Un petit vol d'air... [ PV Kaya Spencer ]

Je regardais par la fenêtre. Patience. J'attendais que le soleil se couche enfin.

Chaque soir, c'était la même histoire. Je me postait devant la fenêtre de ma chambre, et attendais que le noir se fasse. Là, et seulement là, je sortais. J’avais gardé un secret sur mes capacités de mutante. Soit, je pouvais transformer une partie de mon corps en sable pour la contrôler entièrement, mais c'était lorsque tout mon corps ne faisait plus qu'un avec l’élément que je me sentait vraiment moi-même. Et ça n'arrivait pas pendant les cours, c'était certain. Donc, pour éviter de blesser quelqu'un où même de me faire remarquer, je pratiquais mon petit sport la nuit.

Parfois, je partais à plusieurs kilomètres d'ici, où il y avait un immense champs abandonné. Là, je pouvais me défouler quand  j'étais énervée, où que j'avais besoin de dépenser mon énergie sur quelque chose. Il y avait déjà eu des retombée. Une fois, après une journée particulièrement énervante avec l'apprentissage de l'anglais et mon incapacité à maîtriser complètement mes pouvoirs, on avait déclaré une tempête qui avait fait trembler les maisons à quelques kilomètres aux alentours. Tempête de sable.

Mais ce ne serait pas le cas aujourd'hui. J'étais excellente humeur, et cette fois-ci, j'allais découvrir les joies de la voltige. Ce n'était pas souvent que je faisais ça. La plupart du temps, quand il y avait une petite brise comme ce jour là, je me laissait porter, et au grès du vent, je partait loin de là.

Enfin, la nuit vient. Une ombre se dirige vers la porte de sa chambre, et parcours les couloirs silencieusement. Arrivée à la sortie de l'immense château, elle se dirige rapidement vers les jardins. Je connaissais exactement les positions des arbres et le courent de l'air. De rares oiseaux passaient de temps en temps. C'était parfais pour ce que j'allais faire.

Souriant derrière mon voile,  ma bonne humeur grandissait. Je sentais la liberté se rapprocher à grands pas. J’espérais que personne ne se trouverait dans les parages. Mais la nuit était profonde, et il n'y avait qu'une faible Lune pour éclairer l'endroit.

Arrivant enfin dans mon espace de jeu, je me glissais derrière l’énorme tronc d'arbre. Le creux était noir, et l’étoffe de ma burqa se confondrait avec les racines qui dépassaient du sol. La forme de ma tête tomba, et tout le reste de mon corps se résuma à un flaque de sable sous le tissu noir, désormais plus qu'un tas par terre. Cependant, il ne resta pas plus de quelque seconde confiné dans ces racines. Juste le temps de savourer mon état de sable, là où j'étais vraiment moi.

Le sable s'envola en file indienne, et un fil que j'essayais au plus d'étoffer dura pendant plus de cent mètre. Le vent frôlait chaque grain de mon être, mais je redoublais de vitesse, dans mon élément. J’atteignais les 40 kilomètres heures et me forçait à ralentir. Je prit la forme floue d'une sphère, puis d'un avion en papier de la taille d'un lit. Je fonçais droit devant moi, puis montait en pique, atteignant pratiquement les 60 kilomètres heure. L'immense château n'était plus qu'un minuscule point, et le vent sifflait autour de moi, mécontent de se faire dépasser. Puis, sans crier garde, l’énorme avion en papier se transforma en une boule compacte et se laissa tomber sur les centaines de mètres qui le séparait de la terre ferme. 500 mètres. 200 mètres. 50 mètres. 1 mètres. Une explosion silencieuse de grains de sable, et je me retrouvais divisée en plusieurs milliers de morceaux. Je l'avais fais exprès, bien sur, et un quelques secondes, l'éparpillement de poussière recommença à se rassembler de nouveau pour continuer son manège. Je décrivis des tours dans le ciel, libre.

Soudain, j’aperçus une silhouette qui ne pouvait être qu'un humain – enfin, un mutant. Elle m'observais. Mon état second s’estompa d'un seul coup, et je fonçai vers le sol pour rejoindre le tronc de l'arbre. Je me glissai sous ma burqa, et me reconstituai telle que tout le monde me voyais, dans mon corps d'humaine.

La poursuite fut un échec cuisant.

Environ une demi-heure plus tôt, alors que je me dirigeais vers le bois pour mon entraînement nocturne habituel, j'étais tombée sur une belette. Je trouvais ça cool, alors je m'étais mise à la suivre tranquillement. Pas à lui courir après ni rien, hein, non, juste la suivre, en marchant, pépère. Le souci fut qu'après quelques minutes, la bestiole se rendit compte du fait qu'une humaine bizarre, avec une sorte d'armure violette et de grandes ailes, lui filait le train depuis un moment... Elle se mit donc à courir, voulant foutre le camp d'ici et s'éloigner de moi au plus vite. Mais voilà, je voulais voir la belette, quoi !!

Je décidai donc de lui courir après ! Ce qui, bien entendu, ne pouvais absolument pas entraîner d'accidents de parcours et autres maladresses de ma part. Au fond, j'étais très adroite, et élégante, telle la gazelle moyenne.

FAUX !

Me ratant, je me pris le pied dans la racine d'un arbre, mais je parvins à me redresser, pour me prendre l'aile entre deux branches, ce qui me fit repartir en arrière et me manger le tronc dans la... héhéhé. Dans la tronche. Tronc dans la tronche. Pas mal. Enfin, en tout cas c'était vrai, je m'étais pris l'arbre dans le pif. Une chance que j'aie eu l'armure sortie, parce que sinon j'aurais eu un bon bleu, et sur le visage, ça ne m'aurait pas donné un look vraiment terrible... Dégageant mon aile de ce traquenard, je me remis en route, cherchant ma "proie" de ce soir... Oh, je ne comptais pas la manger, hein. Je bouffais pas les belettes, non plus, 'fallait pas déconner. Mais je voulais la voir faire ses trucs, genre... je sais pas, des trucs de belette, j'étais pas une spécialiste des mustélidés moi !

Et après une minute ou deux, je finis par retomber dessus totalement par hasard. La petite bestiole était là, en train de fouiller sous des feuilles. M'approchant avec délicatesse, je... me fis repérer quand même. Décidément, je n'étais pas vraiment un prédateur nocturne et silencieux... La belette foutut le camp de là, allant se réfugier dans un trou. Je me rapprochai de celui-ci pour voir un peu ce qu'il y avait à l'intérieur, mais sentis d'un coup une odeur absolument épouvantable... Je n'étais pas une experte des mustélidés, mais par contre je savais qu'ils pouvaient expulser un liquide à l'odeur parfaitement immonde, et visiblement, la petite belette en avait recouvert l'entrée de sa tanière.

« OH MERDE L'HORREUR QUOI ! » criai-je, surprise.

Me bouchant le nez, je me redressai et observai la tanière de mes yeux jaunes vif qui brillaient dans la nuit. Tant pis. La chasse était finie pour ce soir... Je me retournai et commençai à sortir du bois pour repartir vers les jardins, quand j'aperçus subitement un truc qui tombait du ciel. C'était quoi, ça ? Une bombe atomique ? Ah, mais ça y est, la Confrérie avait décidé d'agir et nous atomisait la tronche ? Nan... C'était vraiment une grosse boule de quelque chose, c'était pas quelque chose de fabriqué par des humains (ou des mutants). Plutôt curieuse, je me mis à courir dans sa direction et une fois assez proche, je réalisai qu'il s'agissait d'une boule de sable...

... du sable ? Qu'est-ce-que c'était que cette tisane encore ? La sphère s'écrasa au sol dans un gros "FLOUF !", avant d'ensuite s'envoler de nouveau dans une sorte de manège étrange, voltigeant dans le ciel. Un mutant du coin faisait de la euh, sablokinésie, un truc du genre ? Alors que j'affichais un air aussi amusé qu'intrigué, tout le sable se "réfugia" derrière un arbre et disparut. Merde alors. Je me rapprochai du coup, toujours aussi curieuse, et aperçus une forme sombre qui semblait humaine. C'était elle, le sable ? Ou la sablokinésiste ?

« Eh ! Trop cool ! Sablokinésie ! Et ça marche pour fabriquer des sablés, ou un truc du genre ? » demandai-je avec un ton enjoué.

Oui, c'était une question stupide, mais d'un autre côté, attendre autre chose venant de moi était tout aussi idiot.

J'entendis une voix qui enthousiasmée qui dit :

-Eh ! Trop cool ! Sablokinésie ! Et ça marche pour fabriquer des sablés, ou un truc du genre ?

Passé l'étonnement et l'énervement qu'on m’aie découverte, un sourire se forme derrière le tissu noir de la burqa. La « sablokinésie ». On ne m'avait jamais sorti ça.

-Des sablés, je ne crois pas, j'ai jamais été douée en cuisine. Mais je peux faire des châteaux de sable, si ça t'intéresse.

Je sorti de l'ombre, et fis face à la personne devant moi. Avec la faible Lune, je ne voyais pas les couleurs, mais juste les forme et le noir et blanc. C'était une femme – d'où ça voix, n'est-ce pas, mais je n'étais plus sure de rien. Ici, les apparences sont trompeuses. D'ailleurs, sa coupe au carré révélait deux mèches de couleur plus claire que le reste de sa chevelure. Je n'arrivais pas à identifier laquelle, mais une couleur aussi incongrue que du violet ne m'aurait pas étonné.

Joignant le geste à la parole, mes deux bras se transformèrent en fumée, laissant les deux manches tomber de part et d'autre de mon corps, vide. A la place, le sable s'échappa des trous. Au niveau de mes épaules, deux moignons qui me faisaient des chatouilles, comme à chaque fois que je ne transformais qu'une seule partie de son corps. La femme en face d'elle – elle ne connaissait pas son nom – ne pouvait qu'imaginer quel aspect avaient ses bras maintenant.

Le sable se forma donc devant moi, et une petit château avec maint tourelles naquit à nos pieds. Il ressemblait en tout point à celui dans Scoobidou. Bien que j'ai 17 ans, c'était un moyen efficace d'apprendre la manière de vivre chez les occidentaux, et c'était dans ce même dessin animé que j'avait apprit ce qu'était un château de sable. De même, j'avais immédiatement fais le rapprochement avec les tentes qu'on créaient quand on était gamin, en Afghanistan. On partait du même principe, sauf qu'on avait pas de seau pour former de beaux châteaux, ni assez d'eau pour que ça tienne. Seulement, quand il pleuvait – ce qui était très rare -, on se jetait par terre et on oubliait tous nos problèmes pour faire des tente à sable.

Le château s'éleva pour apparaître à notre hauteur, resta quelques secondes ainsi et rejoignit sa maîtresse.

-Je peux faire pleins d'autres chose si tu veux. Mais je n'aime pas faire des démonstrations.

Je n'étais pas forcément douée pour les démo,même si je pouvais faire un nombre incalculable de chose avec ma poussière. Toutes les formes possibles et imaginable, si je me concentrai bien. Mais ca me lassai un peu, d’étaler mon savoir ainsi.

-Et toi, que sait-tu faire ?

Je n'aimais déjà pas le fait qu'elle sache que je me pouvais me transformer entièrement en sable. Je ne savait pas pourquoi, mais cette idée me faisait frissonner. Je ne connaissais même pas son nom, bien qu'il me semblait l'avoir déjà croisée dans les couloirs de l'institut. Si c'était bien elle. Je me promis de lui demander à la première occasion.

J'étais intéressée par toutes les formes de mutations. Je trouvais ça si magique, si improbable qu'on ai chacun quelque chose de spécial en nous, mais qui ne se découvre pas au premier abord. C'était comme une face cachée. Et que ce soit mon Dieu qui les ai toutes inventées pour protéger les humains, c'était fascinant. Je savait que, pour chaque mutant, le pouvoir pouvait aider ceux qui n'en avait pas. Mais apparemment, il avait mal calculé. Il aurait peut-être mieux fait de ne pas nous créer, ca aurait éviter bien des guerre stupides... Mais c'était sans compter sur l'esprit humain, qui se rapprochait grandement de l'esprit mutant. En fait, ils étaient identiques.

Mais pourquoi pensais-je à ça en ce moment ? Je se concentrai sur la réponse de la fameuse mutante en face de moi, intéressée.

Ouais, ok, je sais, c'était con comme question. Les sablés n'étaient pas faits avec du sable, mais peut-être que son pouvoir bizarre marchait avec la pâte sablée, non ? C'était p'tet, je sais pas, un truc thématique, quelque chose de ce goût-là... J'y connaissais pas grand chose à la génétique, et encore moins au fonctionnement exact des gènes X en général. Je savais que le mien me cassait les pieds, mais à part ça... Quand elle répondit donc qu'elle ne croyait pas pouvoir faire des sablés, je haussai les épaules en me rapprochant. Elle ajouta ensuite qu'elle pouvait faire des châteaux de sable. Ah ben oui, tiens ! Forcément ! C'était inutile, donc indispensable : j'aimais déjà cette nana. Bon sa tenue était pas vraiment ce que moi je porterais, mais au fond chacun son truc...

Elle sortit en tout cas de l'ombre, et ses deux bras semblèrent partir en fumée. Bon, ce n'était pas de la fumée en fait, c'était du sable extrêmement fin qui semblait voltiger au gré du vent, et... 'fin non en fait, pas au gré du vent. Le fait était que le sable forma un château d'assez grande taille, ce qui me fit afficher un grand sourire ravi. J'étais quelqu'un de simple, parfois. Un truc rigolo et j'étais contente. Bon, j'insiste sur le "parfois", disons que là ce soit j'étais simple. Ce qui me surprenait, surtout, c'était le détail : il y avait même des tourelles avec des créneaux, des petites fenêtres, des portes avec des détails, c'était vraiment étonnant.

Après quelques secondes, elle finit par ramener le sable à elle et ses bras se reformèrent. Voilà qui devait être pratique, comme pouvoir... S'envoler, devenir impossible à blesser, s'infiltrer partout... Par rapport à moi elle avait de très nombreuses possibilités, mais dans un sens j'étais habituée à me sentir naze par rapport aux capacités étonnantes des autres élèves de l'Institut. Disons que je m'étais habituée à ce sentiment d'inutilité et d'incongruité.
Alors que je réfléchissais à tout ça, j'avais affiché une mine pensive, préoccupée même. Celle-ci disparut quand elle me demanda ce que je savais faire, ce qui sembla me faire revenir à la réalité. Ce que je savais faire ? Je savais très bien ce qu'elle me demandait... Mais je n'avais aucune envie de montrer mes pouvoirs inutiles et crétins. Je décidai donc de profiter du fait que la question soit vague pour répondre à côté de la plaque :

« Moi ? Oh... Ben, pas mal de trucs. Par exemple, je peux manger 2 pizzas entières sans vomir. Et je sais aussi imiter le bruit des essuie-glaces sur les pare-brises. Puis... Oh, j'ai un hibou aussi ! Mais il est pas là. Il doit traîner quelque part dans le bois ou bouffer une souris, des trucs de hibou quoi. »

J'utilisai mes ailes pour m'appuyer au sol, et me laissai aller doucement par terre pour m'asseoir.
... ah, non attends. Je n'avais pas mes ailes sorties. Donc non, on la refait.

Je me lançai donc en arrière tranquillement, comme si j'allais m'appuyer sur un truc, et tombai les fesses par terre de manière assez ridicule. Grimaçant, je me frottai un peu l'arrière-train en jurant (et c'était très grossier), avant de finalement revenir à mon interlocutrice qui devait me prendre pour une débile complète. Eh, c'était pas ma faute... J'avais gardé mes ailes sorties 24 heures sur 24 ou presque pendant près de trois mois, du coup ça me faisait bizarre de ne pas les avoir déployées, pour une fois. Je laissai donc tout cas ça de côté, faisant comme s'il n'était rien arrivé, me présentant avec ce même air enjoué :

« M'appelle Kaya, sinon ! Et toi ? »

Je regardai rapidement à droite et à gauche, me rendant compte qu'il n'y avait personne. Tiens. Elle faisait quoi ici ? Comme moi ?

« Tu faisais quoi, t'aimes aussi prendre l'air le soir, quand y'a personne pour t'emmerder ? Bon, là le "personne pour t'emmerder" c'est raté là, j'avoue... »

Elle a l'air de réfléchir quelques secondes, mais je ne vois pas très bien dans ce noir. Je ne sais même pas comment s'appelle cette femme en face de moi, et en un sens, ça m'ennerve. Puis, elle répond :

« Moi ? Oh... Ben, pas mal de trucs. Par exemple, je peux manger 2 pizzas entières sans vomir. Et je sais aussi imiter le bruit des essuie-glaces sur les pare-brises. Puis... Oh, j'ai un hibou aussi ! Mais il est pas là. Il doit traîner quelque part dans le bois ou bouffer une souris, des trucs de hibou quoi. » 

Elle avait bien fait exprès d'éviter ma question bien largement, mais qu'y pouvais-je ? Je ne connaissais pas cette fille. Alors, c'était bien elle que je voyait toujours quand je mangeais au self. En même temps, qui pourrait la rater ? Elle engloutissait tellement de nourriture que c'était étonnant qu'elle soit si bien foutue. Mais bon, c'est la vie, chacun ces petits plus.

Elle à l'air de se pencher en arrière d'un air sûr d'elle. Je me demande bien pourquoi elle faisait ça, parce que si elle continuait – ce qu'elle faisait d'ailleurs -, elle allait finir par tomber par terre. Si c'était une démonstration de sa part, c'était bizarre qu'elle est évité la question plus tôt.
Donc, suivant sa logique, la femme tomba en arrière dans une chute assez peu gracieuse. Un bruit sourd de quelqu'un qui se prend le sol retentit, et avec un juron qui aurait valu qu'on bouche les oreilles des enfants aux quelques kilomètres à la ronde. Son air étonné fait place à une sorte d’agacement et d'énervement. Soit sa démonstration n'avait pas marché, soit...
Je m'avançai vers elle et lui tendis ma main pour qu'elle se relève, me rappelant encore de ce geste qu'avait amorcé le jeune homme dans un film un nommé « Mars attaque ». Ma culture était entrain de s’étendre, j'en étais certaine. Je me demandai soudain si ce geste n'était réservé qu'aux hommes. De toutes manières, la mutante se releva tant bien que mal.

-Ca va ? Qu'est-ce qui t'a pris de tomber comme ça ?

On pouvait bien se poser la question, c'était légitime. On aurait dit qu'elle avait presque fait exprès de tomber comme ça, mais c'était un peu bizarre, d'où la fameuse question.

« M'appelle Kaya, sinon ! Et toi ? »

Ha, tiens, comme ça, ce n'étais pas moi qui me présenterais. Je me demandai si moi aussi je devais me présenter, comme l'autre avait évité sa question tout à l'heure.

-Appelles-moi Dust. Tu ne veux vraiment pas me dire en quoi tu es mutante ?

C'est vrai que je n'aimais pas passer par quatre chemins pour dire ce que je pensais. Alors pour moi, c'était pratiquement une insulte de dire que ma question était assez floue pour qu'elle puisse passer à côté. J'ajoutai, en parlant plus pour moi-même que pour la mutante en face de moi:

-Si tu ne veux pas me dire, c'est soit que divulguer ton pouvoir causerait la mort de quelqu'un où de toi-même, soit que tu le trouve ridicule ou inutile. Et si c'est le cas, tu serais quelqu'un de très stupide.

Comment pouvait-on dire que le don qu'Allah leur avait fait était inutile ? Chaque mutant avait un pouvoir, mais aucun était inutile. Peut-être ridicule, mais ça dépendait du point de vue. Pour moi, le plus ridicule était de les cacher par honte, et c'était comme avoir honte de son Dieu.
Je savais que je pouvais toujours dire ça, car mon pouvoir pouvait paraître séduisant. Mais si je ne se contrôlais pas, comme la dernière fois, elle sentirais le sang sur moi-même sans s'en rendre compte. Le risque de s’étouffer dans son sommeil était d'ailleurs très présent. J'avais manqué de peu la dernière fois, et on m'avais mise dans une chambre à part pour éviter ça aux autres.

Ma chute avait été un brin ridicule. ... bon, ok, un brin... ouais, carrément plus qu'un brin, mais passons. De toutes façons si le ridicule tuait, je serais morte depuis trèèèèèèès longtemps ! Le nombre de fois où je m'étais faite passer pour une conne, pfouhla mon vieux... J'avais arrêté de compter ! Enfin, elle me tendit la main, c'était gentil ! La saisissant, je me relevai (sans trop tirer non plus histoire de ne pas la faire tomber), avant de m'épousseter l'arrière-train comme si de rien n'était. Elle me demanda ensuite ce qu'il m'avait pris de tomber comme ça, et je haussai simplement les épaules. Allais-je me mettre à expliquer que j'avais oublié que je n'avais pas sorti mes ailes dégueulasses faites de matériau biologique totalement chelou à l'allure gluante et étrange ? Mhhh voyons voiiiiir... Ouais, nan.

Ce haussement d'épaules, l'air de dire "c'est rien", fut donc ma seule réponse. Histoire de passer à autre chose, je me présentai et elle répondit ensuite que je devrais l'appeler Dust. Pourquoi pas. Au fond, avec ses capacités, c'était assez bien choisi, comme nom ! Quoique, "Sand" serait mieux que "Dust", mais "Sand" c'était un peu étrange comme nom. Quoique, Dust aussi... En fait les surnoms en général c'était bizarre, de toutes façons... Je n'étais pas une très grande adepte du concept. Les mecs du gang m'avaient surnommé "Queen of blades" à cause de ma capacité à générer des lames de partout, mais je n'avais jamais plus apprécié que ça et je ne m'étais pas servie du surnom. D'ailleurs, sur le net, j'avais pris "Missheadshot2013" comme surnom, vu que je m'étais moi-même mis un head shot quelques mois plus tôt. Sur les vidéos youtube, les gens s'étaient mis à m'appeler comme ça.

En revanche, après s'être introduite, elle me redemanda ce que je pouvais faire avec mes gènes daubés... Enfin daubés. Pour le moment. Je ne saurais trop le décrire, mais je sentais que j'étais au bord de quelque chose de grandiose... Que je me rapprochais d'une puissance immense, mais que je ne l'avais pas encore tout à fait atteinte. Je savais que ce tissu biologique bizarre avait un potentiel immense, mais je n'étais pas entièrement certaine de ce qu'il pourrait faire... Alors je me démerdais pour le "stresser" et l'exciter au maximum, le stimuler autant que possible. Je me fracassais moi-même la tronche, je m'entraînais avec intensité, je me concentrais dessus, en espérant qu'une nouvelle manifestation arriverait rapidement.

Mais en l'état actuel des choses... J'avais une couche de protection qui pouvait résister à jesaispasquoi, et des ailes qui ne permettent pas de voler. Autant dire que dans l'ensemble, ce n'était pas encore le produit de l'année 2013.
Je laissai ces pensées de côté, alors que Dust continuait, émettant des théories sur les raisons de ma discrétion. Soit parce que divulguer mes capacités provoquerait la mort de quelqu'un, soit parce que je le trouvais ridicule ou inutile. Ce n'était pas vraiment ça, mais ouais... Je serais en tout cas quelqu'un de très stupide. Peut-être... Niveau connerie je m'y connaissais pas mal.

« C'est plutôt qu'il est inutile, pour le moment... C'est comme, hmm... Tiens, ben un œuf. Un œuf ne devient vivant que s'il est conservé, chouchouté, et couvé pendant longtemps, avec soin. Avant... Il ne sert qu'à nourrir les prédateurs. Bah, pareil. Je "couve" mon pouvoir, histoire qu'il puisse donner quelque chose ! »

J'ajoutai ensuite avec un sourire crétin :

« Héhéhé... Un œuf. Vu la matière gluante et bizarre que je produis, il est possible qu'un jour je ponde VRAIMENT des œufs en plus ! » J'affichai un air subitement terrifié. « PUTAIN mais j'espère bien que non, en fait, quoi ! »

Je finis par secouer la main l'air de dire "Bah, laisse tomber", puis j'enlevai mon T-shirt, comme ça, hop.

« T'en fais pas, je fais pas un strip-tease, mais bon, tu veux savoir, tu vas savoir. Par contre j'ai pas envie de ruiner mes fringues au passage. »

Posant le T-shirt, j'ôtai ensuite mes chaussures, mon soutien-gorge, mon pantalon, et même ma culotte. Paf. Comme ça. Bon, je devais bien admettre que niveau pudeur on faisait mieux... Mais très honnêtement, bousiller mes vêtements parce que j'avais peur qu'une fille voie mes fesses (qui étaient très bien ! Je vous vois venir !), ça ne me branchait pas plus que ça. L'aspect drôle était que j'étais devenue l'INVERSE de Dust ! Elle, ultra couverte, moi, ultra euh, ben, ultra pas couverte du tout. Cela fait, je m'installai par terre, croisant les jambes, et fermant les yeux pour me concentrer. Après une quinzaine de secondes de silence, les premiers craquements et bruits étranges se firent entendre, alors qu'une odeur de sang de plus en plus présente se faisait sentir.

Comme chaque fois, mes os se mirent à fondre, craquer, se reformer, alors que je faisais une tête qui indiquait clairement que ça ne me plaisait pas. Parallèlement, de grandes ailes à l'allure à la fois insectoïde et démoniaque se formèrent, de grandes branches de matière organique qui poussaient de manière étrange, et prenant leur origine au bas de mon dos. L'ensemble prit une vingtaine de secondes, à la suite desquelles je me relevai en grimaçant. Ce n'était pas aussi brutal que la première fois, mais j'avais quand même un peu mal au cœur... Je me retournai en tout cas vers mon interlocutrice, laissant voir l'étrange armure biologique et l'observant avec mes yeux jaunes et brillants dans le noir (top discret dis donc, bravo !).

« Tu me diras, vu les bizarreries qu'ils nous sortent, ça pourrait passer pour de la haute couture, heh ? »

-C'est plutôt qu'il est inutile, pour le moment... C'est comme, hmm... Tiens, ben un œuf. Un œuf ne devient vivant que s'il est conservé, chouchouté, et couvé pendant longtemps, avec soin. Avant... Il ne sert qu'à nourrir les prédateurs. Bah, pareil. Je "couve" mon pouvoir, histoire qu'il puisse donner quelque chose !

Sa comparaison avec un œuf était, étrangement, assez représentative. Il représentait à la fois l'évolution et la découverte. D'ailleurs, Kaya avait l'air très fière de sa découverte, dans cette nuit sans Lune. Puis, réfléchissant dans le noir à haute voix, elle se dit qu'un œuf était d'autant plus imagé car elle pourrait véritablement en pondre. Pourquoi, cette fille aurait-elle la capacité de pondre des œufs  ?

Puis, sans aucun transition – du moins oralement -, elle enleva son tee-shirt tout en me rassurant qu'elle ne faisait pas un strip-tease au beau milieu de la nuit. Cependant, même si la vision d'un corps à poil ne m'enchantait pas réellement, elle avait raison sur le fait que j'avais voulu savoir son don. Je me tu donc tendis qu'elle retirait tout ce qui la couvrait jusqu'à sa petite culotte. De toute manière, je ne voyais rien à cause ( enfin, grâce plutôt ) à la pénombre. Seulement ces formes.
Elle s'assit en tailleur par terre, ses paupières semblant clauses comme pour se concentrer. Curieuse, je l'observais faire. Des bruits quelque peu sinistres retentirent et j'essayai de discerner ce qui les provoquait. Cependant, quelque chose de brillant se forma sur sa peau, et d'immenses ailes sortir comme par magie de son dos. Cette transformation n'avait pas l'air de lui faire grand bien, vu le visage qu'elle tirait. Elle était encore plus blanche et le faible rayon de lune qui se discernait la faisait paraître encore moins en forme.

-Tu me diras, vu les bizarreries qu'ils nous sortent, ça pourrait passer pour de la haute couture, heh ?

Je souris derrière mon voile. Je me demandai si elle pouvait voler, mais les ailes ne semblait pas encore assez étendue. De plus, si elle râlait parce qu'elle pouvait voler, c'est qu'elle n'avait pas le goût du contentement. Mais bientôt, elle saurait les utiliser, et là, cela deviendrait intéressant pour elle.

-C'est magnifique. Dis-je avec enthousiasme.

Je ne pensais pas que c'était un objet d'exposition, moi-même sujette à de nombreux questionnement durant mon enfance en Afghanistan.
Sans aucune discrétion, je fis le tour de Kaya pour regarder comment pouvait évoluer la chose. Puis je revins devant elle, et dis :

-Le coup de l'œuf, c'est parce que tu ne voles pas encore ?

J'avais posé cette sorte de question détournée pour savoir si ce que je pensais été juste. Quand elle saurait utiliser ces ailes, ce serait magnifique pour elle. Elle volerait comme moi je volais, et je ne pouvais pas décrire quelles sensations ça procurait.

Puis, soudain, je me rappelais de la question qu'elle avait posée tout à l'heure. Je me grattais la tête avec le bout de mon doigt, et, avec un ton neutre, je lui répondis un poil en retard :

-Pour répondre à ta question tout à l'heure, ben... Je ne sais pas, je suis véritablement moi-même que sous cette forme de sable. Sinon, je me sens comme emprisonée dans un autre corps. Et il n'y à qu'ici que je peux me défouler comme je veux sans faire de mal à personne.

Elle avait encore une fois dit ça simplement, mais elle n'en pensait pas moins. Se défouler, se n'était pas simplement courir tout autour du parc le plus vite possible, ou frapper dans un punching-ball. C'était tourbillonner à en provoquer une tempête, s'éclater par terre tel une boule de neige qu'on lance sur son meilleur ami à une vitesse de malade. Aussi, elle était elle-même, et c'était là qu'elle se sentait le mieux, le plus en sécurité.

Et là... Surprise. Elle trouvais ça magnifique. Ah bon ? Alors celle-là, on ne me l'avait encore jamais faite. Je haussai un sourcil, semblant visiblement assez sidérée par sa réponse, à laquelle je ne m'attendais pas, mais alors, pas du tout ! Elle se mit alors à me tourner autour pour m'observer, et je haussai les épaules avec une mine assez peu convaincue. "Magnifique"... Moui. Tous les goûts sont dans la nature, et tout ça, hein ? Au fond pourquoi pas... Pour une entomologiste je devais avoir un look sympa, eh ! Peut-être qu'elle étudiait ça, l'entomologie, non ? Ou alors les aliens bizarres. D'ailleurs elle étudiait quoi tiens ? Une question à poser, j'étais curieuse maintenant.

Elle me demanda alors si le coup de l’œuf c'était parce que je ne volais pas encore. "Pas encore" ? Houla !

« Hein ? Ah, nan, cette histoire d’œuf c'était juste improvisé. Puis ce tissu bizarre fait assez alien quand même... T'as vu le film Alien ? Enfin, en tout cas, je volerai pas avec ça, c'est pas vraiment des ailes. C'est plutôt des genres d'armes en fait. »

Les deux membres supplémentaires faisaient chacun pas loin de 3m50 de long, une fois dépliés, et étaient particulièrement étendus... Mais il n'y avait pas de tissu entre les branches. En fait, ces "ailes" ressemblaient plus à des immenses griffes mobiles qui sortaient de mon dos. Je les fis bouger, pour les rapprocher de moi, et je tapotai dessus.

« Pour voler il faut être léger... Les oiseaux ont les os creux par exemple. Josh aussi a les os creux, d'ailleurs. C'est un mutant qui a des ailes, un ami, qui peut voler. Là moi, c'est pas pareil, chaque aile fait plusieurs kilos et elles n'ont pas de portance. Ici, c'est plutôt des sortes de... chais pas trop. Des grosses griffes. Je peux m'en servir pour percer du métal, mais pas pour voler. Je m'en sers aussi parfois pour m'appuyer, c'est pour ça que je me suis étalée comme une conne : j'avais oublié qu'elles n'étaient pas sorties. »

J'en profitai d'ailleurs pour joindre le geste à la parole, plantant les ailes dans le sol pour m'appuyer tranquillement dessus, comme je le ferais dos à un mur ou quelque chose de ce genre. Cela fait, elle revint à ma question précédente sur ce qu'elle faisait ici... Et visiblement, elle se préférait sous forme de sable. Chacun son point de vue... Pour ma part je n'étais pas une grande fanatique de mon allure d'alien maléfique, quand l'amure était déployée, mais j'avais appris depuis mon arrivée que chaque mutant avait un rapport différent à son pouvoir. Je ne l'avais pas dit à cette étrange jeune femme sablokinésiste (oui, j'avais décidé de conserver le terme), mais moi et mon pouvoir avions une relation... compliquée, disons. Il ne faisait pas ce que je voulais. Il se payait ma tête... J'aurais été incapable, à ce moment-là, de décrire mon ressenti à ce niveau.

Elle venait donc ici pour se mettre sous cette forme qu'elle préférait, pour se défouler, pour se laisser porter. Dans un sens, elle venait là plus ou moins pour la même raison que moi, en fait... Même si de mon côté, il y avait aussi un objectif plus stratégique que juste se laisser aller. En général, lors de mes visites dans le bois, je cognais contre des pierres, contre un poteau en métal, je me foutais des coups d'aile, je bondissais à plusieurs mètres pour me laisser chuter au sol... J'essayais de stimuler au maximum mon propre gène X afin qu'il continue d'évoluer, de changer, de s'ajuster. J'espérais développer de nouvelles capacités utiles, mais depuis l'apparition de cette couche de peau bizarre, il n'y avait pas eu de grands résultats. Donc j'insistais. Je continuais.

« J'admets que ça doit être sympa. » dis-je avec un sourire rêveur.
« Voltiger dans tous les sens, se laisser aller sans réfléchir à rien sauf ce que tu as envie de faire, sentir le vent te porter, te laisser tomber et repartir ensuite, ça doit être assez grisant en fait. J'peux comprendre ça, j'viens par ici plus ou moins pour les mêmes raisons. Puis pour m'entraîner un peu, aussi. »

Appuyant sur les ailes, je me soulevai du sol puis croisai les jambes, restant ainsi suspendue à environ un mètre de hauteur. J'examinai ensuite la jeune femme avec une mine pensive, inclinant la tête sur le côté.

« Hmmm, "Dust" ! Je t'ai croisée, d'autant que t'es difficile à rater sans vouloir t'offenser... Je crois même que t'étais là avant moi, t'étudies quoi ? L'entomologie, avec les insectes et tout ça ? »

Oui, c'était probablement une question stupide, mais je n'avais pas vraiment de filtre entre ma bouche et mon cerveau. Ce n'était pas ce soir-là que j'allais changer, à ce niveau, autant le dire... Parfois des idées et questions stupides m'arrivaient en tête, je les exposais donc sans me préoccuper du reste.

Elle m'explique que ces ailes ne servent pas à voler, mais à se défendre. C'est un peu bizarre pour des ailes, mais je ne dis rien. Cependant Kaya, malgré tout ce qu'elle mange, reste un fille particulièrement mince. Cependant elle doit mieux savoir que moi, parce que ce sont ces pouvoirs et non les miens.
Après, elle me dit que ça doit être cool de voler sous forme de sable. Mouais, je dirais pas que c'est cool, je dirais que c'est là où je me sens le mieux. C'est pas forcément si cool que ça, certains ce défoulent dans des salles de sport ou en faisant de jogging, moi en m'éclatant par terre comme une boule de neige lancée du haut d'un toit.
Je regardais la femme en face de moi, songeuse.

-Comment tu t'entraînes, enfaîte ?

Bah oui, ça peut paraître un peu con comme question, mais ça n'en ai pas moi une question qui me perturbait. S'entraîner, mais c'est-à-dire ? Je veux dire, si c'était au niveau de sa carapace, je ne voyais pas trop comment elle pouvait s'entraîner dessus, vu que ça ne sert qu'à se protéger au final. En réalité, maintenant que j'y pensais, je préférais ne pas savoir ce qu'elle faisait avec. A moins que ce soit ces ailes piquantes ? D'ailleurs, elle venait de s'asseoir dessus nonchalamment, m'expliquant sa chute assez ridicule, je l'admets, de tout à l'heure.

Ce que j’étudiais, moi... ?

-Un peu de tout... L'anglais, l'histoire, la géo, la culture d'ici quoi.

Ma réponse était certes un peu vague, mais c'était la vérité doublée d'une couche de prudence. Pourquoi aller plus loin si ce n'était pas nécessaire. Je fus satisfaite d'entendre « dust » et non Sooraya sortant de la bouche de la jeune femme aux cheveux colorés. Ce nom lui rappelait trop ma mère, et l'entendre ravivait son souvenir...

-J'me demandais, de quelle couleur ils sont, tes cheveux ?

Ouais, encore une question un peu décalée qui sortait de ma bouche. Mais que voulez-vous, ça me paraissais tellement étrange d'avoir des cheveux de cette couleur ( inconnue d’ailleurs, mais que je soupçonnais maintenant entièrement). Pourquoi donc faire ça ? Déjà, je n'avais jamais rien vu de semblable dans ma jeune vie. Jamais. Les cheveux sont noirs, les yeux son noirs, un point c'est tout.

Je continuais à regarder Kaya, une idée persistante qui me rongeait le cerveau depuis qu'elle m'avait parlé du vol. Mais pourquoi donc une idée pareil me traversait l'esprit ? En faîte, ca ne posait pas de problèmes maintenant qu'elle savait mon pouvoir et au vu du sien. Mais quelle serait donc l'utilité d'une action comme celle-là ? Ca ne servait à rien... Mais je me connaissais trop bien pour savoir que j'allais formuler ma proposition avant de l'avoir vraiment réfléchie. Pourtant, je me tu, préférant mon silence plutôt qu'une grosse bourde sortie tout droit de ma bouche.

[HRP : Désolée de ce délai, la semaine fut longue et difficile x_x]

L'étrange jeune femme, au nom tout aussi singulier, me demanda alors comment je m'entraînais. Je ne pus faire que hausser les épaules, vu qu'au fond je ne faisais rien de très particulier... Comment m'entraînais-je, au juste ? En voilà, une bonne question. Je me forçais à aller jusqu'à dans mes retranchements, je me faisais du mal. Je frappais contre des obstacles dont je savais que je ne pouvais pas les briser, et dont je savais que frapper contre risquait de me blesser. Acier, pierre, ... ce genre de choses. Je me mettais aussi des coups d'ailes, parfois pendant plusieurs minutes de suite, jusqu'à ce que je n'aie plus aucun souffle. Enfin, ce n'était pas une façon très classe de présenter les choses en tout cas, et je me mis donc à réfléchir un instant à une formulation un peu meilleure des choses...

« Je frappe des objets d'entraînement avec mes poings, avec mes ailes, puis je teste ma résistance aux impacts, ce genre de choses. Plus des exercices classiques genre course, étirements, pompes, puis de la méditation aussi pour apprendre à bien contrôler mon pouvoir. Vu que c'est une sorte de tissu vivant bizarre, il a parfois tendance à faire... un peu ce qu'il veut on va dire. »

En réalité j'adorais ce trait de mon pouvoir. Il semblait vouloir aller de l'avant, évoluer, grandir, se renforcer... Et en se renforçant, il me renforçait moi aussi. Malgré tout, et vu que Jub' m'avait prévenue contre d'éventuelles pertes de contrôle, je faisais ce qu'elle m'avait dit de faire. Je faisais au mieux pour le contrôler en toute circonstance. Mais au fond de moi... J'avais une sorte de curiosité. Que se passerait-il s'il évoluait de lui-même, prenant le contrôle total, et se mettait à grandir, à devenir plus puissant que jamais, à gagner en intensité, à s'adapter et autres ? Je n'avais pas vraiment envie de tester, mais... quelque part, j'étais curieuse. Je voulais quand même savoir ce que ça donnerait.

Dust répondit en tout cas à ma question sur les études, d'une manière assez, disons, euh... concise. C'était très général, tout ça. L'histoire, la géo, l'anglais, et compagnie, ça ne me disait pas grand chose sur ce qu'elle voulait faire après, sur ce qui la passionnait, l'intéressait, l'attirait, la motivait. Ceci dit, je ne savais pas moi-même ce que c'était. Que voudrais-je faire, après tout ça ? Plus tard ? Bah... La question était stupide. Je savais très bien ce que je ferais plus tard : je crèverais seule. Problème réglé.
Je haussai du coup les épaules à la réponse de Dust, semblant assez peu convaincue. Au fond, si elle ne voulait pas donner de détails... soit. Des fois je n'avais pas non plus envie de raconter grand chose, et je faisais pareil. Je pouvais comprendre ça.

Par contre, une question étonnante franchit les lèvres de la demoiselle : de quelle couleur mes cheveux étaient-ils ? Je haussai les sourcils, semblant un peu étonnée, mais pas choquée ni rien. Il en fallait beauuuucoup pour me choquer. J'avais, au fond, posé des questions bien plus bizarres, durant ma courte existence. Je descendis donc de mon "perchoir", pour me mettre dans un rayon de lune où il était possible de mieux me voir. Mes cheveux étaient désormais visibles, ces étranges "rastas" pointues couvertes de tissu biologique renforcé. Un son étrange de craquements se fit entendre alors que ce tissu se résorbait, laissant mes VRAIS cheveux se faire voir, petit à petit.

« Là, noirs, j'ai aussi mis du rose clair, parce que j'avais envie... Mais je pense que je vais changer bientôt, pour mettre quelque chose comme du violet sombre ou du rouge sang. J'ai envie de couleurs plus foncées. »

Après quelques secondes, mon visage ainsi que mes cheveux furent libérés de la couche d'armure biologique, laissant effectivement voir une coupe au carré courte avec des mèches longues sur l'avant, de cette insolite couleur rose bonbon qui avait surpris plus d'une personne. C'était peut-être d'un goût douteux, effectivement, mais j'aimais bien la couleur. Qu'y pouvais-je au fond ?

« J'aime bien quand y'a plein de couleurs, chuis un peu comme un papillon de ce côté-là. Pourquoi, t'as envie de tenter ? J'ai des bonnes adresses, et ça s'enlève au pire. »