Si Semblables mais tellement différents [PV Crapule]

Précision chronologique : ce sujet se déroule avant le retour à l’Institut d’Ernest.

Les égouts, un refuge ? Non. Un lieu familier tout au plus. Par deux fois, déjà, Crapule avait été pris, ici, où il s’imaginait intouchable. Désillusion de plus que de réaliser que la valeur sentimentale d’un endroit n’était en rien une barrière. La seconde fois, ce kidnapping orchestré par Mr Sinister, l’avait forcé à ouvrir les yeux. Il avait cessé d’évoluer dans les égouts comme en terrain conquis. Il avait cessé de laisser parler son habitude sur le choix des trajets. Il se mouvait discrètement de galerie en conduit, de conduit en galerie. Chacun de ses voyages souterrains se devait d’être différent du précédent, même si cela le forçait aux détours parfois conséquents. La sécurité était à ce prix. Peut-être aurait-il dû abandonné tout simplement l’usage des égouts mais c’aurait été se mettre en grand danger pour éviter un hypothétique risque. Les égouts étaient si pratiques et il les connaissait si bien. Il serait toujours plus difficile à attraper ici qu’en surface. Et puis, avouons-le, face à des mutants tel que Sinister, Ernest pouvait bien prendre toutes les précautions du monde, le résultat serait le même.

Ernest marchait donc dans les égouts, s’efforçant à ne pas laisser ses pensées trop distraire sa concentration. Et pourtant, il en avait matière à penser avec ce que lui avait récemment dit Cérès. Les doutes sur la Confrérie, les grandes questions existentielles, Daniel Hopes qui visiblement revenait dans sa vie d’une façon si imprévisible, et puis l’avenir… quel avenir pour lui, criminel, sociopathe déséquilibré ? Avait-il encore un avenir ? Y avait-il encore une raison d’espérer quelque chose de l’existence ? Ce n’était vraiment pas une mince affaire que de ne pas sombrer dans d’insondable réflexions. La solitude, l’obscurité, le relatif silence, voilà autant d’éléments qui poussaient à se retirer de plus en son fort intérieur.

Quelque chose, pourtant, aida le jeune mutant à garder les pieds sur terre ou plutôt, les griffes sur le béton humide. Il redressa la tête, il dressa les oreilles. Quel était donc ce bruit porté par le boyau sur sa gauche ? Voilà déjà toute sa concentration de retours et ses réflexions refoulées au second plan. Il se figea sur place, les sens en alerte. Il y avait quelqu’un par là-bas. Oui, il percevait le raclement de petites griffes, des griffes trop grosses pour appartenir à un rat même de bonne taille. En fait, à peu de chose près, ces bruits ressemblaient à ceux qu’il faisait lui-même. Sa méfiance se tinta de curiosité. Il n’avait pas peur des hybrides. C’était les télépathes et autres mutants usant des pouvoirs de l’esprit qu’il redoutait plus que tout. Cependant, il s’agissait de ne jamais prendre les choses à la légère. Ernest s’engagea dans le boyau, presque sans un bruit.

Au bout de l’étroit mais long passage, partagé par une berge traitresse et un canal peu profond d’eau souillé, le Confrériste aperçu bien vite une silhouette grâce au monocle infrarouge qui couvrait son œil droit. Cette silhouette, de petite taille, était à n’en point douter, celle d’un hybride, un homme rongeur à première vue. Une autre silhouette se trouvait à proximité, celle d’une authentique souris. Celle-ci, sans doute effrayée par la présence du gros rat en approche, ne trouva rien de mieux que de fuir dans sa direction. Décidément, le QI de ces animaux était ridicule, à moins que la fuite soit en réalité une manifestation de cordialité entre rongeurs. Quoi qu’il en soit, l’hybride partit à la poursuite de ce qui devait être son animal de compagnie car il le nomma Sans Papier.

O mémoire, terrible mémoire ! Toujours à guetter la moindre occasion pour resurgir sans prévenir, à la manière d’un monstre sortant de la nuit. L’espace d’un instant, d’un très court instant, Crapule n’entendit plus l’inconnu appeler sa souris. Non, il s’entendit lui-même appeler son rat.

-Bidule, murmura-t-il, tout bas.

Compagnon des premiers instants rencontré au hasard dans les égouts, nommé ainsi sur l’hôtel du hasard amusant : Bidule. Que lui était-il arrivé à ce rat ? Ernest ne savait pas, mais il pouvait trop aisément supposer. Bidule était mort. Un jour, il ne l’avait plus revu. C’était avant qu’il n’entre pour la première fois à l’Institut. Il l’avait cherché, en vain. Un rat, c’était si fragile. A peine le temps de s’y attacher que déjà vient l’heure des adieux déchirants. Bidule…

L’enfant-rat secoua la tête, chassant ce souvenir qu’il n’aurait pas voulu revoir. Son attention revint sur l’inconnu qui, forcément, en suivant sa souris, s’était approché de lui. A sa démarche male assurée, à sa voix juvénile, le petit Confrériste eut bientôt la conviction d’être en présence de quelqu’un de plus jeune que lui et de bien moins expérimenté. Ernest fit de nouveau halte, ne craignant plus vraiment pour sa sécurité. L’autre, se rendant compte de sa proximité avec lui, alla se caler, dos à un renfoncement de l’étroit conduit A cet endroit tombait un rayon de lumière venant d’une grille en surplomb. Il en résultait une clarté diffuse dont Ernest ne manqua pas de profiter pour détailler l’enfant qui lui faisait face. Un hybride-souris… le fameux Sans Papier sur l’épaule désormais, vétu d’un style presque moyenâgeux. Diable, le tableau valait le coup d’œil ! On aurait presque dit l’un de ces héros de livres aux personnages anthropomorphiques. Cerise sur le gâteau, la grosse souris bipède s’arma d’une épée et se montra brave, comportement collant à merveille avec son costume.

D’abord il y eut un silence de quelques secondes. Puis Crapule eut un ricanement amusé mais aussi un peu inquiétant. Le ricanement dura lui-aussi quelques secondes et resta plutôt discret. Il s’acheva sur les paroles du mutant rat. Sa voix nasillarde était peu agréable à l’oreille pour qui la découvrait. Elle témoignait d’une froideur intimidante et d’un soupçon d’amusement malsain.

-Ho, par tout les diables. Voilà qu’on me menace d’une épée au matin du vingt-unième siècle ! Y aurait-il eu distorsion temporelle dans les parages ? Ais-je fais un bond dans l’un de ces romans chevaleresques ? Puisque nous avons là le preux chevalier, où est donc la belle demoiselle à sauver ?

Crapule s’avança de quelques pas, lentement, pénétrant progressivement lui-aussi sous cette lumière diffuse. Son style était pour le moins en totale contradiction avec celui de l’hybride souris. Malgré ses paroles qui suggéraient une certaine maitrise du langage, voir une éducation littéraire, il portait l’habit du mercenaire. Gilet sans manche, mitaines, large ceinture, ample pantalon, le tout intégralement noir. Boucle, boutons et autres petits éléments étaient en acier. Sous son costume aux inspirations paramilitaire, on devinait sans mal son corps bestial de rongeur. Son visage, amplement médiatisé en certaine période, était celui d’Ernest Lenoir, fils de milliardaire, aujourd’hui criminel, Confrériste, terroriste. Son œil droit était couvert du monocle infrarouge, petit appareil peu avenant, laissant voir un objectif d’une froideur artificielle. Son œil gauche, à la teinte sanglante, tombait sur l’hybride souris comme l’aurait fait la lunette d’un fusil de précision. On y lisait un vif éclat d’intelligence, de malice, mais toujours aussi cette froideur. Autre élément peu rassurant, Crapule était musclé pour son âge et on le voyait bien à ses bras laissés nus. Certes, il n’y avait ici rien d’impressionnant mais par rapport à l’autre mutant qu’il dominait déjà de sa taille, il faisait office de brute. Cette idée étrange lui traversa l’esprit : ce devait bien être la première fois qu’il avait l’avantage physique. Car s’il l’emportait musculairement, il l’emportait aussi en rapidité et en précision. Il n’y avait qu’à voir le peu d’assurance qu’avait l’autre à se tenir… D’ailleurs, quelle gloire y avait-il à dominer se pauvre gars qui devait n’être mutant que depuis quelques semaines et encore…

Le dernier détail, et pas l’un des moindres, était la série d’arme bien visible à la ceinture d’Ernest. On pouvait y compter pas moins de cinq poignards de jet, ainsi qu’un pistolet. Le Confrériste prit le pistolet dans sa main droite et en ôta la sécurité. Dans sa main gauche, il prit l’un de ses longs poignards. Avec dextérité, il fit danser la lame entre ses doigts avant de caler l’arme blanche, prêt à frapper.

-Tu veux te battre ? Et bien vas-y ! Mais c’est à tes risques et périls mon gars.

Il marqua une petite pose et ajouta :

-Mais mon petit doigt me dit que tu ferais mieux de ranger ton épée, très vite, très très vite, si tu voix ce que je veux dire.

HRP : Bidule, je m’en souvenais même plus de celui-là mais il a bien existé au tout début de mon RP.
Ne te sens pas obligé d’obéir à Crapule. Celui-ci va pas trucider ton personnage. Il risque juste de le désarmer sans ménagement.

Crapule considéra le curieux personnage qui bravement tenait à faire bonne figure malgré le désespéré de sa situation. Là encore, il y vit un point de ressemblance avec sa propre personne. Combien de fois avait-il tenu tête à des adversaires ô combien plus forts que lui ? Mais là où lui provoquait, insultait, agressait verbalement, commettant ainsi l’erreur d’être malmené que plus vigoureusement, l’hybride souris cherchait au contraire à calmer le jeu et c’était bien plus intelligent, il fallait le reconnaitre. Ernest, forte tête, avait fait les frais de son caractère trop affirmé. En tout cas, il n’avait pas envie de se battre, il n’avait pas envie de tuer. Le souvenir de Bidule lui avait laissé un petit poids dans l’estomac. Qui sait, c’était peut-être ce souvenir qui allait sauver la vie du souriceau car s’il avait plu au Confrériste de l’éliminer, non sans le torturer avant pour assouvir sa cruauté maladive, il l’aurait fait sans se poser de question. Ce n’aurait pas été le premier môme qu’il zigouillerait et peut-être pas le dernier non plus.

Après la dernière remarque de l’inconnu, Crapule laissa volontairement passer un instant de silence, se délectant secrètement de cette position de domination qu’il avait rairement envers un autre mutant. Mais il constata bien vite que cela en fait ne l’amusait pas. L’autre lui ressemblait trop. Et cette situation, au final, ne faisait que souligner que sa propre faiblesse. Il se revoyait lui-même dos au mur, acculé, parfois armé ou non, mais toujours promis à la défaite, à la douleur, aux larmes. Voilà une raison de plus qui le poussa à ne pas continuer sur la voie de l’agressivité. S’il frappait, il répéterait encore une fois la scène qu’il ne connaissait que trop bien. Sans rien dire, il remit la sécurité du pistolet et le rangea, avec un geste lent, à sa ceinture. Il garda le poignard car avec lui, il pouvait parer un éventuel coup d’épée. Prudence était mère de sureté. Après, seulement, il se mit à parler sur un ton resté identique.

-Oui, Ernest, c’est moi. La moitié du globe doit connaitre mon nom et mon visage. Voilà bien une médiatisation dont je me serais bien passé. Je me demande encore pourquoi j’utilise un pseudonyme puisque tout le monde connait ma vraie identité… Mais bon, c’est la coutume. Les mutants ont des pseudonymes, point final. En attendant, tu ferais bien de prendre garde. Car, vois-tu, de loin, tu pourrais fort bien passer pour moi. Or ma tête est mise à prix un bon paquet de billets. Y’en a qui tirent avant de réfléchir. Enfin bref, assez parlé de moi.

Crapule s’avança encore un peu. Maintenant, il y avait moins d’un mètre entre lui et l’hybride souris. Celui-ci pouvait presque sentir son odeur qui n’avait rien de désagréable, dit en passant. L’hygiène de l’enfant-rat était irréprochable contrairement à ce qu’on pouvait croire pour un habitué des égouts. Certes, il n’en avait pas toujours été ainsi mais le passé, c’était le passé.

-Tu tiens à peine sur tes pâtes, l’ami. J’ai vraiment l’impression que si tu t’hasarde à donner un coup d’épée, le poids de ta propre arme va t’envoyer face contre terre. Je devine ton manque d’aisance avec ce corps bestial. Tu cherches encore ton équilibre presque à chaque instant. Allez, ça fait pas plus de deux semaines que tu es comme ça. Et encore, deux semaines, c’est beaucoup. Une tout au plus ! Moins d’une ! Et puisque tu te retrouves ici, tout seul, dans les égouts, je devine que papa et maman ont fait une gueule de six pieds de long quand ils ont découvert que leur fils était plus poilus que le caniche de la voisine ! Ton accent, quand à lui, me suggère que tu n’es pas Américain.

Ok, il enfonçait des portes ouvertes au moins pour la dernière de ses affirmations. Mais peu lui importait. Il ne cherchait pas à se la jouer « type qui sait tout sur tout d’un coup d’œil. » Il guettait surtout les réactions du garçon. Il poursuivit après une très brève pose.

-Ce que je devine pas, c’est où tu as pu trouver ton costume. Ma parole, il est vachement bien foutu ! T’as dévalisé un magasin de jouet ? Non, ça colle pas. L’épée serait en bois ou en plastique. Puis on dirait presque que c’est du sur mesure. Tu nages un peu dedans mais sinon, ça te va comme un gant. Moi, j’aurais bien aimé avoir un truc comme ça au début. Sinon, à part ça, puisque tu connais mon nom, c’est quoi le tien ?

Crapule ne semblait plus vraiment hostile, mais il avait toujours en main son poignard, il n’avait pas promis qu’il ne ferait pas de mal à l’hybride souris et il ne s’était pas décalé pour lui offrir une échappatoire. Au contraire, en s’approchant, il le coinçait d’avantage.

Mouais, pauvre gars. Voilà donc un autre pommé dans cette belle ville de New York, un autre pommé qui allait être un jouet entre les mains de ce destin cruel. N’en déplaise aux idéalistes, le monde soit disant civilisé n’était qu’une jungle où la loi du plus fort, du plus fourbe, du plus pourri, dominait. Ernest avait survécu, lui, mais dans quel état ? Il se le disait souvent : mieux aurait-il valu qu’il en aille autrement, qu’enfin son existence misérable s’achève. Pensée pessimiste, certes, mais elles n’étaient pas rares en ce moment. Moralement plus qu’éprouvé, Crapule broyait si souvent du noir. Il s’efforça quand même de ne pas sombrer dans le morbide en songeant à ce qu’il adviendrait de l’hybride souris, seul, dans la cité au mille dangers.

Un hybride souris… ce n’en était vraisemblablement pas un. S’il pouvait changer de forme, ce pouvait être un zoomorphe, voir un méthamorphe. Difficile de savoir quand le pouvoir s’était à peine dévoilé. Lui-même, il avait cru être un hybride rat « ordinaire » jusqu’à ce qu’il entre à l’Institut et en apprenne plus sur son gène X. En attendant, Ernest pointa un index griffu vers Sans Papier.

-T’attaches pas à ça, Tchézaré. Une souris, ça vit pas longtemps. Dans un ou deux mois, elle est plus là.

L’insensibilité de Crapule était assez brutale. La larme de son interlocuteur l’avait laissé de marbre et maintenant, il lui déclarait sans ménagement que le seul ami qu’il devait encoire avoir était un mort en sursis. Pour un peu, il lui aurait aussi dit sèchement qu’il pouvait faire une croix sur sa famille mais c’aurait été un mensonge. Son expérience personnelle lui avait montré qu’il fallait se méfier des impressions hâtives de rejets. Son père… son père… non, il ne voulait pas y repenser. Son doigt retomba et il poursuivit.

-Je suis pas un héros. Les mutants ont des pseudos, c’est comme ça, j’l’ai déjà dit, faut écouter mon gars. Et si t’avais correctement écouté la télé, tu serais que ce que j’ai sur le dos, c’est la Confrérie qui me l’a donné. Et si tu sais pas ce qu’est la Confrérie, et bien ce sont des terroristes qui œuvrent pour l’avenir mutant.

Ernest se recula, retombant dans l’ombre. Il rangea son poignard et jeta un coup d’œil en direction du croisement, puis un autre de là où il venait.

-C’est pas tout ça mais je dois y aller. Quelqu’un m’attend.

C’était vrai. Le jeune Confrériste tentait de rassembler des informations pour le compte de son camp. Il ne pouvait donc pas trop s’attarder même si dans le cas présent, il n’avait pas un horaire vraiment fixe à respecter mais plutôt une plage horraire assez large. Sans rien ajouter, il commença à s’éloigner comme il était venu. Mais tout d’un coup, il se figea. Une question lui brulait les lèvres et sans trop savoir pourquoi, il s’en voudrait de ne pas la poser. Il le fit donc, l’air de rien, sans même tourner la tête vers l’intéressé.

-Au fait, Tchézaré, tu sais au moins où dormir cette nuit ?

Crapule ne commenta pas, pas un seul mot. Il se contenta d’écouter le jeune Nyx et de glisser un regard curieux sur son carnet. Le bougre avait un bon coup de crayon, mais le moment était mal approprié pour discuter dessin, ou discuter tout court. Comme il s’y attendait, le souriceau était livré à lui-même, privé d’un toit, d’un lit, de tout. Ainsi démuni, le nouveau venu dans le monde des mutants était à la merci de ce destin sadique qui mène à la ruine. Il y avait encore tant d’innocence en lui, tant de rêve, tant de choses qu’il pouvait perdre. Ernest, en posant sa question, s’était déjà résolu à ne pas laisser faire le destin. Aider n’était vraiment pas dans ses habitudes. Au contraire, il s’était toujours illustré par un égoïsme plus ou moins marqué. Mais Tchézaré lui ressemblait et c’était troublant, même si la ressemblance n’était que grossière. De plus, en plaine période de doutes, le petit Confrériste recherchait autre chose. Quoi ? Lui-même n’en savait rien. Mais il était évident qu’il n’était pas heureux, qu’il ne pouvait continuer ainsi très longtemps. Toujours est-il qu’il refit face au conduit par lequel il s’apprêtait de disparaitre et, juste avant de reprendre sa marche, il dit avec cette éternelle froideur :

-Suis-moi.

Et le voilà en route, non pas vers sa destination première, mais vers un autre lieu. Il progressait avec légèreté et rapidité, illustrant sans même le vouloir la maitrise qu’il avait sur son corps. Il était à mille lieux d’une démarche gauche qu’on pouvait attendre, à tord très souvent, d’un être au physique bestial. Ses pieds nus et griffus caressaient le béton humide plus qu’ils le raclaient. Il en résultait des bruits plus doux, plus légers, couverts sans mal par les propres bruits de Nyx. Crapule ne règlait pas son allure sur celle de son compagnon de circonstance. Mais allant plus vite que lui, même en restant bipède, il l’attendait à chaque tournant et le forçait ainsi à se dépêcher. Il était en train de faire un détour et il ne voulait pas trop être en retard. Sinon, on allait lui taper sur les doigts à la Confrérie. La route qu’il empruntait s’éloignait des grands conduits, devenant toujours d’avantage plus sombre, plus sale, plus vieille et abimée. Mais c’était dans ce genre d’endroits reculé qu’on était le plus en paix… ou le plus en danger. Après plus de vingt minutes de trajet, Ernest tourna enfin dans un dernier boyau obscur. Il y faisait si sombre que même Tchézaré peinait à en percer les ténèbres opaques. L’odeur d’humidité et de moisi avait le mérite d’être assez supportable car cette section était désaffectée. Plus d’ordure ne venait s’y loger. Un endroit oublié, silencieux paisible.

-Voilà, on y est, fit le Confrériste, tout bas.

S’il n’avait dit mot pendant la marche, c’était qu’il avait joué la carte de la discrétion. Et il n’avait pas manqué de le faire comprendre à Nyx pour qu’il la boucle, au cas où. Le tunnel marquait un virage à angle droit. Sitôt le virage passé, les deux hybrides se retrouvèrent face à ce qui semblait être une impasse, un éboulement. Dans le noir, on pouvait s’y laisser prendre. Mais il s’agissait en réalité d’un empilement de caisses, le tout maquillé par des gravats. Ernest se baissa et porta la main à l’une des caisse qu’il poussa. Alors que toutes les autres étaient bien fixées, la barricade étant assez robuste, cette caisse ci bougea sans trop protester, dévoilant un passage. Le mutant-rat s’y faufila. Il avait beau mesurer à peine plus d’un mètre, il devait passé courbé en deux. Il invita ensuite le souriceau à le suivre. Enfin, il remit en place la caisse qui faisait office de porte secrète.

-J’ai passé pas mal de temps dans les égouts. J’y ais plusieurs repaires. En voilà l’un d’eux.

Il parlait plus fort. On le sentait, l’endroit était pas mal isolé. Il y régnait pour l’instant une obscurité totale et une forte odeur de renfermé. Ernest, guidé par son monocle infrarouge, s’avança et trifouilla ici et là afin de trouver une lampe-torche, des piles neuves, de mettre les piles dans la lampe et d’allumer cell-ci. Le repaire fut alors dévoilé. Il occupait en fait la fin de la galerie qui s’achevait réellement par une impasse. Le repaire était une pièce bien plus longue que large, délimitée à une extrémité par la barricade et à l’autre par l’impasse. La baricade, tout de moins sa paroie intérieur, était recouverte d’épais rideaux afin de créer cette isolation. Le sol était recouvert d’un tapis poussiéreux qui participait à rendre ce lieu de béton plus feutré. Le long d’un des murs latérals reposait un matelas et un drap. C’était un lit de fortune qui vallait toujours mieux que d’être sous un pont. Adossé à l’impasse, c'est-à-dire tout au fond du repaire, il y avait une étagère en piteux état. Ses rayonnages étaient presque vide. Quelques BD dans un coin, des boites de conserves dans l’autre, des piles et une seconde lampe électrique, c’était à peu près tout. L’endroit était quand même assez sale. On devinait aisément que le jeune Confrériste n’était pas venu là depuis un moment. Mais une étrange atmosphère s’en dégageait, pas forcément désagréable. Ici vivait Vermine, non pas Crapule. Ernest refusa de céder à la tentation de contempler ce lieu, vestige de son passé. Il reporta bien vite son attention sur Nyx.

-Ok, c’est pas du quatre étoiles, mais c’est déjà ça. Tu peux rester là pour la nuit…

Il eut une hésitation et rectifia.

-En fait, tu peux rester là autant de temps que tu voudras. De toute façon, je n’habite plus ici. Alors autant que ça serve à quelqu’un. Et si tu veux partir, ben te gênes pas non plus. Tu fais comme tu le sens. Si t’as faim, y’a les boites de conserves. Faut juste vérifier les dates. Ha, autre chose : si jamais tu parles à quelqu’un d’autre, pas un mot sur moi. On ne sait jamais vu et je ne t’ais jamais aidé. Tout ça, ça doit rester secret.

Sur ce, il se dirigea vers la sortie.

-Economise les piles. Ça s’use vite ces merdes. Et si t’entends du bruit dans les parages, tu la boucle. Y’a des gens pas très cool dans le coin. J’y vais. Essaye pas de me suivre. Je vais faire des trucs dangereux. Si t’es encore là, je repasserais en soirée… peut-être…

Et il s’en alla, remettant bien en place la caisse derrière lui.

-C’est moi, dit simplement Ernest à son arrivée, de sa voix froide et neutre.

Il était donc revenu. Pourquoi ? Il ne savait pas vraiment et pourtant, lui-même n’avait pas douté de son retour toutefois annoncé comme hypothétique. C’était comme s’il avait trouvé naturel de revoir Nyx en cette soirée. Naturel… difficile de qualifier plus mal cet acte à l’exact opposé du caractère de l’adolescent rongeur. Mais il avait fait en sorte de revenir, comme si c’était important. Ce l’était d’une certaine façon. Depuis qu’il avait quitté Tchézaré, il n’avait cessé de penser à cette rencontre. Elle lui laissait une bien étrange impression. Oui, avec le recule, il pouvait le dire : ce garçon l’avait un peu mis mal à l’aise. Il s’avait s’y prendre avec les adultes, il vivait dans un monde d’adulte, lui-même était surdoué, prédisposé à grandir vite. Mais avec les jeunes de son âge, c’était une toute autre histoire. Plusieurs remarques de la souris l’avaient pris au dépourvu, lui qui d’ordinaire pensait si vite, lui qui était si difficile à perturber sauf quand bien sûr sa démence y mettait son grin de sel. Alors il les avait évité, tout simplement. Esquive aisément camouflée par le fait qu’il était pressé. Il n’avait pas perdu la face, il n’avait pas montré ce malaise. Mais alors, pourquoi revenir ? Pourquoi oser un nouveau face à face qu’il risquait de perdre ? Il ne savait pas mais Nyx l’attirait. Parce qu’il lui ressemblait, parce qu’il était à peu près de son âge, il avait besoin de le revoir. La raison, en fait, n’était pas si compliqué que ça à trouver. Le malaise n’était le fruit que d’un manque. Jamais Ernest, que ce soit avant ou après l’éveil de son gène X, n’avait eu d’ami de son âge. Il était seul, seul depuis toujours.

Alors voilà, il était de retour et ce n’était pas un hasard. Il remit précautionneusement la caisse qui faisait office de porte en place, puis il se redressa. A la lueur de la lampe torche, il découvrit la véritable petite métamorphose que Tchézaré avait orchestré dans le repaire. Diable, il ne s’attendait pas à ça. Il était aisé de deviner que le travail avait été conséquent. Lui-même aurait pu le faire s’il vivait encore ici. Cérès l’avait rendu presque maniaque en matière de propreté. Et son comportement quasi militaire ne lui faisait pas ménager ses efforts. Toutefois Crapule se savait anormal. Il n’avait plus du tout un comportement ordinair. Alors il se demandait quel genre de gars était ce Tchézaré pour se donner pareille peine. Peut-être était-ce là une forme de remerciement. Ou bien, c’était la manifestation d’un certain dégout vis-à-vis des égouts. Cerise sur le gâteau : le repas était prêt. L’odeur du cassoulet emplissait l’air. Et la « table » était dressée pour deux. Ce détail n’échappa pas au jeune Confrériste qui s’efforça, avec un peu de peine cette fois, à n’en rien montrer.

Le regard du semi-rat tomba ensuite sur la souris qui arborait sa posture chevaleresque. Il se montrait brave mais s’il n’apprenait pas très vite à vraiment se défendre, il tomberait bien vite au champ d’honneur.

-Si tu veux défendre le repaire, je te suggère une autre stratégie. En admettant que ton adversaire ne peut pas défoncer la barricade, il ne pourra passer que par la petite entrée. J’ai aménagé de quoi se tenir juste au-dessus. Il suffit d’aller derrière le rideau ou de le retirer à cet endroit.

Il montra d’un geste l’endroit en question. C’était un peu étroit mais, effectivement, on pouvait dominer le passage.

-même toi, tu peux donner un coup mortel si tu profite de l’effet de surprise. Beaucoup de mutants, la grande majorité, ne sont pas plus dur à tuer qu’un être humain. Leurs grands pouvoirs ne change rien au fait qu’il suffit d’une balle ou d’une lame bien placée pour en finir.

Ceci dit, il s’avança. Il portait d’une main un sac plastique bien rempli. Il allait le déposer quand il remarqua le carnet. Il l’attrapa de sa main libre et observa sa propre image. Son observation se prolongea pendant plusieurs longues secondes. Il ne posa même pas la question « c’est moi ? » parce que c’était évidant. Nyx avait vraiment la main habile et sa mutation allait en plus favoriser cela. Mais Ernest s’efforça de voir au-delà du dessin. Lui qui avait beaucoup d’imagination le vit bouger, mis en scène. Il vit… Crapule, le personnage. Il se demanda aussi l’intention de l’artiste, les idées qu’il avait mis dans ses traits. Cette fois, il ne put retenir une question.

-Pourquoi tu t’amuses à me représenter ? C’est pas très prudent. On n’est pas sensé se connaitre. C’est un secret.

Il reposa le carnet et montra le sac plastique.

-C’est pour toi. Fallait refaire le stock sinon y’aurait vite plus rien eu à manger ici.

[i]Le sac était plain de boites de conserves, mais il n’y avait pas que ça. On y trouvait aussi des biscuits, des brioches, de l’eau en bouteille et des jus de fruits.

Etrange, Tchézaré était ici chez Ernest, dans l’une de ses anciennes cachettes et pourtant, Ernest eut l’impression d’être invité par Tchézaré. Ce dernier, de part son travail, s’était plutôt bien approprié les lieux. Le Confrériste ne le lui dit pas, mais il n’avait pas du tout prévu de manger ici. En fait, il avait déjà mangé. Toutefois, il s’assit quand même et cacha son manque d’appétit. Il aurait été sans doute plus simple d’être franc, mais Crapule trouvait si agréable de vivre ce petit moment avec Nyx. Il ne répondit pas tout de suite aux questions de la souris. Comme cela avait été le cas lors de la première rencontre, les remarques de Tchézaré prenaient le rat au dépourvu. Le gamin ne voulait pas tuer ? Mais, mais, c’était cool de tuer ! Enfin, non, pas en vrai, mais dans l’imagination, cet acte pouvait sembler bien plus glorieux qu’horrible. Tuer quelqu’un, c’était un peu la victoire ultime. Certes, pareille réflexion ne pouvait témoigner que d’une grande immaturité. Ernest en était tout à fait conscient. Lui-même n’avait pas vraiment pesé ses mots. De toute façon, il avait déjà tant donné et vu la mort qu’elle en devenait banale pour lui. Sa remarque prononcée toutefois, il s’était dit qu’elle devrait flatter Nyx. Mais non et du coup, intérieurement, il s’était sentit bête. Pire encore, en cherchant à se justifier, à trouver quoi répondre, il entra dans un indescriptible désordres d’idées. Peu désireux d’entamer un débat philosophique et incapable de planifier une réponse simple et rapide, il décida de zapper cette remarque, une de plus.

Vous l’aurez sans doute deviné, Crapule n’était bien malgré lui plus vraiment dans son état normal. L’agressivité aurait été le seul comportement qui aurait pu remettre cette situation dans un contexte pleinement maitrisable, enfin, d’une certaine façon. L’agressivité rendait justement Ernest incontrôlable et cela lui épargnait d’essayer de contrôler quoi que ce soit. C’était une forme de fuite. Faire de Nyx sa proie, c’était en plus se replacer dans un rôle dont il avait l’habitude. Mais voilà, il avait renoncé à cette optique et le voilà du coup encore mal à l’aise. Comment se comporter ? Quoi dire ? Diable, mais c’était affreux ! Plus rien n’était naturel, il se sentait obligé de réfléchir à tout, comme s’il était face à un extraterrestre. Heureusement, il cachait très bien tout ça. Sa froideur, par contre, n’en devenait que plus grande. Ce ne fut qu’assis et en train de se forcer à prendre le cassoulet qu’il reprit la parole.

-A New York, il y a plain de mutants. Certains nous ressembles, d’autres non. Et puis, ce n’est pas parce que on se ressemble que notre mutation est similaire, ou même voisine. D’après ce que tu m’as dit, on n’a en fait rien en commun, sauf un air de famille qui relève plus du hasard qu’autre chose. Tu es peut-être un zoomorphe, ou un méthamorphe puisque tu sembles capable de changer de forme. Moi, moi c’est compliqué mais je n’ai en fait rien d’animal. Je ne suis pas à moitié rat. Je n’ai pas les spécificités d’un rat. J’ai juste subit une altération physique qui m’a changé en… comment dire… créature qui ressemble à un rat. Bref, la différence est subtile et pourtant fondamentale.

Il se racla la gorge et reprit sa « dégustation. » Il remarqua les bonnes manières de Tchézaré mais n’y fit pas tout de suite référence. Lui-même mangeait de façon tout à fait convenable mais il avait abandonné toutes façons d’être superflues. On retrouvait dans ses manières le côté efficace et direct du mercenaire.

-Si quelqu’un peut défoncer la barricade, alors je t’invite à fuir aussi vite que possible. Tu devrais essayer de te retransformer. Si tu arrives à le faire vite, ça te sera très utile. Une petite souris, c’est bien plus discret qu’un enfant-souris de presque un mètre.

Il termina avec soulagement le cassoulet et poursuivit.

-Je veux bien prendre ton dessin. Mais tu me dois rien. D’ailleurs, si j’avais voulu que tu payes, je te l’aurais clairement dit. Et je te déconseille d’insister. J’ai pas besoin de tes services.

C’était plutôt direct dit comme ça mais tant pis. En plus, c’était vrai. Ernest ne voulait vraiment pas se retrouver avec Nyx dans les pâtes. Il voulait au contraire le laisser aussi loin que possible de ses activités. En revanche, ce qu’il ne dit pas, c’était qu’il avait besoin de sa compagnie. En restant assis, il ajouta :

-T’as famille était riche ? Quand je te vois, j’ai l’impression d’être face à un bourge, un peu comme moi, avant.

Il avait prit en compte les dettes mais les parents de Tchézaré pouvaient fort bien être riche et avoir eu des problèmes financiers par la suite.

HRP : j’ai rédigé ce message pas vraiment dans les meilleurs conditions. J’espère que ça va pas trop se voir.

Un semblant de sourire s’esquissa sur la face bestiale d’Ernest. Il attendit silencieusement que la rafale de questions soit passée avant d’y répondre avec son éternelle froideur.

-Un bourge, c’est un riche, un vrai riche. J’en étais un, avant. Mon père était un grand homme d’affaire. C’est aussi pour ça que je suis tant connu, parce que je suis le fils d’un milliardaire. Mais tout ça, c’est du passé. Mon père n’est plus là, comme ton papy.

Il n’avait parlé que de son père, dont le souvenir restait encré en lui comme une aiguille dans le cœur. Oui, Philippe Lenoir n’était plus de ce monde… il serait plus juste de dire qu’il s’était donné la mort à cause de Crapule. Comment ce dernier pourrait-il se pardonner ses erreurs envers celui qui jusqu’au bout ne l’avait pas rejeté, qui avait toujours cru en lui. Le visage paternel canalisait ses remords, ceux d’être ce qu’il était aujourd’hui, un terroriste. Ernest avait été déshérité. Il considérait que c’était une juste punition dont il voyait surtout le sens symbolique, bien plus que matériel. Il savait que tôt ou tard, il devrait se racheter. Il ne savait pas comment, il ne savait pas s’il y arriverait. Mais il devrait essayer car sans cela, Philipe ne cesserait jamais de le sermonner pendant ses nuits tourmentées.

Sa mémoire impitoyable fit remonter un autre souvenir. Il s’était pourtant bien gardé de ne pas parler de sa mère, mais voilà le visage d’Ashley Willard flottant dans son esprit. Pour elle, il n’avait que de la haine car elle l’avait repoussé sitôt son gène X éveillé. Etait-elle encore en vie ? Il ne savait même pas et s’en portait tout aussi bien. Il avait une autre mère désormais, Cérès, une mère qui l’aimait. Ernest s’efforça de vite changer de sujet.

-J’ai en moi ce qu’on appelle un agent mutagène. Mon gène X me fait le produire. C’est cet agent qui a altéré mon physique et non pas directement le gène X comme c’est normalement le cas pour les mutants à moitié animaux. Si je dis que je ne suis pas un rat, c’est que l’altération n’a touché que mon corps, pas mon esprit. Je n’ai pas l’instinct du rat par exemple. C’est comme si j’avais enfilé un déguisement très réussi. Mais je peux toutefois compter sur d’autres atouts. Et puis c’est vrai que je me suis pas mal entrainé aussi.

Crapule se leva. Nyx était vif mais Ernest plus encore. On sentait toujours une certaine nervosité chez lui. Chacun de ses gestes étaient rapides et précis et donnaient du coup presque une impression de saccade. Il avait aussi de temps en temps comme de petits tremblements, des tics. C’était les signes visibles de son hyperréactivité. L’hybride souris s’étant affalé, il l’aida à se relever. C’était la première fois qu’il le touchait et, sans être brutal, il n’y alla pas de main morte. Il l’avait saisit par l’épaule de sa poigne griffues. Il le lâcha aussitôt après.

-Oui, tous les mutants ont un pseudonyme. Moi, c’est Vermine. Et toi, tu devras t’en trouver un. A la base, beaucoup de mutants cachent leur vraie identité pour éviter d’avoir des ennuis. Pour nous qui n’avons pas d’apparence humaine, c’est un peu différent. On a du mal à se cacher, mais ça n’empêche pas d’avoir un pseudo.

Ernest avait évité de donner son pseudo actuel, celui de Crapule, car il était réservé à la Confrérie. D’une façon générale d’ailleurs, il n’avait pas parlé de la Confrérie. En temps qu’Apprenti, son rôle serait sans doute d’amener le jeune Nyx à rejoindre les rangs de Magnéto, mais il s’y refusait. Il ne voulait pas avoir ça sur la conscience.

-Je peux effectivement t’apprendre quelques trucs. Il est important de savoir se défendre, surtout quand on est mutant. Toutefois, je ne pourrais rien faire tant que tu ne seras pas au moins marcher correctement. Moi-aussi, j’ai eu un peu de mal au début, moi-aussi j’ai été transformé très rapidement. Mais ça m’est vite venu. Y’a pas trente-six solutions : faut pratiquer. Si j’ai un conseil à te donner, c’est de ne pas luter contre ce que tu es. Je te vois sans cesse hésiter entre deux ou quatre pâtes. T’as à peu près la même morphologie que moi, t’es à mi-chemin entre le bipède et le quadrupède. Donc c’est normal d’hésiter. Le tout est de tirer le meilleur des deux postures. Moi, je marche sur deux pâtes, mais je cours sur quatre. Je peux aussi courir sur deux mais je vais moins vite. Et ta queue, elle est pas là juste pour t’embêter. Elle participe à ton équilibre. Tu verras, après tu pourras marcher sur un fil.

C’était bien la première fois qu’il se glissait dans le rôle du prof mais ça lui plaisait. C’était nouveau et pour une fois, il n’avait rien à se reprocher. Au contraire, s’il arrivait à former Nyx avant qu’il lui arrive des bricoles, il aura fait une bonne action.