Everything is in its Right Place. (Pv Karma)

Prendre la distance pendant que la bâtisse disparait dans le rétroviseur.
C’est un monde qui peu à peu disparait et c’est une partie de son âme qui reste accrochée à ce qui fut et un espoir de ce qui reste à faire. Elle reste là, cette fière demeure comme au premier jour, imperméable au temps qui passe et qui martèle les cœurs les poussant soit à souffrir en silence ou les poussant parfois au grégaire. Le soleil semblait plus franc jadis, moins hésitant et plein d’une douceur qui n’a pas cette amertume du doute. Il ne part pas vraiment mais il se mentirait trop si il l’admettait.

Certaines choses dans la vie peuvent changer, d’autres restent les même, ainsi en va du temps et qui d’autre que lui pour le comprendre. Ce manoir c’est un vieux coffre emplit de toutes ces choses qu’on aime à ressasser avant de s’endormir lorsque l’énervement ou la fatigue nous cloue le corps. Il y a des rêves brisés, des ambitions jamais réalisées, est espoirs mort nés. Il y a ce qui fait une vie et ce qui la rend si précieuse et colorée.
C’est toutes ces choses qu’il a laissé derrière et qu’il ne trouve plus dans les bureaux froids et gris de sa « prison » aseptisée.
C’est l’illustration même de la chute de celui qui veut mener sa croisade seul comme un martyr du passé car la plus belle vérité qu’on puisse apprendre lorsqu’on vit trop vieux et qu’on ne vit vraiment que dans le regard des autres. On n’est rien sans eux, juste un peu d’air et de la poussière en devenir.

Il rencontre beaucoup de gens, c’est certain, le contact fait partie de son travail mais voit-il encore ces ombres chancelantes qui parfois s’accrochent à sa vue pour se faire briller en son âme ? Non, bien sûr ils passent comme une armée de fantômes dans sa vie et meurent dès que son regard se détourne d’eux. C’est aussi une des autres vérités de ce monde, les gens vont et viennent et ces liens qu’ils tissent entre eux sont aussi ténus que fragiles.

Pourtant.

Pourtant, il arrive de ces rencontres fortuites qui vous font réfléchir. Combien de frères en devenir nous sont passé à coté ? Combien de passions fusionnelles n’ont jamais éclose sur des trottoirs distraits ? Nous ne sommes que des accidents en devenir. Il n’est pas rare de se trouver des échos surprenant chez un inconnu juste parce que l’occasion nous a permis de nous ôter quelques œillères.

La vérité, c’est qu’il pensait déjà à elle dès le lendemain de cette visite.
Quelque chose était passé, il ne se trompait pas la dessus car il le ressentait comme une intime évidence. Ce même sentiment évident avec Morgan ou David lorsque son sourire s’était fait connaitre dans la pénombre de ses habitudes. Shan était de ces visages qui venait de trouver une vie derrière ses yeux fatigués. Pourquoi ? Parce qu’elle le reliait à l’Institut et son désir de plus en plus pressant de rejoindre sa famille ? Parce que sa fragilité touchait la sienne en écho ? Parce qu’ils procédaient tous deux d’un même discours douloureux cachant moult failles ?
C’était un curieux mélange de toutes ses raisons qui lui fit décrocher son téléphone et composer le numéro qu’elle lui avait concédé comme une connivence d’un futur commun.
Il écouta le silence, un peu anxieux et un profond soulagement l’envahit lorsqu’il entendit sa voix. Oui, il était certain de lui à présent, elle comptait.

- Bonjour Shan, Daniel à l’appareil. Ma demande va vous paraitre saugrenue et déplacée peut être, auriez-vous une soirée à m’accorder ?


Les liens qui unissent les êtres.

Ils sont aussi fragiles que faciles à tisser, le hasard donne des perspectives et il suffit d’un regard, d’un geste ou de quelques mots pour qu’un miracle éternellement recommencé se produise.

Certaines choses dans la vie peuvent changer mais d’autre restent les mêmes.


END (for me)