Au regard du levant [PV Samuele Lupo]

C'est dans une sensation de chute qu'Edelweiss se réveilla. Un peu plus qu'une sensation d'ailleurs, puisqu'une douleur vint s'ajouter à son réveil lorsqu'elle atteignit le sol en un son sourd. Oui. C'était tout elle ça. Un long soupir d'extirpa de ses lèvres. Non pas qu'elle était déçue de voir sa nuitée raccourcie - elle avait l'habitude de se lever bien avant ses camarades - mais il s'agissait surtout qu'elle commençait à se lasser de sa propre maladresse congénitale. Un nombre de bleu assez affolant s'étalait sur ses jambes par exemple. C'était la faute aux commodes, aux chaises et aux bancs du parc de l'Institut ça. Bon, depuis quelques semaines, les incidents du genre « Je suis une tête en l'air et je le prouve tous les jours » devenaient plus rares. Mais rare ne voulait malheureusement pas dire inexistants.

Un léger froissement de tissu vint rompre le silence. Puis plus rien durant un instant, avant que quelques bruits de pas ne viennent à leur tour perturber le calme de la pièce. La nuit venait tout juste de lever son voile d'obscurité et l'on pouvait apercevoir à travers les zébrures des volets d'une modernité à couper le souffle, quelques timides rayons lumineux. Replaçant dans la pénombre, le drap sur le lit, Edelweiss se faufila alors jusqu'à une armoire dans laquelle elle se saisit d'un long gilet fluide aux couleurs manifestement sombres. Elle estimait l'heure à quelque chose comme six heure, et les matinées à l'Institut pouvaient être froides. Surtout que, si son sens ne la trompait pas, il avait plu durant la nuit.

A pas de loup, la mutante quitta la chambre et se glissa dans le couloir. Il n'y avait pas - ou du moins, pas à sa connaissance - d'horaire minimale pour se lever, ainsi, elle se décida pour un petit tour à l'extérieur, histoire de profiter un peu de la fraîcheur matinale. Fraîcheur qui disparaîtrait rapidement dès que le soleil se montrerait un peu plus, et qui, comme à chaque fois, finirait par faire rentrer Edelweiss qui n'appréciait que peu les journées d'été trop chaudes. L'Institut était un véritable dédale de couloirs pour qui ne le connaissait pas. Mais Edelweiss avait rapidement su repérer les principaux moyens de sortir, de se rendre au gymnase ou à la salle des dangers, ainsi qu'aux lieux importants tels que la bibliothèque ou, indispensable, la cuisine.

« Ah ben ouais, ça a pas fait semblant... »

Resserrant par réflexe plus que par véritable besoin, le gilet autour d'elle, l'étudiante avançant sur la terrasse de l'Institut, et observant au passage les nombreuses flaques d'eau trouant le parc qui s'étendait aux alentours. Il avait manifestement fait un peu plus que simplement « pleuvoir ». Il avait été question d'une véritable tempête. Edelweiss ne put s'empêcher de sourire en imaginant les gens se cacher sous leurs imperméables, tentant de passer entre les gouttes. Ils n'avaient aucune chance. Elle se demanda alors s'il pouvait lui être possible à elle, elle qui maîtrisait l'eau, de les éloigner de sa personne lorsqu'une averse éclatait. Elle se jura d'essayer alors que ses pas la menaient jusqu'au bois.

Elle n'avait pas vraiment besoin de réfléchir, et savait déjà où elle allait intuitivement. C'était un peu comme son petit coin tranquille, le seul endroit de l'Institut où elle n'avait encore vu personne. Puis c'était aussi un endroit où elle pouvait utiliser discrètement son don sans avoir à trop se fatiguer. Le bois était grand, certes pas gigantesque, mais assez volumineux pour cacher en son sein une mare dans laquelle quelques poissons semblaient avoir trouvé refuge. Habituellement, elle aurait été jusqu'à tremper les pieds dans l'eau. Mais la température extérieure le lui déconseillait. Elle pouvait faire preuve de courage et de vaillance. Mais elle n'était pas vraiment partante pour les missions type « commando-suicide ».

« Il faudra que je ramène le livre sur les pouvoirs des télékinésistes à la bibliothèque dans la journée. Songea-t-elle, avant de froncer les sourcils. Et que j'emprunte celui sur les différents types de télékinésies tiens. Ils pourraient se compléter. »

Distraitement, elle s'installa contre un arbre. Elle leva légèrement la tête, décidant de profiter du calme ambiant tout en observant la fin du lever du soleil qui donnait aux feuillages une pléiade de couleurs chatoyantes.

Les nuits d’été étaient difficiles pour Samuele. Lui qui ne supportait pas le temps de cette période de l’année n’arrivait que très rarement a dormir. Il se sentait suffoquer souvent à cause de la chaleur, il avait du mal à rester en place et ne trouvait d’autres moyens pour pallier à ces problèmes que de sortir dans les bois de l’institut. A vrai dire, cet endroit était pour lui une source d’inspiration pour ses textes, et ses dessins, et bien souvent il s’y cachait pendant son temps libre, ou entre deux entrainements pour rester au calme et penser… oui penser comme quelqu’un qui avait besoin de s’évader pour ne pas oublier d’où il venait, qui il était et ce qu’il était devenu. Samuele était souvent considéré comme trop gentil et trop altruiste, presque « perché » par rapport a certains de l’institut, mais il avait cette âme d’artiste qui faisait de lui un être apprécié d’un bon nombre, pour son ouverture d’esprit et sa fâcheuse tendance a aider les autres, a les soutenir et a les pousser vers l’avant. (Bien souvent a ses dépends)

Ce matin là, il avait encore été victime d’une insomnie, chose qui devenait de plus en plus courante ces derniers temps. Il avait alors décidé sans hésiter à prendre ses affaires, les plus moches qui soient, pour se rendre dans les bois, comme d’habitude, pour tenter de voir le lever du soleil. C’était en quelque sorte son but depuis quelques mois : il ne se levait jamais assez tôt pour le voir, ou alors quand c’était le cas, il n’était pas au bon endroit au bon moment. En clair, il loupait ce qu’il cherchait et se retrouvait donc a devoir retarder le moment, en se promettant chaque fois que le lendemain serait jour de gloire. Son téléphone dans une poche et rien d’autre sur lui que ses vêtements il sortit de l’institut en passant par la terrasse et se rendit dans les bois, avec ferveur et assurance, en se promettant que cette fois ci il allait pouvoir observer le soleil levant.

Il écrasait les branches, et foulait le sol mouillé, en aplatissant la mousse humide pour chercher un endroit sympathique qui pourrait lui permettre d’avoir la meilleure vue. Mais rien ne semblait lui convenir, alors au bout d’une dizaine de minutes, et décida de monter dans l’un des arbres et s’installa a mi hauteur pour bénéficier finalement d’une vue magistrale sur le soleil qui commençait à se lever, doucement mais surement. Il priait presque pour que personne ne vienne interrompre ce moment, parce qu’il aurait été contrait de reporter à nouveau ce moment. Il serait alors retourner se coucher pour terminer sa nuit, parce qu’en cette journée, rien de bien particulier n’était prévu dans son emploi du temps.

Mais un léger bruit se fit entendre et son détecteur de gène X se mit en marche, au bas de son arbre, celui sur lequel il était perché : une jeune fille brune venait de s’installer a ses pieds et semblait contempler également le moment d’une délicatesse avancée. Il le laissa alors quelques instants contempler le ciel une dernière fois et finit par lui adresser la parole en espérant ne pas trop l’effrayer… entendre une vois venant du ciel n’était pas forcément rassurant surtout aux alentours de 6h du matin.

- Hello !

Il était accroupi sur une branche assez épaisse, a environ 3 mètres de hauteur au dessus de la jeune fille. Si elle ne l’avait pas vu en arrivant, c’était qu’il avait été silencieux comme a son habitude. Mais elle était bien de l’institut, l’empreinte de son gène X le confirmait. Il commença cependant à entreprendre sa descente du perchoir pour aller la rejoindre. Dans tous les cas, soit ils feraient connaissance tous les deux, sois il la laisserait tranquille et irait se recoucher sagement : il n’était pas d’humeur a s’imposer aujourd’hui, mais juste aujourd’hui.

Assise au pied de son arbre, Edelweiss profitait du calme ambiant. C'était peut-être ce qui l'attirait le plus dans le bois de l'Institut. Le calme. La tranquillité. La sérénité. Très différent de l'image que l'on pouvait se faire d'une forêt. Il fallait avouer que les années Harry Potter étaient passées par là, et, évidemment, dès lors que l'on commençait à parler de bosquet, les gens commençaient à imaginer des trolls, araignées géantes et autres joyeusetés. A l'Institut Xavier, on était bien loin de cela. Il s'agissait véritablement d'un coin de détente et d'apaisement. Et dans des matinées comme celles-ci, on pouvait entendre un oiseau chanter, voir des feuilles frémirent sous le déplacement d'un lézard, percevoir la présence d'un furet... Et c'était ça, qu'Edelweiss aimait par-dessus tout. Le contact avec une certaine simplicité et une paix tout aussi certaine. Paix qui n'existait plus une fois passée la lisière.

Bon, évidemment, elle appréciait tout autant la mare. C'était pour elle, comme un retour aux sources. Elle avait grandi les pieds dans le lac du Michigan, dont une partie des rives appartenait à la famille de sa mère. Elle ne pouvait s'imaginer vivre sans cette présence de l'eau tant dans ses souvenirs que dans son présent. Elle pensait souvent que son pouvoir reflétait cette omniprésence de l'eau dans son enfance. Comme si son gène X s'était adapté à sa vie quotidienne avant de se déclarer. C'était son petit avis, sa petite théorie qu'elle aimait à garder pour elle. Après tout, l'origine même de son don ne l'intéressait pas tant que cela. Ses débuts de maîtrise un peu chaotiques lui avaient fait l'effet d'une douche froide quelques années auparavant.

Toujours était-il qu'Eddie se trouvait dans le bois, prenant un malin plaisir à observer les rayons du soleil qui perçait à travers le feuillage abondant des arbres, et venaient se refléter sur la surface tranquille de la mare. Elle s'appuya un peu plus contre le tronc, pas vraiment gênée par la dureté du matériau contre son dos. Ce n'était pas une grande flemmarde, mais elle aimait prendre le temps de ne rien faire... Oui, c'était une des définitions de la flemmardise. Oublions ce détail, et contentons-nous de dire qu'il était plutôt question de savoir faire des pauses lorsque le besoin s'en faisait sentir.

« Hello ! »

Un violent sursaut prit la mutante qui se retrouva en quelques secondes à peine debout, à quelques pas de l'arbre qui la soutenait quelques instants auparavant seulement. Totalement prise au dépourvu qu'elle était, elle avait mis quelques instants à appuyer correctement ses appuis, avant de se rendre que la voix venait de plus haut. Edelweiss releva la tête, apercevant un homme installé sur une branche, quelques mètres au-dessus de sa tête. Ils étaient à l'Institut. Il devait donc s'agir d'un mutant. Depuis l'incident à Mutant Town, la sécurité avait été renforcée, il devait donc s'agir d'un élève ou d'un résident. Alors qu'il descendait de son perchoir, Eddie se détendit.

« Bonsoir. Désolée, de ma réaction, je n'avais pas vu que vous étiez là. »

Légèrement gênée, la mutante eut un petit sourire maladroit. Son côté boulet avait encore une fois frappé. Ce n'était pas comme si elle y pouvait quelque chose en même temps. Elle avait du apprendre à réagir vite et bien. Et d'un point de vue « combat », elle avait eu la bonne réaction. S'éloigner du danger, se mettre en posture prête à attaquer, la main droite légèrement orientée vers l'eau de la mare pour l'utiliser si le besoin s'en faisait sentir. Bon, finalement, ça n'avait servi à rien, et elle pensait s'être plus ridiculisée qu'autre chose. Rien de bien surprenant la concernant en fait.

« Je suis élève ici. Toi aussi ? C'est pas fréquent de voir des gens ici à cette heure. Ou alors ils sont tous planqués dans les arbres. C'est possible aussi. On sait jamais. Y'a des gens vraiment bizarres ici. Bon, y'en a des sains d'esprit aussi hein. Je dis ça parce que j'ai du mal avec les silences. Je parle trop là hein. Je parle carrément trop. Désolée. C'est à cause de tout à l'heure là. Quand je suis surprise je parle beaucoup. Beaucoup trop. »

Edelweiss se mordit la lèvre inférieure, se sentant un peu stupide sur le coup. Mais ce n'était pas quelque chose de surprenant pour elle. Dès lors qu'elle était nerveuse, stressée, surprise... Bref, sous l'effet de l'adrénaline, elle devenait extrêmement volubile. Quand elle atteignait un certain degré d'énervement aussi, elle pouvait partir dans de véritables logorrhées verbales, avec en bonus un volume vocal assez impressionnant. Elle était peut-être de taille relativement petite, mais la puissance de sa voix compensait pas mal lors de véritables disputes.

« Tu es dans cet arbre depuis longtemps ? »

Son « Hello » semblait l’avoir surprise et étonnamment, il se mit à sourire, tellement la situation était intrigante. Jamais il n’avait abordé une personne de cette manière, comme s’il s’était trouvé au bon endroit au bon moment, une histoire de Karma, de Destin… enfin toutes ces choses peu fiables selon lui mais auxquelles il croyait tout de même un peu. Descendant petit a petit et de branche en branche, il l’écouta parler a toute vitesse, enfilant les mots comme des perles sur un fil a une allure impressionnante, puis enfin arrivé au sol, il s’essuya les mains sur son jean un peu sale il fallait l’avouer, avant de lui tendre une main solide mais délicate a la fois :

- Je m’appelle Samuele et je suis bien élève a l’institut.

Une phrase directe et concise visant à la faire taire gentiment, et pour lui signifier qu’elle n’avait pas à angoisser d’être tombée dans cette embuscade assez marrante a son gout. Puis un silence se fit sentir quelques instants, et elle lui demanda combien de temps il était resté là haut, et il se mit à répondre en passant sa main sans sa nuque, a mi chemin entre le sommeil et la forme du matin, le bâillement manquant a l’appel.

- Ca doit faire quelques minutes que je suis là haut. A vrai dire je voulais vraiment voir le lever de soleil. A Chaque fois je me fais prendre par le temps et je le zappe de peu. En plus avec le temps qu’il a fait cette nuit, impossible de m’endormir correctement… enfin tout ca pour te dire qu’en fait je ne te surveillais pas ! Je ne t’avais jamais vu auparavant en fait. Tu as du arriver alors que j’étais déjà la haut, autrement je t’aurais déjà aperçue !

Il frotta a nouveau ses mains sur son pantalon, une sorte d’angoisse liée a une nouvelle rencontre, puis il se laissa tomber assis au pied de l’arbre en haut duquel il s’était perché. Il se mit en tailleurs et lui fit signe de s’asseoir en tapotant le sol mouillé, une sorte d’invitation improvisée à venir discuter un peu avec lui, en cette matinée qui semblait annoncer une journée longue et ennuyeuse. Il n’avait pas pour habitude de s’attarder sur de telles futilités, mais rencontrer une élève par hasard à cette heure ci du matin, surtout dans ce coin là, c’était un hasard heureux, une chance probablement. Il enchaina ensuite :

- A vrai dire je t’ai sentie arriver, je détecte les mutants, mais je suis resté silencieux pour te faire une petite blague. Je suis d’humeur taquine aujourd’hui, je suis désolé si j’ai pu à un moment ou a un autre te faire peur, ou t’effrayer, ce n’était pas mon intention.

C’était totalement vrai. Son caractère n’était pas du genre à s’adonner a de mauvaises blagues ni a de mauvaises intentions, jamais. Ou alors il n’en était pas conscient et souffrait lui-même de faire du mal aux autres. C’était un fait, et c’était Samuele, une de ces raisons pour lesquelles il était connu a l’institut par un grand nombre d’élèves, parce qu’il était sociable, et représentait bien souvent une épaule solide sur laquelle se reposer. Un peu en adéquation avec ses pouvoirs, il était un soutient pour pas mal de choses de la vie quotidienne, et c’était sur cet aspect qu’il jouait pour se frayer un petit chemin dans l’aventure des X-men. Un garçon simple, gentil et pas trop bête, c’était le minimum syndical qui représentait le jeune homme et il n’en était pas peu fier… il n’était surtout pas du genre à se vanter, la jeune fille s’en rendrait compte bien assez tôt, et de son plein grès.

« Je m'appelle Samuele et je suis bien élève à l'Institut. »

Edelweiss hocha légèrement la tête, signe qu'elle avait bel et bien entendu son camarade - elle pouvait désormais l'appeler comme cela vu qu'ils avaient, après tout, le même statut au sein de l'Institut. L'école n'était pas excessivement grande, mais le dédale de couloirs, de salles, et la diversité des lieux extérieurs étaient des éléments qui permettaient de rencontrer en permanence de nouvelles personnes. La mutante avait mis quelques temps avant de découvrir ce lieu. Il fallait avouer que pour se faufiler à travers les arbres sur une bonne petite distance, il ne fallait pas être très regardant sur sa tenue ou craindre ce qui pouvait se trouver ici. Là-dessus, Eddie avait un sacré avantage. Elle ne craignait pas de se salir. Ainsi, grâce à la pluie tombée dans la nuit, ses chaussures - de ces baskets qu'elle mettait toujours pour traîner - allaient étaient bonnes pour un bon passage en machine lorsqu'elle rentrerait dans le bâtiment même. Elle nota d'ailleurs que grimper dans les hautes branches n'était pas fait pour conserver la propreté de ses affaires en voyant Samuele s'épousseter.

« Ca doit faire quelques minutes que je suis là haut. A vrai dire je voulais vraiment voir le lever de soleil. A Chaque fois je me fais prendre par le temps et je le zappe de peu. En plus avec le temps qu’il a fait cette nuit, impossible de m’endormir correctement… enfin tout ca pour te dire qu’en fait je ne te surveillais pas ! Je ne t’avais jamais vu auparavant en fait. Tu as du arriver alors que j’étais déjà la haut, autrement je t’aurais déjà aperçue !
- Le lever de soleil ? Il vaut mieux attendre l'hiver, le soleil se lève plus tard donc tu peux profiter un peu plus de ta nuit. Remarqua Edelweiss avec un petit sourire. Mais j'avoue que je te comprends. Les levers de soleil ici sont vraiment magnifiques. Les couchers sont un peu cachés par l'Institut, donc je viens moins souvent le soir. Mais vu que la mare est plutôt jolie et pas vraiment peuplée, je viens quand même. »

Edelweiss s'arrêta là, tentant de maîtriser sa logorrhée verbale. En voyant Samuele s'asseoir et lui faire signe de le rejoindre, elle hésita un instant, cherchant rapidement des yeux un endroit assez sec. Elle n'était pas particulièrement pudique sur son pouvoir. L'utiliser à la vue et au su de tous ne la gênait pas. Son statut de mutant n'était pas quelque chose qui la perturbait. Elle était passée au-dessus de la grosse remise en question qui avait agité sa première année en tant que titulaire du gène X. Pourtant, tout impudique qu'elle était, elle préféra éviter d'assécher une zone comme ça, devant quelqu'un qu'elle venait de rencontrer. Elle s'installa donc face à Samuele, un peu sur la droite, sur un coin de terre relativement sèche.

« A vrai dire je t’ai sentie arriver, je détecte les mutants, mais je suis resté silencieux pour te faire une petite blague. Je suis d’humeur taquine aujourd’hui, je suis désolé si j’ai pu à un moment ou a un autre te faire peur, ou t’effrayer, ce n’était pas mon intention.
- Il n'y a pas de problèmes. C'est moi, quand je viens ici, je me déconnecte totalement, et un rien peut me surprendre. Tu détectes les mutants ? On ne doit pas facilement te surprendre toi alors. »

La jeune fille se laissa aller à rire un instant, portant par réflexe la main à sa bouche. S'il y avait bien quelque chose pour lequel Edelweiss était reconnue, autre que sa naïveté et sa maladresse bien entendu, c'était probablement pour sa grande capacité à l’auto-dérision. Non pas qu'elle n'était pas fière, ou que son égo approchait de la taille de l'Andorre, mais elle n'estimait pas que le rire était quelque chose qui pouvait devenir nuisible à ce qu'elle était vraiment. Après, tout dépendait de comment c'était fait. Samuele s'était avoué taquin, mais Eddie ne percevait pas de méchanceté dans sa façon d'être, et la moquerie n'avait pas percé dans son ton. Chose bien différente chez d'autres personnes que la mutante appréciait bien moins.

« Tu dois être plutôt perturbé ici du coup non ? Y'a genre dix mutants au mètre carré. Ton GPS intégré doit s'agiter en permanence. »

Le surprendre ? Il se mit a rire intérieurement, gentiment bien entendu et pensa a toutes ces fois où il avait pu sentir l’approche d’un de ses semblables et faire foirer les blagues stupides. Stupides mais qu’il pratiquait également, parce que c’était un garçon et qu’il était tout à fait comme une bonne partie des jeunes de ce pays. Il lui dit alors :

- Me surprendre, pas vraiment. A moins qu’un de ceux là soit capable de cacher sa présence, son gène X ! Je l’ai appris récemment que c’était sur ce gène particulièrement que j’avais de l’effet !

Il trifouilla les brindilles humides qui se tenaient entre ses jambes mises en tailleur, et regardait le sol tout en continuant sa conversation, calme et posée, comme il l’aurait souhaité de si bon matin. Il l’écoutait, sa façon de parler, ses mimiques, elle le faisait rire mais dans le bon sens, c’était une personne qu’il aimait écouter parler et qui l’intéressait, qui avait de la discussion, du flegme et il aimait ca. Elle devait probablement se sentir un minimum a l’aise dans cet institut pour être ce que lui voyait a cet instant T et il n’hésitai pas a tendre l’oreille pour apprendre a la connaitre et pour peut être s’en faire une amie, une vraie, pas comme ceux qui ne voyaient en lui qu’un outil de plus dans le chemin vers la puissance de leurs pouvoirs. Il se sentait sincère, comme 99% du temps, et il se voulait ainsi pour ne pas gâcher cette jolie matinée avec cette jolie rencontre improvisée qui ne lui déplaisait pas le moins du monde.

- En fait c’est un peu plus compliqué tu vois. Je détecte, certainement, mais je m’y suis fait. C’est comme t’habituer au chant des oiseaux le matin : au début tu te réveille puis après tu n’y fais plus attention. Là ou ca devient compliqué c’est que je dois continuellement le contrôler, parce que mon propre gène peut se synchroniser a celui des autres, ce qui fait que je copie les capacités des autres… temporairement… tu suis l’histoire ?

Se sentant perdu dans ses explications, il eut le reflexe de se mettre a genoux et de se place en sa direction en mimant une jauge avec ses bras, comme s’il mimait la queue d’un paon qui s’ouvrait. C’était comique à voir mais s’il voulait se connaitre lui-même, autant que les autres comprennent comment il fonctionnait. Il ajouta alors avec plus d’entrain :

- En gros… et je grossis vraiment les traits ! Je peux effacer l’empreinte de ton gène X, mais je peux aussi l’accentuer, ce qui veut dire que potentiellement tu peux être plus puissante que tu ne l’es d’habitude, et même parfois c’est dangereux, j’en ai fais les frais. Par contre, si je n’utilise pas ces capacités, je peux me retrouver en synchronisation avec ton gène X et donc copier son identité. Je peux bénéficier de tes mêmes capacités temporairement !

Les mains écartées comme les aiguilles d’une horloge, il imaginait avec un fou rire intérieur la tête que pouvait faire la jeune fille en ne comprenant rien à ce qu’il racontait. Une statue qui réfléchissait, a un moyen d’expliquer comment il fonctionnait et pourquoi il pouvait être potentiellement dangereux. Il ajouta en claquant ses mains sur ses genoux :

- Prend la base de 100% pour une situation normale. Je descends l’empreinte de ton gène à 0% et tu n’as plus tes pouvoirs, je la monte a 200% et tu es potentiellement très dangereuse. Mais à 100% je me synchronise ? Tu vois ? Donc je dois constamment être a 101% ou a 99% environ d’une part pour ne pas que tu sentes les effets de mes pouvoirs, enfin pas trop, et d’autre part pour pas copier n’importe quoi.

Il se laissa s’asseoir nonchalamment contre l’arbre en soufflant légèrement, non pas parce qu’il s’était ennuyé a tout expliqué, mais parce qu’il pensait qu’il avait enfin réussis à lui faire comprendre. Du moins c’était ce qu’il imaginait. Il agrippa une brindille tout en croisant ses jambes tendues et tout en arrachant les petites branches qui la composaient il ajoutait :

- Par contre je ne peux pas encore définir de quel pouvoir bénéficient ceux que je détecte. Toi par exemple c’est quoi ?

Affichant un large sourire, il souhaitait en apprendre plus à son sujet, et il sentait qu’une légère complicité se construisait entre eux. Enfin une personne qui semblait intéressée par ce qu’il racontait.

S'il y avait bien quelque chose qui pouvait rapprocher les gens, c'était le rire. L'avantage du rire, c'était de n'exister qu'à partir du moment où deux personnes - ou plus, c'était possible aussi, mais il valait mieux rire lorsqu'il y avait déjà quelqu'un avec soi, sinon c'était la meilleure solution pour passer pour un ou une tarée, mauvais plan pour se rapprocher des autres - étaient assez complices. Ou du moins, à partir du moment où lesdites personnes étaient à l'aise les unes avec les autres. Bon, il y avait aussi ce précepte qui annonçait joyeusement « femme qui rit, femme à moitié dans ton lit » et qui pouvait être inclus dans le pack « rions tous ensemble pour mieux s'entendre », mais mieux valait l'exclure. Ou du moins, dans le cas qui se présentait actuellement, il était à proscrire. Déjà, parce que, de base, Edelweiss était de base « bon public », mais parce qu'il n'y avait pas cette notion dans la conversation qui avait lieu. Samuele et Eddie semblaient plutôt bien s'entendre et être tout deux à l'aise, installés dans les bois.

La mutante vit alors son camarade s'animer pour lui expliquer une première fois ce qu'était vraiment son pouvoir. Pouvoir qui semblait assez compliqué à appréhender. La comparaison avec les oiseaux la fit d'ailleurs sourire. Elle se rappelait parfaitement son arrivée dans l'Illinois, à la villa familiale, après sa première enfance à la campagne. Les premières semaines avaient été difficiles, notamment le soir, pour s'endormir. La cause ? Le silence. C'était devenu tellement inhabituel pour Edelweiss de s'endormir sans que des bruits ne se fassent entendre toute la nuit durant. Les chevaux qui se trouvaient dans l'écurie attenante au ranch, les animaux sauvages qui venaient fureter aux alentours, les chouettes qui s'exprimaient, les oiseaux qui chantaient... Alors le silence... C'était vraiment perturbant.

« Je sais pas... Ouais ? »

Légèrement surprise, Edelweiss observa Samuele changer de position afin de, elle le supposait du moins, pour s'expliquer plus facilement. Les bras qui s'agitaient pour tenter de démontrer ses propos, les intonations qui se renforçaient pour montrer les points les plus importants... La jeune fille dut avouer qu'il avait tout d'un professeur en plein milieu d'un cours. Et il avait l'avantage d'enseigner quelque chose de bien plus intéressant que la plupart des enseignants qu'elle avait pu côtoyer en tant qu'élève. Les propos en eux-mêmes, illustrés par différentes formes que dessinait Samuele de ses mains, étaient assez clairs, mais Eddie n'avait pu empêcher sa mâchoire inférieure de choir légèrement, la laissant donc « bouche bée » comme on disait souvent. Il fallait bien dire que voir quelqu'un se démener autant pour faire comprendre son don n'était pas chose courante. Et la jeune fille trouvait ça assez surprenant, mais aussi, amusant. Un sourire finit par s'installer sur son visage, alors qu'elle riait intérieurement. L'explication avait été magistrale.

« Donc en fait, en ce moment... Commença-t-elle, plissant légèrement les yeux pour mettre au clair ce qu'elle allait dire. Tu es obligé soit d’annihiler légèrement mon pouvoir, soit de le renforcer, afin d'éviter de le copier... J'y suis ? Suis-je bonne élève ? »

Edelweiss pencha alors légèrement la tête sur le côté, taquine. Après tout, Samuele semblait comprendre et apprécier l'ironie, alors elle pouvait bien tenter un peu de taquinerie, n'est-ce pas ? Puis la complicité qu'elle sentait naître entre eux pouvait bien se trouver renforcer si elle agissait naturellement. Et naturellement, Eddie aimait taquiner, et acceptait de l'être. C'était quelque chose de rare ces derniers temps, de trouver des gens qui ne s'offusquaient pas de quelques petites piques lancées sans aucune méchanceté. Sa curiosité rassasiée, la mutante se mordilla la lèvre inférieure. Son pouvoir ? L'avantage de son don, c'était bien qu'il était simple à décrire.

« C'est assez simple en fait. Je peux manipuler l'eau. Genre, je peux faire des serpentins, tu sais, comme en gymnastique rythmique là. Je me balade en faisant des cabrioles et la flotte me suit. Bon, j'suis pas obligée de faire des cabrioles hein. C'est pour imager... Ah, et j'peux aussi modifier la structure des molécules d'eau, donc je peux modifier son état de liquide à solide. En gros, je peux transformer l'eau en glace. »

Quelques petites phrases, et hop, c'était bouclé. Il fallait avouer qu'avec un simple « je maîtrise l'eau », elle avait fait le tour de la question. Mais, comme toujours, volubile qu'elle était, elle n'avait pas pu s'en tenir à une seule phrase. Alors les détails qui servaient à rien, les images qui n'imageaient pas vraiment... Tout ce genre de trucs pour faire ornements.

« Tu veux une démonstration ? »

Samuele s’amusait de voir les mimiques simples mais adorables de la jeune fille. Visiblement elle devait être plus jeune que lui, d’une ou deux années, mais elle avait une certaine maturité qui contrastait avec son comportement jovial et bien heureux, trop souvent rattaché à la petite enfance : ces traits faisaient d’elle une personne libre, agréable et saine qu’il appréciait de plus en plus au fur et a mesure de la conversation.

Il avait tenté d’expliquer son pouvoir, et ce n’était pas une mince affaire : il fallait dire que l’heure à laquelle ils s’étaient rencontrés n’aidait pas les choses, mais c’était aussi la faute à son gène X. Complexe, difficile a comprendre, même pour lui il y a maintenant des années. Mais les choses avaient évolué et il s’en sentait capable de prouver par A plus B que les choses étaient possibles et qu’il n’était plus le jeune homme inconscient qui représentait un danger pour l’institut. Encore fallait il qu’elle ait déjà entendu parler des divers incidents de ces deux dernières années. Son regard, parfois perdu, incertain, continuait de la faire rire, tandis qu’il s’amuser a changer de position, déposant ses genoux sur l’herbe mouillée, agitant les bras comme une horloge déréglée, haussant le ton de sa voix… autant de réactions qui prouvaient qu’il était de bonne fois et qu’il savait être sérieux en ce qui concernait ses capacités.

Des rires se firent entendre de la part de la jeune fille, avant qu’elle ne résume elle-même ce qu’elle avait compris. Un « OUIIIIIIIIII » avait hésité à sortir de sa bouche à ce moment précis mais il s’était retenu, même si cette simple parole, hurlée comme un soulagement, était probablement passée au travers de son regard. Il se contenta alors d’une simple réplique :

- Voilà tu as tout compris. Finalement ca à l’air moins compliqué que ce que j’imaginais. Tu es une bonne élève oui !

Il tira une grimace exagérée, pour marquer le coté banal de la situation voire décalé puis il la laissa s’expliquer en même temps qu’il riait dans sa barbe, après tout, il avait été assez imposant durant ces dernières minutes, et il trouvait cela légitime de l’écouter expliquer a son tour ses capacités. Samuele détectait le gène X, mais il ne pouvait pas savoir quel type de pouvoir il contenait, et pour ces raisons il était souvent étonné, admirablement bouche bée devant de telles capacités, même s’il était déjà au courant que ses personnes étaient mutantes. Il s’adossa à nouveau contre l’arbre de leur rencontre et croisa les bras tout en l’écoutant attentivement, ses yeux rivés sur ses expressions toutes plus farfelues les unes des autres : ce qui était sur c’était qu’on ne devait pas s’ennuyer avec elle. Une fois l’explication terminée, elle lui proposa un aperçu des choses, et l’idée ne fit qu’un tour dans la petite cervelle de Samuele qui sauta sur l’occasion en se redressant droit comme une équerre en acceptant la proposition, les yeux pétillants et remplis de désir.

- Oh oui ! Montre moi ça je n’en ai jamais croisé encore des pouvoirs comme celui là. Ca doit être magnifique, surtout a la rosée du matin. En tout cas tu as l’air habituée d’en parler, ca ne doit pas être très compliqué à cacher non ?

« Cacher » était bien le mot qui résumait à la perfection la situation de Samuele pendant près de deux ans. Désormais c’était terminé, mais le terme était resté gravé dans sa mémoire comme une marque du passé, parce qu’il savait que certains mutants se cachaient encore, d’une part parce qu’il les détectait et qu’ils osaient prétendre le contraire (Ce qui le faisait bien rire) et d’autre part parce que certains en avaient honte : leur place dans cette société n’était pas forcément totalement acquise… et du boulot, il y en avait encore a faire.

L'éducation était peut-être ce qui marquait le plus un enfant. Le parcours éducatif était ce qui modelait les jeunes, et Edelweiss n'avait pas échappé à la règle. Si les parents étaient stricts, leur progéniture allait devenir soignée et exigeante. Si les parents étaient laxistes, on voyait souvent les petits devenir brouillon et peu concentrés. L'avantage avec les géniteurs d'Eddie, était bien qu'ils avaient su être à la fois sévère er juste. Elle était devenue curieuse de tout, mais faisait chaque chose avec une précision mathématique. C'était d'ailleurs ce qui lui avait permis d'avoir les félicitations de chaque conseil. Et ce qui lui permettait maintenant de se concentrer au bon moment lorsqu'il lui fallait comprendre quelque chose.

Plus elle était en présence de Samuele, plus elle se sentait à l'aise. Non mais qu'elle se considérait comme difficile d'approche, c'était même plutôt le contraire et elle avait la mauvaise habitude de faire confiance un peu aveuglément. À trop vouloir voir le bon côté des gens, elle refusait de voir ce qu'ils pouvaient posséder de dangereux. Ça lui avait souvent joué de mauvais tours, mais elle refusait de cesser. Et elle était persuadée que Samuele était quelqu'un de foncièrement bien. Il lui semblait bien avoir déjà entendu ce nom quelque part, mais elle ne se prit pas le chou à chercher où. Il était agréable, drôle, intéressant... Ça n'allait pas être quelques vieilles rumeurs qui allaient la perturber.

Edelweiss ne passa pas à côté du soulagement qui s'était glissé dans les yeux de son camarade. Elle était peut-être tête en l'air, mais elle avait un très bon sens de l'observation. Enfin, un très bon sens de l'observation... Quand elle n'était pas occupée à autre chose. Il suffisait de voir comment elle avait été surprise de la présence de Samuele dans l'arbre quelques minutes auparavant. Ça cassait le mythe de l'élève toujours attentive au moindre élément. Chose qui pourtant la caractérisait souvent.

« Mais du coup, c'est pas trop fatiguant pour toi d'être à l'Institut ? Tu dois toujours être en train de te contrôler ! »

Pour elle qui pouvait décider d'enclencher ou non son don, il paraissait affreusement épuisant l'idée de devoir l'avoir en permanence sous contrôle. Déjà qu'elle, en l'utilisant de manière continue, elle ne pouvait durer qu'une demi-heure... Alors vingt-quatre heure sur vingt-quatre, sept jours sur sept... Elle pensait avoir une petite idée du « pourquoi » ce lieu si reculé. La présence de mutant devait être réduite un minimum. Assez pour ne pas le fatiguer plus que nécessaire. Et parce qu'Edelweiss est Edelweiss, elle ne put s'empêcher de penser qu'elle-même était en train de le fatiguer aussi.

En le voyant se redresser avec une telle vivacité, Eddie eut un petit rire. Au moins, on pouvait facilement voir quand quelque chose lui plaisait, et c'était fichtrement agréable. La jeune fille avait tellement souvent rencontré des gens qui se sentait obligé de tout cacher qu'elle avait préféré, à partir de là, toujours tout afficher. Les joies, les peines, les déceptions, les fiertés... Elle ne cachait plus rien ! Elle hocha la tête à sa question alors que, toujours assise, elle tendit la main droite pour attirer l'eau à elle.

« C'est très simple à cacher puisqu'il ne se déclenche que sur commande on va dire. Mais ça n'a pas toujours été le cas. Commença-t-elle alors que les gouttes de rosée venait s'installer comme en apesanteur au-dessus de sa main, et qu'un fin filet d'eau de la mare venait se joindre au mouvement. Lorsqu'il a commencé à se développer, c'était uniquement pour me protéger. Donc c'était un peu voyant. Et mon père l'a vu. On a gardé le secret tous les deux. Et c'est lorsque j'ai voulu protéger ma sœur que tout a basculé. »

Continua la mutante, l'eau se mettant à prendre diverses formes. Elle n'était pas triste d'avoir étalé son pouvoir au grand jour. Elle avait pu protéger quelqu'un qu'elle aimait. Mais l'image qu'on allait avoir d'elle l'avait beaucoup perturbé. Alors qu'elle manœuvrait l'eau pour en faire un serpentin, agitant un doigt pour la diriger, elle attira un peu plus du liquide de la mare vers sa main gauche pour en former un second, les faisant s'entrecroiser.

« Je sais reconnaître ma chance. Mes parents et mes frères et sœur m'ont accepté en tant que mutante. Mais j'avoue que je leur en veux de vouloir le cacher au reste de la famille. Tout le monde pense que je suis dans une université à l'étranger. Pour trouver un super métier plus tard paraît-il... Soupira-t-elle, un peu amère. Et toi ? Ça n'a pas du être évident à contrôler comme don. »

Oui, elle arrivait encore à voir son pouvoir comme un don, et ce, malgré ce que l'on pouvait appeler une ségrégation familiale. Éloignant les deux serpentins d'eau, elle les fit doucement retourner dans la mare, un petit sourire sur les lèvres.

Fatiguant ? Pas le moins du monde… du moins c’était ce qu’espérait Sam un jour : pouvoir enfin être serein et ne pas risquer la vie de tous les passant qu’il croisait dans la rue. Le plus compliqué était passé, une fois son pouvoir compris, il n’avait qu’à suivre les instructions qu’il avait lui-même écrites… enfin il les avait surtout dans son esprit :

- C’est parfois un peu fatiguant, mais on prend l’habitude. Le plus compliqué c’est la nuit… j’avoue que des fois ca part tout seul et du coup je me réveille en sursaut. Heureusement qu’il y a assez de talents a l’institut pour me confectionner un petit gadget pour m’aider !

Il se mit à rire, parce qu’en effet, il avait réclamé de l’aide au Professeur X, une sorte de bracelet ou un collier lui permettant de l’empêcher d’utiliser son pouvoir, ainsi la nuit il risquait de mieux dormir et ce n’était pas une moindre récompense. Toutes ces fois ou il, avait réveillé l’institut pour un cauchemar ou une perte furtive du contrôle de ses pouvoirs… mais il n’y pensait que très rarement, persuadé que c’était en ressassant ses erreurs qu’on avait le plus de (mal)chance de stagner dans la vie. Puis ce fut au tour de la jeune fille de lui montrer ses talents. Inutile de préciser que devant tant de beauté, et de poésie, Samuele était resté bouche bée, tel un gamin omnibulé par un tour de magie : pourtant des mutants il en connaissait ! Mais ce qui le touchait c’était la façon dont elle l’expliquait, la façon qu’elle avait de faire tournoyer l’eau dans tous les sens en créant des formes et des serpentins… les yeux rivés sur l’eau qui volait, il pouvait presque gober les mouches.

A la suite vint forcément l’explication fatidique, celle que chaque mutant de cette planète rêvait secrètement de partager ou pas : celle de la découverte. Beaucoup de choses étaient en jeu pour chacun d’eux, et souvent, leur vie changeait du tout au tout, sans même prévenir, et ça, il savait ce que c’était. Il commença alors à afficher un regard plus inquisiteur, concentré, et intéressé par ce qu’elle racontait. Une belle histoire qui lui avait permis de faire accepter son don, et cela lui rappelait vaguement une histoire, sa propre histoire, qui lui avait couté de s’expatrier aux Etats unis chez sa tante et son oncle. Une histoire qui avait été cachée, effacée de l’histoire de famille, et Samuele craignait ce moment, non pas parce qu’il s’agissait d’Edelweiss, mais surtout parce qu’il redoutait de se remémorer ces instants de culpabilité qui avaient valu son enfermement volontaire au creux de son lit durant des mois.

Et en effet, apprendre à contrôler son don n’avait pas été une évidence. Il rabaissa légèrement sa tête et se mit à compter sa propre histoire, preuve qu’il lui avait fallut du temps pour se remettre en place et accepter sa différence. Il gratta l’herbe près de ses pieds puis il ajouta :

- Mon don est apparu un beau jour alors que j’étais en compagnie de mon petit ami. A l’époque je n’en savais rien de tout ca, et quelque chose m’attirait chez lui, comme quelque chose que nous avions en commun. Et au final il s’est avéré que sans le vouloir, j’ai décuplé ses pouvoirs, ce qui a faillit le tuer pour de bon. Il contrôlait la glace, et la créait, et il s’est littéralement pétrifié, mais avec de la glace.

Il se souvenait de ses mains glacées sur son corps, et de son cri qui avait rameuté le reste de la famille. Un de ses pires souvenirs, une raison encore de perdre confiance en lui, en plus de son homosexualité, il devait supporter le fait d’être mutant. Mais il tenait tout de même à la rassurer, la pauvre Edelweiss, elle devait croire qu’il l’avait tué ! Certains en étaient morts, mais par chance Lorenzo avait été soigné à temps !

- Non mais il est toujours vivant, du moins aux dernières nouvelles il s’en est sortit. Par contre je ne sais pas ce qu’il est devenu.

Eh oui, des années étaient passées depuis cet incident, et avec le temps venaient les nouvelles rencontres, comme celle d’aujourd’hui.

- Le plus important c’est que je suis encore là, à te parler et que je contrôle très bien maintenant mes capacités… tu ne te liquéfieras pas ne t’en fais pas ! Sauf si tu me le demande je peux te donner un coup de pouce !

Il lui fit un clin d’œil signe de son amitié pour elle. Il l’appréciait, sincèrement et lui montrait par le biais de larges sourires, parfois masquant son passé déchirant.

Gadget. C'était peut-être infantile, mais Edelweiss n'avait pas une image candide pour rien. Le terme gadget lui plaisait. L'idée d'un petit « truc » utile, pratique, pourquoi même design aussi, avec de superbes couleurs un peu pétantes... Oui, notre chère mutante avait une définition tout à fait particulière de ce qu'était un « gadget ». Elle qui avait une imagination un peu sauvage et souvent difficile à maintenir en place, ne pouvait s'empêcher de chercher à quoi pouvait ressembler ledit gadget qu'utilisait Samuele pour parvenir à contenir son don. Elle avait déjà eu l'occasion de voir certains des outils qu'avait pu confectionner le Professeur Xavier pour aider les mutants de l'Institut, et elle se demandait quelle forme avait pu prendre celui de son camarade.

« Oh. Tu en as un en ce moment ? De gadget. »

La curiosité d'Edelweiss n'était plus à prouver. C'était quelque chose qui, étrangement, allait de paire avec sa maladresse chronique. Ce qui pouvait d'ailleurs paraître étonnant. Après tout, elle pourrait avoir préféré une certaine forme de discrétion ou d'anonymat pour faire passer ce mauvais alliage génétique qu'était sa maladresse. Mais au final, c'était tout le contraire. Elle posait des questions. Tout le temps. En permanence. Même les questions taboues, juste pour assouvir sa soif de savoir. Ce n'était pas vraiment sa faute... Bon. Certes. Si. Mais elle faisait de son mieux pour, à travers un sourire ou un air innocent, de passer outre les foudres de ses camarades. L'innocence est mère de vertu. Ou pas...

Ce qu'elle appréciait notamment dans cet échange fort matinal, c'était sa simplicité. Malgré ce qu'Edelweiss considérait comme ses défauts, Samuele n'hésitait pas à parler, et il semblait à la jeune fille qu'ils s'entendaient plutôt bien. Oh, elle n'irait peut-être pas jusqu'à dire, pour le moment du moins, qu'ils étaient les meilleurs amis du monde, des frères de coeur à défaut d'avoir le même sang. Mais elle aimait bien être là, assise à ses côtés, parlant de tout et de rien, s'expliquant leurs pouvoirs sans s'empêcher de rire... C'était très détendu, et elle savait que dans l'Institut, ce n'était pas toujours le cas. Tellement de gens étaient à la recherche d'une augmentation de leur pouvoir qu'elle trouvait cela désolant.

Lorsque Samuele commença à parler de la découverte de son don, Edelweiss ne put s'empêcher de tiquer sur un mot. « Petit-ami » ? Comme une machine aux rouages toujours en marche, l'esprit de la mutante se mit à tourner, tourner, et tourner encore. Il fallait qu'elle réfléchisse point par point. Tout d'abord... Son camarade était un homme. C'était bien un homme n'est-ce pas ? Il en avait tout l'air en tout cas. Alors il y avait trois possibilités. La première, le fait que le mutant face à elle ait eut un petit bug et ait mal prononcé le terme « petite-amie », le transformant accidentellement en « petit-ami ». La seconde, elle, avait mal entendu et fait passer au masculin ce qui aurait du être féminin. Et la troisième, Samuele était gay.

« Petit-ami ? »

En soi, Edelweiss était quelqu'un de très ouvert. Elle était athée mais pouvait parler de religion, enfin, de théologie, avec n'importe quel croyant. Elle était d'origine coréenne, ce qui lui permettait d'avoir souffert du racisme et du rejet, et par conséquent, de ne pas agir de la sorte avec les autres. Pourtant, elle ne s'était jamais posé la question de la sexualité. Oh, certes, elle avait eu droit aux fameux cours d'éducation sexuelle, et connaissait bien le principe de l'homosexualité. Mais elle n'avait jamais vraiment parlé à un homme qui assumait parfaitement son attirance pour le même sexe. Plus elle y pensait, moins ça la gênait en fait. Elle trouvait ça plutôt... Mignon ? Oui, c'était peut-être le terme. Mais c'était la vision qu'elle se faisait dans son petit monde rose.

Le destin dudit petit-ami était assez... glaçant. Sans mauvais jeu de mots. Surtout lorsque Edelweiss réalisait qu'elle aussi, à un certain niveau, pouvait utiliser la glace. C'était quelque chose qui pouvait lui arriver si elle venait à perdre le contrôle sur son pouvoir ? Mais c'était surtout la souffrance qu'avait du ressentir Samuele. La culpabilité qui avait du le ronger, le briser même peut-être. Il avait du se sentir tellement mal. Elle ne parvenait pas à imaginer ce qu'elle aurait pu faire dans un cas similaire. Si elle avait été, involontairement, une des causes d'un tel incident sur quelqu'un à qui elle tenait particulièrement. Elle aurait probablement sombré sans fin dans une profonde dépression. Un tonneau des Danaïdes...

« Un coup de pouce ? Que genre de coup de pouce ? J'veux dire, ça aurait quel effet sur mon gêne ? »

Il fallait être clair. Edelweiss sentait qu'elle pouvait avoir confiance en Samuele, mais elle avait besoin de comprendre. Elle était cartésienne et avait toujours besoin d'assimiler la théorie avant de passer à la pratique. A première vue, ça pouvait paraître handicapant, mais elle préférait savoir où elle mettait les pieds. Puis la plupart du temps, une fois qu'elle avait bien saisi la théorie, la pratique suivait sans trop de difficulté. Hormis pour le combat au corps-à-corps, mais ce n'était qu'un détail après tout.

« Et ça ne va pas te fatiguer au moins ? »

Voilà, c'était tout Eddie ça encore. Inquiète d'un rien, même lorsque ce n'était pas le moment. C'était ce qui faisait d'elle une véritable pacifiste. Et qui contrastait à son entrée dans une squad, aussi... M'enfin, c'était bien représentatif de ce qu'elle était. Contradiction sur contradiction.

Plus la conversation avançait, plus Samuele prenait un plaisir a discuter avec Edelweiss. Il se sentait de plus en plus proche d’elle, et même s’ils n’avaient pas encore eu le temps de tisser des liens d’amitié très forts, les choses promettaient d’être belles, en toute poésie et sincérité. Le jeune homme appréciait grandement les caractères libres, légers et joyeux, a l’image, ou d’un moins a la représentation qu’il s’était faite d’Edelweiss. Il pouvait parler de tout et de rien, sans gène aucune, et pouvait aborder des sujets sérieux comme stupides, a en faire claquer les machoires. Des gadgets ? Oui il en avait parlé mais pour le moment rien n’était prévu officielement, juste quelques avis, émis par le grand maitre de l’institut, mais aucune concrétisation jusque là. Il avoua alors :

- Eh bien en fait je n’en ai pas encore. Il me permettrait de dormir plus sereinement essentiellement, m’empêchant de décupler les pouvoirs autours de moi pendant que je dors, sinon ils feraient mieux de m’isoler dans une cabane 100m plus loin !

Il se laissa rire, sourire flash à l’appui, et n’hésita pas a lui lancer un regard amusé, presque a vouloir l’entrainer également dans cette crise de rire, qui restait somme toute contrôlable. Il n’était pas hilare non plus, mais il fallait avouer que le rire était transmissible facilement, et particulièrement celui de Samuele. Il ajouta ensuite :

- Il s’agira probablement d’un collier, comme ceux qui sont utilisés pour annuler les pouvoirs des mutants « indésirables » on va dire.

Puis ils continuèrent la conversation, en abordant le sujet de la découverte des pouvoirs, et même si cela lui faisait mal au cœur, il devait assumer son histoire et son passé. Les choses s’étaient déroulées ainsi parce qu’elle devaient se finir ainsi, pas besoin de pleurer sur son sort, il gardait la tête haute : il se disait même que chacun avait sa propre histoire et que quelque part tous les mutants recevaient en pleine poire les effets indésirables de leurs nouveaux pouvoirs : aussi bien socialement, que physiquement. Mais quelque chose de particulier semblait avoir laissé perplexe la jeune fille. Elle lui posa alors la question pour savoir si elle avait bien compris, et Sam sans hésiter hocha la tête en pinçant ses lèvres subtilement, parce que même s’il assumait sa sexualité, il y avait toujours du monde pour ne pas digérer la nouvelle. Alors il ne dit aucun mot a ce sujet, juste un mouvement de tête affirmant qu’elle avait bien compris et qu’elle était sur la bonne analyse de ce qu’était le jeune Snatch. Il imaginait l’avoir touchée, et même s’il n’était pas du genre a réclamer la pitié, il savait que ça ne faisait jamais de mal de se sentir soutenu, même si ce soutien était implicite et masqué derrière des visages tendus et expressifs.

Ils abordèrent ensuite le sujet du coup de pouce : coïncidence, probablement, mais samuele en parlait souvent. Il savait qu’il était un garçon capable d’un nombre incroyable de choses, et parmi ces choses, il pouvait en quelque sorte « booster » les capacités d’un mutant. Et c’était ce point qui semblait intéresser la jeune fille, il répondit alors tout naturellement :

- Un coup de pouce, un coup de boost en gros. Je peux décupler tes capacités, et donc te permettre de devenir plus puissante, ou de découvrir de nouvelles facette de tes pouvoirs. Il m’est arrivé de déclencher l’apparition du gène X chez une personne qui se croyait humaine. Une sorte de pouvoir latent si tu préfère…

Il lui laissa le temps d’assimiler les informations, puis il continua en répondant a sa question : qui prouvait encore une fois qu’elle avait un cœur et qu’elle s’inquiétait pour pas grand-chose, une vrai âme pure comme on disait par chez lui :

- C’est fatiguant si je vais jusqu’au bout des effets, je peux te les augmenter un tout petit peu ou te les diminuer progressivement par exemple. Sans compter que je peux copier l’identité de ton gène X… d’ailleurs pour ca on m’apelle Snatch ! Tu as un surnom, ou pseudo qu’on t’as décerné ici d’ailleurs ?

Il gratta sa tête furtivement, et reprit aussitôt :

- D’ailleurs un de ces quatre tu pourrais essayer de voir ce que ca donne. Tu n’imagine peut être pas tout ce dont tu es capable de faire !

Ceci suivit d’un clin d’œil amical, il afficha un sourire radieux, signe qu’il lui faisait en quelque sorte une proposition officielle pour l’aider a progresser dans sa maitrise… et peut être qu’elle lui laisserait copier ses pouvoirs ?

Edelweiss hocha la tête avant de lâcher un léger éclat de rire, accompagnant celui de Samuele. Il n'y avait pas à dire, ils avaient rapidement réussi à bien s'entendre et à se comprendre. Elle avait beau y réfléchir et rechercher en sa mémoire et ses souvenirs, mais il ne lui semblait jamais avoir connu une complicité si rapidement créée. Il lui avait toujours fallu quelque temps avant de se trouver attachée à quelqu'un de cette manière. Non pas qu'elle ne faisait pas confiance aux autres. Au contraire. Elle avait même plutôt l'habitude de faire confiance un peu aveuglément, et à se rendre compte ensuite, qu'elle aurait mieux fait d'éviter. Elle avait probablement trop tendance en croire en la bonté humaine. Mais cette fois-ci, c'était différent. C'était différent et elle aimait cette complicité qui était née si rapidement avec quelqu'un d'aussi gentil que Samuele.

« Et ce collier, il va brider ton pouvoir ? Enfin, l’annihiler. Ou juste le maintenir dans un pourcentage stable entre quatre-vingt dix neuf, et cent un. C'est bien là ce niveau là que tu le maintiens hein ? »

Le côté bon-élève d'Eddie faisait son retour. Dès lors qu'elle venait à assimiler un nouveau savoir, une nouvelle connaissance, elle aimait démontrer qu'elle avait saisi le concept. Une espèce de petite fierté personnelle qui tenait sa source d'un tout petit fait en soi, mais qui signifiait pour elle une certaine réussite scolaire, et donc, une réussite à venir dans sa vie professionnelle. Elle n'allait pas rester toute sa vie étudiante, elle finirait bien par, un, jour, devenir « grande ». Et au fond, même si elle ne comprenait pas vraiment pourquoi, savoir que Samuele la considérait comme quelqu'un d'assez intelligent pour comprendre les rouages de son pouvoir était quelque chose qui lui plaisait. Un peu de la même manière qu'auparavant, lorsqu'elle agissait ainsi avec ses deux frères aînés pour qu'ils la reconnaissent comme un être à part entière, et non plus comme une gamine.

Au hochement de tête de son camarade, Edelweiss laissa un petit sourire étirer ses lèvres. Elle souriait pour deux raisons qu'elle estimait être d'égale importance. La première, parce que le fait qu'il le lui avoue signifiait - ou du moins elle l'espérait - qu'il avait un tantinet confiance en elle. La seconde, parce qu'elle trouvait ça adorable la simplicité avec laquelle Samuele lui avait avoué son orientation sexuelle. Mine de rien, malgré l'ouverture d'esprit dont pouvaient faire preuve les américains, malgré la Gay Pride, malgré l'acceptation de plus en plus nombreuses et les coming out de plus en plus fréquent, l'homosexualité était bien loin d'être généralement acceptée.

Alors qu'il expliquait à Eddie ce qu'il entendait par « coup de pouce », cette dernière hochait la tête de temps à autre, saisissant petit à petit ce qu'il cherchait à lui faire comprendre. De nouvelles facettes de son pouvoir ? C'était quelque chose d'assez impressionnant. Bon, elle doutait que de nouvelles facettes puissent apparaître. Que pourrait-elle faire de plus que maîtriser l'eau après tout ? Par contre, peut-être qu'elle pourrait grâce à cela, enfin parvenir à trouver ce qui clochait lorsqu'elle transformait l'eau en glace. Elle sentait bien qu'elle était toujours à un détail prés pour parvenir à former ce qu'elle souhaitait, qu'il y avait toujours un tout petit truc qui ne fonctionnait pas.

« Des gens qui se pensaient non-mutants ? Ta rencontre avec eux ont du leur changer violemment la vie. »

Elle ne put retenir un léger rire à la scène qui se déroulait dans son petit théâtre mental. Elle imaginait un changement brutal chez les mutants latents, comme une transformation physique quasi instantanée, et ce, même si elle savait pour en être l'un des exemples vivants, qu'une modification de l'apparence n'était pas nécessaire pour devenir mutant. Ou du moins, pour assister au réveil de son gêne X. Lorsque Samuele lui annonça son pseudonyme, elle eut une réaction très discrète, et par conséquent, très elle, laissant un « oooooh » s'extirper de ses lèvres. Très intelligent Eddie, très intelligent.

« Snatch ? C'est fun comme alias ça ! C'est court au moins et facile à prononcer. C'est toi qui as choisi ce surnom ou c'est à ton arrivée ici ? Questionna-t-elle, trouvant ce nom d'emprunt - elle aurait bien dit nom de plume mais il n'écrivait pas sous Snatch donc c'était un peu mort - vraiment adorable. J'en ai un qui m'a été donné par ma soeur. Y'a quelques années maintenant, même si je ne l'utilise pas beaucoup. Je préfère me présenter comme étant Edelweiss, j'ai l'impression d'être plus normale. Sinon c'est Neflheim. Ma soeur est une férue de mythologies, un peu par ma faute d'ailleurs, mais c'est pas la question... Dans la mythologie nordique, Neflheim est un monde de glace. Un monde plutôt hostile... Lorsque ma soeur a vu mon don, il s'est présenté sous la forme de la glace. Je t'ai pas montré ce pan parce qu'il est un peu plus difficile pour moi de le maîtriser. »

Une petite grimace passa sur le visage d'Edelweiss, qu'elle passa sa main sur sa nuque, un peu gênée de cet aveu de faiblesse évidente. Afin de démontrer ce qu'elle disait, elle fit venir à elle une petite quantité d'eau avec laquelle elle forma une pique d'environ soixante centimètres de long et de cinq centimètres de diamètres. Puis elle ferma les yeux, concentrant toute son attention sur ce qu'elle faisait, modifiant la structure moléculaire de l'eau pour qu'elle se transforme en glace. Lorsqu'elle rouvrit les paupières, la pique était bel et bien glacée, mais les extrémités, comme toujours, s'émiettèrent de quelques centimètres, réduisant la longueur de la pique, et faisant soupirer la mutante.

« Voilà. A chaque fois, le plus gros se glace, mais pas le bout. C'est super frustrant ! S'exclama-t-elle, un tantinet agacé. Surtout que ça fait juste plusieurs mois déjà que je travaille dessus... M'enfin, je sens que je m'approche, ça devrait plus tarder maintenant. Je vais finir par trouver. Je lis beaucoup de bouquins, des études sur des cryokinésistes. Mais ça m'éclaire pas beaucoup sur ce problème. Probablement parce que je ne créé pas la glace, mais que je restructure les molécules d'eau... »

Une petite moue boudeuse prit place sur ses lèvres alors qu'elle soupirait à nouveau. Elle n'aimait pas l'échec. C'était une notion qu'elle avait en horreur. Elle évitait tant que possible de montrer quelque chose qu'elle ne maîtrisait pas. Depuis qu'elle était à l'Institut par exemple, elle ne se présentait que comme étant une hydrokinésiste. Il n'y avait qu'à deux occasions qu'elle avait dévoilé le pan de son pouvoir qui lui permettait de geler l'eau. Une première fois lors du premier entraînement de groupe de sa squad. Une seconde fois là, maintenant. Face à Samuele. Cela prouvait bien l'attachement qu'elle avait pour lui.

« C'est vrai, ça ne te gênerait pas ? De me « donner un coup de pouce » comme tu dis. Mais alors je veux pas que ce soit gratuitement. Je veux faire quelque chose pour toi ! Je peux te prêter mon don par exemple. Je sais pas trop comment ça marche. Tu as dit que c'était temporaire quand tu copiais un pouvoir non ? »

Un grand sourire lui barra le visage. C'était un pan de son pouvoir que Samuele e lui avait pas vraiment expliqué. Elle espérait juste que ce n'était pas quelque chose de douloureux - elle avait une très faible résistance à la douleur.