Sujet: Moissons tardives. (Pv Cérès) Mar 3 Avr - 5:54
On n'est jamais aussi seul avec soi même que lorsqu'on se retrouve cerclé du tumulte. Parait-il que l'instinct grégaire est une chose que l'on perd avec l'age, sans doute est-ce vrai. Lorsqu'on vit trop, on finit par se connaitre comme une complainte mile fois entendue. On peut y discerner toute sorte de nuances qui colorent l'existence et de guère lasse, on en perd l'identité du souvenir s'y cramponnant. Hopes est un livre qui vire à l'encyclopédie, il en tourne les pages en solitaire dans une douleur confortable et rassurante et s'accorde lorsque la pression de l'existence devient trop pesante, l'opportunité de redevenir un anonyme dans n'importe quel lieu de vie bavard et coloré. La bar fleure bon le revival année 40 avec une sorte de fond sonore qu'un club de jazz tente d'égayer de façon feutrée et discrète. L'endroit est cosy et propice aux rencontres d'un soir pour une classe huppée embourgeoisée nécessitant un minimum de mystères et d'excitations dans une ambiance rassurante et légèrement sélecte. Assez peu de monde ce soir, juste ce qu'il faut pour jouir d'une intimité auprès du zinc ou un serveur connivent sert verre après verre en surveillant d'un d’œil la gente féminine en recherche d'émotions tièdes et pariant sur la quantité d'alcool que ce type quelconque dans un costume à la taille impeccable et peu habitué des lieux, est capable d'ingérer avant de tituber vers la sortie. Hopes se prend à sourire sous le poids de ses pensées, il ne risque pas l'ivresse dans sa condition, il en vient même à se penser humain. Devrait-il boire sa solitude ou s'abreuver à des bras de femmes pour une nuit ? L'idée le taraude quelques instants avant qu'il la repousse comme on chasse un nuage de fumée de fumée de cigarette. Ca supposerait trop de questions en devenir et trop de douleur à raviver. Ca supposerait de l'investissement et des espoirs qui risquent de se trouver mort nés. Ca supposerait de devenir un animal guidé par des pulsions ou de se bruler à un amour trompeur plus intense qu'un soleil noir. Hopes en était las de toutes ces aventures. Il goutait l'instant le verre aux lèvres et se donner des allures d'intemporalité. Il n'attendait rien d'autre que ce qu'il avait déjà dans son escapade solitaire, loin des grands destins, des luttes désespérées et des regards rivés à l'avenir.
Il n'attendait rien, mais c'est toujours sur la route qu'on a pris pour l'éviter qu'on rencontre un morceau de son destin.
Et elle, elle arriva.
Esther Ophraïm Résident(e) à l'Institut Gamma
Messages : 270 Date d'inscription : 01/04/2012 Age : 44
Un regard à gauche, un regard à droite, un nouveau regard à gauche... Esther scruta même les trottoirs pour y dénicher des plaques d'égouts où Ernest aurait pu s'enfoncer, lui qui aimait tant ces boyaux humides et putrides. Hélas, rien. Elle devait se rendre à l'évidence. A le courser de trop loin, elle avait fini par le perdre. Avec un petit geste de pied rageur, elle martela le sol. Très vite sa colère fit place à un gros soupir de déception et de tristesse.
Ernest s'était carrément enfui. Il s'était jeté hors de la Confrérie après leur dispute, la première... Mais pour une première elle avait été rude. Pourtant, lorsqu'il s'était encouru Esther n'avait hésité que quelques minutes avant de sentir le regret la ronger et de se lancer à sa poursuite. Le temps d'enfiler l'ample manteau de velours noir dont elle s'enveloppait lorsqu'elle quittait la Confrérie pour une destination inconnue et elle se lançait sur ses traces. Elle ne s'en était pas trop mal tirée dans ce jeu de piste. Pendant près d'une demi-heure, elle avait réussi à le suivre sans éveiller ses soupçons dans cette nuit sans lune. Elle qui n'était pas une spécialiste de la filature. Mais toutes les bonnes choses ont une fin. Et maintenant, Ernest avait disparu de son champ de vision...
Un gros soupir de tristesse et de déception s'échappa de sa poitrine. Ce soir, ou plutôt cette nuit car il devait être plus d'une heure du matin, elle se sentait vraiment comme un petit bout de bois ballotté sur un océan déchaîné. Elle avait le coeur gros et l'âme en peine. Ernest, le seul être vivant qui semblais tenir sincèrement à elle la fuyait ce soir. De noirs souvenirs se ravivèrent dans la mémoire d'Esther : le rejet de sa mère, l'indifférence de son père, la trahison de Garett, ... Elle réprima un frisson, serra son manteau contre elle et secoua la tête pour chasser ses idées noires. Il valait mieux rentrer. Mais elle n'en avait aucune envie. Pas sans Ernest. Elle se sentirait trop coupable, trop mal.
C'est alors que passant devant un bar, elle s'arrêta, une idée saugrenue lui traversant l'esprit. Pourquoi, pour une fois dans sa triste et monotone vie, elle ne s'autorisait pas un de ces scénarios de films clichés? Pourquoi ne rentrerait-elle pas dans ce bar pour tuer le temps et endormir ses peurs avec quelques verres d'alcool? Qu'importe ce que les gens diraient de son apparence. A travers la vitrine, elle voyait que la salle était peu éclairée et peu fréquentée. Elle ne semblait pas correspondre au style de clientèle mais elle s'en moquait. A presque deux heures du matin, les rares personnes encore présente devaient bien s'en moquer de l'allure de la nouvelle arrivante, quand bien même eut-elle l'air d'une adepte du gothique ou du dark fantasy. Après tout, avec son ample manteau à capuchon, Esther pouvait bien passer pour une illuminée de ce genre et la couleur de sa peau pouvait passer pour du maquillage. Et puis le barman de nuit qui serait probablement son seul interlocuteur avait sûrement du en voir d'autres.
D'un geste décidé, elle poussa lentement la porte et entra. Hormis deux couples retranchés sur des banquettes au fond de la salle, il n'y avait qu'un homme assis au comptoir, la tête enfoncée dans les épaules et les mains curvées autour d'un verre. D'un pas lent et majestueux, Esther alla s'asseoir à l'autre bout du bar, sur le retour du zinc qui ne laissait la place que pour deux tabourets, tout près du mur, là où les lampes-billard qui éclairaient le comptoir n'étendaient les rayons jaunâtres que sur ses mains. Le serveur s'approcha d'elle, essuyant un verre d'un bout du torchon qui pendait sur son épaule.
- Qu'est-ce que je vous sers?
Question simple et directe. Le barman semblait savoir à quel genre de cliente il avait affaire. De celles qui aiment un service ponctuel, minimum et surtout silencieux. Elle répondit d'une voix monocorde.
- Un black Russian... double.
Sans un mot, sans un haussement de sourcil, il s'éclipsa le temps de mélanger la vodka et le kahlua. Sous l'abri de son capuchon, Cérès ne vit qu'une grande main poser le verre sur un petit carré de papier blanc avant de disparaître à nouveau. Esther prit alors le verre de liquide sombre et en but une gorgée, fermant les yeux. Elle reposa son verre avec un soupir las puis baissa un peu plus la tête. Pour un peu plus, elle aurait presque sentit les larmes lui monter aux yeux... Il y a de ces soirs où on se dit que la vie est une belle garce tout de même!
C'est alors que son regard sautait d'inconnu en inconnu dans un jeu de devinettes sans lendemain qu'elle entra dans son champ de vision. Elle était l'incohérence dans une scène insipide, la jeune fille qui pleure sur une photo montrant une scène de liesses, la touche de couleur éclatante dans une lithographie monochrome. Dès lors, il ne la quittait plus des yeux la regardant sillonner entres les anonymes égarés d'un pas qu'il devinait mal assuré et forcé dans l'assurance de donner le change. Lorsqu'elle fut plus proche, il distingua des caractéristiques hors du commun, cette couleur de peau étrange qu'elle cherchait à dissimuler légèrement sous son capuchon. Indiscutablement, lorsqu'on cherche à afficher une différence, on ne fait certes pas dans la demi mesure et on étale de façon ostentatoire sa non conformité, ici, le désir de passer le plus inaperçu venait affleurer en surface d'une mer d'huile.
Le temps est un luxe qui permet à celui qui en jouit à l'infini de savoir observer les détails les plus minimes de la vie de tous les jours. Fin observateur, le Time Tricker restait fascinait par ce qui lui semblait incongrus. Comme cette probable mutante dans un lieu qui ne lui ressemblait guère. Son comportement semblait aussi clair que la lecture d'un livre ouvert. La douleur poussait à la solitude mais dans un lieu vivant. Ils procédaient tous deux de la même espèces de coeurs saignants en public ce qui finit bien sur par le faire sourire légèrement. Habituellement, il n'aurait pas franchis cette ligne invisible entre le dehors et les affres du dedans, la laissant naviguer seule dans sa tempête d'ame. Nous n'étions pas habituellement et les plus belles audaces sont celles que l'on ne calcule pas.
- Posez votre fardeau l'espace de quelques verres, le monde de dehors s’arrête sur le zinc de ce comptoir. Si le cœur vous en dit, je serais votre compagnon de tristesse, si il ne vous en dit pas, laissez moi payer un verre à votre solitude.
C'était dit d'une manière pleine de malice et appuyé d'un regard sincère. Il n'attendit pas de réponse faisant un geste au garçon d'approcher pour prendre commande. Il souffla d'une voix plus basse.
- Triste époque et dans le climat et dans les mœurs, passez inaperçu peu parfois éviter bien des déboires. Quel grand méchant loup fuyez vous sous votre pèlerine ?
Esther Ophraïm Résident(e) à l'Institut Gamma
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Elle s'enfonçait de plus en plus dans ses pensées aussi sombre que l'alcool qu'elle buvait lorsqu'un léger bruit mit son attention en éveil. Il s'agissait d'une sorte de coulée... ou plutôt de glissement. Celui du tissus sur le métal brossé du comptoir, du verre qui glisse sur ce même métal dans un léger crissement, de quelques pas claquant lentement sur le dallage de pierre mouchetée et du cuir du tabouret qui couine légèrement en s'affaissant sous le poids d'une personne... Oui, aucun doute là-dessus, l'inconnu du comptoir avait glisser de trois ou quatre tabourets pour venir s'asseoir près d'elle. Avec un profond soupir intérieur, Esther s’apprêta à faire face à l'un de ces piliers de comptoir au costume défraîchi à l'hygiène douteuse et à l'haleine fétide qui harponnaient chaque femme seule qui avait le malheur de venir s'asseoir au zinc.
- Posez votre fardeau l'espace de quelques verres, le monde de dehors s’arrête sur le zinc de ce comptoir. Si le cœur vous en dit, je serais votre compagnon de tristesse, si il ne vous en dit pas, laissez moi payer un verre à votre solitude.
Esther ouvrit les yeux, surprise par les mots soigneusement choisis, le ton à la fois doux et ferme et l'évidente poésie de son interlocuteur. Elle releva la tête tout en restant abrité par les larges bords de son capuchon et découvrit un personnage plutôt proche de ce qu'elle s'imaginait sans pour autant être tout à fait dans le vrai. Premièrement, il était plus jeune que ce à quoi elle avait cru s'attendre. Son visage était assez doux et gardait un côté enfantin qui devait le faire paraître plus jeune qu'il ne devait l'être. Si son visage annonçait trente ans, son attitude et son aspect général annonçaient plutôt quarante. Son costume était un peu froissé sans pour autant paraître miteux ou dégager une odeur désagréable. Les légers cernes qui pendaient à ses paupières et la barbe de trois jours qui lui mangeait le bas du visage plaidaient pour un bourreau de travail, le genre de personne dont la seule vie sociale se résume à ce genre de situation : un verre seul dans un bar, seul moment de pseudo détente où il peut espérer mettre les tracas de son boulot de côté.
D'abord réticente à se faire accosté par un illustre inconnu, Esther revint sur son envie de l'envoyer promener. Il était évident qu'il n'était pas ivre, qu'il avait de l'éducation et du savoir vivre et qu'il savait le prix d'une solitude dans un bar. De plus, il avait un regard sincère et une voix agréable quoiqu'un peu rauque. Et puis après tout, il ne s'imposait pas. Il la laissait libre de refuser. Avec un sourire très timide, elle répondit :
- Personne n'occupe ce siège... et nous sommes en république.
L'inconnu sembla satisfait de cette demi-réponse. Il s'installa plus confortablement sur son tabouret et fit un signe au serveur. Esther vida son verre d'un trait. Elle se fichait de passer pour une pochetronne, l'alcool n'avait aucune prise sur son organisme. Elle ne pouvait qu'apprécier le goût des mélanges. C'est donc d'une voix toujours aussi assurée qu'elle demanda :
- La même chose... Toujours un double, cela va de soi...
Le serveur s'éloigna tandis que l'inconnu reprenait à voix basse :
- Triste époque et dans le climat et dans les mœurs, passez inaperçu peu parfois éviter bien des déboires. Quel grand méchant loup fuyez vous sous votre pèlerine ?
Esther eut un petit mouvement de gêne devant l'allusion évidente à sa mutation. Cependant, elle aurait été stupide de croire que personne dans ce bar n'aurait remarqué sa condition de mutante. Elle conserva donc une apparence parfaitement calme pour répondre.
- Il est rare d'encore rencontrer des personnes que la tristesse des autres ne fait pas fuir dans cette société égoïste... A fortiori il est encore plus rare de rencontrer quelqu'un qu'une mutante triste ne fasse pas fuir. Il serait grossier que je ne vous accorde pas un peu du temps que j'ai décidé de perdre ici quand vous m'offrez élégamment le vôtre.
Elle le gratifia d'un sourire un peu plus appuyé et un peu plus expressif tandis que le barman redéposait devant elle un Black Russian. Elle prit son verre et le leva lentement.
- Je crains hélas de ne pas être d'une si agréable compagnie ce soir... Je vous rassures, aucun loup ne me poursuis. J'aurais plutôt tendance à faire fuir les personnes qui m'entourent... Vous voila prévenu. Merci tout de même pour le verre.
Elle choqua légèrement son verre contre celui de l'inconnu.
Daniel laissa échapper un rire bref et léger avant de pencher son visage vers son verre et d’y noyer son regard affichant alors une expression intemporelle.
- Me faire fuir ? Vous y aller un peu fort car ce que je vois n’a rien d’effrayant, au contraire. Il est des solitudes qu’il est parfois bon de partager afin d’en alléger le fardeau. J’aime venir à me perdre ici parmi le tumulte. J’avais un ami, jadis, qui aimait à dire qu’on ne pouvait être personne que parmi des milliers. Ce que j’apprécie particulièrement c’est de laisser notre vie au seuil de l’établissement.
Il fit une pause comme si il méditait sur ses propres paroles, puis laissa courir son regard sur son vis-à-vis. Mutante certes, charmante à sa manière et troublante dans cette fragilité qu’elle affichait. Daniel se mit à penser qu’il aimerait mieux la connaitre, ce météore égaré dans sa course vers l’ailleurs et que les pas du destin avait menaient à lui ce soir. Il poursuivit sur le ton de la confidence.
- Ce que nous pensons, ce que nous avons été et les choix qui nous ont menés à être ce que nous sommes…tout cela dans ce genre d’endroit et à cette heure précise devient d’une futilité désarmante. Je n’ai pas à vous dire la nature des démons qui me pousse à gouter cette solitude, vous n’avez pas à le faire non plus. Nous sommes deux veilles âmes qui nagent dans le même bocal à poissons rouge. Inévitablement, nos routes devaient se croiser, ne pensez-vous pas ?
Il porta son verre aux lèvres puis secoua la tête avec un sourire lui donna une expression juvénile.
- J’espère ne pas vous assommer avec tout mon palabre, il parait que je suis un incorrigible bavard. La vérité c’est que je goute trop souvent le silence pour le laisser s’installer partout comme si il était le bienvenu. J’aime la routine, elle a quelque chose de rassurant et réconfortant…avec le temps, j’en ai fait mon amie, une amie que j’adore à voir se faire trahir. Comme ce soir d’ailleurs. - Il n’est pas coutume de croiser des mutants dans un tel lieu, même avec plus de discrétion je vous aurez de toute façon reconnu. C’est ainsi entre nous…une sorte d’alchimie invisible qui fait qu’on ne peut facilement se dissimuler l’un à l’autre. Je choisi ce lieu car habituellement, je n’y croise aucun membre de notre…espèce…je déteste ce mot mais force de constater que par les temps qui courent, nous en viendront à inventer un vocabulaire spécifique comme les Nazis le firent avec les juifs. Une abomination en engendre une autre, c’est ainsi.
Il fit de nouveau une pause avec un sourire un peu amer.
- Vous voyez, vous qui craigniez de n’être pas de bonne compagnie, il semblerait que je puisse facilement vous battre à ce jeu. - Au fait, je manque à toutes règles de bienséances, mille excuses, je ne me suis pas présenté. Je me nomme Daniel…passons nos noms, ils n’ont d’utilisation qu’en dehors de ces murs.
Il opina du chef en signe de salut tardif.
- J’ai une question pour vous, ma belle inconnue du soir, libre à vous d’y répondre. Comment vivez-vous le fait d’être mutante ? Je ne parle pas d’idéologie ou de sociologie…Je parle juste de vous, à titre personnel. La question m’importe car je cherche à comprendre comment chacun de nous réagissons face à ce choix qui n’en a jamais été un. Pourquoi ? Pour me sentir …moins seul, je suppose.
Esther Ophraïm Résident(e) à l'Institut Gamma
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L'inconnu eut un rire discret mais franc qui sonna agréablement tandis que son verre choquait celui d'Esther.
- Me faire fuir ? Vous y aller un peu fort car ce que je vois n’a rien d’effrayant, au contraire. Il est des solitudes qu’il est parfois bon de partager afin d’en alléger le fardeau. J’aime venir à me perdre ici parmi le tumulte. J’avais un ami, jadis, qui aimait à dire qu’on ne pouvait être personne que parmi des milliers. Ce que j’apprécie particulièrement c’est de laisser notre vie au seuil de l’établissement.
Il marqua une pause durant laquelle Esther ne savait si elle devait répondre quelque chose ou attendre qu'il poursuive. Ses paroles semblaient plus proche du monologue que du dialogue et somme toute il n'avait pas vraiment posé une question. Seulement un affirmation à laquelle Esther adhérait parfaitement. Il était inutile de répondre un simple "Je suis d'accord" ou "Vous avez raison" pour le simple plaisir d'ouvrir le bec. Elle se contenta donc d’acquiescer légèrement du chef et de l'imiter en buvant une gorgée. Il ne devait pas s'attendre à ce qu'elle réponde à ce moment là car il poursuivit, les yeux plongés dans son verre.
- Ce que nous pensons, ce que nous avons été et les choix qui nous ont menés à être ce que nous sommes…tout cela dans ce genre d’endroit et à cette heure précise devient d’une futilité désarmante. Je n’ai pas à vous dire la nature des démons qui me pousse à gouter cette solitude, vous n’avez pas à le faire non plus. Nous sommes deux veilles âmes qui nagent dans le même bocal à poissons rouge. Inévitablement, nos routes devaient se croiser, ne pensez-vous pas ? Il ponctua sa dernière question par un petit sourire qui le fit rajeunir de dix ans. Esther se sentit à la fois soulagée et troublée par le discours de l'inconnu. Soulagée car il ne cherchait pas à savoir le pourquoi du comment elle se trouvait là, troublée car cette proposition et le discours de l'inconnu sonnaient étrangement. "Nos routes devaient se croiser"... Qu'entendait-il par là? La suivait-il? était-il un mutant capable de voir l'avenir ou de repérer les autres mutants? Esther se dit qu'elle se devait d'être méfiante. Son discours n'était peut-être qu'un stratagème destiné à gagner sa confiance. Elle eut un sourire poli pour répondre au sien.
- Faites-vous partie de ces gens qui croient dur comme fer au destin? Ou a n'importe quelle autre puissance surnaturelle qui régit inexplicablement la vie d'autrui? Pardonnez-moi si je vous offense en disant cela mais je ne crois pas que nos routes devaient nécessairement se croiser. Je vois plutôt cela comme le fruit du hasard. Car même si deux routes se croisent, ce n'est pas pour autant que ceux qui les empruntent se rencontrent nécessairement. Et puis, ceux qui ratent une rencontre se consolent en disant que plus loin, leur route en croisera une autre et que peut-être là-bas ils auront la chance de rencontrer quelqu'un.
Elle marqua une pause et rebut une gorgée de Black Russian.
- Mais j'admet volontiers qu'il faut une chance incroyable pour tomber nez à nez avec quelqu'un pile à la croisée de deux longs chemins. La vie est tellement semée d'embûches qu'il est plaisant de croire au destin lorsque pour une fois dans sa vie on est synchrone avec un autre voyageur.
Peut-être avait-elle eut l'air ennuyé en répondant? Peut-être l'inconnu n'avait-il rien compris à sa réponse? Elle ne savait trop que dire vu qu'elle ne l'avait pas regardé en rétorquant. Toujours est-il qu'il lui présenta une sorte de simili justification à ses paroles.
- J’espère ne pas vous assommer avec tout mon palabre, il parait que je suis un incorrigible bavard. La vérité c’est que je goute trop souvent le silence pour le laisser s’installer partout comme si il était le bienvenu. J’aime la routine, elle a quelque chose de rassurant et réconfortant…avec le temps, j’en ai fait mon amie, une amie que j’adore à voir se faire trahir. Comme ce soir d’ailleurs.
Cette fois-ci Esther releva la tête avec un franc sourire pour rencontrer le regard de l'inconnu.
- Vous n'êtes pas saoul... Et vous êtes loin d'être simple d'esprit. Je ne vois pas en quoi vous seriez assommant. Mais je dois reconnaître que vous semblez aimer l'art oratoire. Rassurez-vous, ce n'est pas déplaisant dans cet endroit, ajouta-t-elle afin d'éviter que ses paroles soient mal interprétées. Mais contrairement à vous qui semblez en avoir assez du silence, ce dernier ne me gêne pas. Je lui trouve de bons côtés la plupart du temps. Après tout, ne dit-on pas que le silence est d'or? Et puis pour moi, "silence" ne veut pas nécessairement dire "routine". Comme vous le dites si bien, la routine se trahit aisément. Le silence beaucoup moins...
Elle eut un petit silence pensif tandis qu'elle nichait sa joue dans la paume de sa main, appuyant son coude sur le zinc du bar. Le regard perdu dans la lumière tamisée du bar, elle reprit d'une voix rêveuse.
- Je crois que tout comme vous j'ai voulu trahir ma routine en entrant ici ce soir. N'est-ce pas cocasse? Pour un peu on pourrait croire que le hasard l'a fait exprès.
Elle eut un petit rire tandis que tout en l'observant d'un regard appliqué, l'inconnu poursuivait :
- Il n’est pas coutume de croiser des mutants dans un tel lieu, même avec plus de discrétion je vous aurais de toute façon reconnue. C’est ainsi entre nous…une sorte d’alchimie invisible qui fait qu’on ne peut facilement se dissimuler l’un à l’autre.
* Tiens tiens... J'avais vu juste*, pensa Esther,*C'est bien un mutant... *.
[i]Elle se contenta de cette pensée un peu creuse, ne sachant trop quelle attitude adopter. Elle se permit toutefois un léger sarcasme.
- Vous savez, il n'est pas besoin d'alchimie avec moi. Celui qui ne me reconnaîtrait pas comme mutante deviendrait l'idiot du village. Pour ma part, je ne vous avais pas reconnu comme mutant avant que vous me l'avouiez indirectement. Ce qui me fait dire que je ne crois pas à cette forme d'alchimie, à moins que ce ne soit un don qui fait partie de votre pouvoir.
Réponse pas si stupide. S'il embrayait convenablement, elle pourrait peut-être savoir quel était la nature de son pouvoir. Non pas qu'elle cherchait à le connaître à des fins personnelles ou pour le livrer à Magneto mais elle n'était tout simplement jamais à l'aise lorsqu'elle ne connaissait pas la nature du pouvoir d'un mutant proche d'elle. Elle avait toujours l'impression que les autres avaient un avantage sur elle ou de se promener avec une épée de Damoclès au dessus de sa tête.
Visiblement, l'inconnu préféra rester prudent car il poursuivit sans relever sa boutade.
- Je choisi ce lieu car habituellement, je n’y croise aucun membre de notre…espèce…je déteste ce mot mais force de constater que par les temps qui courent, nous en viendront à inventer un vocabulaire spécifique comme les Nazis le firent avec les juifs. Une abomination en engendre une autre, c’est ainsi.
Il marqua à nouveau un silence et un rictus qui cette fois parut un peu plus crispé.
- Vous voyez, vous qui craigniez de n’être pas de bonne compagnie, il semblerait que je puisse facilement vous battre à ce jeu.
Esther eut un petit rire franc.
- Nous voila quitte alors.
Il répondit à son sourire pui se présenta enfin.
- Au fait, je manque à toutes règles de bienséances, mille excuses, je ne me suis pas présenté. Je me nomme Daniel…passons nos noms, ils n’ont d’utilisation qu’en dehors de ces murs.
Esther lui tendit sa fine main gantée en guise de salut.
- Esther, charmée... du moins pour le moment.
Elle préférait toujours donner des réponses prudentes. Daniel ne sembla pas s'en offusquer car il prit doucement sa main dans la sienne et s'inclina légèrement avant de la relâcher et de poursuivre leur conversation.
- J’ai une question pour vous, ma belle inconnue du soir, libre à vous d’y répondre. Comment vivez-vous le fait d’être mutante ? Je ne parle pas d’idéologie ou de sociologie…Je parle juste de vous, à titre personnel. La question m’importe car je cherche à comprendre comment chacun de nous réagissons face à ce choix qui n’en a jamais été un.
Esther haussa un sourcil méfiant, se demandant pourquoi il pouvait bien poser cette question. Son visage sembla traduire suffisamment sa question car Daniel le traduisit de suite.
- Pourquoi ? Pour me sentir …moins seul, je suppose.
Esther prit le temps de la réflexion, répétant la question de Daniel à mi-voix. Après une petite minute, elle répondit :
- Je ne sais trop quoi répondre. Je dois dire que je n'y ai jamais vraiment réfléchis. Je crois que je suis passée par tous les grands classiques : la peur de l'inconnu, la souffrance due au rejet des autres, la haine et l'amertume qui en découlent puis avec le temps et la quête d'un équilibre, la haine se calme, l'amertume s'estompe. Aujourd'hui, je suis plutôt blasée et résignée. Je sais que je ne dois attendre que peu de chose de peu de personnes et je m'efforce de vivre le plus en autarcie possible. Cela évite les problèmes et les déceptions.
Elle parut assez satisfaite de sa réponse. Elle demanda en guise de conclusion :
Hopes écouta calmement son interlocutrice tout en faisant signe au barman de resservir la même chose. Il se mira un léger instant dans le liquide ambré alors qu’Esther, puisque c’est ainsi qu’elle se nommait, venait de terminer son explication. Au loin, un jeune couple riait bruyamment à une table projetant leur franc bonheur en une éphémère passion pour phagocyter un univers extérieur indifférent à leur fortune.
- Oui, c’est à peu de choses près un discours que j’ai souvent entendu. Que sont les autres sinon l’espoir qu’on place en eux ? Placer peu d’espoir et se replier sur soi-même permet d’éviter bien des déconvenues. L’autarcie n’est pas le meilleur refuge, vous savez, j’ai longtemps privilégié cette solution lorsque je me suis découvert différent des autres. A l’époque, la génétique balbutiait et j’ai erré longtemps dans les ténèbres de l’ignorance me croyant une erreur de la nature. J’ai cherché dans la science, dans la religion, je n’ai rien trouvé. Un jour j’ai fini par comprendre que nous n’étions rien sans les autres et sans ce monde que nous construisons, actions après actions. Ensuite on peut ou pas y adhérer. On peut le trouver imparfait, injuste, cruel…mais c’est le seul que nous ayons. Il faut donc faire avec. C’est mon point de vue. Je ne l’impose pas.
Conscient d’avoir donné un avis plus que personnel et peut être un peu trop moralisateur. Il soupira plus pour se forcer à interrompre ses idées que pour manifester une quelconque lassitude.
- Esther….C’est un très joli prénom à consonance européenne. Vous n’avez pourtant aucun accent, votre famille serait donc originaire de la vieille Europe ? Ne soyez pas sur la défensive, je vous assure que vous ne sauriez être plus en sécurité avec un congénère et je n’ai d’autre projet que de passer un moment en fort charmante compagnie. Vous savez agencer vos idées avec cohérence et raffinement, vous êtes quelqu’un de cultivé et sensible.
A nouveau Hopes laissa échapper un rire indulgent avant de jouer avec son verre du bout de doigts.
- Non, non, je ne suis pas une sorte de Profiler, ni un étranger qui racole dans un bar. Mais j’ai une certaine expérience des gens, voyez-vous. Je ne veux pas vous effrayer Esther mais je sens grandir votre inquiétude. Vous êtes un esprit pragmatique qui aime à se savoir en sureté dans ses choix. Je déteste me définir par ma différence et parler de nos « dons ». Je ne conçois pas cela comme un « don » pour moi. C’est une malédiction qui m’a gâché l’existence jusqu’à vouloir trouver la mort bien souvent. Je pourrais vous le dire, votre nature vous pousserait à ne pas me croire et je vous trouve trop intéressante pour vous laisser mettre des barrières inutiles entre nous. Donc…
Il esquissa un sourire. L’instant suivant, Esther sembla entendre un écho une voix lointaine qui psalmodiait en son ame une litanie étrange et envoutante la tirant d’une sorte d’état hypnotique.
- Ouvrez les yeux, ma chère. Bienvenue dans mon monde. Le silence. Le silence absolu qui frappa la jeune femme en premier lieu. Hopes l’observait du coin du regard affichant une mine curieuse, il redoutait un peu sa réaction. Tout autour d’elle, la vie s’était figée totalement comme paralysée dans un étrange musée de cire.
- C’est déstabilisant la première fois, surtout le silence. Vous êtes dans le temps figé Esther et je viens de vous y ramener consciente. Si j’avais une once d’hostilité, vous seriez déjà morte et sans doute ne l’auriez-vous jamais su. - Est-ce cet isolement dont vous parliez ? Cette autarcie rassurante ? Non…je ne saurais repérer des mutants, mais mon instinct s’est aiguisé durant plus de 120 ans. Je suis né en France, bien avant la Première Guerre Mondiale et j’ai traversé le tumulte des époques. Quand on nage parmi les poissons depuis une éternité, on sait lorsqu’un dauphin traverse les fonds. Daniel afficha pour la première fois un air profondément désespéré, une vague de tristesse profonde d’où perçait l’amertume.
- Excusez-moi pour mon audace et ma brusquerie. Je suis las de cette peur les uns envers les autres, je n’aurais pas agis comme ça jadis. Je ne veux pas que vous vous fassiez de fausses idées sur moi, pas ce soir, pas ici. Je suis un homme fatigué et qui n’a pas grand-chose à cacher lorsqu’il parle de lui, et uniquement de lui. Si vous ne supportez pas ce silence et cet état, il suffit de me le signifier et je rétablirais la continuité du temps. Je tenais à vous offrir ce que j’ai de plus intime. Cet espace en gage de ma sincérité.
Esther Ophraïm Résident(e) à l'Institut Gamma
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Le Xième Black Russian de la soirée atterrit devant Esther. Elle en but la première gorgée avec une sensation affaiblie. Peut-être en avait-elle assez du goût... A force de ne pas ressentir les effets de l'alcool, tout faisait l'effet d'une grenadine. A force d'en boire, on trouve ça écoeurant. La mélopée de Daniel la retira de nouveau de ses pensées. Sa voix avait quelque chose de mélodie mais à la fois monocorde. Rassurant finalement. Elle l'écouta parler.
- Oui, c’est à peu de choses près un discours que j’ai souvent entendu. Que sont les autres sinon l’espoir qu’on place en eux ? Placer peu d’espoir et se replier sur soi-même permet d’éviter bien des déconvenues. L’autarcie n’est pas le meilleur refuge, vous savez, j’ai longtemps privilégié cette solution lorsque je me suis découvert différent des autres. A l’époque, la génétique balbutiait et j’ai erré longtemps dans les ténèbres de l’ignorance me croyant une erreur de la nature. J’ai cherché dans la science, dans la religion, je n’ai rien trouvé. Un jour j’ai fini par comprendre que nous n’étions rien sans les autres et sans ce monde que nous construisons, actions après actions. Ensuite on peut ou pas y adhérer. On peut le trouver imparfait, injuste, cruel…mais c’est le seul que nous ayons. Il faut donc faire avec. C’est mon point de vue. Je ne l’impose pas.
Plus elle l'écoutait, plus Esther se disait que Daniel avait un côté philosophe. Elle devait souvent prendre le temps de la réflexion pour deviner le sens et les intentions de ses paroles. Ausi, c'est à nouveau après un petit temps de réflexion qu'elle masqua par le réflèxe de boire une gorgée qu'elle répondit.
- Je ne dis pas que vivre dans une totale solitude est une solution. On finirait par se pendre d'ennui. Quand je parle d'autarcie, c'est avant tout l'idée de faire un maximum par soi-même. De ce fait on peut se permettre de choisir nos relations beaucoup plus facilement que Monsieur ou Madame Toutlemonde. Vous comprenez, quand on a un physique comme le mien, il est préférable de bien choisir ses amis...
La voix d'Esther recelait une pointe d'amertume qui sembla passer inaperçue. A moins que Daniel eut compris son état d'esprit et avait eu l'élégance de ne pas pousser plus en avant. Après tout, il avait bien fait comprendre à Esther qu'il n'était pas là pour l'agresser. Il changea donc totalement de sujet de conversation.
- Esther….C’est un très joli prénom à consonance européenne. Vous n’avez pourtant aucun accent, votre famille serait donc originaire de la vieille Europe ?
- Vous vous trompez sur un point. Esther est un prénom hébraïque. Ma famille est donc de confession juive comme vous pouvez vous en douter. Au dela de ça, vous avez raison de me croire d'origine européenne. Mes grands-parents ont fuit la Pologne dans les années 30.
Peut-être avait-elle répondu trop sèchement ou avec une intonation de voix différente? Quoi qu'il en soit, Daniel se sentit obligé de se justifier.
- Ne soyez pas sur la défensive, je vous assure que vous ne sauriez être plus en sécurité avec un congénère et je n’ai d’autre projet que de passer un moment en fort charmante compagnie. Vous savez agencer vos idées avec cohérence et raffinement, vous êtes quelqu’un de cultivé et sensible.
Esther eut un sourire malicieux et répondit :
- Qu'est-ce qui vous fait croire que je suis sur la défensive? Ais-je l'air si méfiante? Bien sûr, je ne me départit pas d'une certaine prudence face à un parfait inconnu mais, après tout, si vous m'importuniez franchement, je vous l'aurais déjà fait comprendre depuis bien longtemps. Et puis... une femme apprécie toujours qu'on la complimente d'une si galante façon. En particulier quand on prend la peine de la complimenter sur autre chose que son simple physique. Disons pour faire simple que je n'écarte aucune possibilité : charmant gentleman comme déséquilibré psychopathe.
Daniel eut alors un rire franc dont les dernières notes se noyèrent dans l'écho de son verre.
- Non, non, je ne suis pas une sorte de Profiler, ni un étranger qui racole dans un bar. Mais j’ai une certaine expérience des gens, voyez-vous. Je ne veux pas vous effrayer Esther mais je sens grandir votre inquiétude.
Pour le coup, Esther eut un tic nerveux d'une de ses paupières. Ses sens se mettaient en éveil. Évoquer l'inquiétude et prétendre la rassurer était le plus sûr moyen de la braquer et de la rendre réellement inquiète. Elle garda cependant le silence et continua d'écouter comme si de rien n'était.
- Vous êtes un esprit pragmatique qui aime à se savoir en sureté dans ses choix. Je déteste me définir par ma différence et parler de nos « dons ». Je ne conçois pas cela comme un « don » pour moi. C’est une malédiction qui m’a gâché l’existence jusqu’à vouloir trouver la mort bien souvent. Je pourrais vous le dire, votre nature vous pousserait à ne pas me croire et je vous trouve trop intéressante pour vous laisser mettre des barrières inutiles entre nous. Donc…
Esther esquissa un geste de recul tandis que Daniel esquissait un sourire. Un pouvoir assimilé à une malédiction? Un pouvoir qui donne des envie de suicide? De quelle horreur pouvait-il bien s'agir. Elle chercha fébrilement du regard une plante qu'elle aurait pu utiliser pour se défendre mais il n'y avait rien. Le temps qu'elle trouve un stratagème pour se défendre, elle sentait déjà la réalité basculer autour d'elle, comme si le monde perdait ses couleurs alors que son corps devenait légèrement nauséeux sous la sensation de vertige.
- Ouvrez les yeux, ma chère. Bienvenue dans mon monde.
Comme dans un de ces films de science fiction, Esther se retrouva dans une situation incongrue. Tout autour d'elle était parfaitement figé, comme si le temps s'était arrêté. Même la petite éclaboussure de gin qui sautait du shaker du barman était suspendue dans les airs, le tout dans un silence de mort. Il n'avait rien à voir avec son silence à elle, son silence de forêt fait de bruissement de feuilles, de bruits de goutte d'eau, de sifflement de vent léger,... Ce silence-ci était celui de la désolation, de la mort, du vide, de l'angoisse paranoïaque. Esther se tourna vers Daniel, l'oeil froid réclamant des explications.
- Qu'avez-vous fait?
- C’est déstabilisant la première fois, surtout le silence. Vous êtes dans le temps figé Esther et je viens de vous y ramener consciente. Si j’avais une once d’hostilité, vous seriez déjà morte et sans doute ne l’auriez-vous jamais su.
Il marquait un point. Pourtant Esther ne se sentait vraiment pas à son aise.
- Est-ce cet isolement dont vous parliez ? Cette autarcie rassurante ? Non…je ne saurais repérer des mutants, mais mon instinct s’est aiguisé durant plus de 120 ans. Je suis né en France, bien avant la Première Guerre Mondiale et j’ai traversé le tumulte des époques. Quand on nage parmi les poissons depuis une éternité, on sait lorsqu’un dauphin traverse les fonds.
Cette démonstration ressemblait au tour de force du motard qui exhibe sa force d'un air signifiant "regarde ce qui risque de t'arriver si tu me cherches des crosses". Elle le lui fit d'ailleurs savoir.
- Je ne goûte guère ce genre d'étalage de force. Une simple explication aurait mieux valu. Ce n'est pas en oppressant les gens de la sorte qu'on les mets à leur aise...
Les remontrances d'Esther semblèrent curieusement porter leurs fruits. Un peu perdu, voir même honteux, Daniel s'excusa :
- Excusez-moi pour mon audace et ma brusquerie. Je suis las de cette peur les uns envers les autres, je n’aurais pas agis comme ça jadis. Je ne veux pas que vous vous fassiez de fausses idées sur moi, pas ce soir, pas ici. Je suis un homme fatigué et qui n’a pas grand-chose à cacher lorsqu’il parle de lui, et uniquement de lui. Si vous ne supportez pas ce silence et cet état, il suffit de me le signifier et je rétablirais la continuité du temps. Je tenais à vous offrir ce que j’ai de plus intime. Cet espace en gage de ma sincérité.
Pas de fausses idées? Il était déjà mal parti avec son intervention unilatérale... Pourtant les paroles sonnaient juste. Il semblait vraiment las et rongé de fatalisme. Son cadeau était maladroit mais somme toute touchant. D'une voix neutre et légèrement réprimandante, Esther lui demanda :
- Ramenez-moi, s'il vous plait, dans le temps présent. Ensuite nous continuerons de discuter d'égal à égal. Ici, même si vos intentions semblent contraires, je me sens être une une proie ...
Hopes afficha une expression neutre, écoutant attentivement les paroles de son interlocutrice. Alors qu'elle venait de prononcer sa dernière phrase lui demandant de la ramener, il se contenta de ciller légèrement et presque instantanément la vie reprit son cours autour d'eux, créant d'abord un léger inconfort lorsque le silence absolu fut rompu par les bruits divers. Daniel se contenta de reprendre son verre en main , l'air légèrement absent.
Je n'ai rien d'un prédateur, si je l'ai été, c'était il y a fort longtemps, plus par vengeance que par instinct. J'ai bien connu votre patrie et encore plus votre obédience religieuse. J'étais dans le ghetto de Varsovie lors de sa chute. J'y ai perdu bon nombre d'amis. Je suis moins enflammé aujourd'hui. Peut-être par sagesse, c'est l'avantage de vivre longtemps, on relativise beaucoup plus facilement.
Pour la première fois depuis leur discussion, il laissa échapper un long silence pesant où sa conscience s'éloigna un peu de cette rencontre afin de s'absorber dans le bruissement de la vie autour d'eux. Une manière comme une autre de gouter un moment d'apaisement. Son interlocutrice restait une énigme, malgré ses dires, l'absence de naïveté ou de surprise face à sa démonstration et ce sentiment d'insécurité qu'elle manifestait malgré elle en disait bien plus long que tous les discours. Sa vie devait être bien plus complexe qu'on pourrait le penser au premier abord. Daniel aurait pu s'enticher de ces secrets prêt à être effleuré par un jeu de cache cache enivrant voire excitant. Le fait est que la fatigue psychologique le grignotait chaque jour d'avantage. Il décida de laisser les choses se faire sans chercher à les orienter d'aucune manière.
J'espère que vous tenez l'alcool , ma mutation ne m'en fait pas ressentir les effets. Ainsi, je pourrai vous accompagner en fidèle pilier de bar jusqu'à ce que vous rouliez sous la table. N'est-ce pas merveilleux un tel don..dommage, je ne suis pas un ivrogne. Je dors peu, si vous vous sentez fatiguée, n'hésitez pas à mettre fin à cette conversation, je ne vous voudrai pas.
Il laissa à nouveau passer une longue minute où il s'absorba à décortiquer le fond sonore qui égayait le club. Bill Withers - Ain't No Sunshine. Une musique que Ashe adorait, il refoula une vague de souvenirs doux amer qui remontait. Le cœur d'un homme est un terrain aride, on y fait pousser des remords qui nous poussent un peu plus vers la tombe à chaque récolte. Moissons tardives ou pas, le résultat reste le même, une plaie ouverte où on aime à y jeter un peu de sel.
Esther Ophraïm Résident(e) à l'Institut Gamma
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Esther se demandait s'il allait donner suite à sa requête avec un léger sentiment d'angoisse. Mais à peine se fut-elle posé la question que le temps reprit son cours autour d'elle. Les glaçons achevèrent leur chute dans le shaker, le rire de la femme saoule au fond du bar se termina, la musique reprit son cours. D'un air maussade, Daniel répondit :
- Je n'ai rien d'un prédateur, si je l'ai été, c'était il y a fort longtemps, plus par vengeance que par instinct. J'ai bien connu votre patrie et encore plus votre obédience religieuse. J'étais dans le ghetto de Varsovie lors de sa chute. J'y ai perdu bon nombre d'amis. Je suis moins enflammé aujourd'hui. Peut-être par sagesse, c'est l'avantage de vivre longtemps, on relativise beaucoup plus facilement.
L'avait-elle blessé? Vexé peut-être? Il ne pouvait pas s'attendre à ce qu'elle fasse entièrement confiance à un parfait inconnu. Encore moins lorsque celui-ci était un mutant aussi puissant que Daniel. Pourtant il était maintenant évident qu'il ne lui voulait aucun mal. Il l'avait ramenée dans le temps présent avec une docilité et une rapidité sans pareille. Elle chercha quelque chose d'encourageant à lui dire. Avec un sourire engageant, elle s'adressa à lui.
- Merci.
Il tourna vers elle un oeil interrogateur tandis qu'elle lui adressait un franc sourire.
- Je sais maintenant que vous n'êtes pas un prédateur. Si vous en aviez été un, vous ne m'auriez pas ramenée ici aussi facilement. Pardonnez-moi si j'ai pu vous paraître blessante mais de nos jours, on est jamais trop méfiant. Enfin, c'est mon point de vue et il est peut-être tronqué par les épreuves que j'ai vécues mais ça n'en reste pas moins mon naturel et il est dur de le chasser sans qu'il revienne trop vite au galop.
Elle s'abstint de l'interroger sur son passé et sur sa présence à Varsovie en 1943. Elle n'était pas sûre de vouloir savoir et puis ces souvenirs semblaient douloureux à évoquer pour Daniel. Apparemment, lui non plus ne désirait pas s'étendre sur le sujet car il changea de sujet de conversation.
- J'espère que vous tenez l'alcool , ma mutation ne m'en fait pas ressentir les effets. Ainsi, je pourrai vous accompagner en fidèle pilier de bar jusqu'à ce que vous rouliez sous la table. N'est-ce pas merveilleux un tel don..dommage, je ne suis pas un ivrogne. Je dors peu, si vous vous sentez fatiguée, n'hésitez pas à mettre fin à cette conversation, je ne vous voudrai pas.
Esther eut un petit éclair de malice pour répondre :
- Quelle coïncidence! Je suis moi aussi immunisée aux effets de l'alcool. Je n'en bois que pour le plaisir du goût. J'avoue d'ailleurs que je commence à me lasser des Black Russians. Je crois que je vais opter pour quelque chose de plus frais... Un mojito peut-être? Ou une caïpirinha...
Après une petite moue de réflexion, elle appela le bar-man et commanda une caïpirinha, indiquant au serveur de resservir Daniel avec la boisson de son choix.
- Si vous voulez m'avoir à l'usure, il va falloir compter sur le sommeil plutôt que sur la cachaça. Santé!
Elle choqua à nouveau son verre contre celui de Daniel et but une gorgée du liquide rafraichissant avec une évidente satisfaction. Daniel resta silencieux. Après avoir respecté le silence de Daniel en dégustant son nouveau cocktail, Esther lui demanda doucement :
- Vous aimez les excuses, n'est-ce pas? Vous vous excusez de me parler, vous vous excusez à l'avance d'éventuellement paraître ennuyeux, vous excusez même votre présence. Pour un peu, vous vous excuseriez de respirer ou même d'exister...
Oui, Daniel donnait l'impression de faire partie de ses gens qui se confondent en excuses parce qu'ils ont le regret de ne pas en avoir assez fait un certain jour de leur vie, de ces gens qui vivent avec un horrible sentiment de culpabilité qui ronge le coeur comme l'eau ronge le fer. Aussi lentement et aussi inévitablement. Bien sûr, Esther se garda bien de livrer le fond de sa pensée. Elle sema cependant les prémices de son idée par une question détournée.
Alors que le scotch qu'il avait commandé venait de heurter le zinc immaculé de comptoir, la belle poussa l'estocade verbale d'une façon inattendue. Pour le compte, le sourire de Daniel se figea. Rarement, on avait été aussi direct avec lui en l'approchant de la sorte. Il aurait pu s'en sentir gêné, voire froissé, au contraire, il en fut agréablement déstabilisé comme si ce bout de femme se trouvant sur ce coté de comptoir possédait des audaces inédites qui finalement la rendait encore plus charmante. Il tourna sensiblement le visage vers elle la scrutant un instant avec insistance comme si, il découvrait son visage pour la première fois. Puis il laissa échapper un demi sourire à la fois intriguant et rassurant.
- Vous êtes pleine de surprises Esther, je trouve cela des plus délicieux. Je ne regrette pas d'avoir voulu étreindre ma solitude ici ce soir et encore moins que vous ayez accepté d'en porter le fardeau avec moi.
Il porta la main à sa poche et en sorti son étui à lunettes. Il en dégagea de fines montures rondes qu'il chaussa en les réajustant minutieusement d'un geste du doigt le long de son nez. Il reporta son regard bleu délavé sur la jeune nymphe, ses iris semblait vibrer d'un nouvel éclat derrière les verres.
- Je m'excuse...en effet...parce que l'expérience de la vie m'a montré que le moindre détail peut un jour engendrer des rancœurs et des haines insurmontables. Il y a des évidences qu'on a pas comprise, des morsures du regret qui se livrent à la nuit, des lueurs tardives, des appels évidents qu'on a pas compris..La vie est faite de cela, elle est faite d’échecs et rendez vous manqués. J'ai passé plusieurs décennies a refuser de me mêler des affaires des autres car par le passé, mes gestes ont eu des conséquences terribles et que je ne suis qu'un humain que le poids du remord effondre. Vous dites que je semble ne pas avoir confiance en moi ? C'est tout l'inverse, personne ne se connaitra aussi bien que celui qui a trop vécu. Je me fais confiance sur ce que je sais "être" et je sais que ce touche finit toujours par se faner. C'est ma malédiction, mon don. Je vous vois, charmante et fraiche et - n'en rougissez pas - attirante. Mais je sais que c'est un cadavre que je caresserai d'ici quelques temps, un an, 10 ans, 100 ans... C'est l'horrible vérité, Esther, tout meurt...tout disparait..tout se détruit et sombre dans l'oubli..l'amour, la joie, l'espoir : tout est éphémère. A la fin, il ne reste que..que moi. Alors je m'excuse..oui...je m'excuse d'interférer dans votre vie et de ne pas pouvoir vous apporter plus parce que...au bout du compte...votre vie..
Il prit une respiration profonde et laissa un geste de la main balayer le vide d'un air désespéré.
- Elle ne sert à rien...Il n'y a pas de Dieu, nous ne venons en ce monde que pour y mourir, Esther.
Il lui adressa un sourire triste, presque douloureux.
- C'est cette vérité que je me suis forgée et c'est pour cela que je m'excuse.
Esther Ophraïm Résident(e) à l'Institut Gamma
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Esther semblait avoir touché une corde sensible car elle perçut un infime mouvement de crispation chez Daniel à peine eut-elle fini de parler. Il tourna son visage vers elle et la regarda avec intérêt, comme s'il la découvrait pour la première fois. Elle semblait cristalliser toute l'attention de Daniel.
- Vous êtes pleine de surprises Esther, je trouve cela des plus délicieux. Je ne regrette pas d'avoir voulu étreindre ma solitude ici ce soir et encore moins que vous ayez accepté d'en porter le fardeau avec moi.
- Je vous remercie pour le compliment. Mais comme je vous le disais tout à l'heure, votre compagnie n'est pas un fardeau pour moi.
Avec un bon sourire elle le piqua à nouveau.
- Vous voyez ce que je disais? Vous vous excusez encore!
Elle conclut par un petit rire frais tandis que Daniel glissait la main dans la poche intérieur de son veston pour en sortir un étui duquel il sortit à son tour une paire de petites lunettes rondes qu'il plaça sur son nez. Esther réprima un rire devant le visage singulièrement transformé qu'il lui présentait. Il avait l'air d'un fonctionnaire des années 30 ou d'Albus Dumbledore en plus jeune, c'est selon... Elle faillit le charier en lui disant que même s'il était très bien conservé, son grand âge devait se répercuter sur sa vue mais elle se ravisa, jugeant cette remarque déplacée pour quelqu'un qu'elle connaissait depuis moins d'une heure. Daniel reprit la parole.
- Je m'excuse...en effet...parce que l'expérience de la vie m'a montré que le moindre détail peut un jour engendrer des rancœurs et des haines insurmontables. Il y a des évidences qu'on n'a pas comprises, des morsures du regret qui se livrent à la nuit, des lueurs tardives, des appels évidents qu'on n'a pas compris..La vie est faite de cela, elle est faite d’échecs et rendez vous manqués. J'ai passé plusieurs décennies a refuser de me mêler des affaires des autres car par le passé, mes gestes ont eu des conséquences terribles et que je ne suis qu'un humain que le poids du remord effondre. Vous dites que je semble ne pas avoir confiance en moi ?C'est tout l'inverse, personne ne se connaitra aussi bien que celui qui a trop vécu. Je me fais confiance sur ce que je sais "être" et je sais que ce touche finit toujours par se faner. C'est ma malédiction, mon don. Je vous vois, charmante et fraiche et - n'en rougissez pas - attirante. Mais je sais que c'est un cadavre que je caresserai d'ici quelques temps, un an, 10 ans, 100 ans... C'est l'horrible vérité, Esther, tout meurt...tout disparait..tout se détruit et sombre dans l'oubli..l'amour, la joie, l'espoir : tout est éphémère. A la fin, il ne reste que..que moi. Alors je m'excuse..oui...je m'excuse d'interférer dans votre vie et de ne pas pouvoir vous apporter plus parce que...au bout du compte...votre vie...
Il prit une profonde inspiration après sa longue diatribe, ce qui lui laissa le temps de réfléchir à la suite de son discours. Il reprit d'une voix plus chargée :
- Elle ne sert à rien...Il n'y a pas de Dieu, nous ne venons en ce monde que pour y mourir, Esther. C'est cette vérité que je me suis forgée et c'est pour cela que je m'excuse.
Bouleversée par cette confession franche mais aussi amère et fataliste, Esther prit le temps de la réflexion. Après un petit instant de réflexion, elle répondit :
- Il y a des regrets dans vos paroles, de la culpabilité, de l'amertume... mais surtout de la peur. Vous avez peur de vivre parce que vous avez peur de souffrir et surtout de faire souffrir ceux qui vous entourent. Vous vous croyez condamné à une vie éternelle et solitaire et malgré vos décennies, peut-être même vos siècles d'existence, vous ne pouvez vous y résigner... Du moins pas encore.
Elle marqua une petite pause puis reprit :
- Voyez-vous, je n'ai peu être pas autant vécu que vous mais j'ai vécu avec une épée de Damoclès au dessus de ma tête pendant plusieurs années de ma vie. Et j'ai appris qu'il faut profiter de la vie tant qu'on le peut et qu'il vaut mieux vivre passionnément un an que d'en vivre dix parcimonieusement. Vous vous retenez de vivre par souci des autres, par peur des conséquences de vos actes. Je n'ai personnellement pas autant d'altruisme que vous. A dire vrai, j'en ai même très peu. Il me répugne de me sacrifier pour une société qui me rejette, me méprise et me craint.
Elle but une gorgée de caïpirinha et reprit son argumentaire.
- Bien sûr, vous pourriez me rétorquer que tout le monde n'est pas comme ça et que certaines personnes en valent la peine. Je n'en doute pas. C'est d'ailleurs pour cela que j'ai dit que j'avais peu d'altruisme. J'en ai peu mais j'en ai tout de même. Seulement voyez-vous, je suis quelqu'un de beaucoup plus terre à terre et pragmatique que vous. Je suis même une partisane de la loi du talion lorsque les actes sont volontaires. Aussi, je ne me prive pas de vivre et d'agir comme bon me semble au vu du peu de chance que j'ai de rencontrer des gens biens dans cette ville ou n'importe où ailleurs. Si j'en croise un, tant mieux, si pas, tant pis.
Une nouvelle pause.
- Je suis une fleur Daniel. Je ne suis peut-être pas rare, je suis peut-être pas de ces fleurs qui ont des vertus mais je suis de ces fleurs qui ont parfaitement conscience qu'elles sont éphémères et qui profitent de chaque seconde de leur courte vie avec tout ce que cela implique. Peu importe les dégâts que je pourrais causer aux autres plantes. Mes intentions ne sont pas foncièrement mauvaises et quand bien même elles seraient néfastes, elle ne pourraient pas faire tellement de mal à de grands arbres centenaires comme vous. Je ne suis qu'une seconde, une infime goutte d'eau dans l'océan du temps. Les chances pour que je déclenche la fin du monde sont quasi inexistante. J'ai préféré les balayé d'un revers de main.
Elle tendit alors sa main pour toucher celle de Daniel dans un geste appaisant.
- Je n'aurai aucun regret de mourir demain à partir du moment où je l'ai décidé. Vous vous lamentez sur le cadeau empoisonné qu'est votre pouvoir? Certes, il vous épargne les ravages du temps, il vous enlève tout ce qui est cher à votre coeur car vous ne pouvez le partager avec eux, il vous épargne les maladies et les maux mais il y a une chose contre laquelle votre pouvoir ne peut rien, c'est votre volonté.
Elle marqua une dernière pause mais ne retira pas sa pain de dessus celle de Daniel.
- Quand vous aurez décidé de vivre, vous vivrez... et quand vous aurez décidé de mourir, vous mourrez. Vous devriez essayer de vous en souvenir plus souvent...
Alors seulement elle retira sa main et entreprit de vider son verre en silence.
Cette main sur sa main. Avec une lenteur inconsciente, son regard se posa sur leurs deux mains jointes, comme si autour, les mots ne trouvaient plus de sens ou perdaient simplement de leur valeur. Certes, il les entendait mais son attention restait fixée sur les mains. Depuis quand exactement ? Depuis quand personne n'avait osé ce geste ? Le désir et la sensation charnelle s'était éteint dans le chaos de Ashe Lovelace. Rien depuis, une porte s'était close et il en avait lui même posé les scellés afin que plus rien ne puisse venir le tirer du gouffre dans lequel il s'était précipité avec elle dans une relation faite de douleurs et de blessures, d'automutilation et de combustion concédée. Le feu de la passion les avait consumé tous deux, carbonisé sur l'autel d'une relation quasi contre nature entre deux êtres qui se ressemblaient trop pour véritablement s'en sortir de leurs tempêtes de douleurs. Ca faisait mal. Terriblement mal, bien plus que le sel jeté sur la blessure ouverte. C'était sournois et lent, insupportable et pernicieux : on appel ça l'espoir. Il aurait voulu que certaines choses restent définitivement en l'état pour qu'il puisse s'oublier dans une cause qui le dépasse et le pousse en avant dans l'oublie de son ego. Seulement voilà, la vie ne vous offre que rarement l'opportunité de faire vos propres choix et de suivre votre propre voie. Cette main sur la sienne ravivait les braises d'un sentiment occulté et disons le clairement, non souhaité. Lentement ses yeux remontèrent vers ceux d'Esther et s'y accrochèrent. Est-ce qu'elle l'avait senti, elle aussi ? Est-ce que ce n'était que lui ou est ce que ce trouble immense qui l'avait fait basculer de la curiosité vers autre chose d'encore indéfinissable était partagé ? Sans doute pas, ces choses n'arrivaient pas dans la vrais vie. Ces choses, on les révait, on les souhaitait, on en entendait parler mais jamais on ne les vivait réellement, tout au plus, on les sublimait en guise de justification sous forme de confidence à un tiers sur le tard. Alors le partager, non, sans doute pas car reviendrait à croire en l'amour et le temps vous apprend que comme la chair, les sentiments humains pourrissent et disparaissent. Rien d'humain n'est amené à durer, c'était son point de vue forgé depuis l'amertume de ses errances. C'est plus le fait de retirer sa main que l’arrêt de son discours qui poignarda une fois de plus le Time tricker au cœur. Il prit une profonde inspiration et se focalisa à nouveau sur ce verre vide qu'il n'avait cette fois ci plus à cœur de remplir. Les choses venaient de changer brutalement et impossible de percevoir leur nature dans les minutes qui s'égrainaient.
- Esther...je ne sais pas quoi vous répondre.
Il s'oublia à sourire légèrement devant l'improbabilité de ce qu'il venait de lui concéder, et d'un geste lent retira ses lunettes pour les ranger soigneusement.
- Votre analyse est fine et ...rondement menée. Mais chacun d'entre nous est tiraillé entre une myriade de "peut-être" et de "possible". Je suis complètement perdu parmi celles ci. Je ne sais pas de quoi demain sera fait et une partie de moi même ne veut plus le savoir. Quelque soit les routes que j'emprunte, je me suis toujours fourvoyé et il n'y a pas une chose dont je peux être fier...disons dont je peux me dire être fier. Je veux croire que j'ai ce don pour le mettre au service d'une cause, peut-être que je ne cherche qu'à laisser une trace de moi sur cette terre comme un immense cri de désespoir poussé à la face des dieux, si ils existent. Mais.. Mais je n'ai rien vu qui valait le coup qu'on s'y attarde. Cette vie est vide. Et pourtant, vous avez raison, je m'y cramponne et le pire c'est que je ne sais pas pourquoi.J'aimerai...oui..j'aimerai..vivre pour moi, mais je ne sais plus comment on fait, ni de quoi j'ai besoin. Quelle ironie ! Lorsque j'étais plus jeune, bien plus jeune et que j'ignorais ce que j'étais, j'ai eu femme et enfant. Elle était fabuleuse, elle m'apprenait à voir des couleurs là où il n'y en avait pas, elle m'apprenait comment chanter en ce monde. Vos mots...J'ai l'impression de l'entendre. J'ai eu deux amours dans ma vie, l'un de douceur, l'autre de douleur et toute deux m'ont appris et montrer ces choses que j'ignorais sur moi même. C'est peut être cela que je veux...laisser aller. Qu'on me montre qu'il existe une autre vision de la vie que celle qui me forge et qui m'a cloisonné.
De nouveau il la regarda avec intensité et osa ce qu'il n'aurait jamais fait. Il posa sa main contre la sienne avec une douceur infinie.
- Bien heureux est celui qui fera chavirer votre cœur, Esther. Vous être ce qu'un homme peut rencontrer de mieux, cette douceur qui effleure sous la glace est plus précieuse que n’importe quel trésor. Sous cette carapace d'animal blessé et traqué, je sens votre coeur vibrant d'un amour et d'un altruisme qui vous échappe même sans doute. Qu'importe ce qui vous anime, vos haines ou vos croyances, elles n'ont pas véritablement d'importance. Je vous vois, Esther. Je vous vois sous votre vraie nature, celle qui importe. Je vois une belle âme, ca fait longtemps que je n'en avais pas vu une aussi sublime, je suis plus qu'heureux d'avoir croisé votre route.
Il inclina la tête et quitta sa main avec un léger murmure.
- Oui...cet homme là, il ne connait pas sa chance.
Esther Ophraïm Résident(e) à l'Institut Gamma
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En tournant la tête, Esther vit un Daniel au visage transformé. Lorsque ses yeux rencontrèrent les siens, elle comprit que son geste avait eu un effet bien plus fort sur lui qu'un simple apaisement. Il y avait enfin de la lumière, une étincelle dans ses yeux. Un nouveau souffle d'espoir. Mais cet espoir était soigneusement retenu par la peur de briser quelque chose s'il parlait et n'était pas compris en retour ou pire, si cette sensation qui l'envahissait n'était pas partagée. Esther fut troublée par l'évidente sensibilité et même fragilité qu'elle percevait maintenant chez Daniel. Elle n'en aurait même pas soupçonné l'existence 5 minutes plus tôt. Afin de ne pas ajouter à son trouble, elle décida de ne rien laisser paraître. Pas un mot, pas un signe, pas un battement de cil qui aurait pu être mal interprété. Car pour le moment, il n'y avait rien à interpréter. Esther ne savait pas, ne pensait pas, ne ressentait pas. Ou plutôt, elle n'arrivait pas à démêler l'imbroglio de sensations diverses qui secouaient sa petite personne depuis le début de la soirée. Il devait y avoir près de six ou sept ans qu'elle ne s'était plus permis le moindre sentiment, à l'exception d'Ernest. Et probablement autant de temps sans aucune occasion de le faire. Elle ne savait pas si Daniel se rendait compte qu'elle était elle aussi troublée. Peut-être même autant que lui... Ou peut-être était-elle simplement meilleure comédienne?
Au milieu de ses réflexions, elle entendit Daniel se décider à briser le silence.
- Esther...je ne sais pas quoi vous répondre.
La simplicité et la naïveté de cet aveu arrachèrent un franc sourire à la charmeuse de plantes. Daniel embraya alors sur son ressenti.
- Votre analyse est fine et ...rondement menée. Mais chacun d'entre nous est tiraillé entre une myriade de "peut-être" et de "possible". Je suis complètement perdu parmi celles ci. Je ne sais pas de quoi demain sera fait et une partie de moi même ne veut plus le savoir. Quelque soit les routes que j'emprunte, je me suis toujours fourvoyé et il n'y a pas une chose dont je peux être fier...disons dont je peux me dire être fier. Je veux croire que j'ai ce don pour le mettre au service d'une cause, peut-être que je ne cherche qu'à laisser une trace de moi sur cette terre comme un immense cri de désespoir poussé à la face des dieux, si ils existent. Mais...
Il marqua une petite pause puis répondit d'un air un peu dépité :
- Mais je n'ai rien vu qui valait le coup qu'on s'y attarde. Cette vie est vide. Et pourtant, vous avez raison, je m'y cramponne et le pire c'est que je ne sais pas pourquoi.J'aimerai...oui..j'aimerai..vivre pour moi, mais je ne sais plus comment on fait, ni de quoi j'ai besoin.
Esther eut un sincère élan de compassion devant l'amertume et la fatalité si évidente de Daniel. Il en eut peut-être conscience puisqu'il reprit d'un ton moqueur :
- Quelle ironie! Lorsque j'étais plus jeune, bien plus jeune et que j'ignorais ce que j'étais, j'ai eu femme et enfant. Elle était fabuleuse, elle m'apprenait à voir des couleurs là où il n'y en avait pas, elle m'apprenait comment chanter en ce monde. Vos mots... J'ai l'impression de l'entendre.
Esther prit aussi tôt du recul. Ainsi il vivait dans le souvenir d'une femme. Ce devait être son souvenir qu'il cherchait dans ce genre de bars insipides à la tombée de la nuit. Peut-être lui ressemblait-elle? Peut-être avait-elle contribuer sans le savoir à lui donner l'illusion que son amour perdu vivait encore? Peut-être n'était-elle à ces yeux qu'un mirage? Un palliatif? un substitut? Sans se rendre compte qu'au fond elle était froissée par cette idée, elle continua d'écouter patiemment Daniel.
- J'ai eu deux amours dans ma vie, l'un de douceur, l'autre de douleur et toute deux m'ont appris et montrer ces choses que j'ignorais sur moi même. C'est peut être cela que je veux...laisser aller. Qu'on me montre qu'il existe une autre vision de la vie que celle qui me forge et qui m'a cloisonné.
Ce disant, Daniel vint effleurer de la sienne la main d'Esther. Elle baissa les yeux sur ce geste, n'exprimant pas grand chose sur son visage. Elle ne retira pas sa main ni ne répondit au geste de Daniel.
- Bien heureux est celui qui fera chavirer votre cœur, Esther. Vous être ce qu'un homme peut rencontrer de mieux, cette douceur qui effleure sous la glace est plus précieuse que n’importe quel trésor.
Esther releva ses yeux couleur d'émeraude sur Daniel, se taisant toujours.
- Sous cette carapace d'animal blessé et traqué, je sens votre coeur vibrant d'un amour et d'un altruisme qui vous échappe même sans doute. Qu'importe ce qui vous anime, vos haines ou vos croyances, elles n'ont pas véritablement d'importance. Je vous vois, Esther.
Esther releva légèrement le menton.
- Je vous vois sous votre vraie nature, celle qui importe. Je vois une belle âme, ca fait longtemps que je n'en avais pas vu une aussi sublime, je suis plus qu'heureux d'avoir croisé votre route.
Esther battit des paupières et entrouvrit les lèvres. Le baiser ne vint toujours pas... Décidément Daniel était bien innocent ou bien froussard...
Comme si le destin l'aidait à faire comprendre au maître du temps ce qu'elle pensait vraiment de tout cela, le jukebox se mit à tourner une chanson un peu vieille mais Oh combien parfaite pour la circonstance.
"Encore des mots, toujours des mots, les mêmes mots... Rien que des mots..."
Daniel retira sa main avec une mine résignée.
- Oui...cet homme là, il ne connait pas sa chance.
Alors, Esther fit son choix. Elle se leva de son tabouret, rabattit enfin son capuchon sur ses épaules, dévoilant ainsi tout son visage dans l'entièreté de la lumière. Elle s'approcha doucement de Daniel qui instinctivement se tourna pour lui faire face. Elle se pencha légèrement jusqu'à n'être plus qu'à quelques centimètres de son visage. Ses yeux soutenaient les siens sans ciller. Alors, doucement mais fermement, elle leva les mains et enferma dans chacune d'elle les revers du veston de Daniel.
- Paroles, paroles, paroles et encore des paroles...
L'instant d'après, ses lèvres s'épanouissaient sur les siennes dans un baiser brûlant et interminable. Instinctivement, les lèvres d'Esther synthétisèrent un peu d'essence de menthe. Aussi lorsqu'elle ouvrit les yeux et décolla lentement ses lèvres de celles de Daniel, lui laissa-t-elle un petit goût de fraîcheur à nul autre pareil. Médusé, Daniel la regarda, cueillit par son audace. Alors elle alla se rasseoir et vida son verre d'un trait.
- Il ne connaissait pas sa chance... Maintenant qu'il la sait, je serais curieuse de voir ce qu'il va en faire.
Que faisait-elle? Cela ne lui ressemblait tellement pas... Pourtant elle ne regrettait ni n'avait peur de rien. Cette nuit n'était pas comme les autres. Ni celles passées ni celles à venir... Elle fit signe au barman de leur remettre la même chose.
Se perdre et recommencer. Tenter à chaque route de réécrire l’histoire différemment sans y mettre trop d’espoir ou justement en y mettant des choses différentes. Essayer c’est réécrire, se tromper, c’est apprendre. Pourquoi mettre toujours des mots sur des sentiments ? Pourquoi vouloir justifier ce qui ne ressort que de l’émotion et de la prise de risque ? Ce risque qui nous donne le frisson de la vie et le goût du lendemain. Oui tout est dit mais tout reste à prendre.
Elle avait la fraicheur de la menthe.
C’est tout ce qu’il y a à dire, tout ce qu’il y a à retenir et ce n’est pas une question de pudeur ou de jeter un voile sur des sentiments qui n’osent pas se nommer ou s’affranchir des mots. C’est une question de lâcher prise mais surtout pas de réflexion. Hopes a toujours était un poète sous le masque rigide de la raison, c’est un écorché vif amputé du cœur. C’est un enfant d’un siècle troublé pleins de certitudes et de rêves d’avenir coloré et humanistes qui ont trouvé un épilogue sanglant dans un enfer de boue et de sang. Il s’est muselé, il a vieillit trop vite et s’est fané avant d’éclore. Machine arrière serait se nier sois même et détruire cette armure qui le protège si bien des dérives de lui-même. Il n’est pas un sentimental, il ne peut l’être. Mais il peut choisir de ne pas choisir. Il peut choisir de ne plus rationaliser ni analyser. Il peut choisir la fuite en avant vers les possibles sans les envisager de manière pragmatique. Il avait choisi la fuite hors de contrôle avec Ashe ou amour et douleur les enchainait dans le même déclin. Il a appris de cette erreur, il ne la reproduira pas. Ce sentiment comme une étincelle mettant le feu et transformant une calme forêt en brasier, il ne la connue que deux fois et il s’en souvient parfaitement. Il ne la travestira pas.
Qu’importe pourquoi ici et maintenant Qu’importe s’is ne se connaissent que depuis quelques heures. Il sait et il ne se fuira pas.
Il reste un peu groggy de l’action qui vient de se jouer, cherchant ses mots, retrouvant ses vieux réflexes et décide, pour la première fois, de ne pas y céder.
Oui, elle a la fraicheur de la menthe sauvage et ce souffle le ranime.
- C’est…bien audacieux…
Il se contente de se livrer, sans entraves, défenses baissées.
- J’ignore où ça nous mènera. Je n’ai qu’une certitude, je veux le savoir. Il ne saurait y avoir plus important au monde…pour moi. C’est ce que me dit cette voix que tu as fait naitre.
Sans en dire plus, il se pencha vers elle tout en lui levant délicatement le menton et l’embrassa longuement avec une passion dévorante. Cet instant d’une intensité rare sembla durer une éternité et pour la première fois depuis longtemps, le calme l’envahit comme une quiétude salvatrice. Lorsqu’il se décida presqu’à regret de se séparer de ses lèvres, il glissa vers sa chevelure pour lui murmurer dans un souffle.
- Je ne veux pas que cela soit sans lendemain Esther, ça me fiche une trouille bleue mais pour la première fois depuis longtemps, j’ai envie d’avancer sans chercher à comprendre. C’est tôt…trop tôt et complètement impensable mais c’est de l’amour Esther, ça j’en suis certain.
Esther Ophraïm Résident(e) à l'Institut Gamma
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Sujet: Re: Moissons tardives. (Pv Cérès) Mer 2 Mai - 8:58
Daniel semblait médusé de l'audace d'Esther. Au vu de son visage, elle s'en trouvait de plus en plus satisfaite. Lorsqu'il retrouva la parole, il balbutia :
- C’est…bien audacieux…
Un petit silence dans lequel Esther étendit un sourire entendu sur ses lèvres tandis qu'elle buvait une gorgée de cocktail.
- J’ignore où ça nous mènera. Je n’ai qu’une certitude, je veux le savoir. Il ne saurait y avoir plus important au monde…pour moi. C’est ce que me dit cette voix que tu as fait naître.
Et avant qu'elle ait pu vraiment assimiler le sens de tous ces mots, Esther fut emportée dans un nouveau baiser. Plus passionné, plus avide, mais pas nécessairement rude. Les genre de baisers qui servent d'appels au secours, qui disent "rend-moi mon amour ou j'en mourrais"... Il glissa ses lèvres le long de sa joue vers son oreille.
- Je ne veux pas que cela soit sans lendemain Esther, ça me fiche une trouille bleue mais pour la première fois depuis longtemps, j’ai envie d’avancer sans chercher à comprendre. C’est tôt…trop tôt et complètement impensable mais c’est de l’amour Esther, ça j’en suis certain.
Esther eut un petit sursaut. Daniel allait beaucoup trop loin et beaucoup trop vite. Elle se sentait acculée par cette supplique. C'était un peu comme la personne qui se sent gênée des remerciements d'un assoiffés après lui avoir offert un verre d'eau. Comment Daniel, qui pouvoir avoir un ou plusieurs siècles d'existence, pouvait-il se montrer aussi puérile et maladroit? Esther décida de remettre les pendules à son heure. Avec un petit rire frais, elle repoussa doucement Daniel en maintenant sa petite main sur le milieu de sa poitrine.
- Voyons Daniel... Comment peux-tu parler d'amour aussi vite? Un élan de passion oui, je veux bien le croire. Mais pas de l'amour. Tu réagis comme ces petits garçons qui parce qu'ils se sont fait embrassés pour la première fois s'imaginent que la fille en question est folle amoureuse d'eux et vont finir leur vie avec eux dans une histoire romantiquement plate à souhait...
Elle marqua un petit silence puis reprit :
- Tu sembles être un homme admirable et clairvoyant. Mais pas pour séduire une femme. Il faut du temps... Celui d'installer une connaissance de l'autre, une confiance réciproque, de la tendresse avant le désir.
Daniel sembla alors attristé, comme s'il sentait venir le rateau. Esther le rassura.
- Je ne te dis pas non Daniel... Mais je ne dis pas encore oui. Pas aussi vite et pas aussi facilement...
Elle lui décocha un clin d'oeil malicieux avant de l'embrasser furtivement sur le bout des lèvres.
- Je suis une femme prudente et vieux-jeu. Il va falloir me faire la cour un peu plus longtemps que ça mon cher ami.
Elle lui paraîtrait peut-être indécise, gratuitement torturante ou tous autres qualificatifs mais elle se devait de se livrer franchement. La première des bases d'une relation n'était-elle pas avant tout la sincérité?
Daniel Hopes Agent du BAM Alpha
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Sujet: Re: Moissons tardives. (Pv Cérès) Ven 11 Mai - 17:40
Ce n'était pas une douche froide, non, c'était infiniment plus important. Cérès agissait en vraie femme. Non pas en amante enflammée par la passion ou en jeune fille amoureuse dont les flammes dévorent toute raison. Fallait-l qu'il ai vécu tant d'année pour qu'il en perde tout discernement dans ce genre de domaine ? Oui sans doutes. C'était une leçon importante dont il mesurait l'impact alors qu'elle égrainait chaque mot. Tout allait trop vite dans leur monde, une marche inévitable où l'on ne pouvait s'offrir de prendre son temps et c'est pourtant le pari audacieux qu'elle venait de lui proposer. Prendre le temps. Curieux paradoxe pour un Maitre du temps de se voir proposer de l'utiliser de manière inédite. Oui, elle avait raison car il parlait bien d'amour puisque le jeu de la séduction lui échappait totalement. C'était inédit et pour tout dire, assez excitant et cela aussi bien physiquement qu'intellectuellement. Ses lèvres lui manquaient déjà. Il inclina la tête avec un sourire enfantin.
- Oh mais Esther, je n'ai jamais prétendu à être un séducteur. Tu me demandes du temps ? C'est amusant une telle requête pour quelqu'un comme moi, l'ironie m'en fait sourire. Oui, je crois que je peux accéder à ta requête à la condition que tu ne me jette pas un tel regard embrasé ou que tu ne m'enivres pas de tels baisers trop souvent...il me sera bien difficile de contrôler mes élans, bel ange.
Daniel se passa la main dans les cheveux tout en réfléchissant.
- Je suis aussi quelqu'un de prudent, passionné, certes, mais prudent. C'est dans ma nature de l'être et s'il faut te convaincre par le jeu de ce que je sais déjà, et bien soit. Cependant, il te faudra accepter que je poses quelques règles. Que l'un ou l'autre ne cherche pas à en savoir plus sur son "prétendant". Ce que tu fais dans ta vie est secondaire, c'est toi que je veux séduire pas le monde où tu évolues. Cela sera notre "jeu", à nous seuls. Une première chose que nous aurons en commun. Je ne veux savoir de toi que ce que tu acceptes de me livrer, la confiance se concède, elle ne s’octroie pas de force. Nous pouvons communiquer par téléphone si tu le désires, il se trouve que j'en ai ..un certain nombre..à disposition dont les lignes sont sécurisées. Mon emploi du temps est un véritable casse tête mais le jeu en vaut vraiment la migraine, je m'engage à toujours te trouver du temps et surtout à te convaincre. Qu'en dis tu ?
Esther Ophraïm Résident(e) à l'Institut Gamma
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Sujet: Re: Moissons tardives. (Pv Cérès) Ven 11 Mai - 19:45
Esther avait eu peur que Daniel réagisse mal à ses propos mais fort heureusement, il le prit avec beaucoup de philosophie.
- Oh mais Esther, je n'ai jamais prétendu à être un séducteur. Tu me demandes du temps ? C'est amusant une telle requête pour quelqu'un comme moi, l'ironie m'en fait sourire. Oui, je crois que je peux accéder à ta requête à la condition que tu ne me jette pas un tel regard embrasé ou que tu ne m'enivres pas de tels baisers trop souvent...il me sera bien difficile de contrôler mes élans, bel ange.
Esther se sentit verdir de plaisir sous le feu du compliment. Il y avait bien longtemps qu'un homme ne lui avait pas fait monter le sang aux joues. Avec un petit air mutin, elle répondit d'une voix malicieuse :
- Je verrai... si j'en ai envie!
Et lui décocha un sourire ravageur avant de boire une nouvelle gorgée de caïpirinha qu'elle commença à trouver elle aussi écoeurante. Daniel continua de s'exprimer.
- Je suis aussi quelqu'un de prudent, passionné, certes, mais prudent. C'est dans ma nature de l'être et s'il faut te convaincre par le jeu de ce que je sais déjà, et bien soit. Cependant, il te faudra accepter que je poses quelques règles.
Esther marqua un léger froncement de sourcils. Elle n'aimait pas les hommes qui posent des conditions. Surtout lorsqu'un couple est potentiellement à la clef.
- Lesquelles?
Daniel énonça d'un ton docte :
- Que l'un ou l'autre ne cherche pas à en savoir plus sur son "prétendant". Ce que tu fais dans ta vie est secondaire, c'est toi que je veux séduire pas le monde où tu évolues. Cela sera notre "jeu", à nous seuls. Une première chose que nous aurons en commun. Je ne veux savoir de toi que ce que tu acceptes de me livrer, la confiance se concède, elle ne s’octroie pas de force. Nous pouvons communiquer par téléphone si tu le désires, il se trouve que j'en ai ..un certain nombre..à disposition dont les lignes sont sécurisées. Mon emploi du temps est un véritable casse tête mais le jeu en vaut vraiment la migraine, je m'engage à toujours te trouver du temps et surtout à te convaincre. Qu'en dis tu ?
Esther prit un instant de réflexion avant de répondre :
- Oublies cette histoire de téléphones pour l'instant. J'aimerais qu'on discute de ton idée de petit "jeu".
Elle insista un peu lourdement sur le mot "jeu" pour bien lui montrer qu'elle n'appréciait pas cette idée.
- Je n'aime pas du tout cette idée. Tu trouves peut-être ça pratique mais pas moi. Tôt ou tard on sera bien obligé de savoir certaines choses comme notre métier ou notre lieu de résidence. Pourquoi commencer par se le cacher? Non, vraiment. En réalité je n'aime pas les hommes qui propose ce "jeu" stupide. Généralement ça veut dire qu'ils ont des choses embarrassantes ou compliquées à cacher. Et je commence à me dire que c'est ton cas puisque tu parles d'emploi du temps chargé et de lignes téléphoniques sécurisées.
Elle marqua un petit arrêt.
- Je ne compte rien te cacher Daniel. Même s'il y a certaines choses compliquées ou dérangeantes. Et je préfères de loin que tu en fasses autant.
Nouveau silence.
- Maintenant, tu es libre de choisir de me cacher des choses où non mais au moins tu connais mon avis sur la question et tu sais qu'une chose cachée peut être une chose mal prise lorsque je l'apprendrai autrement que par ta bouche. Te voila prévenu.
Daniel Hopes Agent du BAM Alpha
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Sujet: Re: Moissons tardives. (Pv Cérès) Sam 12 Mai - 7:32
Elle était exigeante, sans doute pensait-elle que ce rapport de force mêlant un pas en avant et deux pas en arrière avait quelque chose de stimulant. Ce n'était pas le cas pour Hopes, loin de là. Sa liaison avec Ashe n'avait été faite que de ce genre de jeux pervers et destructeurs à coups de "je t'aime" "moi non plus". C'était un chemin que le "professeur" refusait d'arpenter à nouveau pour y avoir perdu une large part de ce qui lui restait d'espoir et d'humanité. C'était légitime de vouloir faire en sorte que les choses puissent être claires mais si chaque échange ne se nourrissait que d'un long combat ou l'abandon, plus que la confiance, se gagne au bout de la lutte, c'était sans doute trop demander pour un individu aussi déstructuré que Hopes dont l'âme perlait en lambeaux. Mais il était patient et derrière ces rebuffades, c'est une sorte de peur qu'il percevait chez elle. Rien dont on ne puisse venir à bout lorsqu'on essaye de faire parler les cœurs. Il resta silencieux une longue minute comme si il cherchait ses mots puis, à la surprise de son interlocutrice. Il décendit de son tabouret de bar et se planta devant elle avant de lui déposer sur les lèvres un baiser léger et d'une douceur calculée. Les yeux quasiment noyés dans les siens, il passa sa main droite sur ses longs cheveux en une tendre caresse.
- Pas un jeu..Esther. Je ne joue pas parce que dans toute notion de jeu, il y a le risque de perdre. Je ne le veux pas. Je ne suis pas un pleurnichard ou un geignard, mon ange, j'ai vu des hommes mourir par million et je suis mort moi même une dizaine de fois. Mais, je veux que tu comprennes que ce que je ressent, ce qu'il me reste de sentiments...j'ai l'impression que plus le temps passe et plus mon coeur s'assèche et se fragilise. Mes plus grandes blessures, les plus vives, elles proviennent de là et ne cicatrisent plus. Je ne veux plus que ca recommence, je ne le supporterais plus. Ce que je te dis là, Esther, je ne l'ai jamais dis à personne, même pas à celle que je considère comme ma propre fille et que je protège par mes secrets, même pas à mon meilleur ami qui est l'un des mutant les plus puissants de cet univers, même pas à l'homme que je respecte le plus au monde pour son engagement et pour qui je joue l'abjecte rôle du traitre à sa cause et à la cause de la mutanité, pour qu'on puisse avoir un jour une chance de vivre parmi les humains sans craindre pour notre sécurité. Ce combat que je mène, c'est cela mon secret, ca n'a rien à voir avec toi ou un manque de confiance, tu me comprends ? Cette cause m'écrase et m'étouffe et m'enlève tout espoir de vivre "quelque chose" à moi, pour moi seul... C'est ce que je veux vivre avec toi, du moins tenter de le faire. Je ne peux pas y arriver si tu ne me fais pas confiance un minimum et c'est juste ce que je te demande, ma belle. Il n'est pas même question de prolonger cette nuit par des caresses sensuelles même si j'en crêve d'envie, c'est juste ça, c'est ce point départ. Pouvons nous avoir confiance, assez pour se protéger et protéger nos mystère l'un de l'autre ? Mes mots sont maladroits parce que l'enjeu est énorme, mais ces même mots sont d'une sincérité profonde. Alors ? Que puis-je te dire d'autre ? Je suis un mutant "activiste", qu'importe la cause, et je travaille dans le cadre du secret d'un institut gouvernemental ou j'exerce une fonction importante. J'y travaille parce que je rêve d'un monde où quelqu'un d'aussi désirable et magnifique que toi n'aura plus à craindre la haine des autres au point de ne plus être capable de voir lorsqu'on cherche à être le plus sincère possible avec lui. Est-ce que tu peux te contenter de cela , sachant que moi je ne te demande même pas la pareille ?
Il termina sa phrase en la ponctuant d'un léger sourire puis l’enlaça tendrement sans aller plus loin, juste pour sentir cette chaleur ravivante contre lui.
Esther Ophraïm Résident(e) à l'Institut Gamma
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Sujet: Re: Moissons tardives. (Pv Cérès) Mar 15 Mai - 13:16
- Ce que je te dis là, Esther, je ne l'ai jamais dis à personne, même pas à celle que je considère comme ma propre fille et que je protège par mes secrets, même pas à mon meilleur ami qui est l'un des mutant les plus puissants de cet univers, même pas à l'homme que je respecte le plus au monde pour son engagement et pour qui je joue l'abjecte rôle du traitre à sa cause et à la cause de la mutanité, pour qu'on puisse avoir un jour une chance de vivre parmi les humains sans craindre pour notre sécurité.
Le discours de Daniel atteint Esther au delà du simple argument d'apaisement car il était porteur d'une mine impressionnante d'information. Daniel avait des liens suffisamment fort avec une personne pour la considérer comme sa fille. Mais qui était-elle? Et était-ce seulement une jeune personne sachant le pouvoir et l'âge de Daniel? Esther apprit aussi qu'il avait des contacts avec l'un des plus puissants mutants de cette terre et instinctivement, elle se demanda si Daniel n'était pas en contact avec Magneto. Surtout qu'il avait dit être brouillé et être considéré comme un traître à la mutanité, des mots qui sonnaient horriblement Magneto. L'espace d'un instant, elle voulu en avoir le coeur nette et lui demander si le mutant en question était Magneto mais Daniel reprenait déjà son explication.
- Ce combat que je mène, c'est cela mon secret, ca n'a rien à voir avec toi ou un manque de confiance, tu me comprends ? Cette cause m'écrase et m'étouffe et m'enlève tout espoir de vivre "quelque chose" à moi, pour moi seul...
Oh comme elle ne connaissait que trop bien cette impression d'une obligation collective qui vous dépasse et vous écrase à la longue. Pourtant, à son niveau, elle n'était pas un maillon des plus importants de la Confrérie. Que devait ressentir Daniel qui semblait être un bien plus gros bonnet qu'elle?
- C'est ce que je veux vivre avec toi, du moins tenter de le faire. Je ne peux pas y arriver si tu ne me fais pas confiance un minimum et c'est juste ce que je te demande, ma belle. Il n'est pas même question de prolonger cette nuit par des caresses sensuelles même si j'en crêve d'envie, c'est juste ça, c'est ce point départ.
Esther touchée au coeur regara Daniel droit dans les yeux. Elle ne sut jamais ce que ses iris avaient pu exprimé à ce moment-là car eux seuls parlaient. Elle continuait de se taire.
- Pouvons nous avoir confiance, assez pour se protéger et protéger nos mystère l'un de l'autre ?
Un murmure s'échappa de ses lèvres.
- Je... Je crois que oui.
Daniel eut un léger sourire satisfait.
- Mes mots sont maladroits parce que l'enjeu est énorme, mais ces même mots sont d'une sincérité profonde. Que puis-je te dire d'autre ? Je suis un mutant "activiste", qu'importe la cause, et je travaille dans le cadre du secret d'un institut gouvernemental ou j'exerce une fonction importante. J'y travaille parce que je rêve d'un monde où quelqu'un d'aussi désirable et magnifique que toi n'aura plus à craindre la haine des autres au point de ne plus être capable de voir lorsqu'on cherche à être le plus sincère possible avec lui. Est-ce que tu peux te contenter de cela , sachant que moi je ne te demande même pas la pareille ?
"Mutant Activiste"? "institut gouvernemental"? Il n'en fallut pas plus à Esther pour comprendre qu'il parlait du Bureau des Affaires Mutantes. Son coeur manqua un battement. Ainsi Daniel était dans l'autre camp... Celui que Magneto abhorrait de tout son être. Celui des traîtres à leur sang, des vendus aux sapiens... Esther vit malgré elle se profiler une terrible histoire, de plus en plus persuadée d'être tombée amoureuse d'un des pires ennemis de celui qu'elle avait reconnu comme chef et qui maintenant l'écrasait de l'autorité qu'il se revendiquait.
Esther se sentit pâlir et un frisson glacé parcourut son corps qui s'était raidi d'un coup. Daniel, qui la tenait dans ses bras, dut s'en rendre compte. D'une petite voix éteinte, elle demanda :
- Pouvons-nous sortir d'ici? Je crois qu'il y a certaines phrases qui ne sont que pour tes oreilles et les miennes.
D'un air méfiante, elle coula quelques regards autour d'elles, au barman et aux quelques clients afin d'être sûre de n'en connaître aucun de vue. Elle rabattit son capuchon sur ses yeux et se libéra des bras de Daniel. Le spectacle de leurs baisers avait suffisamment attiré l'attention dans ce bar. D'un geste rapide, Esther sortit de sa cape une bourse de cuir dont elle sortit les billet nécessaire à régler ses consommations. Elle fit signe à Daniel de faire pareil tandis qu'elle rejoignait la sortie pour l'attendre. Il lui fallait de l'air frais et un endroit où elle ne se sentirait pas épiée pour continuer cette conversation.
Daniel Hopes Agent du BAM Alpha
Messages : 860 Date d'inscription : 28/03/2012
Sujet: Re: Moissons tardives. (Pv Cérès) Mar 15 Mai - 19:24
Une nuit je m'endors avec lui Mais je sais qu'on nous l'interdit Mais je sens que la fièvre me mord Sans que j'ai l'ombre d'un remord.
Quand il me serre tout contre lui Quand je sens que j'entre dans sa vie Je prie pour que le destin m'en sorte Je prie pour que le diable m'emporte
Et je me demande si cet amour aura un lendemain Quand je suis loin de lui, je n'ai plus vraiment toute ma tête.
Elle se raidit. Ses yeux et son corps ne parlait plus le même langage et pourtant, il avait lu tant de choses dans ses iris vibrantes. De la surprise et autre chose de plus profond, comme si une révélation venait de s'opérer en elle. Une sorte de prise de conscience sur des sentiments naissants peur être ? Ou alors simplement ses mots trouvaient chez elle des échos similaires ? Il n'était pas le dernier des idiots et il est certain que Esther devait cacher bien des secrets et avoir un parcours de vie des plus "particuliers", il le sentait. C'était indicible mais bien présent. Pourtant, il avait un mal fou à la quitter comme si c'était là dans ses bras que les choses prenaient un sens nouveau. Il n'est pas d'autre vérité que celle que l'on trouve au bout de soi même, au bout de ces certitudes que l'on pensait acquises. Ce soir, le monde se réinvente dans une écriture inédite. Daniel, un instant la serre un peu plus fort comme pour lui faire comprendre qu'il sera là quoi qu'il arrive et quoi qu'il puisse se dire puisqu'elle a fait le choix d'essayer d'y céder, puis tout aussi rapidement, il se sépare d'elle.
- Hum, tu aurais du me laisser régler cela, je te dois donc un restaurant de ton choix et j'insiste.
Il paya sa note et lui emboita le pas tout en promenant son regard, un regard qui se voulait glacial, sur les convives trop curieux qui voyaient dans leur départ un prélude certain à d'autres activité que la morale réprouve. Il laissait à ceux là l'exploit de les juger eux que la vie ne tarderait pas à rattraper et grignoter comme un fruit sans saveur.
Ils marchaient cote à cote dans un matin trop jeune et encore vaporeux du sommeil d'une nuit écoulée entre rêves, sommeil lourd ou espoirs déçus. Il respectait son envie de silence, jouissant simplement de la sentir contre lui traversant un monde aveugle mais malheureusement moins sourd qu'il n'y parait. Il n'osait soulever l'origine de son trouble, elle en parlerait si elle le jugeait utile. L'important c'était d'être ici, à deux. Ce n'est qu'au bout de dix minutes d'errances qu'il osa.
- Nous marchons sans but et ma foi, ca m’indiffère. Seulement le jour ne va pas tarder à poindre. Un jour qui forcément ne sera pas aussi intéressant loin de toi, j'ai l'impression que les choses ont une autre saveur, comme un léger gout mentholé .
Il s’arrêta et lui déposa un baiser sur les lèvres.
- Puis je au moins te convaincre de rester en contact avec toi, je ne demande rien d'autre...pour l'instant ?
Esther Ophraïm Résident(e) à l'Institut Gamma
Messages : 270 Date d'inscription : 01/04/2012 Age : 44
Sujet: Re: Moissons tardives. (Pv Cérès) Mer 16 Mai - 19:44
- Hum, tu aurais du me laisser régler cela, je te dois donc un restaurant de ton choix et j'insiste.
Daniel venait de la rejoindre dehors et Esther eut un petit froncement de sourcil.
- Pour le restaurant on verra. Mais pour la note, il n'était pas question que tu payes. Je n'ai pas de problèmes d'argent et je trouve qu'un homme qui paye tout verse trop dans le cliché macho. J'ai l'impression de me vendre ou de me faire entretenir comme une poule de luxe.
Elle lui prit la main et le tira doucement pour qu'ils se mettent à marcher.
- C'est sans importance. Viens.
Elle se mit à marcher, sa main fine dans celle plus grande et plus noueuse de Daniel. Elle avait une idée précise d'où elle voulait l'emmener. Il y avait non loin de là, un parc public assez grand avec en son centre une large pelouse. Là, au milieu de cette vaste étendue d'herbe, ce qu'ils se murmureraient ne serait entendu que de leurs oreilles. Mais Daniel, tromper par l'allure lente du pas de promenade flânée se prit à croire qu'elle n'avait pas de but.
- Nous marchons sans but et ma foi, ca m’indiffère. Seulement le jour ne va pas tarder à poindre. Un jour qui forcément ne sera pas aussi intéressant loin de toi, j'ai l'impression que les choses ont une autre saveur, comme un léger gout mentholé.
En effet, les nuages qui moutonnaient dans le ciel commençaient à ressembler à de grosses pâtisseries crémeuses, déclinant toutes les teintes des saveurs fruitières, du mauve profond de la myrtille à l'oranger chaud de la mandarine en passant par le rose velouté de la framboise... Et Daniel l'attira à lui pour l'embrasser encore.
- Puis je au moins te convaincre de rester en contact avec toi, je ne demande rien d'autre...pour l'instant ?
Esther resta serrée contre lui au milieu de cette grande pelouse couverte de rosée, le bas de sa cape et de sa toge se trempant de cette fraîcheur matinale perlant sur chaque brin d'herbe. Après un petit silence, elle répondit.
- J'aimerais beaucoup.
Elle l'embrassa à nouveau, lui rendant ce goût de menthe fraîche qui semblait tant lui plaire dans leurs baisers. Puis elle posa ses mains sur sa poitrine et poursuivit ce qui lui trottait dans la tête depuis tout à l'heure.
- Mais j'aimerais aussi que tu répondes franchement à une seule question pour moi.
Elle laissa un bref instant s'écouler avant de demander, les yeux battant légèrement :
- Le puissant mutant qui te prend pour un traître... J'aimerais que tu me dise qui c'est. La simple mention de son nom me suffira mais j'ai vraiment besoin de savoir... S'il te plaît.
Daniel Hopes Agent du BAM Alpha
Messages : 860 Date d'inscription : 28/03/2012
Sujet: Re: Moissons tardives. (Pv Cérès) Mer 16 Mai - 20:37
Daniel la regarda étrangement comme un moment absent. Esther se montrait curieuse, très curieuse et sans doute trop. Daniel avait cette faculté de prendre des risques calculés tout en analysant avec un œil froid et détaché les évènements. Il venait d'arriver à sa conclusion logique et celle çi était d'une ironie cinglante et douloureuse. Il ne la ménagea pas car l'orientation de leur avenir dépendait de la réaction de la belle mutante.
- Je vois... Cette question, je ne ferais pas l'innocent en éludant ce qu'elle implique, ma belle. Cette curiosité éveille des interrogations qui ajoutés à ta méfiance d'être aperçue ou entendue, m'arrive à penser que tu n'es pas étrangère aux questions qui tournent autour de ce que les humains ont finit par nommé "le problème" mutant... Peut-être même as tu un parti pris dans un groupuscule qui fractionne le monde mutant politisé. Pas un en tout cas car sinon, tu ne me serais pas étrangère. Si c'est le cas, tu devines facilement quel organisme gouvernemental peut se targuer d'avoir des mutants dans ses rangs, inutile d'en rajouter. Si tu es est une activiste "terroriste" , je devrais en toue logique te neutraliser, ce que je ne ferais pas car je te le répète ; je te vois. Tu as peut-être été amené à commettre des actes répréhensibles..Et après ? Personne n'est innocent, la justice est faillible puis qu’humaine. Moi même, j'ai le sang de beaucoup d'innocents sur les mains...je suis un damné et cela depuis fort longtemps. Il n'est pas question de tes idéaux, c'est toi qui m’intéresse et ce que je sens en toi.. Alors, laisse moi te dire ma grande vérité. Nous ne sommes que des pions poussés par le vent du destin. Personne n'a tord, personne n'a raison. Par bien des aspects, je pourrai être terroriste et rejoindre des idéaux extrême comme ceux de celui qu'on nomme Magneto. Je le comprends dans un sens car il pense par son action protéger son peuple de souffrances qu'il a vécue lui même...que nous avons même vécu tous deux ! J'étais là lors de la liquidation du ghetto de Varsovie, j'ai vu l'horreur des camps et j'ai moi même était un animal ivre de vengeance traquant les SS au sortir de cette folie. J'ai plus d'horreur qu'un humain ne saurait en voir, je suis le fruit de cette colère et de ce gout du sang. J'ai domestiqué cette bête en moi afin de devenir meilleur parce qu'on a tous besoin, non pas de rédemption comme on pourrait le penser, mais simplement de faire la paix avec soi-même. J'y travaille, Esther, j'espère y arriver un jour...peut-être y arriverons nous tous les deux. Je suis resté dans cette neutralité durant un siècle, me laissant ballotter au grès de l'Histoire et je me suis réveiller. Je crains que nous soyons les suivants sur la liste des génocides mais j'ai trop vu couler de sang pour penser que le sang et la violence puisse nous permettre d'éviter ce drame. C'est en cela que je m'éloigne de Magneto, je vois en lui un même idéal mais des chemins différents pour y parvenir. C'est pourquoi j'ai cherché à me rapprocher de Charles Xavier. C'est devenu un ami, un de ceux qui comptent...j'aurais aimé...de toute mon âme, j'aurais aimé adhérer totalement à sa vision de paix...mais...je ne le puis. Je suis trop moi même, trop de colère, trop d'espoir déçu. Il m'a dit que j'étais à l'image de mon siècle : un rêve brisé dans le chaos du sang. Charles exècre la violence, je la trouve nécessaire et justifiable. Justifiable pour parvenir à la paix sans nécessairement écraser l'autre. Je pense qu'il existe une sorte d'équilibre entre les deux visions, je ne suis pas assez pur et idéaliste pour suivre Xavier jusqu'au bout mais pas assez déterminé pour imposer la violence comme seule réponse possible à la survie de notre espèce. J'opte pour une autre voix, changer les choses de l’intérieur avec les armes que l'humain met en place contre nous. Oui, j'ai dans un sens trahis l'idéal de Xavier après avoir œuvré à ses cotés. J'ai trahis parce que la menace viendra du monde des humains et que ces armes un jour seront braquées sur des personnes comme toi. J'aime à croire, encore un peu, que si ces armes me sont confiés à moi, ou des gens qui pensent comme moi, le pire pourra être évité. Esther, le monde de demain ne sera pas mutant, il faudra s'adapter si nous ne voulons pas disparaitre et celà, ni la guerre , ni la paix ne pourra l'éviter. C'est une place que je ne souhaites pour personne : je suis l'ennemi de tous et je cherche à tous nous sauver. Je pense avoir répondu au delà de tes espérances et je suis désolé de te dire que je n'aborderai plus ce sujet à l'avenir, je m'offre tout à toi dans la plus grande sincérité.
Il lui sourit tristement tout en levant les yeux vers le ciel pour s'y perdre quelques instants.
- Si tu le désires, tu peux t'enfuir...je ne tenterais pas de t'arrêter ou de te retrouver.
Esther Ophraïm Résident(e) à l'Institut Gamma
Messages : 270 Date d'inscription : 01/04/2012 Age : 44
Sujet: Re: Moissons tardives. (Pv Cérès) Ven 18 Mai - 19:43
- Je vois...
Le poids du monde sembla tasser les épaules de Daniel tandis que son oeil se ternissait sous une froide résolution. Esther plissa les sourcils dans une mine inquiète.
- Cette question, je ne ferais pas l'innocent en éludant ce qu'elle implique...
Et Daniel se lança dans un sombre monologue. Il mit un doigt implacable sur sa condition de vie délicate, le fait qu'elle était mêlée au problème mutant, évoqua la Confrérie sans la nommer. Il lui dit qu'il savait qu'elle savait. Qu'il avait compris qu'elle l'avait épinglé comme agent du B.A.M., qu'il aurait pu la coffrer depuis longtemps et que malgré ça, il ne l'avait pas fait parce qu'il voulait croire en eux.
Ses mots s'insinuèrent dans chacun des plus petits recoins de l'esprit d'Esther. Elle sentit comme un craquement dans sa poitrine, une sorte de carapace de métal qui craquait pour laisser s'épancher tout ce qu'elle avait enfoui en elle depuis tant d'années. C'était semblable à ce qu'elle avait ressenti lorsqu'elle avait ouvert son coeur à Ernest. Sauf que cette fois-ci, c'était de l'amour plutôt que de la tendresse. Et c'en rendait la sensation dix fois plus forte.
Du reste, elle ne retint que très peu de choses : les choses dures qu'il avait pu vivre, son amitié avec Charles Xavier,... De sa longue litanie, elle n'entendait, ne retenais que les "nous" qu'il enchaînait si aisément. Il voulait l'aimer pour elle-même, sans accorder d'importance à la Confrérie et à ses ennuis passés. C'était si bon de l'entendre. Toute la pression qui se libérait de son être monta à ses yeux en un trouble grandissant. Lorsqu'elle réalisa qu'il s'agissait de larmes, elles coulaient déjà le long de son visage et tombaient sur le sol en faisant fleurir de petites marguerites au milieu de la pelouse. Elle ne sut si Daniel le remarqua car il conclut toujours aussi impassible et la fixant droit dans les yeux :
- Je pense avoir répondu au delà de tes espérances et je suis désolé de te dire que je n'aborderai plus ce sujet à l'avenir, je m'offre tout à toi dans la plus grande sincérité.
Esther porta les mains à son visage avant de bredouiller
- Oh Daniel...
C'est alors qu'il détourna son regard pour lever les yeux au ciel.
- Si tu le désires, tu peux t'enfuir...je ne tenterais pas de t'arrêter ou de te retrouver.
Esther répondit, au bord des sanglots.
- Mais... Mais non!
Alors elle se jeta dan ses bras pour s'agripper à lui de toutes ses forces.
- Je ne veux pas que tu me laisse! Plus maintenant! Plus jamais!
Et elle se laissa aller aux gros sanglots qui lui secouaient la poitrine. Lorsqu'elle retrouva un peu de calme et de souffle, elle se pendit à son cou dans un baiser fougueux et humide qui lui laissa sur la langue une incroyable symphonie de goûts fruités qui changeaient de seconde en seconde...
Dans le matin naissant, elle aurait presque pu entendre la nature jouer une symphonie pour elle! Autour d'eux, les arbres et les fleurs, qu'ils soient du printemps, de l'été ou de l'automne, fleurirent tous ensemble Ils étaient seuls à s'aimer au milieu d'un véritable jardin d'Eden où les rayons du soleil de l'aube jouaient avec les pétales de fleurs qui virevoltaient autour d'eux...
Daniel Hopes Agent du BAM Alpha
Messages : 860 Date d'inscription : 28/03/2012
Sujet: Re: Moissons tardives. (Pv Cérès) Dim 27 Mai - 14:01
Le destin est facétieux. Il aime jouer avec le cœur des hommes et forcer les plus improbables des rencontres. On dit qu'on le rencontre toujours sur la route qu'on a pris pour l'éviter. Cela devait être bien vrai pour Daniel Hopes qui semblait fuir les relations complexes et douloureuses pour se retrouver toujours prisonnier d'engagements impossible à tenir. C'est ainsi qu'il consomma un avant goût de cette nouvelle renaissance dans les lueurs diaphanes d'un jour naissants dont les promesses semblaient plus douces et moins pénibles. Il s'abandonna à ce baiser, espérant qu'ils puissent être seul à jamais, il en avait le pouvoir, certes, mais il ne s'y risquerait pas sans l'accord de celle qui embrasait ses sens. Il se contenta de la laisser pleurer et de l'embrasser encore et encore car rien ne pressait.
La vie serait plus compliquée à présent, mais plus sereine aussi. Il trouverait le temps pour elle, il la chérirait comme un trésor.
Alors que le jour débutait, il lui acheta un couple de téléphones portables dont eux seuls auraient les numéros, pour leur usage exclusif. Il avait plaisanté en nommant ce jeu "la ligne de l'Amour". Dès lors, il ne se passait plus un jour sans qu'ils ne communiquent, des mots sans but précis que de s'entendre, des promesses d'autres soirs, d'autres moments plus intimes. C'était presque une relation comme les autres, une homme et une femme sur cette terre. Sauf que la prudence serait de mise, toujours et à jamais.
Au bout d'une semaine seulement, il l'aimait passionnément, découvrant à chaque échanges des expressions inédites, des hésitations adorables, des moments de complicité non feints et sincères. Il la sentait amoureuse mais raisonnable, cela lui ravissait le cœur et l'esprit.
Difficile de résumer en quelques mots cette étrange idylle tant chaque instant comptait. Il n'osa pas ce qu'elle n'osa pas elle même, il ne dit rien de plus que ce qu'elle pouvait se laisser dire. Ils avançaient ensemble dans cet espace qu'ils avaient eux même délimité.
C'est souvent dans les situations les plus complexes, qu'on parvient enfin a exprimer les choses les plus simples.
(Fin du Rp pour moi)
[Edit Jub' (modo) : Je suppose que ce topic est donc terminé/abandonné, je le classe. Mp moi si y'a un soucis]
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Moissons tardives. (Pv Cérès)
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