Contrôle technique du modèle A.W. - Pv Alexandre Wade -

« 19 heures, dans le Gymnase. » Levant les yeux de son livre pour les poser sur la femme lui faisant face, Alexandre se contenta d'un hochement de la tête avant de se replonger dans l'ouvrage. Il n'aimait pas lire, du moins ce n'était pas l'activité qui le passionnait le plus. Pourtant, de toute sa vie il ne lui semblait pas avoir déjà autant lu que depuis ces deux dernière semaines. C'était en effet le seul moyen qu'il avait trouvé pour se changer les idées et éviter de penser à son pouvoir. Étrangement, plus le livre était ennuyant, et plus cela semblait fonctionner. Malheureusement, il ne parvenait pas à se concentrer et faire le vide plus d'une demi-heure. Et même si cela bloquait ses pensées et occupait son esprit, son pouvoir n'en était pas moins actif, et son physique n'en était pas moins affecté. Un sourire nerveux se dessina subitement sur ses lèvres tendit qu'il lâchait son livre qui entama une chute en direction du sol qu'il ne tarda pas à rejoindre dans un bruit sourd. Ses mains lui faisaient mal. Combien de temps déjà? Heure heure? Un peu plus ou un peu moins? Le temps de lire dix pages, il ne pouvait être plus précis que ça. Tant pis. Ce n'était pas comme si c'était important, ni comme si ça allait y changer quelque chose. Il grimaça, abandonna sa place, et quitta la pièce sans même adresser un regard aux autres élèves présents, et ignorant les quelques mots de la bibliothécaire lorsqu'il passa la porte d'entrée.

Le livre toujours en main, il se dirigea dans les premiers toilettes venus. Prenant appuis sur le premier lavabo qui croisa sa route, il s'empressa d'ouvrir le robinet, venant récupérer un peu d'eau dans sa main lire afin de s'asperger le visage. Il devait résister. Céder, être faible, c’était bien trop simple. Et pourtant... Pourtant un profond désir c'était immiscé en lui. Il voulait faire exploser quelque chose. Non, il devait faire exploser quelque chose. Reposant sa main sur le bord de l'évier, une douleur semblable à une crampe traversa son bras qui s'immobilisa. Relevant son visage en direction du miroir, il resta quelques instant à se dévisager, les yeux rougis par des larmes qu'il cherchait à retenir. De nouveau il grimaça, envoyant valser le livre emprunté contre le mur.

« Hé! Ça va? » Alexandre sursauta, mais il n'y eu pas de réponse. A travers la glace, il aperçut un jeune garçon, blond. Une tête qui ne lui revenait pas. « T'as besoin d'aide? » « Casse toi. » Son ton n'avait pas été particulièrement menaçant, ni sévère. Non, ça ressemblait plus à un murmure en réalité. « Tu veux que j'appelle quelqu'un? » Les lèvres d'Alexandre s'étirèrent. Lui faire du mal. Il voulait lui faire du mal. Peut-être que s'il s'acharnait assez sur le corps de cet élève, il parviendrait à l'anéantir complètement et ainsi éviter les ennuis? C'était peu probable. Non. Il ne devait pas, c'était interdit. Et il était interdit ce faire ce qui était interdit. Comme s'il en avait quelque chose à faire. En effet, cela l'importait peu, mais il devait se contrôler. Il n'était pas l'instrument mais le maitre. « Je veux l'heure. » « Euh. 18 heures 50, vers là, pourquoi? Ça va, t'es sûr? » Soupirant, il alla ramasser son livre. Il passa devant l'adolescent, l'ignorant complètement, avant de sortir en laissant claquer la porte derrière lui. En silence il traversa les couloirs de l'institut qu'il avait fini par connaitre à force d'y trainer, et dévala les escaliers qui menaient au hall d'entrée. Une fois dehors il s'arrêta. C'était étrange, mais ne plus avoir son chien à ses côtés le rendait nerveux à chaque fois qu'il sortait. En même temps c'était compréhensible: dès qu'il quittait les bâtiments tout allait mal, que ce soit dans le périmètre de l'institut ou ailleurs....

Le gymnase était dans son champ de vision, les joueurs qui en sortaient aussi. Depuis qu'il était arrivé à l'institut, il n'y avait pas souvent mis les pieds. C'était un lieu qu'il fuyait, puisque fréquenté par un type d'individus qu'il ne supportait pas. En même temps, rares étaient les personnes qu'il supportait véritablement. Esquissant un sourire, entra dans la structure sportive, se demandant qui pouvait bien le faire venir ici. Un professeur, il n'y avait pas de doute là dessus, mais il y avait tant de professeur. Il espérait toute fois qu'une chose: que ça ne soit pas Paladin. Il n'était pas d'humeur à rendre des comptes à qui que ce soit. A peine fut-il entré qu'une personne se dirigea vers lui. Une femme, plus petite que lui, qui se présenta sous le nom de Karma. Sans un mot il la suivit jusque dans la salle de muscu, fronçant toute fois légèrement les sourcils. Il l'observa prendre place sur un banc, se saisir d'une enveloppe et en sortir des feuilles. C'était quoi ça? Toisant Karma d'un air septique, il ne compris pas sur le coup pourquoi elle lui demandait comment il se portait. Elle lui proposa ensuite de s'assoir mais il déclina l'invitation d'un mouvement de tête. Une heure? Il n'aurait pas une heure, même s'il le désirait. Lorsqu'elle lui annonça qu'elle avait pris connaissance de son passé, le visage d'Alexandre se raidit tendis que le livre - lui ayant échappé des mains - tomba pour la énième fois de la journée sur le sol. Cette fois cependant, il ne le ramassa pas, continuant de fixer la jeune femme qui continuait de parler. Parler. Ils parlaient tous et ils parlaient trop. « C'est une blague? »

Reculant de quelques pas, lançant un regard autour de lui avant de reporter son attention sur le professeur. Accident, accident... De quel accident parlait-elle? Son admission à l'école? La sortie scolaire dans la fête foraine et sa rencontre avec la mi-femme mi-robot? Le meurtre de son chien et la tentative de destruction d'une demoiselle dans le parc de l'institut? Alexandre ne voyait aucune de ces choses comme étant un accident. « C'est pas un peu tard pour s'y intéresser non? » Pourquoi tout le monde lui demandait comment il allait aujourd'hui? Ils s'étaient tous passé le mot ou quoi? Il grimaça, détournant finalement complètement son regard, venant poser ses yeux sur la porte de sortie. « Ce n'est pas écrit dans vos précieux dossier tout ça? En fait c'est juste que tu savais pas quoi faire et que tu t'es dis que t'allais t'occuper d'un cas. Désoler mais ça sera sans moi. » Oui, il la tutoyait. A quoi bon la vouvoyer après tout? Il se retourna, débutant sa marche en direction de la sortie. « Rien qu'en venant jusqu'ici j'en ai vu une quinzaine qui mériteraient un suivi psychiatrique. Tu rendrais service à l'umanité en allant les voir eux. »

Alors qu'il était sur le point de quitter la pièce, il lui sembla que ses membres ne lui obéissaient plus. Immobilisé contre son gré, il cru d'abord à un tour que lui faisait son don avant de se rendre compte qu'il ne ressentait aucune douleur dans l'immédiat: ce ne pouvait donc pas être lui. C'était donc cette Karma, il n'y avait aucune autre explication. Ne pas pouvoir bouger était désagréable. Mais ce ne fut rien avec ce qui s'en suivit. Elle reprit la parole tout en s'approchant de lui, mais il ne la voyait pas. Seul ses pas et sa voix lui indiquait qu'elle s'approchait. Elle fini d'ailleurs par entrer dans son champ de vision, venant se placer devant lui, trouvant apparemment utile de lui répéter qu'elle avait pris connaissance de son dossier. Il l'observa en silence jeter un mince paquet de feuille à la poubelle. Constatant qu'elle est avait gardé une, il fronça légèrement ses sourcils, se demandant ce qu'elle pouvait bien contenir pour ne pas avoir subit le même sort que les autres. Il fut ensuite question d'un bon potentiel. Son pouvoir, c'était ça qui l'intéressait. Qu'est-ce que ça pouvait-être d'autre de toute façon? Grimaçant, il fut tiré de ses pensées par un contact physique avec Karma. Elle lui avait pris la main avant de soulever sa manche comme si elle procédait à un examen de son état physique. A quoi jouait-elle exactement? Il ignora sa question, s'empressant de rabaisser sa manche dès que le contact fut rompu. Il n'aimait pas particulièrement qu'on le touche, cela étant peut-être dût au fait que les dernières personnes à l'avoir manipulé physiquement en avaient profité pour lui briser les os.

Le libérant de l'étreinte de son pouvoir la jeune femme se dirigeait maintenant vers la sortie de secours, lui lançant au passage une invitation qui n'en était en réalité pas une. Alexandre marmonna quelque chose entre ses dans avant de remettre en marche, lentement, à la suite de Karma qui avait déjà rejoint ce qui semblait être sa voiture. C'est presque à contre cœur qu'il pris place dans le véhicule aux côtés du professeur. Puis elle démarra pour se rendre à une destination qui était inconnue au gamin. Le trajet lui parut interminable. Les minutes s'écoulèrent avec une lenteur extrême alors qu'il sentait son corps gagné par des crampes causées par son propre pouvoir. Crispant sa mâchoire, il fit comme si de rien était. Son visage tourné vers l'extérieur, il n'adressa pas un seul regard à Karma de tout le voyage. Tout comme il ne quitta pas son siège lorsque enfin la voiture s'immobilisa et que la petite dame continua à pied. Nouvel ordre masqué derrière une énième invitation à la rejoindre. Détachant sa ceinture, Alexandre sortit du pick up lorsqu'elle lui signala son impatience. Et c'est ainsi que tout deux s'enfoncèrent dans les fourrée sur un chemin en pente. Lorsqu'il parvint à sa hauteur, il lui lança un regard septique avant de balayer le paysage du regard. Des ruines, des vaches, des arbres.

Alors qu'il inspectait les horizons, elle repris la parole, lui annonçant en quelque sorte qu'il avait été sélectionné pour faire partit d'une équipe regroupant déjà trois autres individus de l'institut. Automatiquement, il releva sa tête dans sa direction tandis qu'un rictus vint déformer ses lèvres. Elle rigolait? Non, elle paraissait on ne peut plus sérieuse. Mais Alexandre ne voulait pas rejoindre une quelconque équipe. A quoi bon? Ce n'était pas dans ses projets, et il n'y trouvait aucun intérêt particulier. La dernière fois qu'il avait fait partie d'un groupe c'était lorsqu'il était encore un membre à part entière de la confrérie. Et aujourd'hui plus que jamais il ne souhaitait plus être un vulgaire pion parmi d'autres pions. « Sans façon. J'ai déjà donné. » Cohabiter avec eux passait encore. Risquer sa vie pour celle des autres, très peu pour lui. Il n'en était pas encore capable, pas tout de suite.

Les consignes furent brèves: exploser une vache et un mur. Cependant, c'est d'un signe négatif de la tête qu'il les accueillit. Tuer. Elle lui demandait de tuer. Certes c'était un animal, mais c'était quand même une mise à mort qu'il devait lui même orchestré par le biais de son pouvoir. « Je ne suis pas un meurtrier. » Souffla-t-il. Non. Il ne voulait plus tuer. Son chien, des inconnus, la petite fille... « Quant au reste je... » Alexandre s'interrompit en plein milieu de sa phrase comme si soudainement les mots ne parvenaient plus à sortir de sa gorge, alors qu'il se penchait en avant sous l'effet d'une crampe qui manqua de lui faire perdre l'équilibre. Se rattrapant avant la chute, il releva des yeux remplis de douleur mais aussi de colère sur Karma. Un picotement sur ses lèvres se fit ressentir, une petite entaille prenait progressivement forme laissant échapper un mince filet de sang. Ça recommençait. Ça recommençait toujours de toute façon. Tremblotant légèrement, sans quitter du regard l'x-woman, un puissant vacarme se fit entendre derrière eux. Le mur, vestige de ce qui peut-être un jour fut une belle maison, entrepris sa destruction. Une destruction violente, laissant échapper des morceaux de pierres de différentes tailles dans des directions assez aléatoires. Une sorte de chaleur qu'il ne parvenait pas à qualifié lui traversa la corps. Une chaleur douce, apaisante. Quelques secondes plus tard, le mur n'était plus là. Détruit, anéantit. Et Alexandre en voulait encore. Détournant son attention de Karma, il vint poser son regard sur la vache qu'elle lui avait désigné un peu plus tôt et qui entre temps avait progressé de quelques mètres - sans doute effrayée par le bruit de l'explosion. Madame souhaitait du sang? Très bien...

L'animal se mis à gémir. Des gémissements qui firent naitre des larmes aux coins des yeux du jeune mutant. Ces cris. Même si très différents, ils lui rappelaient les cris de son chien. La même situation se répétait. Qu'était-il en train de faire? Mais en même temps, c'était si apaisant pour lui de libérer un peu de sa puissance. Si apaisant... L'animal s'écroula, et fini par se taire. « Pas satisfaite? Elle est pas bien éclatée? Tu en veux encore? Combien? Trois? Quatre? Tout le troupeau? » Il avait prononcé cela de manière rapide, ne désirant pas obtenir de réponses. A peine avait-il fini de prononcé le dernier mot qu'un nouveau meuglement résonna dans le près auparavant si calme. Suivit d'un second, puis d'un troisième. Les points serrés, comme s'il cherchait à maintenir le contrôle de son pouvoir, Alexandre prenait soin de ne pas regarder Karma. Son visage, tendu, ne laissait voir aucune expression bien définissable. Seul les quelques gouttelettes d'eau qui étaient parvenues à s'échapper de ses yeux et qui désormais dévalaient ses jouent trahissaient le fait qu'il ne prenait pas de véritable plaisir à faire ce qu'il était en train de faire. Pourtant ce n'était pas de sa faute. C'était elle qui lui avait demandé de faire ça. Elle qui lui avait demandé de tuer...

Concentré sur la tache qu'il accomplissait, Alexandre ne remarqua pas que Karma avait bougé. A vrai dire, il ne le constata qu'au moment où il sentit le contact de cette dernière sur son dos. Naturellement, il chercha à se retourner mais son corps refusa d'exécuter le moindre mouvement. Que lui arrivait-il? Il n'en savait rien, et le fait de ne pas savoir ou encore de ne pas comprendre l'énervait. Tout l'énervait de toute façon. Sa main le perturbait. Il voulait rompre ce contact mais ses membres ne semblaient plus lui obéir. Le même scénario que dans le gymnase se déroulait. C'était ça son pouvoir? Immobiliser les gens? Alors qu'il sentait enfin sa main s'immobiliser, ses yeux se refermèrent contre sa volonté. Mais il ne chercha pas à les ré-ouvrir, aurait-il put seulement le faire? Il se sentit bouger, ses jambes se plièrent d'elles même et il ne tarda pas sentir le sol sous lui. Il était assis. A moitié conscient de ce qui lui arrivait véritablement, le gamin se laissant envahir par un étrange sensation de bien être et d'apaisement. Karma parla, mais il n'aurait put répéter ce qu'elle venait de lui dire étant toujours concentré sur les cris des animaux agonisant. Des cris qui commencèrent à diminuer. Les avait-il tué ou était-ce autre chose? Il ne pouvait le dire. La seule chose dont il était était sûr était qu'il se sentait étrangement bien...

Le professeur repris la parole. N'ayant d'autre choix, il l'écouta. Elle lui raconta une courte histoire qui lui était arrivée quelques mois auparavant. Deux individus auxquels elle tenait étaient morts. Son frère et sa sœur. L'un était mort par la faute de son pouvoir, l'autre c'était simplement suicidée. Alexandre n'était pas suicidaire, alors pourquoi lui racontait-elle cela? Il pleurait et alors? Ne pleurait-elle jamais elle aussi? Tout le monde a ses moments de faiblesse non? Plus les secondes passaient et plus il avait l'impression que tout allait mieux. La seconde main de la jeune femme se posa à son tour sur lui, au niveau de son ventre. Qu'allait-elle lui faire maintenant qu'elle l'avait arrêté? Qu'allait-il lui arriver? Il l'ignorait et s'en fichait. Sa tête lui paraissait vide, il ne pensait plus à rien, il ne se posait plus de question. Il se contentait de l'écouter parler, d'écouter sa voix. Elle était belle, sa voix. Le mot confrérie ne lui plut pas. Pourquoi était-il toujours question d'eux? Parce qu'il avait fait partie des leurs? Il était plus jeune, et il avait suivit la première personne qu'il avait croisé. Était-ce si grave à la fin? Elle enchaîna sur ce qu'elle lui avait déjà proposé un peu plus tôt. Rejoindre son petit groupe. Un groupe de garçon qui selon elle souffraient aussi de leur vie. Génial. Être avec des gens qui passent leur temps à se plaindre et à raconter à tous combien la vie n'avait pas été clémente avec eux. Très peu pour lui. Lui au moins il n'étalait pas sa vie devant les autres. Et même sous cette sorte n'anesthésie artificielle, son avis semblait être arrêté. Une chose lui déplut particulièrement. Selon elle, il ne maitrisait pas son pouvoir. Selon lui, il devait apprendre à maitriser ce don qu'elle nomma « malédiction ». Qu'en savait-elle? Était-elle dans sa tête? Puis elle retira ses mains et son contact fut rompu.

Le retour à la réalité fut plus brutal qu'il n'aurait put le croire. Toute cette sensation de bien être s'évanouit, et il ne tarda pas à ressentir de nouveau les effets de son pouvoir sur son être. Alexandre eu l'impression de perdre l'équilibre et de chuter. Mais ce ne fut pas le cas. Il se sentit glisser sur le côté mais parvint à regagner un certain équilibre à l'aide de ses bras. Il avait repris le contrôle de son propre corps. Refermant l'un de ses points sur une touffe d'herbe, il entre-ouvrir ses paupières, la lumière venant l'éblouir. Il avait l'impression de sortir d'une longue nuit de sommeil. Pourtant il savait que ce n'était pas le cas. Plissant des yeux, il balaya ce qui l’entourait du regard ce qui l'entourait. Les vaches, là bas. Les arbres aussi. Mais pas de Karma. Fronçant ses sourcils, le son de sa voix lui indiqua qu'elle était derrière lui. Alors il chercha à se redresser, mais n'y parvint qu'à moitié. Il se laissa partir en arrière, mais lorsqu'il sentit ce qu'il pensait être Karma, il se pencha vers l'avant. Une fois à quatre pattes, il parcourra une courte distance avant de se redresser et de se relever. Ce ne fut qu'à cet instant qu'il se retourna, faisant ainsi face à la mutante. Il la fixa, et leva un bras dans sa direction et la pointa du doigt. « Ne me touche plus... » marmonna-t-il. Déviant son bras dans une autre direction, il l'arrêta sur le troupeau de vache. Deux étaient à terre, immobile. Une troisième tentait de se redresser. La quatrième s'était plus loin, fuyante, boitant. « Tu... Tu crois vraiment que je ne le contrôlais pas? » débuta-t-il d'un ton qui se voulait menaçant. Il porta sa seconde main à sa bouche, venant essuyer le mince filet de sang. « Tu le crois vraiment? »

Abaissant sa tête et son bras, il observa quelques instants se chaussures. « C'est idiot. » souffla-t-il. « Complètement idiot. » Un rire nerveux s'échappa de sa gorge. « A quoi ça rime tout ça? T'as une prime pour chaque bonne action? Il releva ses yeux vers elle. « Ça marchera jamais. » Il grimaça, et s'avança de quelques pas, gardant toute fois plusieurs mètres de distance entre elle et lui. « C'était quoi l'autre papier? » Ici, il faisait bien évidement allusion à la feuille que Karma avait gardé et pris soin de plier alors que les autres avaient fini à la poubelle. Reprenant un air septique, il vint croiser ses bras, gardant un contact visuel avec elle. Ce n'était pas qu'il la mettait au défit, juste qu'il ne voulait plus se faire surprendre.

Il n'eut pas longtemps à attendre avant que la mutante ne réagisse à ses paroles. Toujours debout à plusieurs mètres d'elle, Alexandre continuait de la fixer d'un œil qui n'était ni bon, ni véritablement mauvais. Il l'écoutait, faussement attentif à ce qu'elle pouvait lui dire. Ce devait être une habitude de l'institut. Parler en alignant le plus de mots possibles tout en prenant soin de ne pas laisser le temps à l'interlocuteur de digérer ce qui pouvait être dit. Daniel, David, elle... Au moins, on pouvait les reconnaitre. L'une de ses mains s'agita, trahissant une certaine impatience. Détournant peu à peu son regard, se laissant involontairement distraire par ce qui l’entourait, il revint néanmoins braquer ses yeux sur elle lorsqu'il la vit se mettre en mouvement. Karma s'avançait. Rapidement elle combla le vide qui les séparait, tout en prenant soin de déplier une feuille. Le document qu'elle n'avait pas jeter tout à l'heure? Sans doute, du moins il l'espérait. Plus petite que lui en taille, il plissa ses yeux, durcissant ainsi son regard. Elle parlait de manipulation, de confiance, d'autres élèves aussi. Elle osait lui demander pourquoi il ne lui accorderait pas sa confiance comme ces deux autres élèves? Était-elle sérieuse? Un mince sourire se dessina sur ses lèvres, mais aussi rapidement qu'il était apparut, il se dissipa. Et de doute évidence elle n'y gagnait rien - enfin c'était ce qu'elle disait. Alexandre en doutait. On ne forme pas un groupe si on attend rien de lui en échange. Le créateur des X-écutors, n'avait-il pas réuni un petit nombre de membre dans l'unique but d'assouvir un désir qui lui était cher: nuire au directeur de l'institut? Parfaitement. Il était donc logique - du moins pour lui - que Karma avait quelque chose derrière la tête.

D'un geste calme et lent, elle vint poser la mystérieuse feuille sur son torse, trouvant utile d'y exercer une petit pression. Fermant ses yeux et inspira un grand coup, il s'empressa de la prendre afin de briser ce contact. N'aurait-elle pas put tout simplement la lui donner à distance, comme le ferait toute personne c'est à dire en tendant le bras? Non, bien évidement. Froissant légèrement le papier sous ses doigts il ne la regarda pas tout de suite. Maintenant qu'il l'avait en sa possession il avait tout le temps de la lire, et puis il fallait bien avouer qu'Alexandre n'était sans doute pas l'adolescent le plus curieux qui soit. A vrai dire, il allait la lire mais quelque chose venait de l'en empêcher. Avait-il mal entendu ou venait-elle de lui proposer d'être sa tutrice? Levant un sourcil, il ne put s'empêcher d'étirer ses lèvres en un sourire assez large pour cette fois dévoiler ses dents. Ce fichait-elle de lui? Immobile et silencieux, il la regarda s'éloigner pour venir se poser un peu plus loin sur une pierre. « Tu as déjà plusieurs cas donc... » Il marqua une courte pause, comme s'il réfléchissait. « Tu es sûr que tes petites épaules supporteront ça longtemps? » Un rire à connotation plutôt méprisante s'échappa de ses lèvres, accompagnant à merveille le sourire qui y était déjà accroché. Il ne le fit pas durer longtemps cependant, se doutant qu'elle risquait de ne pas apprécier la moquerie. Ce n'était pas qu'il s'intéressait à ce qu'elle pouvait ressentir, simplement qu'il préférait dans l'immédiat éviter de la vexer pour ne pas avoir de nouveau affaire à son don.

Venant recroiser ses bras, il tourna son regard dans la même direction que Karma qui venait de lever une main, c'est à dire le près et les vaches. Une vache blessée était en train de se coucher, et la mutante semblait y être pour quelque chose. « Des scrupules? Pourquoi aurai-je des scrupules face à de simples vaches? » Comme pour appuyer ses dires, il activa son pouvoir sur cette pauvre vache qui n'avait jamais rien demandé de plus que de brouter de l'herbe. La vache meugla, mais il ne sut sur le coup pas ce qu'il était en train de lui faire subir. La seule chose dont il était sûr était qu'elle subissait, puisqu'il ressentait en lui quelque chose. Une de ses pattes venait apparemment de se briser puisqu'elle rejoignit le sol plus brutalement tout d'un coup. Ravalant sa salive, il détourna son regard faisant mine de s'intéresser à autre chose comme si de rien était. Comme s'il n'y était pour rien. Alexandre aimait les bêtes - au plutôt il les aimait à sa façon. Il avait aimé son chien, un peu trop sans doute, et il devait reconnaitre qu'il n'éprouvait aucun plaisir à blesser ces bovins...

Soupirant, il reporta son intention sur la feuille de papier qu'il tenait toujours. La levant un peu il entreprit sa lecture. « Ma tutrice... » Haussant des épaules, il tourna sa tête dans sa direction sans pour autant quitter le document du regard. « Mais pour combien de temps? Un mois? Deux semaines? Quatre jours? » Tandis qu'un rictus venait déformer ses lèvres, il baissa d'un ton sa voix. « Ne fait pas semblant de t'intéresser à ce que je suis... Où est le piège? » Il y a forcément un piège. Écartant ses doigts, il lâcha le papier, le laissant tomber avec lenteur à environ un mètre de lui. A croire que c'était devenu une habitude, de laisser tomber les choses. Venant retrouver un contact visuel avec le professeur, il inspira profondément. « Je ne te fais pas confiance... »

Ce qu'il venait de lui dire - ou ce qu'il avait fait, Alexandre n'en était pas bien sûre - ne lui avait de toute évidence pas plu. C'est un détail qui n'échappa pas à Alexandre. En effet, l'attitude de la demoiselle avait soudainement changé et elle semblait moins bavarde tout un coup. L'avait-il blessé? Ou encore vexé? Il l'ignorait. Tout comme il ignorait s'il devait ou non en retirer une certaine satisfaction. Il se mis à la fixer, soutenant son regard lorsqu'elle vint plonger pour une courte durée ses yeux dans les siens. Lorsqu'elle lui tourna le dos, il passa nerveusement l'un de ses mains dans ses cheveux. Que faisait-elle? Immobile, il l'observa s'éloigner de quelques mètres avant qu'elle ne lui ordonne de la suivre. Automatiquement il se mis en marche, sans véritablement s'en rendre compte. Peut-être était-ce qu'inconsciemment il voulait éviter qu'à nouveau elle ne prenne possession de son corps. Autant rester libre de ses mouvements le plus longtemps possible...

Gardant une certaine distance entre elle et lui, ne cherchant pas à un seul moment à la rattraper, il continuait de la suivre, constant qu'ils se rapprochaient de plus en plus des vaches. Là haut, dans le ciel, les nuages s'étaient rassemblés en paquets. Il ce mis à pleuvoir et il ne tarda pas à être trempé. Mais peu lui importait; la pluie ce n'était que de l'eau. L'eau ne tuait pas. Du moins, pas lorsqu'elle tombait du ciel. Devant Karma les vaches prenaient la fuite. Seul les cadavres des bovins ne fuyaient pas. Lorsque Alexandre dépassa la première carcasse, il s'arrêta. Cette bête, c'était un peu son chien. Au moins, il n'était plus la seule victime. Un rictus s'invita sur son visage, venant déformer ses traits et tordre légèrement sa bouche. Ce n'était pas beau à voir, mais il ne parvenait à détacher ses yeux de l'animal, comme déconnecté de la réalité. Réalité qui ne tarda pas à le rattraper en adoptant la voix de Karma. Relevant ses yeux pour les poser sur la mutante, il ne bougea pas de position pour autant. Elle était agenouillée, un peu plus loin, une de ses mains posée sur la vache agonisante. Vu d'ici, Karma paraissait si petite, si fragile, si triste... Elle n'avait plus rien à voir avec l'image du professeur qu'elle affichait il y a une dizaine de minutes encore. Et même s'il ne l'aurait pas reconnu, il était touché par la x-woman. Elle n'apparaissait plus comme un être supérieur, non, elle semblait juste humaine...

Il était en train de s'approcher d'elle lorsqu'elle lui donna l'ordre de mettre fin aux jours de cette vache. Tuer. Même si elle n'utilisait pas directement le mot c'était ce qu'elle lui demandait de faire. Ajoutant qu'un travail ce devait d'être bien fait. Tuer n'était donc pour elle qu'un travail comme un autre? Soit, si c'était sa manière de penser. Alexandre n'était pas de cet avis là. Il n'avait jamais considérer le fait de tuer comme une tâche aussi anodine que de faire la cuisine ou d'enseigner à des élèves. A vrai dire, il n'avait jamais véritablement réfléchit à ce que le meurtre représentait pour lui. Marchant encore un peu, il fini par combler le vide que les séparait, s'arrêtant à seulement à quelques pas d'elle. La pluie se faisait plus insistante, plus violente. Le près se transformait peu à peu en champs de boue. Prenant une grande inspiration. « Je suis dé... » Alexandre s'interrompit, fronçant légèrement ses sourcils comme s'il réfléchissait. « Tu l'aimais cette vache? » Question stupide en apparence et pourtant il voulait savoir. Il voulait savoir ce qu'était cette vache aux yeux de la jeune femme, savoir si elle comptait pour elle. Mais peut-être aurait-il mieux fait de s'excuser comme il avait si bien commencé à le faire. Sa voix cependant avait été douce, et basse, grave.

Trempé jusqu'aux os, il abaissa son regard sur la vache, et sans prévenir il activa son don. Que pouvait-il faire d'autre de toute façon? Fuir? Ne pas assumer? Paraitre faible? Incapable? L'animal ne bougeait pas, ou à peine. Sans doute était-ce l’œuvre de la mutante. Mais elle souffrait et Alexandre en avait pleinement conscience. Pourtant, il ne savait comme abréger ses souffrances, comment être plus rapide. Cette partie de son don qui touchait les êtres vivants il ne l'avait pas véritablement expérimenté depuis qu'il l'avait découvert. A vrai dire, à part sur Enora et sur son propre corps il n'en avait jamais véritablement eu l'usage. Il évitait. Et l'agonie de la pauvre bête fut longue. Sa peau se fissurait, ses os craquaient bruyamment, ses poils se détachaient. Se concentrant d'avantage, abimant un peu plus encore la vache, cette dernière succomba enfin. Il devait avoir touché un organe vitale, ou plutôt explosé un organe vital... « Ne me pose plus de questions. Je me passerai de ton aide. Fais ton boulot avec les autres et reste loin de moi. » Marmonna-t-il à l'adresse de Karma dès qu'il eut terminé.

Se passant une main dans les cheveux comme pour les décoller de sa tête. Puis il recula, tourna le dos à Karma et fini par s'éloigner de quelques mètres. Pas trop loin, afin d'éviter qu'elle n'ait à user son don sur lui. Sans même ce retourner, venant fixer ses pieds comme l'aurait fait un enfant honteux d'avoir fait une bêtise, il s'adressa à Karma qui se voulait neutre mais qui laissait paraitre une certaine colère. « Tu comptes me faire massacrer tout le troupeau ou on peut rentrer? » C'était un peu une manière de lui faire comprendre qu'elle n'obtiendrait rien de plus de lui dans l'immédiat. Dans l'immédiat ou pas d'ailleurs, puisqu'il semblait arrêté sur sa décision: cette idée de groupe, d'équipe ou peu importe comment elle nommait ça, ne l'intéressait pas. Ce serait sans lui.

Comme il s'en doutait, il ne resta pas bien longtemps seul. Quelques secondes après que la bête est rendue l'âme, Karma était déjà là, non loin de lui, se rapprochant toujours plus. Alexandre, lui, n'avait toujours pas bougé. Toujours immobile et lui tournant le dos, il contemplait un arbre un peu plus loin, se contentant d'attendre. Attendre qu'elle vienne, attendre qu'ils partent, attendre qu'elle lui crie un coup dessus... Il ne savait pas vraiment ce qu'il attendait en fait, ni ce que Karma allait faire maintenant que la vache était morte et qu'elle semblait plus que touchée. Peut-être accepterait-elle enfin de le reconduire à l'institut et de le laisser en paix le temps qu'il lui restait avant que les effets de son pouvoirs sur son corps ne recommencent à se manifester. Mais non, ça ne semblait pas être dans les plans de la mutante qui tardait à venir le dépasser. Que faisait-elle? Peu lui importait. Lorsqu'elle le contourna et qu'elle vint se figer devant lui, il évite son regard. A vrai dire, il l'évita complètement en tournant ses yeux dans une toute autre direction. Elle pris la parole d'une voix douce et calme, trahissant un certain malaise. Lui faisait-il peur? Ou n'était-ce qu'une impression?

Elle répondit à l'une de ses questions - ou du moins c'est ce qu'il en déduit lorsqu'elle lui parla de son rapport avec la vie des autres. Ainsi toutes les vies comptaient pour elle? Là dessus, il avait des doutes mais ce n'était que son avis. Elle parla d'un "on" qui désirait connaitre ses limites. Automatiquement il fronça les sourcils alors qu'une pensée désagréable lui traversa l'esprit. Miss Locke. Elle souriait, son arme à la main, ne cessant de parler, venant de temps en temps le toucher comme le faisait depuis le début Karma - à la différence que cette dernière n'avait pas besoin d'arme. ... ils te détruiront. Ses poings se resserrèrent. C'était donc ça? Elle désirait connaitre ses limites pour voir s'il était ou non dangereux? S'il était ou non un élément à éliminer? Alors pourquoi s'excusait-elle? Était-ce pour lui avoir faire tuer ces vaches ou lui demandait-elle le pardon pour ce qu'elle s’apprêtait à lui faire? Non; Il n'était pas un pantin. Non. Il ne se laisserait pas faire. Comment pouvait-il la croire? Il ne le pouvait pas. Ou plutôt il ne voulait pas. Pas dans l'immédiat.

L'orage commençait à se dissiper, les gouttes de pluie se faisaient plus petites et moins nombreuses. Tout ne tarderait pas à cesser. Continuant d'éviter son regard il ne put que froncer d'avantage les sourcils lorsque l'une des mains du professeur se posa sur sa joue pour l'obliger à regarder dans sa direction. Il croisa son regard. Ses yeux étaient rouges signe qu'elle avait pleuré. Des larmes étaient d'ailleurs toujours présentes, attendant le moment opportun pour s'évader et couler le long de ses joues. Devait-il se sentir toucher par cette scène? Sans doute, il n'en était pas sûr. Et touché, il l'était quand même un peu. Ce fut elle qui abaissa en première son regard, alors qu'Alexandre la fixait toujours, restant méfiant. Elle débuta un jeu avec l'une de ses mains ce qu'il n'apprécia pas particulièrement mais il se laissa faire. Il avait eu un petit aperçu de ce qu'elle était capable de faire avec son don et préférait éviter que cela se renouvelle restant toute fois sur ses gardes. Elle ne l'aurait plus à ce petit jeu là. Personne ne l'aura plus. Plus jamais.

Reprenant la parole, elle lui parla de son pouvoir à elle. Un pouvoir qui lui avait fait tuer. Un pouvoir qu'elle ne semblait pas beaucoup apprécier. Pourquoi lui raconter ça? Pour le rassurer? L'inquiéter? Lui montrer qu'il n'était pas le seul à avoir des problèmes? Un peu de tout ça sans doute. Grimaçant il détourna son regard, déviant légèrement sa tête. Elle lui proposait son aide, encore. Tendis qu'elle posait la main d'Alexandre sur son ventre. A ce nouveau contact, il la regarda, la dévisageant, ne comprenant pas tout à ce qui était en train de se dérouler et quel était le but de ce geste. Ça le perturbait. C'était plutôt inhabituel. Il pris une grande inspiration, tout en continuant de la fixer. Je te fais confiance... Cette phrase le surpris. Elle lui faisait confiance alors qu'il y a quelques minutes encore elle était revenue vers lui au bords des larmes? Un sourire nerveux se dessina aux coins de ses lèvres. Sourire qui disparu aussi rapidement qu'il était apparu. Elle fini par briser tout contact avec lui et alors qu'elle prononçait ses derniers mots, il s'empressa de retirer sa main et de reculer de quelques pas, refermant ses poings. « Toutes... ? C'est impossible... J'étais persuadé que tu ferais mieux. » Sa voix avait été mauvaise, malsaine. Sans qu'il ne s'en rende compte son regard changea. Il se durcit, alors que ses lèvres s'étirèrent de nouveau en un sourire ayant tout l'air d'être sadique. Depuis l'heure du rendez-vous, soit 19 heures, il ne s'était pas encore adressé à elle de cette façon. C'était différent. Lorsqu'il en pris conscience les traits de son visage se détendirent, son sourire disparut, son regard s'adoucit. Ravalant sa salive il recula encore un peu. Chassez le naturel et il revient au galop... Soupirant, il s'essuya le visage encore trempé par la pluie avec le revers de sa main.

« Tu veux m'aider? Ramène moi à l'institut. » Il adressa un Karma un large mais relativement bref sourire qui forcé, destiné à effacer celui qu'il lui avait adressé quelques secondes plus tôt. Montrant la petite montée de la tête, il fit mine de s'engager dans la direction qui devait être le chemin dans le sens inverse à celui qu'ils avaient emprunté avant tout ça. Il n'ajouta rien de plus, se contentant d'avancé en espérant que Karma ne viendrait pas le bloquer et qu'elle accepterait sa volonté. Le sujet était clos. Ou plutôt il tentait de se persuader qu'il l'était. En réalité, il avait juste besoin d'un peu de temps...

Le retour se fit dans le silence le plus total. Seul le bruit du moteur du pickup venait briser le pesant atmosphère qui s'était mis en place au sein du véhicule. Pas une seule fois Alexandre ne tourna sa tête dans la direction de la mutante. Pas une fois non plus il chercha à entamer une discussion. Non. Il se contentait de fixer le dehors, laissant ses yeux se balader sur les paysages qui défilaient. Karma lui parla-t-elle? Avait-elle mis la radio? Il n'aurait put le dire, tant il était ailleurs. Il n'avait qu'une hâte: retrouver sa solitude et savourer ses quelques moments de bien-être en tout intimité, dans un coin de l'institut. Lorsque la voiture passa l'imposant portail de l'école - si on pouvait l'appeler ainsi - il abaissa ses yeux et regarda ses mains jusqu'à l'arrêt du véhicule. Tout deux descendirent et sans s'attarder d'avantage il s'éloigna, ignorant la formule de politesse qu'elle venait de lui lancer, ne prenant pas la peine de lui répondre. A quoi cela aurait-il servit à par le retarder? Lui faire perdre du temps inutilement? A rien. Esquissant toute fois un mince sourire se sachant à l'abri de son regard, il s'avançait en direction de la terrasse. N'ayant rien à faire à l'extérieur il contourna l'institut afin d'y pénétrer par une autre entrée, différente de celle empruntée par Karma afin de ne pas la croiser. Il ne voulait plus la croiser, ni la voir. A vrai dire, il ne voulait voir personne.

Ce soir là, lorsqu'il se coucha il ne pris pas la peine de se déshabiller. Gardant même jusqu'à ses chaussures, il s'était recroquevillé sur son lit, à moitié en boule, fixant un point de la porte. Il ne mangea pas non plus, l'estomac noué non pas par ce qu'il avait vu un peu plus tôt, mais par ce que ces visions lui avaient remis en mémoire. Grimaçant, il n'eut aucune réaction lorsque son colocataire de chambré pénétra dans la pièce. Allumant la lumière, il s'arrêta quelques instants dans l'encadrement de la porte, regardant Alexandre comme s'il s’apprêtait à dire quelque chose, à l'interroger. Mais finalement il ne dit rien, se contentant de rejoindre son lit avec pour seule parole un soupire volontairement bruyant. Il éteignit la lumière, et à nouveau la chambre fut plongée dans le noir. Ce ne fut qu'à cet instant là qu'Alexandre ferma ses yeux se plongeant dans le merveilleux pays des rêves. Pays merveilleux où tout est possible... même le pire.

« Arrête... » Ses yeux se rouvrirent et quelques minutes il resta immobile, les sens en alertes comme s'il attendait de voir si quelque chose allait bouger, si un bruit allait se faire entendre. Si une quelconque présence allait être révélée. Pas de bruit. Simplement la respiration régulière de son camarade. Il n'avait pas crié. A peine chuchoté. L'autre ne s'était pas réveillé. Soupirant, Alexandre fini par s'animer. Se redressant sur son matelas, ses draps pas mêmes défaits, il laissant ses jambes glisser et ses pieds retrouver le contact du sol. Aussitôt il crispa ses doigts tendit qu'un rictus vint déformer les traits de son visage. Ça recommençait. Encore. Mais plus violemment cette fois-ci. Étouffant un grognement, il chercha avec hâte l'unique réveil de la chambre. Celui-ci indiquait deux heures vingt sept. Que les nuits peuvent paraître longues parfois. Que le temps s'écoule doucement. Sa respiration s'accéléra. Se relevant, il percuta la petite table de nuit faisant tomber le petit récipient en métal présent dessus. Comment l'avait-il eu d'ailleurs? Il ne s'en souvenait plus. Le bruit cette fois réveilla le second mutant qui lança une injure incompréhensible avant de se rendormir. Comment faisait-il? Ça aussi, il l'ignorait.

Le couloir était désert lorsqu'il s'y engagea. Pas un bruit. Sous la faible lumières des lampes allumées, Alexandre se dirigea vers l'escalier, qu'il descendit avec hâte. Il avait soif. Gagnant la cuisine, il se dirigea vers l'évier. Il attrapa un verre qui y était posé avant de le remplir et se dirigea vers la table. Il pris place et en bu une gorgée. « Hummm. Lut. » Il sursauta. Pris au dépourvu, son pouvoir - qu'il s'appliquait à contenir en lui - se libéra un court instant. Le verre qu'il tenait explosa dans sa main, projetant des bouts de verres sur la table, d'autres venant se planter dans sa main. Il releva ses yeux, dévisageant l'individu qui lui faisait face. Dire qu'il ne l'avait même pas vu. L'élève lui adressa un sourire. Aussitôt la colère monta en Alexandre. L'exploser. Il voulait l'exploser. Après tout, n'était-ce pas de sa faute si son verre avait explosé? N'est-ce pas de sa faute si désormais sa main saignait? S'il avait mal? Ce ne fut qu'en pensant à cela que le mutant pris conscience de sa douleur. Quittant du regard l'étranger, il observa sa main meurtrie avant de grimacer. Relevant ses yeux vers l'individu, lui adressa un regard sombre, malsain, mauvais, il se redressa toute fois, cherchant à faire taire ses envies. Non. Ce n'était pas lui. C'était son pouvoir. Il ne devait pas faire de mal à cet élève. Pas maintenant. Tel un fuyard il regagna en courant les escaliers. Il n'avait pas atteint leur milieu qu'une vive douleur se fit sentir en lui. Par réflexe, il se pencha en avant, venant prendre appuis sur les marche. Quelques secondes, il lui sembla impossible d'exécuter le moindre mouvement. La panique monta en lui, s'ajoutant à la colère qui n'était pas encore apaisée. Sa respiration s'accéléra tellement qu'il cru qu'un de ses poumons était sur le point de se détacher. Puis la douleur passa. Se redressa, faisant attention à ne pas trop s'appuyer sur sa main blessée, bien que la blessure soit assez superficielle. Marmonnant quelque chose entre ses dents il reprit sa marche, atteignant enfin le haut de l'escalier.

Le couloir lui parut long. Interminable. Il ne semblait pas avoir de bout et pourtant Alexandre était sûr que là bas, quelque part, il y avait bien un mur. S'appuyant contre la cloison de bois, il ignorait où il allait, et si cette direction était celle de sa chambre. Parfois - et de plus en plus souvent - il s'arrêtait, prenait appuis contre le mur et attendait que des douleurs ressemblant à des crampes de plus en plus douloureuses passent. Puis il reprenait sa route. Alors qu'il était en proie à son pouvoir, une pensée lui traversa l'esprit. Des vaches. Il voulait des vaches. Il lui fallait des vaches. Il devait exploser des vaches. Maintenant. Tout de suite. Étrangement il repensa à Karma. Il ne savait plus pourquoi, mais quelque chose en lui lui disait qu'il devait la voir, la trouver. Peut-être était-ce son don, qui réclamait toujours plus violemment d'être libéré. Non. C'était lui le maitre. Il devait garder le contrôle, il voulait garder le contrôle. Resserrant ses poings, se fichant désormais des petits bouts de verres qui transperçaient sa chaire, il parvint à gagner la zone où étaient regroupées les quartiers des professeurs et autres membres du personnels. Nouvelle douleur. Il cru cette fois que sa tête allait exploser, tant il sentait son cœur battre contre ses tympans. Touchant son crâne d'une main tremblante, il constata que non, ce n'était qu'une illusion. Ses yeux lui brûlaient, signe qu'un ou deux petits vaisseaux avaient cédés, venant tacher le blanc entourant ses iris.

Pour lui, toutes les portes se ressemblaient. Comment savoir vers laquelle se diriger? Laquelle éviter? Derrière laquelle se cachait Karma? Derrière laquelle - par exemple - se cachait Paladin? Il ne devait pas se tromper. Il ne voulait pas se tromper. Il hésitait. Et apparemment, il hésita trop longtemps pour son pouvoir qui libéra à nouveau sa tétanie et la douleur de la crampe. Il s'approcha d'une porte, la première qu'il croisa. Au final, peu lui importait qui était derrière. Il avait besoin d'aide. Il tendit son bras vers la poignet, mais n'eut pas le temps de la toucher qu'un craquement se fit entendre. Craquement provenant de la porte. Ouvrant de grands yeux, tendit que la fissure s'agrandissait, ses jambes cédèrent sous son poids. Se jetant contre le mur, afin de ne pas se retrouver au milieu du passage, il ramena ses genoux contre son buste, venant y enfuir son visage. Il voulait des vaches...