Faites du bruit, on ne tourne plus [PV Ernest]

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Nuit, jour, nuit, jour... Faim, froid, peur, solitude. Tchézaré accumulait patiemment tous ces mots effrayants dans un sac qui s'était noué à lui, tel un poulpe jaloux. Le voilà désormais en train de traîner une besace bien lourde pour ses frêles épaules. Le petit mutant trottinait tant bien que mal dans les rues à la recherche de nourriture. Ernest l'avait bien aidé, malheureusement il avait été le seul et ne pouvait pas non plus intervenir dès que le souriceau en avait besoin. Tchézaré premièrement, malgré ses 12 petites années avait sa fierté, et puis il avait peur de contracter une trop grosse dette envers le rat. Ses parents lui avaient souvent rappelé tout ce qu'ils faisaient pour lui, de ce fait le gamin avait peur de se retrouver prisonnier, esclave de quelqu'un. Certes, son aîné semblait différent mais l'Andalou ne préférait pas voir jusqu'où sa patience s'étendait. Sans compter qu'il voulait rendre fier celui dont il avait fait son icône, son héros.

Désormais, l'enfant se tenait solidement sur ses pattes, il lui arrivait encore d'hésiter sur la marche bipède ou quadrupède à adopter aux moments les plus importuns mais s'était bien amélioré. En jouant tout seul, en furetant dans les rues pour trouver à manger, en essayant de survivre tout simplement, le gosse avait travaillé sa coordination, en se servant des démonstrations d'Ernest également. C'était donc d'un pas bien plus sûr que d'habitude que le gamin sillonnait les alentours d'un cinéma, espérant que les gens trop accaparés par leur séance lui fichent la paix. Il savait qu'ici, ces derniers, au comble du relâchement se laissaient aller plus facilement, qu'ils jetaient la moitié de leurs pop corn en ressortant. Tchézaré n'avait jamais compris pourquoi les cinémas en donnaient tant si c'était pour les mettre ensuite à la poubelle. Tant d'opulence lui semblait honteuse. Cependant, loin s'en faut, aujourd'hui l'hybride n'allait pas s'en plaindre. Il s'enhardit progressivement et alla jusqu'à fouiner dans la poubelle près de l'entrée pour ressortir un gros paquet à demi rempli... Chouette!

Filant avec Sans Papiers pour s'offrir la dernière séance, le gamin se glissa à travers un grillage et se posta face à une grosse fissure pour regarder d'un oeil un film en Anglais dont il ne comprenait que la moitié et encore. Néanmoins cette soirée était paradisiaque pour lui. Le ventre plein, des images entrecoupées plein la tête il finit tout simplement par s'endormir dans son petit recoin; pensant que personne ne le verrait ici ou ne le sentirait ou quoique ce soit d'autre, enfin que personne ne le remarquerait en tout cas.

En effet qui s'intéresserait à un enfant-souris plus très propre-malgré ses tentatives de conserver une certaine hygiène- habillé en tenue médiévale et maigrichon, le tout étalé entre des cadavres de pop corn à demi grignoté et un verre en carton tombé à terre d'où s'échappait goutte à goutte de l'eau du robinet.

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-Regardez, là, c’est lui. Vous voyez, je n’avais pas rêvé.
-Altérion, je suis juste sensé t’accompagner au cinéma, te ramenez à l’Institut en un seul morceau et respecter un minimum les heures qui ont été fixées pour cette sortie.
-Je sais, mais regardez-le, on ne peut pas le laisser là. Il pourrait venir avec nous.
-Quoi ? Non mais c’est de pire en pire ! C’est pas aussi simple que ça.
-Mais si, ça l’est ! Il n’a plus de maison, ses parents l’ont rejeté, il n’a personne sur qui compter. Tout ce qu’il avait, c’était moi mais je ne peux plus l’aider. Il est à la rue, moi, à l’Institut.
-…
-Ce serait quand même le comble que quelqu’un comme moi puisse profiter de l’Institut et pas lui. Il en a tout autant besoin que moi, sauf qu’il a pas fait toute mes conneries.
-Ne t’enflamme pas. Tu dis vrai, ça je ne peux pas le nier, mais il a son mot à dire. Et l’Institut aussi. C’est qui exactement ce Tchézaré Nyx ?
-Ben, il n’y a pas vraiment plus à dire que ce que j’ai déjà fait. Je suis tombé sur lui alors que j’évoluais dans les égouts. Ses parents l’ont largué quand son gène X s’est manifesté. J’ai vu qu’il était bien pommé alors je lui ai donné un coup de main. Je lui ai indiqué l’une de mes anciennes cachettes dans les égouts et je lui ai rendu plusieurs visites. Forcément, ça fait des semaines que je n’ai pas pu le voir. Y’a peut-être du nouveau, j’en sais rien. En tout cas, la dernière fois que je lui ai parlé, c’était pas un désaxé sociopathe sanguinaire. Il est très correct comme gars.
-D’accord, je vois.
-Alors, qu’est-ce qu’on fait ? Je peux aller le voir ?
-Vas-y. Mais attention : hors de question que tu le suive où que ce soit. Tu discutes ici et c’est tout. Selon sa réaction, on avisera. Je surveille d’ici. Et au risque de me répéter, Altérion, je ne veux pas te perdre de vu. C’est bien clair ?
-Oui, c’est compris.

Toute cette discussion s’était passée à voix basse entre deux ombres dans la nuit. Il était tard et l’obscurité s’imposait partout. L’éclairage citadin était bien sûr là pour qu’on y voit quelque chose, mais il était aisé de s’y soustraire, ce qu’en cet instant les deux ombres avaient fait. La plus grande d’entre elles appartenait à Jack, alias Mr J, X-Men de son état. Il avait été chargé en cette soirée d’accompagner Ernest Lenoir, l’autre ombre, au cinéma pour qu’il puisse y voir un film qui l’avait particulièrement attiré. A présent, le film était achevé mais, c’était sans compter sur ce qu’Altérion avait vu sur le chemin du départ. Longeant le grillage afin de se rendre au parking où la voiture de Mr J était garée, l’enfant-rat avait vu l’enfant-souris.

A présent, Ernest passait par-dessus le grillage avec sa souplesse habituelle. Il retomba de l’autre côté et marcha vers Nyx. Sans Papier commença à s’agiter. Ernest s’arrêta juste à côté du jeune mutant assoupi, le dominant de sa taille. Il croisa les bras et parla d’un ton mi sévère, mi amusé.

-Monsieur Nyx, vous sentez le fauve, un comble pour une souris. Qu’avez-vous à dire pour votre défense ?

Tchézaré allait forcément reconnaitre cette voix. Il l’avait trop entendu et elle était trop particulière pour qu’il puisse la confondre avec une autre. Mais là où ses oreilles pouvait deviner Ernest, ses yeux ne le pourraient pas car l’élève de l’Institut était déguisé. Mélange de réel et d’holographique, son costume le faisait passer pour un étrange bonhomme avec de très amples vêtements et un large chapeau. On ne voyait rien, absolument rien du rat. Sous le chapeau, entre le col de la veste, il n’y avait que de l’ombre et une paire de lunettes sombre.

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-Ya pas de lois contre sentir le fauve?

Répondit le petit mutant groggy qui ouvrait à peine les yeux. Son ton n'était nullement agressif au contraire, il semblait presque demander de façon rhétorique, si effectivement, on n'avait pas le droit de l'attaquer à cause de ça. D'ailleurs un fauve en anglais, c'était bien un de ces gros félidés comme le lion ou le tigre, n'est-ce pas? Désormais plus éveillé le gamin remarquant l'ombre recula contre le mur, son coeur battant à 100 à l'heure. Toujours aussi chevaleresque toutefois, le gosse sortit son épée pour la pointer sur l'ennemi. Les paroles de l'individu résonnaient encore dans sa tête, ce fut ce qui permit le déclic...

-Ernesté? Eres tu? Oui... C'est toi! Hay que maravilla!

Quelle merveilleuse rencontre en effet, le souriceau rangea son épée, tout à fait confiant malgré l'ombre qu'il ne pouvait pas reconnaître. Son odorat lui faisait tourner la tête; mélangeant les odeurs qu'il détectait un peu trop bien à son goût. Mais parmi le pop corn, le bitume, le vent apportant des effluves étrangères, il y avait celle de son héros. Enfin le gamin en était persuadé en tout cas, allez savoir si son imagination ou plutôt son désir de revoir Ernest ne le trompait pas.

-T'as vu, on s'est entraîné Sans papiers et moi!

Le petit garçon se mit à quatre pattes et courut autour de son présumé ami, suivit par la souris blanche qui, ayant reconnu l'adolescent ne semblait plus trop le craindre du moment qu'elle était hors de portée. Tchézaré s'arrêta finalement et s'éloigna juste un petit peu pour avoir une vue d'ensemble de son camarade même si elle était bien pauvre étant donné le peu de choses que l'Andalou pouvait observer. Il voulait également s'éloigner pour que le garçon-rat ne soit pas incommodé par son odeur. Tchézaré avait honte de sa tenue, lui qui avait pourtant fait de son mieux pour conserver une hygiène de vie. Il essayait aussi malgré la fatigue et la faim-repue pour l'instant avec les pop corns mais couvant encore sournoisement.- de se tenir bien droit, presque au garde-à-vous, l'oeil rieur alors que la situation ne s'y prêtait absolument pas, que sa situation surtout ne le présumait en rien. Mais Tchézaré n'était pas du genre à se plaindre surtout quand le bonheur irradiait son petit corps. Il était tout simplement heureux de revoir un ami.

-Tu vas bien? Tu regardais un film? Ye être inquiet pour toi!

Comble de l'illogisme, le gamin s'était plus inquiété pour celui qu'il voyait comme un sauveur que pour lui... Si son grand-père ne lui avait pas apprit à se débrouiller seul un minimum, c'était certain, il serait déjà mort dans la rue. Mais au final, Tchézaré semblait ironiquement y échapper grâce à sa naïveté, sa gentillesse et son innocence d'enfant de 12 ans. C'était simplement parce que le courage était lui aussi présent bien que caché derrière cette carapace de gosse fragile. Les rôles étaient inversés, une silhouette maigre et faible qui cachait un vrai petit chevalier servant. De manières différente et similaire à la fois; Tchézaré était aussi particulier qu'Ernest. Il n'était ni surdoué, ni aussi vaillant et encore moins expérimenté que ce dernier mais avait su s'accrocher suffisamment pour conserver son envie de vivre et sa joie. Jamais l'idée d'en vouloir au garçon-rat d'avoir disparu ne lui était venue puisque sa reconnaissance avait largement dominé. Tchézaré était un optimiste.

Sans parler de courage, pourquoi se plaindre après tout? Cela agaçait ou rendait triste voir aigri, il n'y avait donc rien de bon à en retirer.

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Effectivement, l’odeur d’Ernest était présente. Son déguisement ne pouvait tromper que la vue et le touché. L’enfant-rat regarda son ami, soulagé de le découvrir toujours aussi joyeux et de constater ses progrès. Il fallait l’avouer, Tchézaré se débrouillait bien. Il admirait son ainé alors qu’il n’avait en vérité pas grand-chose à lui envier. Certes, Altérion avait eu son lot d’aventure et, forcément, il s’était adapté, il s’était expérimenté. Mais il fallait remettre les choses dans leur contexte. Au tout début Vermine était comme Nyx. En fait, Nyx s’en sortait bien mieux que lui en matière d’hygiène. Une odeur de fauve ? C’était rien du tout. Après quelques semaines dans les égouts, Lenoir vivait tout nu et si sale que sa puanteur suffisait à faire reculer de dégout la plupart des gens. Sa mémoire ne manqua pas de le lui rappeler. Et ce ne fut pour lui qu’une motivation supplémentaire pour offrir au souriceau la chance d’éviter de tomber si bas. Il décroisa les bras et lui répondit enfin après sa silencieuse observation. Il parlait bas et de façon posée, égal à lui-même.

-Moi, ça va. Ne t’en fais pas pour ça. Tchézaré, je ne vais pas pouvoir rester longtemps.

Ernest jeta un coup d’œil aux environs. Mis à part l’adulte qui l’attendait dans l’ombre, un peu plus loin, il n’y avait personne. Il porta sa main à son bras, tira un peu sa manche affin d’atteindre la montre holographique et pressa sur un bouton pour la désactiver. Dans un grésillement, les illusions s’effacèrent. L’enfant-rat était toujours habillé pareille mais on pouvait désormais deviner son visage bestial ainsi que quelques autres éléments trahissant son côté animal. Il ôta son chapeau et ses lunettes, finissant de se dévoiler. Il reprit ensuite.

-Si je suis là, c’est pour toi. Je devine que tu vis toujours dans les égouts. Tu t’en sors bien. Si, si, c’est vrai, mieux que moi pendant les premières semaines. Mais ce n’est pas vraiment ce qu’on peut appeler une existence convenable, tu en conviendras. Si ça fait un moment que je n’ai pas pu te voir, c’est qu’il m’est arrivé quelque chose de bien. Pour moi, la Confrérie, c’est fini. L’Institut Xavier a bien voulu me reprendre.

Il marqua une pose avant de poser la question.

-Tu sais ce qu’est l’Institut ?

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-L'institut c'est une école mais moi y'aime pas l'école. Les autres y sont méchants souvent... Pi on peut pas partir à cause des murs. Ye comprendre pas tout en cours ne plus. Moi pas intelligent comme toi tu sais.

Répondit le souriceau avec hésitation, il ne voulait pas agacer Ernest qui tâchait de l'aider mais il fallait avouer que le milieu scolaire l'avait suffisamment traumatisé comme ça, plus encore que sa situation de mutant peut-être. Cependant le petit garçon n'esquissa aucun geste de recul, il avait réellement confiance en Ernest et malgré son refus premier s'apprêtait à l'écouter avec attention, cherchant déjà une alternative dans sa tête. Pouvait-il accepter sans contredire son esprit affolé rien qu'à l'idée de poser une patte dans ce genre de structure? Pouvait-il se forcer pour plaire à son aîné et espérer faire des progrès? Ne serait-ce que retrouver une vie décente? Malheureusement le souriceau avait beau être courageux, il n'avait pas en lui cette sagesse capable de le faire trancher dans le bon sens, la peur était trop présente encore et l'influence de la souris ne l'aidait pas vraiment en ce sens. L'animal était apte à fuir très rapidement pour survivre, combattre n'étant pas son fort.

-Toi t'aimes bien là-bas? Vraiment beaucoup?

Contournant légèrement le problème et imposant à son esprit la paix en demandant des informations, l'andalou espérait ainsi obtenir plus d'éléments pour se décider, même si sa peur instinctive lui causerait certainement encore bien des difficultés. Le rat allait sans doute être obligé de convaincre Tchézaré qui ne demandait que cela au fond, faire confiance au point d'accepter de faire face à une de ses phobies. Laquelle était si importante que le gosse hésitait encore entre suivre Ernest et continuer dans la rue, alors que la dernière perspective n'offrait aucun autre avantage que la fuite perpétuelle.

-C'est sûr si tu dire que c'est bien bien là-bas, ye suivre. Mais comment c'est? Tu peux dire à moi? Por favor? Même si tu rester pas longtemps? Tu peux dire vite si tu veux bien... Et ils diront oui pour que Sans Papiers elle reste avec moi? Sinon ye pas pouvoir venir. Tu sais, elle a été avec moi quand y'étais seul, alors ce serait méchant de la laisser toute seule pour aller mieux dans l'institut...

Fit-il en jetant un coup d'oeil désolé à la petite souris blanche qui était remontée sur son épaule et frotta sa tête menue contre l'épaule frêle de son maître. Le petit animal avait aidé le jeune garçon à conserver son caractère joyeux et courageux, sans nul doute. Cela pouvait paraître stupide mais il s'était fortement attaché à Sans Papiers. Elle était pour lui une amie de galère, une "personne" de confiance comme Ernest. Sauf qu'Ernest parlait, qu'il était très intelligent, et que discuter avec un retour de parole avait suffisamment manqué à Tchézaé pour qu'il ne s'enferme pas dans sa bulle. Il avait ainsi su rester un minimum sociable et ouvert aux rencontres, ce qui lui causait souvent des ennuis d'ailleurs, mais au moins avec Ernest il ne risquait rien! A cette idée l'Andalou s'assit par terre et soupira d'aise, il se sentait bien tant que son aîné était à ses côtés pour le guider.