Loyauté égarée [PV : Mewen Hatan]

Restaurant de l’Hôtel Haubant, 75ème, New York, 13 : 56 P.M., Docteur James Turner…

C’était fou ce que l’on pouvait obtenir en interrogeant les bonnes personnes, surtout avec l’aide d’une organisation comme le HellFire Club ; et dire que les Pègres croyaient avoir le monopole du trafique d’informations.

Sébastian évoluait dans un autre univers à présent, jouait sur un échiquier bien plus grand, et bien réel. Ses objectifs n’avaient pas changé, pas plus que ses méthodes. C’était juste que les ressources du Club étaient bien plus larges que les siennes, et que leurs réseaux étaient non-seulement illégaux, mais aussi légaux pour certains. Et on aura beau dire, les Télépathes étaient quant même précieux lorsqu’il s’agissait de récupérer des informations.

Ainsi, en ayant fait intervenir des membres du BAM, de la police et quelques privés, mafieux ou non, par l’intermédiaire du Club des Damnés, sa vendetta personnelle contre Sinistre avait prit un nouveau souffle. Il avait découvert l’existence des Maraudeurs, et était résolus à non seulement empêcher leur reformation, mais également à mettre la main sur les anciens, ceux qui avaient déjà vaincu Sinister ; ces derniers n’avaient pas de prix, mais étaient impossibles à localiser, même avec l’aide de Pita et de son pouvoir de traqueuse.

Mais revenons-en au présent : le restaurant de l’Hôtel Haubant, sur la 75 ème rue de Manhattan, New York City, en ce début d’après-midi, était bondé. Mais pas par les clients habituels ; non, il n’y avait pas là des hommes d’affaires et des touristes, bien qu’ils en aient la tenue. Il n’y avait pas non plus de serveurs, malgré que nombre d’entre eux desservent les clients.

Non, ce qu’il y avait là, c’était un piège théâtral comme Sébastian les aimait : grâce à sa présence au Club, il lui avait suffit de rencontrer le patron de la chaine d’hôtel pour lui demander une faveur, en bon gentleman. Puis du fait, le Sombre Voyageur avait réservé tous le restaurant, remplacé les clients comme les employés par des mercenaires humains prêtés par l’un de ses employeurs habituels ; tous armés et dangereux, cela allait de soi.

Mais la proie de Sébastian n’était nullement Alec Wykinson, James Turner ou Mr. Sinistre, quelque soit son véritable nom : non, c’était sa dernière recrue, Mewen Hatan, alias Taser. Sébastian la connaissait comme une Electrokinésiste et une Cyberpathe affiliée à la Confrérie, son cassier judiciaire indiquant association de malfaiteur, complice de crime contre l'humanité, espionnage, espionnage industriel, et la prime s’élevant à 300.000$. L’argent ne l’intéressait pas, mais si la mutante refusait de coopérer, peut-être pourrait-il l’offrir à ses compagnons de la Confrérie pour qu’ils s’occupent de sa trahison comme ils l’entendaient.

Sébastian attendait en coulisse, vêtu comme à son habitude d’un costume noir, présentait l’aspect d’un jeune homme de la vingtaine de taille et de corpulence moyennes, au teint pâle et aux cheveux d’un noir de jais. Il était pour une fois ganté, et en plus de ses attributs habituels, à savoir ses deux M1911 dissimulés dans le creux de ses reins, il tenait un torchon et un plateau sur lequel était entreposé le menu.

Il n’avait plus qu’à attendre que sa proie ne vienne pour refermer le piège.

Et elle vint, ponctuelle. Visiblement, on était par en retard face à Sinistre ; peu étonnant, on évitait de déplaire à un mutant avec un complexe de dieu et des pouvoirs Psychokinétiques et Télépathiques. Sauf quant on était immortel, bien entendu.

C’était une femme brune de la trentaine, plus grande et élancée que lui, mais qui devait peser un poids à peine plus léger. Non-pas qu’elle fut grosse, mais lui-même, s’il était de constitution puissante, n’était pas des plus lourds.

Une fois qu’elle fut installée, Sébastian entra en piste ; à moins que cela ne dégénère, ses sbires n’avaient pas pour ordre d’intervenir.

Il s’approcha d’elle et la salua poliment, suivant les coutumes des serveurs en lui présentant le menu.

- Si je puis me permettre de conseiller votre choix, commença-t-il avec toute l’éloquence requise, passant sa main dans son dos. Ce serait de ne rien intenter de stupide, Mlle Hatan.

Il avait, avec adresse et vivacité, dégainé son pistolet et le pointait sur la tête de sa proie, prêt à appuyer sur la détente.

Sébastian ne put retenir un sourire cruel lorsque sa proie l’appela « Monsieur Sinister » ; était-il vraiment du genre à traiter ses subordonnés ainsi ?

Si c’était le cas, peut-être ces derniers éprouvaient-ils haine ou rancœur, ce qui était bon à savoir car potentiellement manipulable.

Le Sombre Voyageur sourit de plus belle lorsque Mewen lui déclara qu’elle avait faillit mourir, déjà, et qu’à cette distance, elle n’avait aucune chance de s’en sortir. C’était cela l’idée.

Elle voulait discuter, logique. De toute façon, elle avait eut raison, sans même le savoir : seul ce qu’elle avait dans la tête avait de la valeur. Ses connaissances sur Sinistre et les Maraudeurs, leurs bases et leurs plans, étaient les seules choses qui faisaient qu’elle était encore en vie, et que le Léviathan n’avait pas refait la déco version Freddy Krueger.

Durant un instant, Mewen se détendit, comme si elle avait perdu conscience, puis elle revint à elle, déclarant qu’il n’était pas Sinister.

- Démonstration magistral de ce qui saute aux yeux, Mlle Hatan, déclara Sébastian alors qu’il prenait place en face d’elle, l’arme toujours pointé vers la tête de sa proie. Je ne suis pas Sinister, je suis l’homme qui va le tuer. Enfin, homme, le terme n’est pas très approprié.

Sébastian usait d’un comportement prédateur, jouant avec sa proie.

Le reste du restaurent n’avait pas bougé d’un pouce lorsqu’il avait sortit son arme, et un « véritable » serveur vint même à leur rencontre.

- Mademoiselle désire-t-elle une boisson ?

- Choisissez bien, Mlle Hatan ; cela pourrait être la dernière chose que vous ingurgitiez avant qu’on se retrouve en bas.

Sébastian la laisserait prendre ce qu’elle désirait, lui-même ayant fait savoir à l’avance qu’il ne prendrait rien. Il avait réservé tout le resto, autant commander. Puis, tuer quelqu’un n’empêchait pas d’être galant.

- Vous m’avez l’air d’une personne intelligente, Mlle Hatan, reprit-il une fois son sbire reparti. Sinon, comment auriez-vous faite pour exposer si clairement la situation dès votre arrivée ? Votre vie n’a aucune valeur, mais vos connaissances, si. Sinister ne viendra pas vous chercher, ce n’est pas la première fois qu’il sacrifie des points. Je vais donc vous laisser faire un choix : donner-moi ce que je veux savoir, ou je vous torturerais jusqu’à ce que je l’obtienne. Vous avez faillit mourir une fois ? J’ai fait l’aller-retour en Enfer quatre fois, dont une des mains de votre patron. Croyez-moi qu’ils ont d’excellent professeurs en bas, et qu’à coup sure, vous m’aurez avoué ce que je veux savoir avant de mourir. Je pense que vous aurez donc comprit que voire seul option, c’est de coopérer.

La laissant prendre la mesure de ce qu’il venait de dévoiler, le Sombre Voyageur s’installa confortablement sur sa banquette, non sans cesse de braquer Mewen.

- Je n’utiliserai pas vos pouvoirs si j’étais vous ; vous n’avez aucune idée de l’ampleur des miens, et puis même, aux vues de notre environnement, croyez-vous véritablement qu’il s’agisse de charmant concitoyens qui nous tiennent compagnie ? Parlez avant qu’il ne soit trop tard, ou la prochaine viande qu’ils serviront ici sera la votre.

Après avoir accepté la première offre et demandé un verre de vin, l’Electrokinésiste reposa sa tête contre le canon de l’arme. Sébastian n’était pas idiot ou inexpérimenté, et savait qu’il ne s’agissait en rien d’un geste de soumission. Nan, l’autre était maline, car l’arme faite de métal, était conductrice.

Mewen était intéressante à observer, elle avait une logique véridique mais que la plupart des gens n’avaient pas : comme les psychopathes, elle savait que sa vie, au moins pour l’instant, était intouchable. Elle jouait avec le feu, donc, puisque s’il la tuait, il perdait ses renseignements.

Dommage qu’elle fut dans le camp opposé, elle pouvait faire un bon agent.

Elle voulait marchander, comme quoi, elle avait de la raison. Et une loyauté faible aussi ; ils étaient visiblement tous deux des mercenaires, mais Sébastian avait généralement du respect pour ceux pour qui il travaillait, respect mutuel d’ailleurs. C’était ainsi que se bâtissaient de saines relations professionnelles. Sinistre ne devait pas être de ce genre, mais restait à savoir si la loyauté de la jeune femme était utilisable…

Il était clair pour Sébastian qu’il lui fallait la loyauté des siens, même si cette dernière était mue par la peur, pour agri efficacement. Donc, si l’absence de loyauté faisait de Mewen un outil, elle l’en laissait à se stade, et elle ne pourrait jamais atteindre le rang de pion dans son jeu.

La différence entre un outil et un pion ? Les outils, on les manipules à leur insu puis on le jette, alors que les pions, eux, s’ils sont saccarifiables, on ne s’en débarrasse pas à la première occasion. C’était une sorte de hiérarchie : les outils, les pions, les agents, les alliés ; même si, pour la plupart, les agents et les alliés, étaient utilisés comme des pions.

Elle finit par retirer sa tête du canon, concluant qu’elle avait échoué en cas d’hypothétique test de loyauté.

Sébastian sourit.

- Il ne s’agit en rien d’un test, et de toute façon, vous n’auriez put m’empêcher de tuer Sinister. Vous voyez, il y a une faille dans votre plan : vous croyez que la mort est une libération ? Lui ne pouvait que vous torturer jusqu’à ce que cette chère amie vienne vous délivrer. Ce n’est pas mon cas.

Posant le coude sur la table, il ouvrit sa main libre, la paume vers le ciel. Il fallait plus qu’une mise en scène pour l’impressionner ? Pari tenu.

De la fumée commença à émaner depuis sa paume ouverte, puis quelque chose en sortie. C’était une tête serpentine, de la taille d’une tête humain, faite entièrement de chair à vif, garnie de longs crocs si effilés qu’ils en saillaient toujours même quant la gueule était fermée. De l’Hydre n’était matérialisé que la tête, mais le reste de l’organisme était présent, lui aussi, sous la forme de l’Essence noire émanant de Sébastian. La bête ouvrit la gueule, laissant à la jeune femme le soin de contempler les nombreuses dents d’une dizaine de centimètre, lâchant un grondement menaçant.

Puis doucement, à mesure que le reste de son corps prenait forme avec une lenteur parfaitement exagérée, l’Hydre s’approcha toujours plus de la tête de Mewen ; il était aisé de comprendre que les crocs pouvaient passer au travers de la chair et des os sans la moindre difficulté, mais l’on n’imaginait pas que pareil créature eut la force de soulever une demi-tonne. Se rapprochant encore, l’Hydre fit claquer ses mâchoires.

Sébastian sourit à nouveau, puis la créature disparue en fumée lorsqu’il referma la main, l’Essence retournant dans son corps.

- Il ne s’agit en rien d’une illusion, Mlle Hatan. Je peux obtenir ce que je veux de vous sans votre consentement. Les démons pratiquent la torture à un niveau plus élevé que Sinistre ne saurait jamais le faire, et si je vous tue, j’aurai tout le temps de vous interroger une fois en… Enfer.

Il ne s’agissait qu’à moitié de bluff ; Sébastian croyait à l’Enfer, et croyait dure comme fer que son Entité était l’un de ses démons. Pour lui, il n’était nullement un mutant, mais un hôte démoniaque. Et le Léviathan lui avait déjà montré une partie d’un Enfer fait de chair et de sang ; un enfer que le Sombre Voyageur pouvait invoquer grâce à son tutélaire.

De plus, l’âme d’Amanda s’y trouvait, alors s’il tuait Mewen, pourquoi n’irait-elle pas elle aussi dans les geôles du Léviathan ?

- Vous pensez à gagner votre vie… Je vous conseil de penser à la sauver, Mlle Hatan. Dites-moi ce que vous savez, ou je l’obtiendrai de force.

Comme toute personne sensée, Mewen Hatan connue la peur face à la promiscuité de l’Hydre ; bon, elle n’était pas un psychopathe, c’était déjà cela. La torture aurait une utilité.

Par contre, lorsqu’elle répliqua qu’en vérité, elle ne savait pas grand-chose, ce fut lui qui commença à s’énerver. Il serra le poing livre, le ramenant sur le bord de la table.


La voix du Léviathan raisonna dans son esprit, et Sébastian dû admettre qu’il était de l’avis de son tutélaire, pour une fois.

Ni lui ni l’Entité n’étaient de fervent adeptes de la torture, elle ne leur procurait à aucun d’eux de plaisir ; cependant, ils savaient y faire. Le Léviathan avait lui-même passé de longs moment à torturer mentalement Sébastian pour l’endurcir, et forcé d’admettre qu’il était maintenant d’une grande résistance à la douleur.

Cependant, malgré qu’elles fussent maigres, les connaissances de Mewen étaient déjà utiles. Sinister voulait connaitre les soutiens et les opposants au BAM ? Pourquoi faire ? Les éliminer, ou les manipuler ?

Dans un cas comme dans l’autre, le Léviathan devait l’empêcher. Il avait commencé à bien trop se faire remarquer récemment, et puis Sinister savait tout… si les autorités faisaient le lien entre Faust, le Mange-cœur, le Léviathan, Hobbes, Green et Von Orchent, il écoperait d’une douzaine de condamnation à mort dans le meilleur des cas. Mais pire que tous, il serait enfermé pour l’éternité, car Sinistre pourrait leur révéler qu’il était immortel. Et pas moyen de leur échapper, puisqu’à travers ses souvenirs, son Némésis avait découverts ses contacts dans les Pègres, contacts que Sébastian n’avait put supprimer pour des raisons évidentes de gagne pain.

Salopard.

Cela ne plaisait ni au Sombre Voyageur ni à son Démon, mais ils allaient devoir aider le BAM ; la fortune avait voulut qu’ils aient déjà rencontré quelqu’un de là-bas, ainsi l’agent Mercer pourrait développer une utilité dans leurs plans, finalement.

Bon, avant de passer à cette affaire plutôt urgente, qui en fait ne l’était pas tant que cela puisqu’il avait eut la bonne idée d’intercepter celle qui contenait ces informations, il avait justement l’affaire de la messagère à conclure.

Elle parla également de Nova Therapeutic, une industrie qu’il devrait visiter ou mettre en faillite si elle était d’une quelconque utilité dans les plans de son ennemi, puis d’une banque à LA ; banque qui n’allait pas tarder, elle non-plus, à être réduite en cendres.

Ne sait-elle vraiment rien d’autre ? Oui.

Elle reposa son verre, qui lui avait été apporté avec plus de célérité qu’un véritable serveur n’en aurait jamais montré.

"Et maintenant que comptez vous faire de moi ? Je n'ai certes plus aucun renseignement à vous fournir sur Sinister, mais je peux en obtenir. D'ailleurs très futé de ne pas avoir mis d'appareil électronique dans mon rayon d'action. Cela me permet peut être de sauver ma vie en ignorant qui vous êtes et ce que vous cherchez. Sinister ne m'a pas laissé le choix de le rejoindre ou non, il m'a contrainte. C'est pour ça que ma loyauté ne lui est pas acquise. Ne faites pas la même erreur."

Sébastian eut un sourire méprisant, unilatéral, penchant légèrement la tête en arrière.

- Il n’a jamais été question que je gagne votre loyauté, Mlle Hatan. Il s’agissait juste de savoir si je vous tuais ou vous laissais vivre. Concernant les appareils électroniques, je n’en ai jamais sur moi, car j’appartiens à un siècle où ils n’existaient pas et n’aime pas la simple idée qu’on puisse me suivre grâce à des ondes ; pour les autres, j’ai déjà eut affaire à des cyberpathes, donc, bon. Nous dirons que je sais y faire. Maintenant, il est vrai que vous m’avez dit ce que vous saviez, mais vous n’êtes pas entré dans les détails. Je veux les informations que vous deviez lui remettre, histoire de contrer ses plans. Ensuite, si vous avez encore une utilité, probablement que je pourrais vous proposer en emploi. Il m’arrive assez souvent de recourir à des sous-traitants dans le mercenariat… par contre, si vous tentiez de vous retourner contre moi, croyez-bien que vous auriez préférer tomber entre les mains de Sinister plutôt qu’entre mes griffes. Maintenant, dites-moi ce que vous savez, en détail.

Mewen céda, lui montrant un I-phone, l’un de ces gadgets à la con que Sébastian haïssait pour leur simple fonctionnement. Un téléphone, c’était bon, un ordinateur, pour des trucs simples, c’était bon. Une tablette qui réunissait téléphone, ordinateur et deux-trois fioritures, nan !

La cyberpathe lui montra un organigramme en lui demandant s’il le voyait. Oui, il le voyait, mais de là à le comprendre… il faudrait faire imprimer le truc sur du papier parce qu’entre la taille de l’écran et la luminosité du truc, c’était désagréable de ce concentrer dessus. Le Léviathan, par contre, à travers ses yeux, devait déjà tout avoir enregistré.

Sébastian semblait concentré devant la hiérarchie, cherchant un nom bien précis. John R. Mercer, Agent de Liaison ; parfait.

- Il y a quelqu’un derrière Patterson. Allons, c’était le chef du secteur crime extraordinaire à la Criminelle, il n’aurait put trouver les soutiens nécessaire ne serait-ce qu’à faire le Triskelion.

Le Sombre Voyageur se tut ; il n’allait pas lui révéler ce qu’il savait à propos du Trinum, d’autant qu’il ne savait pas grand-chose : un chef de section, identité tenue secrète. Le Club ne pouvait pas les corrompre à cause de cela.

"Voici les noms des principaux financeurs du Bureaux des Affaires Mutantes ainsi que ses principaux soutien. Le montant en face de leur nom est le montant qu'ils ont déjà investit."


Sébastian n’aurait pas dit mieux, même si le premier investisseur du BAM était l’Etat, il y avait moyen, non-pas de fructifier son investissement, mais de le rentabiliser si jamais il venait à être capturé… ou à avoir besoin du BAM. Une partie des ressources, même la majeure partie, que lui fournissait le Club des Damnés disparaissait dans la recherche des Reliques de la Prédation, mais il devait lui rester suffisamment pour avoir quelques part dans le BAM ; et puis, il pouvait aviser Shaw de sa découverte. Il était sure que pareil information faciliterait sa montée en grade.

"Cette liste est loin d'être complète, je le crains. Ce sont les opposants officiels à cette organisation. Vous pouvez constater que le Bureau des Affaires Mutantes possède des soutien et des opposants de part et d'autre de chaque camp politique et que le propriétaire de ce restaurant, l'Hôtel Hauban fait visiblement parti de leur soutien."

Sébastian leva les yeux à cette réplique. Il avait rencontré Mr. Hauban, en tant que membre du HellFire Club s’intéressant à lui pour une potentielle invitation, et avait réservé tout le restaurent, et donc loué l’hôtel, pour tendre son embuscade. Si Hauban était vraiment l’un des soutiens du BAM, c’était plutôt une bonne nouvelle : il se révélerait avoir encore plus d’utilité en tant qu’outil que le Léviathan ne l’avait prévu.

La dernière phrase de Mewen lui décrocha un rire auquel ses sbires ne s’attendaient pas.

- Allons, Mlle Hatan, vous vous êtes servi de votre cerveau jusqu’à lors, continuez. Croyez-vous vraiment qu’il m’aurait été possible d’obtenir l’hôtel entier pour cette simple mascarade sans avoir un quelconque moyen de pression sur son propriétaire ? Il ne me trahirait pas, car il attend trop de moi. De plus, pourquoi le BAM me coincerait-il ? Mes permis d’armes sont en règles, ils n’ont rien sur moi. De plus, je ne dépends nullement de leur juridiction : je ne suis pas un mutant. Enfin, vous serez sans doute bien plus dommagée que moi de cette rencontre car vous êtes recherchée, Mlle Hatan, ou devrai-je dire Taser. Vous êtes coincée entre le courroux de Sinister et la justice du Bureau des Affaires Mutantes, Mewen, et je doute que vos anciens alliés de la Confrérie prennent bien le fait que vous les ayez trahis. Je suis votre seule porte de sortie. Nous allons faire un pacte, Mlle Hatan : je vous fournis en liquidité jusqu’à ce que nous ayons réussit à empêcher Sinister d’accomplir ses plans concernant le Bureau des Affaires Mutantes, ensuite de quoi vous pourrez tout recommencer à zéro. Nouvelle identité, nouvelle vie, nouvelle histoire. Mais jusque là, vous bossez pour moi. Et au moindre signe de trahison, je vous envoie en bas. Cela vous va comme marché ?

Sébastian marqua une pause, attendant sa réponse. Une fois qu’il l’eut, car elle n’avait une fois de plus pas réellement le choix, il reprit :

- Vous me donnerez votre gadget également, car je ne suis pas assez stupide pour vous donner un numéro où transférer les données. Vous seriez capable de le retourner contre moi, n’est-ce pas ?

Mewen accepta, sachant pertinemment qu’elle n’avait pas le choix ; en réalité, Sébastian aurait put lui laisser le choix : il n’aimait pas travailler avec des gens qui risquaient de le trahir, pour une raison ou pour une autre. Cependant, dans ce cas précis, le jeu en valait la chandelle. Outre sa haine envers Sinister, qu’il avait bien l’intention de tuer et de dévorer, le Léviathan avait besoin d’elle pour ces connaissances.

Certes, elle allait lui donner les connaissances théoriques présentes sur son téléphone, mais ses connaissances pratiques auraient également de la valeur dans cette guerre, même si Sébastian savait pouvoir s’en passer. C’était juste une question d’assurer ses arrières et de diminuer la difficulté.

Après quelques bidouillages qu’il jugeait sans intérêt, Mewen lui tendit le portable. Il le prit.

"Je ne suis en effet pas en position de négocier, monsieur. J'accepte donc votre offre. J'utiliserais le numéro de ce portable pour vous joindre. Qu’attendez-vous de moi au juste dans votre lutte contre Sinister ? Je ne suis pas une combattante et comme vous l'avez si bien énuméré, j'ai un paquet d'ennemis et non des moindres. Sachez néanmoins que je n'ai pas trahi la confrérie, c'est elle qui m'a laissé choir. Il ne m'est resté alors qu'à me débrouiller par mes propres moyens."

Sébastian la regarda un instant : il était toujours temps pour les négociassions, mais mieux valait qu’elle croie le contraire.

- Anatoli, déclara-t-il simplement, l’un des mercenaires se levant d’une table pour venir le voir. Le Sombre Voyageur lui remit l’I-Phone. Expédie cela à Vince, et dit-lui de rappliquer ; on a une nouvelle. Par ailleurs, je veux que tu me retrouve le même gadget, pas un autre ou une contrefaçon, le même modèle, neuf, pour mademoiselle. Vas-y.

L’autre s’exécuta, disparaissant en coulisse.

Le Léviathan comme son héraut avaient tous deux relevés plusieurs choses intéressantes dans le discours de Mewen : elle n’était pas une combattante. Déjà, il y avait un hic ; pas une combattante, une ex-confrériste ayant participée à l’attaque du pont ? Il faudrait remédier à cela. Elle avait un paquet d’ennemis, mais cela était plutôt courant, bien qu’il faille s’occuper de cela également. Enfin, elle n’avait pas trahi la Confrérie, c’était cette dernière qui l’avait abandonnée. Donc, s’il devait se débarrasser d’elle, l’outil approprié était le BAM. Il n’était pas à 300k près, mais c’était noté.

- Je vois, déclara-t-il simplement, rangeant son arme dans son pantalon. Je vous remercie de l’initiative quant à votre ancienne propriété. Cependant, j’aimerai qu’on négocie les termes du contrat, maintenant. Pour commencer, j’aimerai savoir comme vous appeler : Mlle Hatan, Mewen, Taser ? Mon pseudonyme est Léviathan. Ensuite, quelques précisions : vos capacités, notamment. Electrokinésie et Cyberpathie, selon mes données ; j’ai déjà rencontré des personnes ainsi dotées, hors elles ont montré des capacités et des maîtrises bien différentes ; quelles sont les votre ? Après, de combien estimez-vous avoir besoin pour « vous débrouiller par vos propres moyens » ? Je peux vous fournir argent, armes, planques, même de fausses identités. Enfin, j’aimerai savoir s’il y a des closes particulières que vous voudriez ajouter à cette transaction.

Simple, direct, concis ; c’était fait.

Sébastian ne lui faisait nullement confiance, mais comme tout investissement, pour qu’il devienne rentable, il allait devoir s’en occuper. Restait à savoir jusqu’où il pouvait investir dans Mewen sans qu’elle ne devienne plus une gêne qu’un atout.

Il en avait besoin contre Sinistre, et après ?

"Appelez moi Taser, mon nom est réservé à mes amis."

- Et je suppose qu’ils sont tellement nombreux que vous n’espérez même pas l’entendre prononcer une fois l’an, répliqua Sébastian avec sarcasme, face au ton sec de Mewen.

Ecoutant avec attention l’explication de la mutante concernant ses dons, il les jugea moins dangereux que prévu ; bon, une fois encore, elle était restée dans le vague, réflexe de protection, sans doute. Déjà, il ne s’agissait pas de Cyberpathie à proprement parler, mais d’une projection astrale cyberpathique, ce qui était bien plus dangereux pour elle : qu’arrivait-il si on coupait l’alimentation d’un appareil électronique alors qu’elle était à l’intérieur ? Ensuite, il ne s’agissait pas d’Electrokinésie, mais plutôt de décharges électriques. Sans rien savoir de plus, le Sombre Voyageur pensait avoir comprit le fonctionnement du don de Mewen ; tout ce résumait en un mot : Taser.

Elle poursuivit pour donner son rôle, secondaire, dans l’assassinat du Maire. Ceinture bleue de judos, c’était le 2ème Kyu ? Plutôt sympas, mais insuffisant.

Sébastian ne s’était jamais vraiment intéressé à un art martial en particulier : il savait se battre, d’expérience, simplement. Il ne doutait pas vraiment la battre, même sans l’aide du Léviathan.

- Non, répondit-il simplement lorsqu’il lui fut demandé si les explications lui convenait. Portée ? Voltage ? Ampérage ? Nombre d’utilisation ? Zone d’effet ? Et concernant le reste de mes questions ?

La plupart des gens donnaient une valeur monétaire aux objets ; Sébastian, lui ne prenait pas la peine de faire la différence entre les objets et les gens, à moins que ces derniers n’aient montré leur valeur. Ce qui n’était pas encore le cas de Mewen.

Le Sombre Voyageur voulait savoir combien la jeune femme allait lui couter, pour faire une bête comparaison utilité/prix. Il avait de larges ressources, personnelles comme à travers le Club, mais ce n’était pas uniquement financièrement qu’il devrait investir en la mutante : il devrait lui consacrer du temps, non-seulement pour l’entrainer, mais pour lui trouver de fausses identités, un logement.

Le plus simple, bien qu’il s’y refusait, eut-été de la garder auprès de lui, car il pouvait ainsi non-seulement la surveiller, mais également la guider. Il ne faisait pas assez confiance à cette jeune femme pour l’introduire dans la Cabbale du Léviathan ; déjà qu’il ne faisait pas assez confiance à ses membres [de la Cabbale] pour leur révéler sa véritable identité. Tous ceux qui connaissaient l’existence de Sébastian von Orchent l’avaient découvert contre sa volonté.

Certains y avaient laissé la vie ; d’autres allaient la laisser, comme Sinistre ; d’autres encore, comme ses camarades du Club des Damnés, disposaient d’une position ambiguë. Selon leur position et leur utilité dans les plans du Léviathan, il était probable qu’ils survivent, même si possible qu’ils meurent aussi.

Mais il n’en était pas encore là : pour l’instant, Sinister. Et avant cela, le sort de Mewen.

Mewen savait comment gagner du temps lorsqu’une réponse était délicate, pour se donner un délai de réflexion. Elle demanda un autre verre de vin, appelant le serveur improvisé d’un geste de la main.

- Amenez-lui la bouteille, ordonna simplement le Sombre Voyageur, histoire de réduire les délais et de laisser à la jeune femme le soin de se resservir à l’envie la prochaine fois.

Elle générait son champ électrique sur l’épiderme ; elle n’était donc pas à proprement parler Electrokinésiste, ou alors son don en était encore à ses prémisses. C’était un Taser sur pattes.

Après avoir sentit son vin, elle lui conseilla d’en gouter ; Sébastian n’avait pas le nez pour ces choses là, son domaine étant le meurtre.

Mewen lui parla de ses limites inconnues, car comme dit précédemment, elle n’était pas une combattante. C’était le Fléau, un Acolyte des plus dénués de finesse et d’une puissance colossale bien connu du BAM – l’un des trois mutants les plus recherchés au monde – qui l’avait poussée à le faire. Elle préparait le terrain, mais n’allait pas dessus. Une chose qui risquait de changer…

"Je n'ai néanmoins pas encore trouvé le moyen de court-circuiter un réseau télépathique. Cela devrait être possible vu que le corps humain n'est qu'une machine très sophistiquée"


- Je crains fort que vous n’y parveniez jamais ; il ne s’agit pas du corps, mais de l’esprit, dans le cas des Télépathes. C’est très différent, croyez-moi.

Sébastian était pensif, même alors qu’il parlait. Il avait une idée qui lui déplaisait ainsi qu’au Léviathan, mais qu’il envisageait quant même. Si le champ électrique produit par la mutante était constant, il y avait moyen de faire d’elle une combattante redoutable. C’était disproportionné comme idée, après tout elle cherchait juste à servir le plus offrant pour l’instant. De plus, elle avait montré n’avoir aucune loyauté, un point clé dans l’esprit du Sombre Voyageur.

Il y avait aussi la possibilité que Sinister lui tombe dessus sans qu’elle puisse rien faire contre lui.


Lui non plus, il n’appréciait guère l’idée. Mais s’il voulait que Mewen l’aide à nuire à Sinistre, il n’avait pas vraiment le choix.

- Sinistre a-t-il le moindre moyen de vous localiser ou de vous suivre ? Vers mental ou autre marquage pour vous avoir à la trace ? Si tel n’est pas le cas, j’aurai une offre à vous proposer, pour peu que vous me donniez les fournitures dont vous avez besoin : argent, armes, planques, fausses identités ? Je suis en mesure de vous fournir nombre de choses.

Mewen se défendit qu’elle n’avait aucun moyen de savoir si son esprit était infecté ou non, même si dans le cyberespace, son esprit était le même qu’avant.

Avec un regard inquiet, elle vit un tour d’horizon.

- Il y a un moyen plus que simple de le savoir, dit sombrement Sébastian. Irina, venez je vous prie.

Il avait appelé une touriste qui semblait déjeuner avec son mari et leur fils adulte, une bonne ménagère de la classe moyenne supérieure légèrement grosse, et qui semblait parfaitement inoffensive. Cependant, ce n’était pas le cas : elle lui avait côté dix fois plus chère que les autres à enrôler, bien qu’ils lui fussent prêtés, car il avait dû la convaincre que la tempête psychique qui émanait de son esprit n’était pas dangereuse, alors qu’en vérité, c’était tout le contraire : la simple présence d’un lien psychique entre l’esprit du Léviathan et le sien, et ce même à travers un portail dimensionnel, le rendait repérable à près d’un kilomètre si un télépathe se concentrait, et à des kilomètres sur le plan astral. Il était comme une nébuleuse psychique, enfin, comme si une nébuleuse psychique le traversait, et ce n’était là qu’une infime portion de l’esprit de l’Entité : leur lien psychique, tout simplement.

La télépathe quarantenaire se leva, légèrement effrayée à l’idée de s’approcher de l’œil du cyclone ; elle le fit quant même, car la peur du Léviathan était bien réelle.

- M…monsieur ?

- Je veux que vous trouviez s’il est un mouchard dans l’esprit de Mlle Hatan ; attention, sa vie privée ne me concerne pas. Juste un mouchard ou une quelconque autre saloperie qui n’aurait rien à faire là.

- B…bien… monsieur. Mademoiselle… laissez-moi faire… je vous en prie.

Elle avait bien trop peur du Léviathan pour désobéir, et se limiterait à la partie qui la concernait. Sébastian espérait que malgré la différence de niveau entre Sinistre et la russe, cette dernière parviendrait à trouver quelque chose, si jamais il y avait.

Il ne voulait pas que le Léviathan essaie, c’était prendre un risque inutile : si Sinister avait couvert ses traces d’une bombe psychique, il ne fallait pas briser leur lien.

Après que Mewen eut accepté, encore qu’elle n’eut comme à l’habitude pas le choix, Irina posa ses mains sur la tête brune, ferma les yeux, concentrée, puis ressortie, indemne, quelques secondes plus tard.

- Il…il n’y a rien… je vous jure.

Sébastian hocha la tête, la congédiant. A la base, Irina avait été là dans l’éventualité de pouvoir faire de sa proie un agent double en réécrivant psychiquement sa mémoire, mais comme elle avait trahie d’elle-même, Mewen s’était soustraite à pareil sort.

- Pour les contacts, vous mettre en relation avec mon réseau est risqué, mais je peux tenter le coup. Mon second vous présentera aux bons interlocuteurs, une fois qu’il sera ici. Faites attention à ne pas me trahir, car je vous pourchasserai jusqu’à ce que vous brûliez en bas. Pour la finance… disons qu’un chiffre serait le bienvenu. Je suis prêt à monter l’enchère jusqu’au montant de la prime sur votre tête, pas plus haut.

Mewen se laissa faire pour la télépathe, ne semblant même pas rechigner. C’était plutôt intéressant cela ; Sébastian n’hésitait pas à mettre la main à la pate en général, mais face à une électrokinésiste de contact, il préférait éviter. Soucis d’image : s’il se faisait taser, cela décrédibiliserait le Dr Faust et il n’y aurait plus que deux solutions : faire disparaitre les témoins ou l’accepter. Inutile de dire qu’il préférait – et aurait appliqué – la première. Cependant, il était satisfait de ne psa avoir dû en arriver là.

Mewen demanda 100k ; raisonnable, elle semblait ne pas avoir besoin de beaucoup. Sébastian se tourna vers un autre des russes, faisant un cercle de son index libre ; un seul. L’argent était commandé.

La jeune femme lui exposa ensuite les raisons qui l’avaient poussée à retourner sa veste ; sans doute continuait-elle de se vendre, expliquant qu’elle pouvait devenir un agent fiable si l’on gagnait sa confiance. Le Sombre Voyageur pencha la tête de côté, amusé.

- Chez les démons, la loyauté n’est pas véritablement de mise, sauf entre hôte et tutélaire. Je n’ai jamais fait confiance à personne, ne serait-ce que pour donner mon véritable nom. Pourtant, il est de mes agents que j’ai élevés, qui ont confiance en moi ; la confiance, c’est la liberté que l’on accorde à autrui pour qu’il face des bêtises, tâchez de vous en souvenir, Tazer. Cette liberté, elle pourra vous être accordée, de façon croissante ; cependant, jamais vous ne saurez l’entière vérité sur moi. C’est cette vérité, et un petit-peu le fait qu’il m’ait tué, qui me pousse à vouloir la tête de Sinistre ; et j’ai toujours ce que je veux. Vous venez de prendre place dans un échiquier dont vous n’imaginez pas l’ampleur, mais votre place n’est que temporaire. Viendra un moment où il vous faudra choisir, rester et prendre en importance, ou partir. C’est à ce moment que vous aurez le choix, pas avant. N’accordez jamais votre confiance pleine et entière à quelqu’un ; du moins quelqu’un de ce milieu.

Sébastian s’interrompit, la regardant. Il était peut-être un sociopathe des plus violents et des plus malfaisants, mais s’il restait une chance à cette jeune femme de s’en sortir, il n’escomptait pas lui en priver.

Comme toujours, il avait son plan ; il ne jouait pas qu’aux échecs sur le plateau du HellFire Club, il jouait sur des dizaines d’autres lignes dans un réseau de machinations toutes imbriquées et pourtant indépendantes. Plus que lui-même, c’était le Léviathan qui maintenait en cohérence cette manipulation de la destinée même, ce plan qui aurait put égaler celui de Dieu, si ce dernier était encore en vie.

Chaque outil avait un rôle temporaire ; chaque pion, un rôle définitif ; chaque pièce, un rôle important ; et chaque allié choisissait le sien, de rôle.

C’était ainsi qu’il fonctionnait.

- Puisque mon acolyte mettra du temps à nous rejoindre et votre argent probablement encore plus à être réunit, que diriez-vous de faire honneur à ces lieux et de vous restaurer ? C’est gratuit, alors n’hésitez pas. Vous avez déjà le menu qui plus est.

Il n’avait rien à perdre à la nourrir, d’autant que si ses derniers jours avaient été difficile pour la jeune femme, elle n’avait probablement pas prit de repas dignes de ce nom depuis longtemps. Qui plus est, discuter en mangeant était toujours agréable.

Mewen avait soulevé un point auquel il ne s’attendait pas : le Confrérie l’avait laissée tomber dans les bras du BAM ; qu’est-ce à dire ? Elle s’était faite capturée ?

Il sembla d’un coup plus songeur.

- Sinister a préféré vous sacrifier plutôt que de tomber dans mon piège, logique. Par contre, en quoi la Confrérie vous a-t-elle abandonnée au Bureau ? Ils ont réussit à vous capturer et vous vous êtes échappée ?

Mewen avait été capturée et avait échappé par deux fois à un agent du B.A.M. ? Impressionnant, ou alors l’autre était un incompétent. Ou plus probablement, les deux.

Sébastian ne put s’empêcher d’avoir un léger sourire lorsque Tazer accepta son invitation à déjeuner ; c’était l’un des rares points sur lesquels il ne lui aurait pas forcé la main durant cette rencontre.

- Je ne vous demanderai rien sur votre complice ; je considère que c’est votre vie privée, tant qu’il n’intervient pas dans nos affaires, lui assura-t-il alors qu’elle choisissait un plat.

D’une main, il indiqua à un « serveur » de venir, tandis que de l’autre, il rangea son arme ; il savait se tenir, on ne menace pas une demoiselle qui mange. Cela pourrait perturber son repas.

- Prenez ce qu’il vous siéra, ils sont là pour cela, répondit le Sombre Voyageur à la demande de changement de vin. Il se redressa légèrement pour répondre à la question suivante, croisant ses mains contre le rebord de la table : Selon ma réputation, je suis un cannibale ; je dévore les cœurs de mes victimes. En réalité, ce n’est pas réellement moi, qui les dévore : se sont les charmantes créatures dont vous avez vu un petit spécimen tout à l’heure. Je n’ai rien d’humain, et par conséquent, s’il m’arrive de me nourrir, c’est plutôt rare. Je ne peux pas mourir de faim, alors pourquoi prendrai-je la peine de manger ?

Sébastian resta pensif après ses propres paroles : on pouvait en apprendre beaucoup sur quelqu’un qui mangeait, comme la condition sociale d’origine, s’il était droitier ou gaucher, s’il exerçait un travail manuel ou intellectuel ; ce n’était pas entièrement pour cela qu’il lui avait proposée de se restaurer, mais il ne pensait pas que cela soit entièrement étranger. Et dire qu’il n’y avait même pas pensé sur le coup ; s’en était presque effrayant. Le Léviathan avait fait de lui un prédateur efficace : toujours à évaluer, détailler, calculer. Rien n’était dû au hasard.

C’en était presque triste.

Au, bien entendu qu’il mangeait, au moins pour se donner l’impression qu’il était encore un peu humain, et pas totalement corrompu par la bête dans son esprit. Mais cela faisait bien longtemps qu’il avait oublié la sensation de faim ; presqu’autant que celle de peur.

- Cependant, si c’est une invitation, j’accepte, déclara-t-il finalement.


Ferme-là ; un simple moment de normalité était-il trop demandé ?

Très probablement.

- Etait-ce une invitation ?

Très probablement inconsciente de ce qui se jouait dans les coulisses, Mewen avait pourtant le choix ; c’était une échappatoire comme une autre pour le Sombre Voyageur.

Mewen réagit étrangement face à sa proposition ; elle n’en fut pas étonnée, mais simplement perplexe. La jeune femme n’avait pas l’air de se compliquer la vie, la prenant comme elle venait. Elle prit tout de même la peine de lui conseiller un menu ; consciencieuse, volonté de plaire ou tout simplement gentillesse de sa part ?

Sébastian n’aurait su le dire.

Il n’était pas véritablement carnivore, bien qu’ayant des goûts difficiles de part le fait qu’il ait eut une enfance pourrie-gâtée, et qu’il n’ait que peu mangé depuis qu’elle avait mal tournée.

- Ainsi soit-il, répondit-il simplement, alors que Tazer se resservait un verre.

Il n’y avait de toute façon aucune chance pour que cela soit empoissonné, puisque c’était ses hommes qui cuisinaient ; autant ne pas se compliquer la vie alors. Il ne s’agissait en rien d’une marque de confiance, puisqu’elle n’avait aucun moyen de faire de bêtises avec le choix qu’il venait de lui concéder.

Mewen reprit la conversation, retournant sur le sujet de son complice. Le Sombre Voyageur leva un sourcil ; n’avait-il pas dit que tant que cela n’empiétait pas sur ses affaires, il s’en foutait ? A quoi bon prétendre pouvoir se taire jusqu’à la mort si l’on ne nous posait pas de question dessus ?


- Non, répondit-il au Léviathan alors qu’il continuait de fixer Mewen. J’avais dit que tant qu’il n’avait nulle chance d’interférer dans mes affaires, il ne m’intéressait pas. Cependant, puisque vous lancez le sujet, Tazer, Sinistre est-il au courant pour votre petit ami ? Cela me semble probable, aux vues de ses capacités télépathiques et de sa tendance à se croire tout permit, et dans ce cas, dès qu’il saura pour votre trahison, que pensez-vous qu’il lui fera ? Il est, selon toute probabilité, déjà mort. Inutile de vous lever, Mlle Hatan, cela ne servirait à rien : vous ne pouvez pas affronter Sinister seule. Moi non-plus. Mais si vous usez correctement de votre vie, vous pourrez lui faire payer.

Attiser la haine de Mewen Hatan contre son ancien maître qu’elle n’avait déjà pas à la bonne était un moyen comme un autre de simplifier le contrôle, et de le renforcer : si elle avait une raison de rester avec lui, une véritable et immuable raison, elle ne l’abandonnerait ni ne le trahirait. Et la vengeance était l’une de ses raisons primordiales.

Peut-être le Sombre Voyageur s’était-il trop avancé, peut-être Sinistre tenterait de formater l’ami de Mewen pour l’utiliser contre elle ; Sébastian était un monstre, et il connaissait les méthodes des monstres. La mutante n’avait aucun moyen de lui échapper, et dans l’éventualité où son ami était encore en vie – ce dont il doutait fort – il devrait se débrouiller seul. Tazer avait une utilité dans le jeu d’échec et le Sombre Voyageur n’était pas encore prêt à la sacrifier, car elle venait d’entrer sur le plateau.

Il devait attendre la réaction de la jeune femme pour réagir à son tour, mais restait impassible physiquement : qu’il doive faire avancer la voiture ou l’assommer, il avait suffisamment de sous-fifres pour cela.


Sébastian était d’accord : ils étaient à la croisée des chemins. Où elle honorait ses engagements en dépit de ses sentiments, ou elle tentait de se faire un passage, et si elle ne mourrait pas ici, c’était Sinistre qui l’aurait.

Cruel choix, qui une fois encore, ne lui était pas vraiment laissé.

Mewen s’étouffa face aux paroles de Sébastian, manquant de recracher son vin ; visiblement, cette idée ne lui avait même pas effleurée l’esprit. La jeune femme eut cependant la délicatesse de ne pas recracher sa boisson à la figure du Sombre Voyageur, une délicatesse notée d’ailleurs. Cela aurait fait mauvaise impression, même dans un pseudo-entretient d’embauche.

Toussant, Tazer déclara que ce n’était pas son petit ami, mais à l’idée que Sinister lui ait fait du mal, elle jurait de le venger comme une amoureuse. Bref, Sébastian n’avait pas le moindre intérêt pour les histoires de cœur de la jeune femme, sachant simplement que si la haine qu’elle éprouvait à l’encontre de leur ennemi commun était suffisante pour faciliter le contrôle et la coopération, c’était un plus pour lui.

Il eut durant un instant un sourire en coin lorsqu’il la vit fouiller machinalement son sac ; elle cherchait un moyen de communication ? Elle lui avait remit le sien quelques instants auparavant. Presque dépité, il fit signe à l’un des hommes de mains d’approcher.

- Le jouet de Mlle Hatan n’est-il toujours pas prêt ?

- Non Monsieur.

- Alors trouvez m’en un autre en attendant, elle a un coup de fil à passer.

- Mais vous nous aviez ordonné de ne rien apporter…

- Je sais ce que j’ai dit ; d’où le « trouvez ». N’y a-t-il pas de téléphone dans cet hôtel ?

- Si, mais les objets électroniques ont été éteints comme selon vos ordres.

- Rallumez-le lui, et conduisez Mlle Hatan jusqu’au combiné. Je me charge de surveiller cet appel de courtoisie.

L’autre opina du chef, s’éloignant. Sébastian se leva, invitant Mewen à le faire à sa suite d’un geste de la main. Suivant l’homme de main jusqu’à la réception, dans laquelle se trouvait un ordinateur et un téléphone débranché, il regarda ce dernier être remit en route.

Une fois que cela fut fait, il signala à l’autre de les laisser seuls. Croisant les bras sur son torse, il regarda Mewen dans les yeux.

- Je vais vous laisser passer ce coup de fil, seule. Je vous demanderai deux choses : débrancher-le à nouveau lorsque vous aurez fini, et ne tentez rien qui pourrait nuire à nos arrangements. Sachez que si vous me trahissez, je le saurai.

Même si sa phrase n’attendait nulle réponse, le Sombre Voyageur attendit l’acquiescement de la jeune femme pour s’en aller, la laissant seule.

Elle tenterait peut-être de s’échapper, mais l’immeuble était verrouillé ; et même si elle explosait l’une des magnifiques portes –fenêtres, qu’y gagnait-elle ? Un nouvel ennemi, rien de plus.

Retournant s’assoir, Sébastian se demanda pourquoi avait-il prit un tel risque, chose que ses hommes ici présent se demandaient également.

Peut-être avait-il été touché par l’inquiétude de Mewen pour son « ami », peut-être cela lui rappelait-il sa propre situation. Nan, son cas était pire ; il savait ce qu’il était arrivé à Amanda, il s’avait qu’elle était là, de l’autre côté du voile, entre les griffes du Léviathan. Il savait qu’elle était en enfer et qu’il était le seul à pouvoir la ramener. C’était cela son propre pacte, son espoir et son objectif. Il n’était pas un tueur sans cœur, simplement il considérait que la fin justifiait les moyens : il devait servir le Léviathan pour que ce dernier lui rende son amour, et il le faisait.

Le cas de Mewen était proche, bien que différent : elle devrait le servir pour venger son amour ; selon toute probabilité.