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 De l'origine des spécismes

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Charlie Reyes
Élève à l'Institut Delta
Charlie Reyes


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MessageSujet: De l'origine des spécismes   De l'origine des spécismes Icon_minitimeSam 1 Oct - 21:23

Seattle-Tacoma International Airport – Dimanche 17 avril 2016, 19:29 PST

-Merci, bonne soirée.

Reprenant son passeport, il passa le dernier portique qui le séparait du grand hall de l'aéroport. Il commençait à connaître les lieux, et savait exactement dans quelle partie de la salle il serait attendu. Malgré le monde, il n'eut donc aucun souci à repérer immédiatement le grand homme jovial debout dans un coin.

Un large sourire s'était dessiné sur son visage en approchant. Son père n'avait jamais particulièrement pris soin de son apparence, malgré les reproches de son épouse. Aujourd'hui ne faisait pas exception. Charlie, de son côté, ne voyait pas de raison de s'en énerver comme le faisait sa mère. Les cheveux semblant avoir été coiffés à l'oreiller, le rasage approximatif, le polo usé et le pantalon de travail couvert de taches de peinture et de laques diverses, tout cela faisait partie intégrante de la personnalité d'Antonio Reyes. Au même titre que les yeux noirs au fond desquels on lisait une profonde bienveillance, et les rides de rire qui les encadraient. Comme à son habitude, l'homme rayonnait, irradiant de tout son être des ondes positives tout autour de lui. Il possédait un don que l'adolescent n'avait jamais rencontré chez qui que ce soit d'autre : par sa simple présence, il pouvait mettre n'importe qui de bonne humeur. Sa mère lui avait d'ailleurs si souvent répété que c'était ce qui l'avait immédiatement séduite chez lui.

Jetant son sac à dos à ses pieds, il serra son père dans ses bras. Il remarqua alors avec un grand plaisir que c'était la première fois qu'il n'avait pas à se hisser sur la pointe des pieds pour le faire.
Relâchant l'étreinte avec un sourire laissant découvrir sa dentition parfaite, Tony le fixa dans les yeux en lui offrant une tape bourrue mais affectueuse sur l'épaule.

-C'est bon que tu sois venu.

-La base, répondit-il en haussant les épaules et en levant les yeux au ciel.

Il fallait dire que les vacances de printemps à l'Institut, placées une semaine avant celles dans le public pour l'état de New York, tombaient vraiment à point. Il aurait été dommage de ne pas être présent, ne serait-ce que pour les aider durant les premiers jours en jeune homme mature et responsable qu'il était.

-L'entrainement se passe bien ? Sage te maltraite pas trop?

-Top Secret! Un clin d'oeil et un regard faussement suspicieux autour de lui, il reprit. Non sans déconner c'est toujours aussi cool, j'ai full trucs à vous raconter ! Tiens, je pourrais conduire jusqu'à la maison déjà, j'suis sûr je suis meilleur que toi maintenant!

Son père ne lui accorda qu'un haussement de sourcils et un gloussement moqueur avant de ramasser le sac à dos et de se détourner en lui faisant signe de le suivre.

-C'est ça. Commence par atteindre les pédales, on en reparle après.

Le jeune homme emboîtant le pas à son père, la conversation continua de plus belle tandis qu'ils se dirigeaient vers le parking, puis vers la vieille Wolkswagen Polo grise, encore plus cabossée que la dernière fois qu'il l'avait vue. Quelque part, tout cela lui avait terriblement manqué. Il avait depuis près de deux ans une vie toute autre, pleine de mutants, d’entraînements superhéroïques et d'évènements surréalistes, une vie tellement excitante qu'il n'aurait échangé pour rien au monde. Mais comme disait le peuple, there's no place like home. Il y avait un charme inexplicable dans cette vieille voiture, ses enjoliveurs manquants et son siège passager laissant voir le rembourrage par endroits. Le même charme qu'il y avait dans ce petit appartement aux murs moisis mais pleins de vie et de couleurs sans cesse changeantes qu'ils s'en allaient rejoindre.

Tandis que son père réglait le prix du parking, il envoya un court message à Lucky pour lui signaler qu'il avait bien atterri. Puis, alors qu'ils passaient la barrière pour s'engager vers la Washington 509, il se tourna vers lui avec un air soudainement plus sérieux.

-Comment elle va?

Tournant le volant, le quadragénaire lui lança un regard en biais avant de répondre avec ce même sourire tendre qui ne le lâchait pas.

-Fatiguée. Elle commence à avoir du mal à se lever, et elle se plaint qu'il bouge trop souvent et qu'il lui fait mal. Elle se réveille cent-vingt fois par nuit pour aller pisser, je dors plus, moi. Et j'ai pas besoin de dire qu'elle fait tout le temps la gueule.

Il laissa passer quelques secondes de silence, avant de poursuivre en gloussant.

-Mais en vrai, je l'ai jamais vu aussi heureuse.

-Ah bah super, merci beaucoup.

Charlie avait pu prédire encore avant qu'il n'arrive l'éclat de rire gras si caractéristique que sa réplique provoqua chez Tony. Un rire à la fois lourd et honnête, étrangement communicatif.

-Bon, disons que je l'ai jamais vu aussi heureuse, dans les dernières quinze années et demi.

Nouvel éclat de rire, cette fois-ci accompagné par un ricanement satisfait du jeune mutant. Plaçant ses mains derrière sa tête et ses pieds sur le tableau de bord pour profiter de sa pseudo-victoire, il attendit un bon moment que les gloussements de son père se calment en regardant la route.

C'est après plusieurs minutes d'un silence empreint de bonne humeur qu'il se tourna à nouveau vers lui.

-Vous avez déjà choisi un nom?


Dernière édition par Charlie Reyes le Lun 3 Oct - 8:38, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: De l'origine des spécismes   De l'origine des spécismes Icon_minitimeLun 3 Oct - 8:37

Lake View Cemetery, Seattle WA – Samedi 7 Mai 2016, 11:20 PST

Il pleuvait.

Évidemment, il devait pleuvoir. Il était à Seattle après tout, dans un cimetière qui plus était. S'il n'avait pas plu, ça n'aurait presque pas été crédible.

N'en restait pas moins que c'était déprimant.

Partiellement protégé par une veste vert bouteille, Charlie sentait les épaisses gouttes couler sur ses joues et son nez. Peut-être fallait-il cela pour maintenir l'illusion. Pour rassurer les gens, ou lui-même, sur sa normalité. Pour ressembler à des larmes.

Car il n'avait pas pleuré. Sans doute était-ce le choc, il n'en savait rien. Ou peut-être, option bien plus effrayante, n'était-il pas si triste qu'il le pensait. Ou peut-être enfin s'était-il senti obligé de se montrer plus fort qu'il ne l'était, pour assurer à sa famille ce que Tony n'avait pas été capable d'assurer en s'effondrant comme il l'avait fait. Comme si elle avait été la seule chose lui permettant de tenir debout. Il n'avait pratiquement pas prononcé un mot, depuis. Il ne leur avait pratiquement pas accordé un regard. Il n'avait pratiquement pas bougé, non plus. Si ce n'était pour porter la bouteille à ses lèvres. C'était d'ailleurs pour cela que lui-même n'était pas encore reparti à New York, alors que c'était la seule chose qu'il désirait. Il devait s'occuper d'eux. C'était peut-être cela, aussi. Occupé comme il l'était à s'inquiéter d'eux, il n'avait pas eu le temps de se laisser aller à la tristesse.

Aujourd'hui, il l'avait. Ou plutôt, il avait décidé de le prendre. Il les avait laissés seuls le temps de venir ici. Il avait décidé qu'il pouvait se le permettre. Pour la première fois en plus de deux semaines, il avait pensé à lui. Il avait eu envie de venir ici. Il avait eu envie de se retrouver seul. Seul avec ses pensées, ses souvenirs et cette pierre plate devant laquelle il se trouvait. Une pierre gravée, qui se contentait de si peu.

Elisabeth Mary Reyes
1975-2016
Fille Devouee, Epouse Fidele,
Mere Aimante

A croire qu'elle se résumait à cela. Il laissa échapper un ricanement amer. Quoi qu'en y réfléchissant à deux fois, ce n'était peut-être pas entièrement faux. A sa façon bien particulière, Lisa avait dédié toute sa vie à sa famille, jusqu'à effacer complètement ses propres aspirations, ses volontés… Voire, si on se permettait de le croire, sa personnalité. De là à dire qu'elle avait vécu à travers eux, il n'y avait qu'un pas. Un pas aisément entamé lorsque Charlie se remémorait son enfance, et tous les rêves qu'elle avait tenté de lui imprimer.

Et pourtant, il en était absolument certain, elle ne regrettait rien. Et si tout avait été à refaire, il savait qu'elle n'hésiterait pas une seule seconde. Malgré les tracas, les inquiétudes constantes et les ambitions réprimées. Malgré les problèmes d'argent, les cheveux blancs et les genoux faibles. Malgré la fin.



Un sourire fatigué s'était dessiné sur ses lèvres lorsqu'elle arriva, se tenant voûtée à côté de lui sans sembler le remarquer, son regard ne se détachant pas de la stèle. Il l'inspecta du coin de l'oeil. Il ne l'avait plus vu depuis les funérailles. La petite dame s'était encore plus flétrie qu'auparavant. Elle s'était tassée sur elle-même, avait maigri, sa peau craquelée avait pris une teinte plus sombre. Ses longs doigts, autrefois habitués à parcourir les touches d'un Royal, était fébrilement refermés sur la poignée d'un petit parapluie noir qu'ils portaient avec une peine évidente. Elle ressemblait à une feuille morte sur le point de se détacher de la branche. L'adolescent fut sincèrement impressionné qu'elle aie encore la force de se déplacer.

Il reporta son attention sur la pierre tombale et ses propres pensées pour le peu de temps qu'il lui restait pour le faire, sachant pertinemment ce qui allait arriver. Et il ne se trompait pas. Ce fut au bout de plusieurs minutes qu'elle prit la parole, toujours sans le regarder et d'une voix brisée, ne parvenant pas à retenir des larmes dues tant à la douleur qu'à la colère.

-Elle n'aurait jamais dû épouser cet homme.

Le jeune mutant tourna vers elle un regard dénué d'expression. Il ne lui en voulait pas. Il ne parvenait pas à lui en vouloir. Il était trop fatigué pour cela. Mais il connaissait la suite, et n'avait aucune envie de l'écouter. Surtout pas maintenant, surtout pas ici. C'était la pire chose qu'elle pouvait faire entendre à cette femme qui les avait tant aimés. Comment ne pouvait-elle pas comprendre cela?

A gestes très lents et dans un silence complet, si l'on excluait les gouttes qui tombaient lourdement au sol et les sanglots mal réprimés de la vieille dame, il se pencha pour ramasser le sac à dos trempé qui trainait au sol et le faire glisser sur une seule épaule.

Ensuite, il se détourna et fit un premier pas en avant, laissant Martha Stone pleurer seule sur la sépulture de sa fille.
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MessageSujet: Re: De l'origine des spécismes   De l'origine des spécismes Icon_minitimeLun 3 Oct - 10:44

61 Cedar Street, Seattle WA – Mardi 19 Juillet 2016 – 22:38




Sleep, baby, sleep
Our cottage vale is deep
The little lamb is on the green
With snowy fleece so soft and clean
Sleep, baby, sleep
Sleep, baby, sleep

Le voyant s'agiter une fois de plus, il soupira en posant la guitare contre la rambarde du lit. Il arrivait à court de berceuses, et l'autre n'avait apparemment pas la moindre intention de se calmer. La prochaine option c'était du Beatles, après quoi il perdait patience et passait à du Slayer.

-Mais dors putain, t'es chiant...

Il lui restait tellement de choses à faire. La vaisselle du soir. Une lessive de couleurs. Préparer les biberons du lendemain pour la crèche. Et à sept heures du matin, il faisait l'ouverture au café. Il ne lui restait déjà pas plus de six heures de sommeil, et elles diminuaient dangereusement. Il ne se souvenait plus de la dernière fois qu'il s'était permis de se lever passé huit heures. Les seuls moments qu'il avait pour lui étaient les trajets d'aller et de retour du boulot. Il n'avait jamais été aussi épuisé de sa vie ; même durant les périodes intensives d'entraînement.

S'il avait pu compter sur son père, tout aurait été tellement plus simple. Au lieu de ça, ce dernier nécessitait presque autant d'attention que le nourrisson. Charlie avait depuis longtemps passé le stade de l'agacement tolérant, et commençait à lui en vouloir sérieusement. Il comprenait son état, mais il ne justifiait en rien de se déresponsabiliser complètement comme Antonio l'avait fait. Il ne justifiait pas non plus la façon dont il regardait son benjamin, dans les rares moments où il semblait remarquer leur existence. Il était père de deux enfants, après tout. Qu'il le veuille, ou non. Mais toutes les tentatives de l'adolescent de le lui faire comprendre s'étaient cognées à un mur de mutisme.
Au moins, le quadragénaire n'avait pas besoin d'être endormi. On pouvait l'entendre ronfler par dessus le son de la télévision depuis le salon.

-T'as vraiment décidé de m'emmerder ce soir, hein?

Quelque part, au fond de lui, Charlie appréciait une partie de cette situation. Ou au moins la responsabilisation intensive qui allait avec. Il se sentait important. Il se sentait utile. Savoir que plusieurs vies dépendaient de lui avait quelque chose d'aussi gratifiant que d'effrayant. Il aurait certes été préférable que ça se fasse dans d'autres conditions, mais il fallait bien tirer le meilleur de son cas.

Avec un léger sourire, il croisa ses bras sur la rambarde et y posa son menton en regardant le bébé, sensiblement trop grand pour ses trois mois tout juste fêtés. Heureusement qu'il n'avait pas continué sur sa lancée des tout premiers jours, autrement il aurait très rapidement eu du mal à faire passer l'argument de l'accouchement tardif et du développement précoce. Les gens posaient déjà plus qu'assez de questions.

Le gamin ne lui accorda pas beaucoup d'attention, trop occupé à fixer à travers les barreaux quelque chose par dessus son épaule. Le jeune homme n'eut aucun besoin de se retourner pour savoir de quoi il s'agissait. Il avait lui-même passé tant de temps à regarder cette photo sur son étagère, en tentant de s'endormir.

Il sentit les larmes lui monter aux yeux, et dut faire un effort tout particulier pour garder le sourire.

-Ouais, moi aussi elle me manque.

Se penchant sur le lit, il attrapa la petite main qui se referma sur son pouce. Il savait bien que l'enfant n'avait pas ce niveau de conscience, mais il avait vraiment l'impression de le voir comprendre tout ce qu'il se passait autour de lui. Il se laissa soudain submerger par l'émotion.

-Faut pas les écouter, tu sais mon grand?

Tournant un regard bleu pur vers lui, son petit frère émis un gazouillement et une bulle de bave qui achevèrent de le faire craquer.

-C'est pas ta faute, parvint-il presque à articuler, le dernier mot à moitié étouffé par un sanglot.

C'est pas notre faute, pensa-t-il en s'essuyant les yeux du bout des doigts de sa main libre, avant d'immédiatement regretter cette réflexion.

Sage ne l'aurait pas approuvée.
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MessageSujet: Re: De l'origine des spécismes   De l'origine des spécismes Icon_minitimeDim 9 Oct - 21:09

61 Cedar Street, Seattle WA – Mardi 4 Octobre 2016, 16:35 PST



Troisième étage.

Il avait déjà commencé à s'essouffler légèrement. Il avait perdu la forme de façon très nette. L'arrêt brutal de son entraînement, quelque six mois plus tôt, ne lui avait pas réussi. Bien sûr, il était toujours dans une meilleure condition physique qu'une large majorité d'adolescents de son âge, et courir dans des escaliers avec trois sacs de courses pleins à craquer se serait fait sentir sur n'importe qui. Mais en comparaison avec ce qu'il avait atteint en début d'année, il se faisait quelque peu pitié. S'il avait dû se trouver devant Sage à cet instant précis, il aurait été mort de honte.

Quatrième étage.

Il avait fait son possible pour ne pas cesser complètement toute activité physique. Il faisait des exercices dans sa chambre, et il allait courir quand il le pouvait. Quelques mois plus tôt, il avait même trouvé un dojo non loin de chez lui. Mais le temps était une denrée rare. Plus rare même que l'argent, en ce moment, et ce n'était pas peu dire. Il avait donc dû tirer un trait sur les arts martiaux, et parvenait à trouver une demi-heure pour transpirer un peu… Moins d'une fois par semaine. Ce n'était pas la motivation qui manquait, pourtant. Mais avec la routine qui s'était installée, crèche-cours-boulot-crèche-courses-cuisine-tâches ménagères, il était en permanence exténué. Les bandes noires sous ses yeux n'avaient cessé de s'élargir, et il avait quelques jours plus tôt arraché ses trois premiers cheveux blancs, chose qu'il avait trouvé particulièrement amusante. Charles Samuel Reyes, depuis toujours si petit, si enfantin. Aujourd'hui, seize ans et déjà vieux.

Cinquième étage.

Pas que ses capacités physiques ou mentales n'aient encore eu une telle importance. Ce n'était pas comme s'il poursuivait un quelconque rêve de devenir membre d'une unité paramilitaire d'élite, ou quoi que ce soit du genre. Tout cela était derrière lui, maintenant. Une autre vie. Un autre lui. Il essayait d'ailleurs d'y penser le moins possible ; c'était trop douloureux. Il n'y avait rien au monde qu'il désirait plus que de retourner à l'Institut… Là où aurait dû être sa place. Reprendre sa vie, reprendre ses entraînements, reprendre ses rêves… Revoir Lucy, aussi. Surtout, à dire vrai. Même s'il ne l'aurait pas admis sous la torture.
Des envies qu'il refoulait de toutes ses forces, mais qui restaient là, pas si loin sous la surface. Au point qu'il avait fini par haïr cette ville grise et morne. Par haïr aussi cet appartement délabré, trop petit, aux murs maintenant toujours blancs et sans vie. Par haïr presque cet homme qui les avait abandonné, qui lui imposait de tenir le front seul. Mais il avait des devoirs. Envers lui, malgré tout… Et surtout envers un autre, beaucoup plus important. Beaucoup plus innocent. Beaucoup plus précieux.

Sixième étage.

Il avait des devoirs, et il s'y tenait coûte que coûte. Quelqu'un lui avait un jour dit que c'était cela, être un adulte. Une éternité plus tôt, du temps où il voulait grandir sans attendre. Aujourd'hui, il voulait tant pouvoir être un enfant. Cela aussi, on le lui avait dit. Il n'y avait pas cru.
Il déposa l'un des sacs pour sortir une clé de sa poche. La porte bleue s'ouvrit en grinçant doucement, révélant derrière elle un couloir toujours aussi blanc et morne. Le moral de Charlie en prenait un sacré coup chaque fois qu'il le voyait, même six mois plus tard. Il ne pouvait pas s'empêcher de se rappeler des motifs fleuris aux couleurs vives qui s'y affichaient joyeusement jusqu'au mois d'avril.
Il passa rapidement dans sa chambre, pour vérifier que le bébé allait bien ; celui-ci lui accorda peu d'attention, occupé à jouer calmement avec sa peluche préférée, une pieuvre orange vif qui émettait en boucle la même musique horripilante. Avec un sourire satisfait, il quitta la pièce pour se diriger vers la cuisine, sacs de courses toujours accrochés à ses bras. Tandis qu'il en déchargeait le contenu, tâche qui nécessita plusieurs minutes pour trouver le rangement optimal qui permettrait de tout contenir dans le petit frigo, il pouvait entendre tonner la télévision, encore et toujours bloquée sur un de ces jeux dont il ne connaissait pas le nom. Son père, lui, ne s'était pas encore fait entendre, ce qui était étrange ; ces derniers temps, il avait commencé à lui adresser quelques mots lorsqu'il rentrait. Principalement pour lui demander s'il avait pensé à acheter ses Oreos.

Après avoir terminé son rangement, et sachant qu'il était probablement endormi, Charlie se dirigea donc en soupirant vers le petit salon où résidait son père pour y éteindre l'écran. C'était, là encore, devenu une habitude.

Mais en entrant dans la pièce, il fut pris d'un haut le coeur. L'odeur aidait, mais la vue y était pour beaucoup. Son père était affalé sur le canapé, couvert du menton au bas-ventre d'un liquide brunâtre contenant des restes mal mâchés du poulet de la veille. Sa tête tombait sur le côté dans une position peu naturelle et visiblement très inconfortable, tandis que son bras droit pendait de l'accoudoir, incapable d'atteindre la bouteille de whisky bon marché qui s'était déversée sur la moquette. Malgré la respiration irrégulière qui soulevait sa poitrine, l'adolescent sut immédiatement que son père ne dormait pas. Il lui fallut tout de même s'en assurer en le secouant fermement par l'épaule et en l'appelant à plusieurs reprises par son nom, avant de se décider à sortir son téléphone.

-911, quelle est votre urgence ?

La voix qui se fit entendre à ce moment était si calme que le jeune homme eut d'abord du mal à croire qu'elle provenait de sa bouche. Puis, il réalisa que tout son corps était dans un état de sérénité assez impressionnant. Il savait bien pourquoi.

-Soixante-et-un Cedar Street, appartement dix-huit. Homme hispanique, quarante-sept ans. Probable coma éthylique.

-Nous envoyons une ambulance. Le temps qu'elle arrive, pensez à…

-Oui. Je sais. Merci.

Quand il raccrocha, laissant le pauvre standardiste au milieu de sa phrase, sa décision était plus que claire dans sa tête. Il n'avait que très peu de temps avant que les secours n'arrivent et compliquent la chose. Après avoir difficilement soulevé le quadragénaire de son fauteuil pour le coucher plus ou moins doucement sur le sol en position latérale de sécurité, il partit en courant en direction de sa chambre sans lui accorder un regard supplémentaire.

Il se serait attendu à être aveuglé par la colère ou la tristesse. Ce n'était pas le cas. Il avait l'impression de pouvoir réfléchir librement, pour la première fois depuis très longtemps. Comme si quelqu'un avait ralumé la lumière après avoir passé les six derniers mois dans la pénombre. Tout était limpide.

Antonio Reyes avait eu sa chance. Plus d'une fois. Il avait bénéficié d'un traitement bien plus attentif qu'il ne le méritait, et d'une patience absolue. C'était fini. Il était temps que Charlie pense à son propre bien… Et pas que. Et il savait très clairement ce qui était le mieux pour lui. Pour eux. Il l'avait toujours su. Ils seraient partis il y a bien longtemps, si l'homme n'avait pas été là pour les retenir.

Jetant une valise sur son lit, il vida plusieurs tiroirs pour la remplir dans la précipitation avant d'aller la déposer au palier, devant l'ascenseur. Il fit ainsi plusieurs trajets pour y entasser près de la porte tout ce qu'il considérait comme important, sous le regard interrogateur de son petit frère. Il finit par prendre le petit sac à dos posé sur une chaise, pour y bourrer ce qui restait et qui passait sous son regard. Ses papiers, un livre, des billets jusque-là coincés sous le chat en terre cuite posé sur son bureau. Et enfin, sortant d'un tiroir de sa table de chevet, une petite boite en bois couverte d'un tissu noir. Peut-être la chose la plus cruciale dans cet appartement… à une exception près.

Jetant le sac fermé sur son épaule, il se tourna pour baisser les yeux vers l'enfant qui le fixait toujours, sa pieuvre musicale en mains. Le soulevant à bout de bras, il l'embrassa sur le front, avant de lancer un tout dernier regard à la pièce qui les avait tous les deux vus grandir.

-Allez viens Darwin, on se barre d'ici.

Tandis qu'il sortait de l'appartement pour appeler l'ascenseur, le bébé se mit à gémir et se débattre. Comme s'il avait compris très clairement ce qu'il se passait et tout ce qu'ils s'apprêtaient à laisser derrière eux. Refoulant les pensées sombres qui traversaient son propre esprit malgré ce qu'il voulait être des certitudes, le jeune mutant lui caressa machinalement le crâne de sa main libre.

-T'inquiète, mon grand. On rentre à la maison.
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