Une ondée sur une fleur... (PV Ororo)

Esther avait l'impression d'autant plus désagréable qu'elle était tenace d'avoir raté totalement son insertion sociale à l'Institut au cours de ces deux derniers mois. Elle en venait même à regretter de s'être rendue au BAM. Malgré ce qu'avait pu lui en dire Ernest, l'Institut ne semblait pas être une solution. Plutôt une cage dorée. Sous des dehors de réinsertion sociale et d'apparente bonne volonté, l'Institut Xavier n'en restait pas moins une prison dans son cas. Elle savait que quasi quotidiennement, un rapport sur son comportement et ses activités étaient rendu au BAM. Il n'y avait pourtant pas matière à s'étendre sur le sujet. Esther partageait son temps entre la lecture, la sieste et le jardinage outre ses activités essentielles consistant à se nourrir et à veiller à son hygiène. Son idée de se comporter à l'Institut comme dans un centre de villégiature avait une faille : la longue durée. Si les premières semaines lui avait fait un bien salutaire, elle commençait maintenant à s'ennuyer ferme et à trouver toutes ces activités insupportables, exactement comme lorsqu'on se rend compte qu'on a prévu des vacances trop longues et qu'on les finit dans un des plus mortels ennuis.

Elle s'était montrée plutôt reconnaissante de la réserve dont on faisait preuve à son égard à l'Institut, pendant que les gens désiraient respecter son désir de tranquillité. Mais il s'était vite avéré qu'il y avait autre chose. Esther n'était pas faite pour l'ambiance lycéenne de l'Institut. Elle n'avait rien de commun avec ces jeunes futiles, turbulents, ignorants de la vie et pourtant si insolents et assurés. Elle n'avait pas cherché à entrer en contact avec eux sachant pertinemment que la conversation aurait été inintéressante et aurait rapidement tourné à l'aigre. Il y avait les autres, les timides, les renfrognés, les mal dans leur peau, ceux qui avaient souffert, qui avaient connu le malheur, la douleur ou la misère. Esther se sentait déjà nettement plus proche d'eux de par le côté adulte, forgé à coup de malheurs, qu'il présentaient déjà. Mais ils étaient solidement encadrés et soutenus par l'équipe de l'Institut. Et puis, elle avait peur que pour une bonne action, elle se retrouve avec une sangsue émotionnelle qui la prendrait pour son assistante sociale personnelle. Ce genre de relation était très difficile à construire. Et puis... Ou qu'elle aille, la plupart des gens gardaient la réserve de se dire qu'elle était ancienne Confrériste, sous la coupe d'une décision en justice du Bureau des Affaires Mutantes et froide de prime abord... Cela en dissuadait plus d'un, même parmi les plus téméraires et parfois même parmi l'équipe éducative!

La preuve était l'échec plutôt inattendu de ses rapports avec Henry Mc Coy qui avait été désigné comme son référent dans son programme de réinsertion. La bonhomie certes un peu infantilisante mais parfaitement sincère du docteur McCoy n'avait pas rencontré d'écho chez la biochimiste qui se faisait déjà une joie de rencontrer un confrère calme, cultivé et spirituel. Déçue par une réalité qui ne rencontrait pas ses attentes, elle s'était sentie mal à l'aise devant ce curieux scientifique au comportement de maître d'école. Esther s'était fermée comme une huître, McCoy n'avait pas persévéré. Il avait eu l'élégance de ne pas en faire un obstacle pour elle. Enfin, c'est ce qu'elle croyais jusqu'à aujourd'hui...

Assise dans le bureau d'Ororo Munroe, elle attendait, toujours sur la défensive comme à son habitude, que l'enseignante engage la conversation pour savoir sur quel pied danser. Elle avait bien une petite idée de quoi il devait s'agir... Le BAM avait du marquer du mécontentement à voir le peu de rapports concluants et évolutifs sur sa situation et avait du exiger qu'un autre référent plus efficace qu'Henry Mc Coy lui soit assigné. Restait à savoir si Ororo Munroe avait dans l'idée de la traiter d'égale à égale et de chercher à la comprendre ou si elle préférerait se comporter comme une matonne de prison.

Hélas pour elle, Esther n'était pas dans les meilleures humeurs car son sentiment de solitude était renforcé depuis quelques temps par l'éloignement qu'elle sentait poindre dans le couple qu'elle formait avec Daniel. En effet, les visites de son concubin s'étaient espacées de plus en plus ces temps derniers. Esther savait que le BAM n'était pas l'unique cause de cet état de fait... Lorsque votre homme est chronokinésiste, cela lui est on ne peut plus facile de vous consacrer du temps... Hors le peu de temps que Daniel passait avec elle présentait clairement des problèmes de couple... Il y avait trois semaines qu'ils n'avaient plus passé une nuit ensemble, deux qu'ils ne s'étaient plus vu, une qu'ils ne s'étaient plus parlé. Elle ne voulait pas s'abaisser à le harceler de coups de téléphone. Daniel par principe ou par défit n'y répondrait pas et cela ne contribuerait qu'à le défier d'avantage d'elle et à la blesser dans sa fierté toute féminine... Idéalement, elle l'aurait rejoint sans prévenir pour lui lancer un ultimatum d'un regard froid planté dans le blanc de ses yeux mais sa condition de prisonnière lui interdisait cette solution pourtant nécessaire. Elle souffrait donc en silence, tentant de trouver dans les mortelles minutes ennuyeuses, la force de supporter l'angoisse qui commençait à lui serrer le cœur. Après avoir bravé la Confrérie entière, supporté l'incarcération au Bureau des Affaires Mutantes, subi un interrogatoire des plus musclé, vendu des secrets et trahis des gens qui avaient confiance en elle et tenté de faire bonne figure à l'Institut, tout cela par amour pour cet homme, elle ne pouvait concevoir qu'il se lasse tout simplement d'elle. Elle refusait de se l'avouer car ce serait pour elle une terrible déconfiture qu'elle ne se sentait pas vraiment la force de surmonter.

Et puis, au milieu de tout ça, il y avait Ernest, son pseudo-fils quasi-adopté. Il s'épanouissait de jour en jour, pris par sa relation privilégiée avec son amie Rachel pour laquelle Esther commençait à concevoir un peu de jalousie toute maternelle. Elle s'en voulait d'autant plus de ne pas arriver à s'intégrer qu'Ernest y arrivait très bien pour sa part. Elle lui en voulait un peu aussi de ne pas percevoir la détresse et les idées noires qui s'installaient progressivement dans son cœur et sa tête. Un fils ne devait-il pas sentir cela? Bien sûr, elle faisait tout pour le lui cacher... mais quand même!

Toutes ces réflexions se bousculaient dans sa tête tandis qu'elle toisait d'un regard plutôt froid et désintéressé cette femme au physique atypique mais plutôt agréable qui occupait l'autre côté du bureau. Elle ne tombait vraiment pas au bon moment celle-là... Elle avait plutôt intérêt à savoir développer des trésors de diplomatie et bien choisir ses mots. Enfin, au moins partait-elle avec un avantage : elle aussi était une femme. Esther avait toujours eu plus de facilité à nouer des contacts avec d'autres femmes (du moins lorsqu'elles étaient matures et intelligentes). Comme quoi... Même les terroristes mutantes, juives, phytokinésistes et en purgation de peine croyaient aussi parfois à la solidarité féminine...

**X-Men Alpha** Messages : 239 Date d'inscription : 20/02/2013

5 décembre 2012 : 11H

Assise derrière son bureau, un dossier ouvert, Ororo fixait la jeune femme. Mauvais point pour elle, elle était entrée sans la saluer. Ororo s'était retenue pour ne pas la virer comme une malpropre, ou du moins lui faire la remarque qu'elle n'aurait pas manqué pour un plus jeune.
Esther Ophraim, Cérès de son nom de code, 32 ans, en réinsertion à l'Institut suite à une décision du BAM, amante du mystérieux Daniel Hopes ancien intendant et mère plus ou moins adoptive d'Ernest, le mutant-rat … un drôle de CV pour cette jeune femme. Elle était sous la "tutelle" du professeur Mc Coy.

[flash back une semaine plus tôt - bureau de Xavier]

Comme tous les soirs depuis qu'elle était revenue à l'Institut, Ororo passait sa soirée dans le bureau du professeur Xavier. Le plus souvent ils discutaient de tout et de rien mais aujourd'hui, il avait une sévérité bien inhabituelle. Ororo connaissait cet air, il voulait lui confier une mission particulièrement délicate. Elle sourit, il avait beau être télépathe, il avait parfois du mal à lui cacher ses pensées.
Après l'avoir salué avec chaleur, elle ne s'était pas assise dans le fauteuil de l'autre coté du bureau mais l'avait rejoint près de la fenêtre qu'il était entrain de fixer et elle avait attendu qu'il se décide.
La neige tombait doucement teintée par les lumières extérieures. Le silence commençait à lui peser aussi le rompit elle

"souhaitez vous un peu de chaleur … ou un bel orage ???"

c'était une plaisanterie entre eux et comme à chaque fois il lui porta un regard à la fois amusé et paternel. Un léger sourire dérida ses lèvres serrées.

"assieds toi je t'en prie" elle obéit et s'installa dans le confortable fauteuil de l'autre coté du bureau.
"que sais tu d'Ester Ophraim?" il était entré dans le vif du sujet directement. Ororo le regarda surpris. Elle ne connaissait pas cette jeune femme … du moins pas particulièrement. Elle avait lu rapidement son nom sur un dossier lorsqu'elle avait repris son travail. Elle était la "protégée" d'Henry Mc Coy et donc n'avait pas cherché plus loin.
"pas grand chose, juste qu'elle est plus vieille que les élèves de l'Institut et qu'elle est sous la garde d'Henry. Pourquoi ?"

Xavier ne lui répondit pas de suite, ses doigts pianotant sur le dossier ouvert sur son bureau. Le silence s'installa de nouveau mais Ororo attendait patiemment. Les yeux fixés sur le dossier, il se mit à lui expliquer la situation à mot couvert … Ororo avait du mal à comprendre.
Elle avait beau être habituée aux "non-dit" là … elle fronça les sourcils et l'interrompit. La situation était vraiment nouvelle car il était plus que rare qu'elle le fasse
"désolé professeur mais je n'y comprends rien. Pourriez vous être plus clair s'il vous plait ?"

Xavier se prit la tête et soupira mais Ororo avait raison. Comme aider Ester si elle n'avait pas toutes les informations. Il se mit donc à lui raconter l'histoire entière. Le BAM, Daniel Hopes, leur liaison …
Ororo l'écoutait mais ne put cacher sa surprise … ni sa pitié d'ailleurs. Comment la jeune femme pouvait avoir une vie … normale avec tout ça …

Une fois son monologue terminé, Xavier releva la tête. Il avait l'air si perdu, si enfantin. Un vrai petit garçon malgré son visage ridé et ses yeux emplis de sagesse.
Ororo n'était pas fâchée, elle ne le pouvait pas. Au contraire, elle voulait l'aider, prendre un peu de cette responsabilité qu'il s'infligeait continuellement et le soulager.
Ils avaient parlé encore longtemps, cherchant ensemble une solution …

[fin du flash]

Ororo prit brusquement la parole d'un ton tranquille et amical "Ester, bonjour, je suis Ororo mais peut être me connais tu .. Tu dois te demander pourquoi je t'ai demandé de venir ??"

Elle était partie directement sur le tutoiement et les prénoms. Pas de barrière entre elles. Esther n'était certes pas une X-men mais ce n'était pas non plus une élève.
Elle ferma le dossier, le lui montra avant de le jeter négligemment dans un tiroir.
"Ca c'était ton dossier, de simples feuilles de papier … moi je veux connaître la jeune femme qui se cache derrière. Alors je t'écoute … que souhaites tu ? Qu'attends tu de nous .. de moi … de l'Institut ? "

elle ne lui dit pas qu'elle était au courant de tout ou presque laissant la jeune femme décider. Elle ne lui dit pas non plus qu'elle allait probablement prendre le relais de sa "réinsertion", le professeur Mc Coy n'ayant pas assez de temps à lui consacrer ni surtout qu'elle avait insisté auprès de Xavier pour le faire. Ororo pensait qu'entre femmes, Esther se sentirait plus à l'aise. Elle voulait en savoir plus et ne pas lui donner de faux espoir.

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