre ? Mais... Hein ? *

L'arme dans les mains, accompagnée de quelques pierres, Edelweiss jeta à son camarade un regard un peu surpris. Pourtant, elle grimpa sur son embarcation, visitant l'espace qui allait être son « camp ». Elle testa un instant l'équilibre qu'elle pouvait avoir en étant dessus, cherchant à éviter de passer par-dessus bord - ce qui aurait été franchement dommage tout de même. Lorsqu'elle releva la tête, elle vit le mutant de l'autre côté du lac, lui aussi armé d'un lance-pierre, et elle commença à saisir l'idée générale dudit jeu.

« Le premier qui coule celui de l'autre !
- Je suis nulle au lance-pierre, mais je vais m'assurer de te donner du fil à retordre ! »

Elle prit l'un des cailloux qui allait servir de projectiles, puis visa. Si elle se souvenait correctement des cours de physique qu'elle avait suivi au lycée, il lui fallait toucher au niveau de la ligne de flottaison pour que le bateau se remplisse d'eau, et finisse donc par sombrer. Bien entendu, pour elle qui avait toujours été bien plus douée en théorie qu'en pratique, tout restait à faire. Son premier tir se contenta de plonger dans l'eau, ne s'approchant de la cible que de deux mètres. Superbe lancé Eddie, vraiment.

« Et que gagne le gagnant ? »

Fit-elle, se prenant inconsciemment au jeu, un large sourire lui barrant le visage.

« Désolée de t'avoir dérangé pour ça. J'ai juste été vraiment surprise de voir ce bateau flotter sur le lac. Ce n’est vraiment pas fréquent. Dit-elle, un poil gênée. Je m'appelle Edelweiss, élève de l'Institut mutante de son état.»

Comme il s’en doutait, elle était résidente, ou plus précisément élève de l’école, comme lui. Ce qui voulait dire qu’elle devait avoir un pouvoir elle aussi. Il se demandait ce qu’était son pouvoir, mais se retint à le demander, il le saurait bien tôt ou tard.

Je m'appelle Andrew, mais tu peux m'appeler Plagiat.

La demoiselle embarqua dans le jeu, à la grande satisfaction d’Andrew. Elle prit le lance-pierre ainsi que les munitions, puis grimpa dans son embarcation. Un grand sourire aux lèvres, elle lança la première pierre (mauvaise blague sur jésus). Le projectile n’atteignit même pas la cible, la manquant d’un bon deux mètres, tombant dans l’eau dans un grand plouf.

Ça paraissait qu’elle n’était pas habituée à utiliser ce genre d’arme. Elle ne devait pas manipuler beaucoup d’armes point, elle n’avait pas l’air mercenaire. Il ne fallait pas non plus se fier aux apparences. Andrew ne voulait surtout pas finir le jeu prématurément et ne voulait encore moins utiliser son pouvoir pour gagner : ce serait essentiellement de la triche.

« Et que gagne le gagnant ? »

La question était pertinente. Ce n’était pas un concours sans prix. Que pouvait-il offrir comme prix ? Il ne pouvait se départir de son Tachi, hors de question et il n’allait tout de même pas se départir de ses vêtements, quel intérêt ? Ce n’était pas du strippoker non plus. La réponse apparut dans son esprit au moment où il posa les yeux sur son arme. Il ne pouvait pas croire qu’il n’y avait pas pensé plus tôt.

Je t’offre de matérialiser l’objet de ton choix, en autant que j’y aie déjà touché ou copier un objet que tu possèdes.

Satisfait de sa réponse, il tira une pierr vers son adversaire, manquant l’embarcation adverse de quelques centimètres trop haut. Le caillou alla rouler dans le gazon plus loin. Andrew claqua des doigts en murmurant un « zut! ».

Ton tour !

Il avait bien sûr manqué par exprès. Et même si elle réussissait à toucher son navire, il lui faudrait plusieurs coups avant de faire une craque, c’est un bloc de glace géant après tout.

« Je m'appelle Andrew, mais tu peux m'appeler Plagiat.
- Enchantée. »

Plagiat. Probablement le nom choisi pour être son nom de code lors de futures missions ou lors de son entrée dans les squads. Edelweiss hocha la tête comme pour montrer qu'elle avait assimilé les présentations. Petite habitude prise via l'éducation familiale. On était une Jung ou on ne l'était pas. Même si c'était plus du côté de sa mère que ce côté « bonne éducation » était le plus flagrant. Il fallait avouer qu'ils étaient relativement bien connus dans l'Illinois et qu'ils ne pouvaient pas vraiment laisser leurs enfants passer pour des mal élevés. Tout cela aurait fait tâche dans la région.

« Je t’offre de matérialiser l’objet de ton choix, en autant que j’y aie déjà touché ou copier un objet que tu possèdes.
- Oh, ça semble fort intéressant. J'ai tout intérêt à gagner alors.Fit-elle en souriant. Par contre je ne sais pas quoi te faire gagner. A part peut-être une petite sculpture de glace, mais ça sera totalement éphémère. »

Elle ne possédait rien de véritablement intéressant. Juste quelques livres qu'elle avait amener avec elle depuis la villa familiale. Mais en soi, rien de vraiment spectaculaire comparé à un objet créé juste devant ses yeux grâce au pouvoir de son adversaire. C'est pour cela qu'elle lui avait proposé une sculpture de glace. Quelque chose issu de son pouvoir en fait. Certes, il allait falloir qu'elle se concentre un moment étant donné que c'était un pan de son don avec lequel elle rencontrait encore quelques difficultés. Mais après tout, pourquoi pas. Elle aimait bien, elle, ce qui était éphémère. Elle trouvait que ça avait un charme particulier et qu'on en appréciait souvent bien plus la beauté puisque l'on savait qu'elle ne durerait pas.

En voyant le projectile passer juste au-dessus de son bateau, Edelweiss eut un soupir de soulagement. Safe. Elle s'imaginait bien qu'un seul caillou ne parviendrait pas à couler une telle embarcation, mais tant qu'elle pouvait se protéger, elle serait soulagée. Le but, c'était de parvenir à préserver son navire si on était dans l'incapacité d'attaquer celui de l'autre. Elle était en train de réfléchir à un moyen de réussir à frapper dans la glace d'Andrew. Et petit à petit, elle commençait à se dire qu'elle pouvait toujours essayer, discrètement, d'utiliser l'eau. Mais elle finit par chasser cette idée. Elle était bien trop honnête pour son propre bien. Puis même si elle était compétitive, ce n'était qu'une compétition amicale. Un jeu. Elle n'y perdrait pas grand chose.

« Ton tour ! »

Edelweiss se saisit d'un caillou et visa. Elle attendit un instant, cherchant à comprendre comment elle pouvait gérer le manque de puissance dont elle avait fait preuve lors de son premier tir. Peut-être qu'en tirant en visant un point plus élevé, elle allait pouvoir combler la distance de manière plus aisée. Elle arma donc le lance-pierre avant de relâcher la pression et de voir son projectile ne pas atteindre sa cible. Encore. Un poil trop à droite cette fois-ci, mais la longueur était la bonne. Etant quelqu'un de méticuleux, il fallait souvent un petit moment pour qu'Eddie atteigne ses objectifs, mais une fois que quelque chose faisait partie de ce qu'elle savait faire, elle y avait accès en permanence.

« Décidemment... Je vais finir par y arriver, t'inquiètes. A toi donc. Tu viens d'où sinon ? »

Décidant que ce jeu pouvait aussi leur permettre de faire connaissance, Edelweiss s'était décidée à poser quelques questions. Après tout, ils allaient probablement être amenés à se croiser dans l'Institut, voir à suivre quelques cours ensembles. Autant commencer dès maintenant.

Lorsqu’elle sut le prix annoncé, elle dit :
- Oh, ça semble fort intéressant. J'ai tout intérêt à gagner alors. Par contre je ne sais pas quoi te faire gagner. A part peut-être une petite sculpture de glace, mais ça sera totalement éphémère. »

Il aurait bien voulu une sphère de glace, c’est une arme bien contondante quand on en a besoin et qu’il y a de l’eau aux alentours. Il ne lui demanderait que si il gagnait. Et puis, c’était quoi son pouvoir ? Il savait qu’elle savait sculpter, mais c’est peut-être pas son don.

Pour le moment, elle visa et tira de nouveau, ratant de trop par la droite, mais à la bonne hauteur et au bon angle. Elle s’améliorait tranquillement, ce qu’il appréciait. Il n’aurait pas voulu battre quelqu’un qui n’est pas capable de se défendre, c’est comme donner des coups de pieds à quelqu’un qui est à terre, il n’y a aucun intérêt.

« Décidemment... Je vais finir par y arriver, t'inquiètes. A toi donc. Tu viens d'où sinon ? »

Elle transformait ce petit exercice en conversation, ce qui n’était pas bête. Ils pourraient parler de tout et de rien, mais la question posée le titillait un peu. Il n’aimait pas vraiment parler de son passé, plus précisément de où il venait, mais bon, il décida de répondre quand même, sans aller dans les détails.

De Californie, et toi ?

Il reprit son arme, visa et tira. Partant en ligne presque droite, il toucha le pont du vaisseau, ne faisant qu’un ricochet avant d’atterrir dans l’herbe. Il aurait dû tirer plus bas ou viser une autre partie de l’embarcation, mais c’était maintenant le tour de la demoiselle à agir. Il se sentit un peu paresseux de laisser la jeune femme diriger la conversation et enchaina avec une question à son tour.

Et toi, ça fait longtemps que tu es à cette école ?

« De Californie et toi ?
- De Californie ? J'ai un cousin qui habite à Oakland. Bon, je le vois pas vraiment souvent, mais j'y ai été quelques fois. C'est plutôt peuplé... J'suis pas très fan des grandes villes. J'ai grandi dans le Wyoming, mais je vais éviter de te donner le nom de la ville, je doute que tu connaisses tellement c'est désertique. Rit-elle, se moquant allègrement de sa campagne natale. On a déménagé dans l'Illinois quand j'avais dix ans, donc je me rappelle pas vraiment du Niobrara, mais je sais que c'était sympa. »

Lorsqu'elle se rendit compte qu'elle parlait peut-être un peu trop, elle préféra se taire. Après tout, enchaîner les monologues n'étaient pas franchement le meilleur moyen de parler avec quelqu'un. Surtout lorsque l'on venait de rencontrer ledit quelqu'un. Edelweiss vit le projectile que venait de lancer Andrew ricocher sur le pont de son embarcation. D'un rapide coup d'oeil, elle vérifia les potentiels dégâts que pouvait avoir subi son bateau, et fut rassuré en voyant que seul un éclat de glacé avait abandonné la construction. Elle eut un léger soupir de soulagement. Même si elle n'était pas spécialement une compétitrice dans l'âme, elle avait été éduquée dans l'amour de la gagne, et elle ne se voyait donc pas perdre ce combat. Tout aussi spécial était-il.

« Et toi ça fait longtemps que tu es à cette école ?
- Oh, quelques années maintenant. Depuis cinq ans maintenant. J'ai fini le collège, fait tout le lycée et ma première année de fac en étant à l'Institut. Tu es encore scolarisé ? Tu vas suivre des cours à côté de la formation mutante ? »

Curiosité maladive quand tu nous tiens... Edelweiss était tout à fait le genre de personne à vouloir tout savoir, tout connaître. Sa mémoire lui permettait de pouvoir retenir une quantité affreusement volumineuse d'informations, donc elle pouvait se permettre de se renseigner sans cesse et de ressortir ensuite ce qu'elle avait appris. Elle était bien loin de ces commères habituelles, elle aimait savoir uniquement parce qu'elle savait qu'elle savait, et que ça lui plaisait. Vous avez suivi ? Pas évident n'est-ce pas.

Eddie se saisit d'une petite pierre qu'elle plaça à nouveau dans son arme. Elle allait devoir toucher. Il fallait qu'elle y arrive. Elle tendit l'élastique, inspirant profondément, avant de commencer à viser. Elle avait bien compris que sa précédente erreur venait du même défaut qui l'avait fait perdre de nombreuses fois lorsqu'elle jouait au billard avec ses frères aînés. Le coude. Tout venait du coude. Elle avança un poil son épaule gauche, et lâcha le projectile qui fila à toute allure vers le bateau adverse. Un « tac » se fit entendre, signifiant que la glace avait bel et bien été touchée. Edelweiss retint un cri de joie, après tout, ce n'était que le premier pas vers une potentielle victoire. L'embarcation adverse n'était pas trouée, seul un éclat de glace sur l'avant de la coque avait quitté le navire.

« Et ça fait longtemps que tu maîtrises ton pouvoir ? Pour faire des trucs aussi complexes ça doit faire un petit moment. »

La demoiselle n’était pas nouvelle, cinq ans d’ancienneté pour être plus précis. Elle avait bien des années de scolarité d’avance sur le jeune homme. Non seulement ça, mais elle suivait sa formation normale tout en suivant la formation mutante. Andrew en avait des frissons rien que d’y penser : il n’aimait vraiment pas l’école. S’assoir devant un bureau durant des heures à fixer un bout de papier l’ennuyait pour mourir. Il préférait et de loin les travaux pratiques, le sport et ce genre de choses.

Na, j’ai arrêté l’école il y a un bon bout de temps … Pas exactement par choix, mais je préfèrerais ne pas en parler.

Il repensait au moment où il avait poignardé son père dans la cuisse. Il secoua la tête pour enlever ces pensées de sa tête, puis se concentra vers la discussion en cours.

Je sais pas, des cours où je suis assis six heures par jour à un pupitre à fixer une feuille de papier ça m’endort. Je préfère les activités qui demandent plus d’énergie. Activités physiques ou projets concrets.

Le projectile lancé d’Edelweiss percuta violemment le bateau du jeune homme, arrachant un petit morceau de glace, de petites craques commençant à se former à partir de l’impact. Le bateau tiendrait le coup encore un bon moment, c’est de la glace après tout, ça flotte. Il prit lui aussi son lance-pierre, y mit une munition, visa et tira. La roche alla percuter le mât de plein fouet, le laissant tomber dans l’eau. Elle ne perdit pas grand-chose, en fait, elle gagnait peut-être un peu de stabilité avec tout ce ballant en moins.

« Et ça fait longtemps que tu maîtrises ton pouvoir ? Pour faire des trucs aussi complexes ça doit faire un petit moment. »

On ne peut pas vraiment dire que je maitrise mon pouvoir. La partie la plus dure est d’analyser les objets. Plus le matériau est unique ou plus l’objet est compliqué, plus ça prendra de temps. La technologie est un domaine qui m’est plus étranger. Le bateau où nous nous trouvons n’est qu’un morceau de glace. Un seul matériel très commun avec une forme définie n’est pas ce qu’on pourrait appeler difficile.

Donc, il y a pas exactement de difficulté à utiliser mon pouvoir. Je ne peux pas « manquer » une copie d’un objet, ça me prend juste plus de temps. Par contre, je ne peux faire qu’une copie exacte d’objets déjà touchés. Je ne peux donc pas créer un autre bateau de glace que celui-ci.

Parlant de pouvoirs, quel est le tien ?

« Na, j’ai arrêté l’école il y a un bon bout de temps … Pas exactement par choix, mais je préfèrerais ne pas en parler. »

Edelweiss ne put s'empêcher de grimacer légèrement. Vu la distance qui les séparait, elle ne pouvait être sûre d'être passée inaperçue, mais elle l'espérait quand même. Elle détestait ce genre de sentiment. Celui qui vous donnait l'impression d'avoir une voix qui venait vous chuchoter à l'oreille « Tu vois, tu viens de lancer un sujet qui fâche », ou encore « C'est encore toi qui vient faire ressortir les souvenirs douloureux ». C'était ce que ses amis et membres de sa famille avait appelé la « Eddie Condition ». Comment expliquer cela... C'était à la fois sa maladresse qui n'était plus à prouver, le mal qu'elle avait à sentir les ambiances et donc, à faire des impairs, la facilité avec laquelle elle pouvait poser toutes les questions les plus gênantes et, ou, embarrassantes... Voilà ce qu'était la « Eddie Condition ».

Alors qu'Andrew lui expliquait, en gros, que la théorie n'était pas son fort, Eddie laissa un sourire s'installer sur son visage. Pour elle, c'était tout l'inverse. Elle prenait un grand plaisir à rester assise de longues heures durant, à écouter parler quelqu'un qui avait des connaissances poussées dans un domaine. Elle trouvait la notion même d'apprentissage presque jouissive. La théorie, pour elle, c'était indispensable. Elle aimait apprendre. Elle aimait lire. Elle aimait comprendre. Ainsi, elle pouvait passer des heures et des heures enfermée dans une salle de classe sans aucun problème, prenant des notes à toute allure. Même si en soi elle n'avait pas besoin de relire pour avoir assimilé.

Vint ensuite le tir de son camarade. Edelweiss ne vit pas arriver le projectile qui vint percuter son mât et le faire choir. Par contre, elle entendit clairement le craquement typique de la glace et se restreignit pour éviter d'utiliser son don pour se protéger. Non pas qu'elle souhaitait le cacher, mais elle préférait éviter de l'exposer trop souvent. Une question d'habitude qui ne l'avait plus quitté dès lors que son père avait vu ce qu'elle pouvait faire avec de l'eau. Elle se contenta, par réflexe plus qu'autre chose, de lever les mains au-dessus de la tête. Bien que c'était inutile vu que le mât tomba de l'autre côté du bateau. La jeune fille ne put retenir un léger éclat de rire.

« Mais tes tirs sont vachement dangereux en fait ! »

Amusée, elle jeta un coup d'oeil derrière elle, observa le tube de glace flotter à la surface du lac. Elle attrapa un caillou à nouveau, arma son tir pour tenter de toucher à peu prés au même endroit, et lâcha le tout. Le rire n'était pas le meilleur des moyens pour parvenir à garder sa concentration. L'attaque qu'elle voulait placée assez proche du précédent impact, avait finalement été déviée jusqu'à la voile qui trônait en haut du mât de son camarade. Elle claqua de la langue, mécontente de son tir. Ce genre de truc de servait à rien dans le but de leur combat. C'était pas un trou dans de la toile qui allait l'aider à couler le bateau d'Andrew.

« Mon pouvoir ? Je maîtrise l'eau. Enfin... C'est un peu plus compliqué que ça... Mais on va faire simple. Je peux manipuler l'eau et la transformer en glace si le besoin s'en fait sentir. Mais j'suis encore une quiche à ce niveau-là. Je m'entraîne dur pour parvenir à effectuer le changement en glace sans problème, mais je suis encore lente. »

Elle eut un petit sourire gêné, avant d'effectuer une petite démonstration, tendant la main vers l'eau pour en tirer un serpentin aqueux qui se mouvait selon ses désirs avant qu'elle ne décide de le laisser retourner au lac.

« Je sais que tu ne veux pas parlé de ton passé, mais, vu que ça fait un moment que tu as découvert ton don... Enfin... Pourquoi tu n'est pas venu plus tôt à l'Institut ? »

Aussitôt qu'elle eut prononcé ces mots, Edelweiss se retint de ne pas se frapper le front. Elle n'arrivait jamais à s'en empêcher, et ce, même lorsqu'elle savait qu'il ne le fallait pas. Son cerveau lui envoyait tous les signaux « Terrain Miné », mais c'était plus fort qu'elle. Eddie Condition, vous vous rappelez ?

La jeune fille fût surprise par la force de l’impact qui éclata le mât de son bateau. Tentant de se protéger de l’impact avec son bras, elle réalisa vite que l’objet ne tombait pas sur elle, bien au contraire. La surprise passée, elle eut un petit rire en déclarant :

« Mais tes tirs sont vachement dangereux en fait ! »

Elle examina le mât tombé derrière elle, puis remit son attention vers le jeune homme. Elle prit son lance-pierre et envoya un projectile qui alla se perdre dans la voile du navire d’Andrew. Ce n’était pas ce qui allait faire couler l’embarcation, mais il voyait déjà quelques fissures s’étendre de la zone d’impact. C’était de la glace après tout, ça ne pouvait résister à tous.

Puis il apprit le p0uvoir d’Eddie : manipuler l’eau. Voilà pourquoi elle semblait si intriguée par l’embarcation de glace. Elle pensait probablement que le jeune homme était un cryogéniste ou ayant un pouvoir similaire au sien. L’on se pense souvent seul ayant un don spécial. Même dans un institut bondé de ce genre de gens, l’on peut avoir de la misère à trouver sa place. Elle devait être un peu déçue de cela, mais avec le temps, qui sait ? Elle venait peut-être de se faire un nouvel ami.

Elle ajouta ensuite qu’elle avait de la misère avec le côté glace de son pouvoir. Elle se disait encore lente avec la transformation solide. Faisant une démonstration de ses dons, créant un petit serpentin d’eau sorti du lac avant de le remettre dans son habitat naturel.

Apparemment gênée, elle offrit un petit sourire avant de poser une question :

« Je sais que tu ne veux pas parler de ton passé, mais, vu que ça fait un moment que tu as découvert ton don... Enfin... Pourquoi tu n'es pas venu plus tôt à l'Institut ? »

Une aiguille sembla se planter dans le cœur du jeune homme à l’annonce de cette question. Pourquoi fallait-il qu’elle se questionne sur cette partie de la vie d’Andrew ? Il ne voulait pas en parler, il voulait l’oublier, l’enfouir au plus profond de lui-même et se dire que ce n’était jamais passé. Il n’y avait rien entre son enfance et sa rencontre avec Deadpool, RIEN !

Une vague de rage s’empara du jeune homme. Mais pourquoi elle ne se mêlait pas de ses affaires ? Regardant la jeune fille d’un air enragé, il laissa sortir un grognement. Il savait déjà ce qu’il allait faire. Il allait prendre le bois, puis copier un javeline avant d’empaler la cruche qui en demandait trop.

Il avança d’un pas, manipulant déjà le bois, puis regarda vers l’abime aqueuse, offrant le reflet du jeune homme. Il ne vu pas un homme ni un mutant, il ne vu qu’un monstre de haine et de colère. L’arme de bois déjà formée tomba, puis alla se ficher dans le bateau d’Andrew, créant quelques fissures. Le mutant arracha le morceau de bois à son socle avant de le lancer de toutes ses forces vers sa réflexion.

Il tomba ensuite à genoux, pleurant, se demandant ce qu’il avait fait pour mériter tout ça. Il avait erré dans la ville des années avant de rencontrer son héros qui l’avait amené lui-même à sa nouvelle maison. Et quelle était la première chose qu’il faisait arrivé là, un endroit fait pour lui ? Il petait les plombs pour une simple question posée par une jeune demoiselle.

Enlevant son vidage de ses mains, il regarda vers l’avant, une jeune fille encore debout sur son bateau. Comment pouvait-il encore lui parler quand quelques secondes plus tôt, il pensait à la tuer. Il se retourna puis marcha jusqu’à l’extrémité de son embarcation, prêt à sauter et s’enfuir. Il dit à son interlocutrice :

Désolé.

Les tabous. C'était peut-être un des thèmes qu'Edelweiss trouvait les plus intéressants. Non pas les tabous instaurés par la société, trop simple d'explication. Il s'agissait dans la majorité des cas d'une incompréhension ou d'une crainte qui entraînait une impossibilité d'acceptation. Moins on en parlait, moins cette « vérité » existait. Une réaction relativement basique et qui démontrait bien la non-évolution de la société américaine. Mais ce qui intéressait bien plus notre chère Eddie, c'était bien les tabous que se créaient les gens. Ces tabous qui n'étaient pas créés par la société mais par l'unicité. Une expérience, un évènement, des propos, des actes... Il y avait tellement de sources à ces blocages que les gens plaçaient entre eux et les autres. Sa mère étant une grande sociologue, lui avait enseignée beaucoup de concepts qu'elle aimait à étudier avec les gens qu'elle connaissait. C'était d'ailleurs pour cela qu'Edelweiss préférait ne jamais rester trop longtemps sur des faits passés. Elle préférait tourner la page, ne pas voir son présent entaché par ce qu'elle avait pu vivre.

Mais ce n'était pas le cas de tous. Bien au contraire. Et celle que l'on appelait Niflheim aurait du voir les signes. Ces signes qu'elle connaissait bien pour les avoir souvent vu sur le visage de sa soeur lorsque cette dernière souhaitait tant cacher quelque chose, ou du moins, ne pas être questionnée dessus. Était-ce l'ambiance du jeu, la petite pression de la compétition... Quelque chose l'avait probablement troublée pour qu'elle passe ainsi au travers d'une si simple constatation. Elle aurait du sentir que ce sujet n'était pas simplement un sujet qu'Andrew souhaitait éviter, mais bel et bien d'un tabou pour lui. Et elle le savait, chercher à comprendre l'origine d'un tabou aussi personnel tenait du suicide. Oh, pas un suicide physique, mais plutôt un suicide social. Le genre de suicide qui empêche de parler à nouveau avec la personne interrogée. Mais la réaction d'Andrew dépassait clairement ce qu'elle aurait un jour pu imaginer.

Une rage folle sembla saisir le corps d'Andrew. Malgré la distance, il semblait à Edelweiss que chaque pore de son être transpirait haine et colère. C'était effrayant. Elle avait eu l'occasion de voir des gens qui pétaient les plombs. Mais là, il semblait qu'une toute nouvelle dimension s'ouvrait rien qu'en observant l'homme. Une seule pensée traversa l'esprit d'Eddie : « Il est fou. Il va me tuer. ». Et c'était probablement ce qu'il s'apprêtait à faire. Il était en train de former ce qui semblait être un espèce de javelot. Il comptait vraiment l'empaler ? Sans même faire attention à ce qu'elle faisait, sous la crainte qu'elle ressentait, Edelweiss pouvait sentir l'eau caresser sa peau. Comme une défense naturelle, de nombreux serpentins aqueux venaient s'enrouler autour d'elle, protégeant son corps de toute possible attaque. Oh, bien entendu, l'eau en elle-même n'aurait su la protéger d'un tel choc, mais elle savait parfaitement que la transformation en glace le pourrait. Ce n'était pas elle qui maîtrisait tout cela, c'était comme si l'eau refusait de la laisser se blesser.

Puis soudain, la surprise saisit l'hydrokinésiste. A tel point que l'eau qui circulait autour de son corps retomba sur la structure de glace qui tenait encore. Face à elle, Andrew était à genoux, tout son être secoué de sanglots. La jeune fille monta inconsciemment la main droite devant la bouche alors qu'elle se mordait la lèvre inférieure. Elle était peut-être trop sensible, mais voir quelqu'un pleurer était quelque chose qui lui était insupportable. Non pas dans le sens « agaçant » du terme, mais dans le sens « qu'elle ne pouvait supporter ». Voir quelqu'un à ce point dévasté par son propre passé était tellement touchant... Elle sauta sur la berge, avançant vers le jeune garçon. C'est à ce moment-là qu'il se leva pour, apparemment, fuir, tout en s'excusant. En un bond elle se trouva derrière lui.

« Non Andrew. C'est moi qui m'excuse. Je n'aurai jamais du poser cette question. Je suis désolée. J'ai tendance à m'occuper de ce qui ne me regarde pas. Si tu ne veux pas en parler, promis, je ne te demanderai rien. J'aurai du le comprendre tout à l'heure, j'aurai du le voir avant. Je suis vraiment, vraiment désolée. »

Malgré le ton assez sûr qu'elle pouvait employer, elle restait tout de même un ou deux pas en arrière d'Andrew. Juste au cas où. L'eau n'était pas loin, elle savait qu'elle allait pouvoir se protéger en cas de besoin, mais elle avait aussi eu l'occasion de voir le côté sombre du jeune homme, et elle avait aussi pu voir qu'il n'y avait pas vraiment de moment de transition entre les deux. C'était une simple protection. Une simple protection. C'était du moins ce dont elle essayait de se convaincre.

Non seulement son interlocutrice n’était pas fâchée de s’être fait menacer d’un javelot, mais c’était maintenant elle qui s’excusait d’avoir posé la question à la source des hostilités. Maintenant derrière lui, elle semblait attendre une réponse d’Andrew. Le jeune homme ne savait quoi répondre. Après tout, il avait réagi aussi violemment pour une simple question. Elle ne pouvait pas savoir que ce souvenir pouvait être aussi douloureux ou qu’Andrew allait réagir de la sorte.

Il s’assit sur le bord du bateau et dit d’un air mélancolique :

J’ai poignardé mon père dans la jambe et je me suis enfui. Je … J’ai …

Ces mots étaient partis tout seul, en même temps qu’une larme coulait sur sa joue. Il ne savait pas pourquoi il venait de se confier à elle. Peut-être parce que c’était la première personne qui s’intéréssait à son passé depuis qu’il s’était enfui de la maison. C’était en fait la deuxième personne qui engageait une conversation avec lui depuis bien longtemps. La première étant Deadpool.

Regardant le boisé plus loin, il se rappelait ce qui s’était passé. Dans un excès de rage, il avait matérialisé un couteau de cuisine et avait poignardé son père dans la jambe avant de s’enfuir. Il n’avait pas pensé à vérifier si son père se portait bien ou comment il avait pris l’assaut. Cela faisait des années qu’il errait dans la ville de New-York, si loin de sa maison, à se demander quoi faire de sa peau.

Il avait finalement trouvé tuteur en la personne de Deadpool et un nouveau chez-soi à l’institut, et en quelques minutes, il avait l’impression que son monde s’écroulait à nouveau. Il ne voulait pas partir et se trouver un nouvel endroit, surtout que maintenant, il allait être en compagnie des siens.

Je me suis enfui, je n’avais pas le courage d’affronter mes parents, affronter mes gestes. Je ne savais plus qui ou qu’est-ce que j’étais.

Prenant de nouveau une pause pour étouffer un sanglot, il continua.

Avec le temps, j’ai appris que j’étais un mutant. J’ai erré quelques années, allant de ville en ville, jusqu’à ce que j’arrive à New York. Je me suis inscrit ici, dans l’espoir de faire quelque chose de ma peau.

J’ai l’impression que mes plans viennent …
Il eut un petit rire nerveux
… de tomber à l’eau.