Echo...

Ils se faisaient face. Tailles similaires, silhouettes similaires, sexes opposés. Une jeune femme et un homme sans âge. Elle portait les flamboyantes couleurs de sa tenue d’X-Woman et de sa chevelure rousse. Lui était le contraste délavé du noir de sa tenue, composée d’une longue veste, d’un pantalon et de chaussures plates, avec la blancheur de sa peau et de sa chevelure. Elle avait un visage sculptural aux traits acérés, avec un front bas, des sourcils fins, un nez légèrement en trompette, des joues symétriques, une petite bouche aux lèvres charnues et un menton assez prononcé. Il avait un visage squelettique aux traits creusés, avec un front ample, des sourcils presqu’invisibles, un nez épais, des joues érodées, une bouche fine aux lèvres quasiment inexistantes et un menton discret. Les iris verts fixaient leurs homologues d’un cyan si pâle qu’il en semblait presque digne des yeux d’un aveugle, envoyant une tension froide pour ne recevoir en retour qu’une considération guère plus chaleureuse.

Qui était-il ? C’était la question qui perturbait l’Echo du Phénix face à cet inconnu. Qu’était-il ? C’était aussi important mais moins immédiat cependant. Elle n’avait jamais rencontré quelqu’un, ou quelque chose, comme lui. Et ce n’était vraisemblablement pas réciproque. D’où qu’ils se faisaient face, d’où qu’elle se méfiait, aussi tendue qu’il pouvait être détendu. Son instinct ne l’avait jamais trompée et son instinct lui donnait l’un des plus grands mauvais pressentiments de sa vie. Mais elle n’avait pas l’intention d’attaquer la première, à défaut de savoir ce qu’elle pouvait faire d’autre.

Rachel percevait la physiologie de cet inconnu, seul son esprit restait hors de sa portée. Un esprit labyrinthique, au-delà de ce qu’elle avait pu rencontrer ou concevoir ; un simple effleurement mental lui avait suffit à le comprendre. Et effleurer la surface ne donnait pas la moindre idée de la profondeur des abysses. Pourtant il en était bien question, d’abysses, elle le sentait.

Impossible de dire qu’on pouvait briser le silence, il l’était déjà par les bruyantes bourrasques de vent qui les entouraient et faisaient voleter leurs cache-poussières comme leurs cheveux, rompant les encadrements de leurs visages respectifs malgré la différence de longueur. Impossible de dire qu’on pouvait briser le silence mais cela n’empêcha pas Rachel de parler. De lui parler.

Que voulait-il ? Il avait une manière bien étrange de converser avec elle. Elle était consciente que la tension et la méfiance lui faisait dire cela bien froidement mais la situation comme l’inconnu ne faisait rien pour la dissuader. Et quand bien même, elle écoutait son instinct.

Ils conversaient, tout deux. Un langage qu’elle ne savait pas comprendre mais ils conversaient beaucoup déjà. Quelle réponse lancée d’une voix posée mais dénuée de toute émotion, parfaitement articulée mais tranchante.

L’Echo serra les points et crispa le visage, même si elle ne retroussait pas encore les dents. Néanmoins ses marques rouges lui fendirent la face, paires de tatouages courant sur tout son corps en scarifications venues de son passé. L’Inconnu pencha simplement la tête sur le côté, considérant ces étrangetés un instant. Elles n’étaient pas nécessaires.

Elles n’étaient pas nécessaires ? Elles étaient une preuve de l’engagement de Rachel pour sa cause. Une cause qui fit redresser la tête de l’homme alors qu’il se fendait d’un sourire méprisant. Tant d’ardeur alors qu’au final, sa présence sur ce monde touchait à sa fin.

Qu’il essaie. S’il fallait se battre pour défendre sa vie, l’Echo le faisait et il n’y aurait qu’un seul survivant. Et ce fait ne fit qu’amuser l’Inconnu. Il y eue beaucoup d’indulgence dans sa voix lorsqu’il lui dit qu’il n’était pas question de se donner en spectacle et que deux mots suffisaient à la vaincre. Il essaierait, oui, mais il attendrait que le moment soit venu ; tant pis si dans son impatience elle le précipitait.

Qu’elle se rassure, il n’avait cure de sa cause, de ce qu’elle défendait, même de ce qu’elle avait construit ici. Il ne s’en prendrait pas à eux, il n’interagirait même pas avec eux. Il était ici pour récupérer une chose et la placer, elle, sur le chemin de sa destinée. L’Echo était seule décisionnaire de sa destinée mais ses choix étaient déjà faits et, parfois, il fallait donner un petit coup de pouce à la main du Destin. Qu’elle se rassure, tout était écrit, les choix qu’elle avait fait comme ceux qu’elle ferait, tout était prévu à défaut d’être influencé. Elle était toujours en apprentissage et l’Inconnu était ici pour lui donner une leçon. Il n’était pas question d’essayer, il était question de le faire, tout simplement.

C’en était assez. S’il ne s’en allait pas, Rachel le dégagerait. Elle lui laissait l’occasion de repartir sans violence.

Il amena une main devant sa bouche, pour dissimuler son sourire, alors que l’autre s’en venait soutenir le coude. Il repartirait, cela allait de soit, il disparaitrait même pour un temps, mais pas avant qu’elle ne parte et n’accomplisse cette même action, elle.

L’Echo du Phénix s’enflamma et l’Inconnu, une main devant sa bouche, lui parlait. C’était une parole à peine audible dans les hurlements venteux mais une parole que Rachel entendit. C’était une parole à peine audible dans les hurlements venteux mais une parole qui lui arracha un cri parfaitement perceptible. Mains sur les tempes, elle n’eut le temps de tomber à genoux qu’elle avait déjà disparue dans une bulle de lumière.

Ramenant ses mains dans son dos, il y croisa les bras en bon homme de pouvoir, n’accordant qu’une brève attention aux témoins de la scène. Il ne s’attarda pas, pour deux raisons des plus simples : il n’avait aucune raison de le faire, ayant achevée son œuvre en ce lieu, et le faire risquait de créer plus de troubles que le mal nécessaire qu’il venait d’accomplir. Les témoins n’avaient peut-être pas entendus les mots qu’il avait prononcés mais ils pouvaient toujours interférer hors ce n’était pas son objectif.

Qu’ils souffrent d’une perte, qu’ils apprennent à vivre sans une personne qu’ils croyaient éternelle, c’était une étape de la vie.