L'Institut vu du ciel [Sanzo]

11 janvier 2014, 17h00.

Les cours étaient finis, et certains étudiants se promenaient dans le parc pour profiter de la fin de la journée, et notamment des dernières lueurs du soleil. Il se couchait encore assez tôt... C'était étrange, tiens. En théorie, à partir du 21 décembre, donc le début de l'hiver, les nuits devaient devenir de plus en plus courtes mais je ne ressentais pas vraiment cette impression. A moins que je ne m'emmêle les pinceaux avec les saisons ? Les cours de biologique qui expliquaient leur fonctionnement remontaient à loin... Très loin. Le fait était, en tout cas, qu'à partir de 17h30-40, c'était rideau. Plus de projecteurs, merci messieurs-dames. Pour ma part, ça ne me gênait pas outre mesure. J'avais toujours apprécié la nuit. Le monde me paraissait plus accueillant, moins agressif, de nuit.

Le moment n'était pourtant pas au calme ni à la méditation. Je m'entraînais au long-saut, et à la réception. Lors de mes "exploits" à San Francisco, j'avais sauté du haut d'un immeuble et je m'étais étalée de manière pitoyable à l'atterrissage. Ce genre de faiblesse pourrait facilement être exploitée par un adversaire... Je me propulsais donc aussi haut que possible en utilisant mes ailes (deux fois 400 kilos de poussée, ça m'envoyait assez haut), et je tentait de me réceptionner de manière stable. Autant dire que ce n'était pas encore ça... Pour les atterrissages héroïques à la Batman, il allait me falloir encore quelques temps. Mais j'y arriverais ! JE VOULAIS ATTERRIR COMME BATMAN ! Parce que c'était dark, et classe, et tout, rien qu'en le voyant qui arrivait au sol dans une position élégante on pouvait entendre la musique dramatique et tout et tout.

Donc pour ce faire, je me baissais, je plantais les ailes dans le sol, et je les abaissais autant que possible pour tendre les muscles au maximum. Lorsque je sentais que ça devenait difficile ou même douloureux... BOING ! Je relâchais l'appui et j'envoyais tout ce que j'avais dans les deux membres pour m'élever aussi haut que je le pouvais. Pour tout avouer... J'aimais cette sensation. J'arrivais à aller vraiment haut, plus d'une quinzaine de mètres, et cette impression de s'élever était tout simplement fantastique. La chute, en revanche... Ce n'était pas tout à fait pareil. Cette fois-ci, ma réception ne fut pas géniale. Je m'étalai par terre de façon assez lamentable, rebondissant à un bon mètre de là. Pas super élégant. Me mettant à grommeler, j'envoyai un bon coup de la pointe de l'aile dans un rocher à proximité, celui-ci éclatant sous l'impact. L'énergie de la chute avait été absorbée par mon armure, et réutilisée pour me défouler. Bon... Ce n'était pas terrible de briser des cailloux. Peut-être que ce rocher était une propriété de l'Institut... Je devrais me méfier. Enfin...

J'étais prête à repartir. Encore une fois, je me pliai au maximum, tendant les ailes autant que possible, et hop ! J'étais repartie, ressentant de nouveau cette impression merveilleuse de liberté, cette adrénaline douce qui envahissait l'esprit... C'était ça, que ressentait Josh quand il s'envolait ? Je l'enviais, autant le dire. "Voler", dit comme ça, ça paraissait un peu nul comme pouvoir, il fallait l'admettre. Certains diraient "je préférerais la supermégaforcepuissante12000delamorkitu", ou des trucs du genre. Mais malgré cela, il avait de la chance. C'était une sensation que personne ne pouvait vraiment comprendre, pas même les types qui faisaient du deltaplane ou du base jump.

Et c'était le moment de la chute. Je mis mes ailes vers le bas, me préparant à me recevoir, et... Splaf. Les deux ailes frappèrent le sol à plat, dégageant une grande quantité de poussière, et moi je me mis à faire un roulé boulé assez lamentable tout en lançant des insultes (extrêmement obscènes). Je me retrouvai finalement dans une position particulièrement ridicule, c'est-à-dire sur le dos, les fesses et les jambes en l'air, une aile qui partait en sucette sur le côté et une autre vers le haut. Bonjour la grâce et l'élégance.

« Hmpfr... Mais ta mère c'est trop une sal... »

Je m'interrompis alors d'un coup, remarquant qu'il y avait quelqu'un à côté de moi. Haussant un sourcil, je plantai les deux ailes dans le sol pour m'aider à me redresser et observai le type à côté duquel je m'étais retrouvé... Pour afficher alors une expression ultra surprise. Je ne m'attendais pas à le croiser... Encore moins ici.

« Oh... Sanzo... Désolée... J'ai failli te tomber dessus... Tout va bien ? Je t'ai pas foutu un coup d'aile ou un truc du genre ? »

(11 janvier - 17h00)

Perdu dans ses pensées, la musique sur les oreilles, Sanzo marchait lentement, sa jambe lui faisait un peu mal. Une chance que l'Institut était maintenant tout près. Deux heures .. deux heures de course en alternance avec de la marche rapide. Il avait trop forcé et s'était surtout trop éloigné du coup il avait eu un peu de mal à revenir.
T-shirt manches longues, jogging, les cheveux attachés et les pieds nus, il avait profité d'une accalmie pour sortir.
Les premiers kilomètres s'étaient faits sans problème mais au bout d'une heure, il avait ressenti des élancements dans sa jambe. Le circuit, il le connaissait bien. Personne, pas de village, rien .. malgré New York à quelques kilomètres, il avait réussi à trouver un parcours vide.
Cependant contrairement aux autres fois, il avait cru sentir quelque chose .. ou quelqu'un ... mais il avait eu beau cherché rien ni personne. Bien sur il avait vu des animaux, des chiens principalement. Les parcs n'étant pas loin, il avait aussi croisé quelques Rangers dans leur gros 4x4.
Il avait pourtant été soulagé de voir les grilles de l'Institut. La nuit l'avait rattrapé mais cela ne le dérangeait aucunement. Pour lui, il ne faisait jamais vraiment sombre au contraire.

Splaf .. quelque chose tomba tout près sur le sol. Quelque chose avec des ailes. Quelque chose qui fit voler la poussière et surtout lui fit faire un sacré bond. Effrayé, il se réceptionna sur les pieds et sur les mains et se mit à grogner et à cracher. Son coeur battait à tout rompre et sa queue balayait furieusement l'air.

La "chose" se mit à raler avant de se relever avec autant de grâce qu'une pierre.

La "chose" était en fait Kaya. Elle semblait inquiète et lui encore effrayé par cette apparition tombée du ciel. Il lui fallut encore une bonne minute avant de retrouver son calme. Il ota ses écouteurs et la fixa un peu en colère.

"heu .. salut .. non ça va. Tu m'as juste flanqué une sacré frousse. Et toi ? Pas de mal ?"

puis il se mit à rougir .. son cerveau avait enfin rattrapé la "situation" .. il s'agissait de Kaya .. la fille avec qui il avait échangé de corps .. la fille qu'il avait vu nu .. meme si techniquement c'était lui qui était nu .. la fille qui ..
Il avait soigneusement évité Cait et Rachel depuis novembre et voilà qu'il tombait sur Kaya .. ou plutot qu'elle lui tombait dessus. En plus elle était la première et la seule fille qu'il avait vu nu ..La situation était extrêmement troublante pour le chat. Il voulait fuir, fuir loin mais .. d'abord ce n'était pas très poli et ensuite il avait mal. Le bond n'avait pas arrangé les choses. Il devrait faire avec pour garder un minimum de dignité.

"heu .. qu'est ce ... qu'est ce que tu faisais ..." vite trouver un sujet .. ne pas penser .. ne pas la regarder .. sauf que .. Ses yeux erraient un peu partout, cherchant un point sur lequel se fixer .. mais le seul point qui l'attirait .. Deux phares dans la nuit n'auraient pas eu autant de clarté ... Une lumière n'aurait jamais autant attiré de papillons que ces deux points là ses yeux.  

Il semblait quelque peuuuuu... disonssss... Sur la défensive. Il était en train de feuler et grogner et cracher avec la queue qui battait dans tous les sens, en "position de défense" et tout. C'était trop mignonnnnnnnnnnnnnnnn ! Hurmh... bref, donc ouais. Pour ma part, gardant les ailes plantées dans le sol, je croisai les jambes, me maintenant au dessus du sol tranquillement. Il lui fallut un bref instant pour réaliser que c'était moi, et il finit par me répondre avec un ton un peu hésitant et énervé. Je pouvais le comprendre, j'avais failli lui tomber en plein sur la tronche, autant dire que ça n'aurait pas été une expérience des plus agréables. Certains diraient : "Quoi, une femme nue qui tombe dans tes bras c'est bien non ?". A cela je répondrais, oui... mais une femme avec une espèce d'armure biologique bizarre, des grandes ailes et des yeux jaunes lumineux qui tombe de 15 mètres de haut, c'est nettement moins classe quand même. Les fractures c'est pas top.

« Nan, ça va, l'armure encaisse t'en fais pas. Désolée en tout cas, je t'avais pas du tout entendu arriver. » répondis-je alors.

Il se mit subitement à rougir. Je haussai un sourcil, l'air un peu surprise. Qu'est-ce-qu'il lui prenait ? Il avait rien dit qui pousserait spécialement à rougir... Moi non plus, enfin à priori... C'était peut-être le fait que je n'avais pas de vêtements... Mais bon l'armure couvrait tout donc quand même, il fallait vraiment être fragile des badigoinces quoi. Cela dit, il avait quel âge déjà ? Mouais... Je finis par reposer les pieds par terre, sortant les pointes des ailes du sol, et me tapotai un peu les bras et les jambes sur lesquels il y avait de la poussières. Je m'étais bien ramassée quand même, et sans l'armure j'aurais sûrement fini avec un ou deux plâtres pour le fun.

Lorsque je relevai le nez, il semblait encore un peu hésitant. Était-ce à cause de ce qu'il s'était passé dans le Maine ? L'échange ? Pour ma part, j'avais mis ça de côté... Enfin cela dépendait des aspects. L'échange de corps avait été perturbant à beaucoup de niveaux, mais je ne ressentais pas de honte ou embarrassent particulier. Au fond, je n'y étais pour rien, si ? Enfin... J'étais quand même désolée pour la balle dans la jambe. J'aurais pu mieux réagir, mais bref... Je m'étais déjà repassée la scène dans la tête 50 fois, ce n'était pas le moment de le refaire à nouveau. C'était fini donc inutile de revenir dessus éternellement. Peut-être que cela venait du massacre ? Nan... J'avais pas touché à ces connards de fermiers.

Il finit en tout cas par cracher quelques mots, me demandant ce que je faisais. J'affichai alors un grand sourire crétin, répondant du tac-au-tac.

« Je travaille mes atterrissages héroïques ! »

Quittant ensuite mon espèce de trollface stupide, je donnai quelques précisions.

« En fait, l'armure me permet d'encaisser si je tombe de très haut. Le souci c'est que euh... niveau atterrissage c'est pas vraiment ça. Je m'étale comme une merde et je rebondis dans tous les sens. Du coup j'essaie d'atterrir correctement. Idéalement, je devrais arriver, chais pas, dans une position de ce genre. »

Je posai un genou à terre ainsi qu'une main au sol, comme le ferait un super héros qui vient de sauter d'un immeuble pour intervenir et sauver un innocent d'un quelconque malfrat. J'ajoutai ensuite avec ma voix la plus grave :

« I'M BATMAN ! »

Je me relevai ensuite, haussant les épaules et ajoutant avec un petit sourire en coin.

« Enfin le souci c'est qu'au lieu de faire Batman, ça fait plutôt Totote la glandue qui tombe de la balançoire. Du coup, pour remédier à ça, je tend mes ailes au maximum, j'me propulse aussi haut que possible, et j'essaie d'atterrir plus ou moins proprement. Spoiler : c'est pas terrible pour l'moment... Et toi, tu rentrais d'où ? Ça va mieux d'ailleurs, la jambe ? J'me suis déjà mangée des balles dans la tronche, c'est pas terrible... »

A l'époque, je n'avais pas d'armure et mes lames n'étaient pas aussi résistantes que maintenant. Les balles avaient fait éclater le tissu biométallique, me donnant l'impression que mes os explosaient, autant dire que je l'avais senti passer et que je ne le souhaitais à personne ou presque.

Kaya ne semblait pas particulièrement perturbée ni par son ... atterrissage ni par le changement de corps. Aujourd'hui qu'il avait le temps de la regarder, elle semblait un peu plus vieille que ses camarades de classe. Elle devait avoir une vingtaine d'année ce qui expliquerait sa réaction .. ou plutot sa non-réaction.
Elle lui expliqua ce qu'elle était entrain de faire et pourquoi elle était tombée d'aussi haut. Sanzo l'écouta .. les sauts .. ça c'était son truc. Il en faisait depuis qu'il savait marcher ou presque. Il ne put s’empêcher de sourire devant sa position .. C'était à la fois un peu stupide et surtout dangereux, elle avait toutes les chances de se briser le poignet ou de se faire mal au genou. Il n'y avait que dans les films que les héros atterrissaient ainsi.
Il s'approcha d'elle.

"ouai ça va mieux merci. J'ai repris l'entrainement c'est un peu douloureux quand je force trop mais bon .. ça va bien finir par guérir. Sinon tu sais ta position là .. tu vas finir à l’hôpital meme si ton armure peut absorber une partie des chocs c'est super dangereux et un peu .. idiot. Ca c'est bon dans les films ou si tu sautes d'une faible hauteur mais au dessus de .. je dirais 4 ou 5 mètres tu vas te faire super mal ... en plus tes ailes doivent te gêner. C'est pas avec les genoux qu'il faut amortir mais les pieds, et les cuisses et .. tout ton corps en fait. Tu dois absorber le choc. Un atterrissage doit pas être héroïque, il doit être utile. En plus franchement tu te mets en position de faiblesse. Si t'es face juste à un agresseur ok ça peut passer mais si y a plusieurs types .. je sais pas si tes ailes pourraient te protéger totalement. Tu vas perdre du temps à te relever et riposter. En fait faudrait que tu fasses les deux en meme temps .. tu atterris et après .. ben je sais pas une sorte de rotation avec tes ailes comme ça tu peux te défendre ... non ??
du coup je pense qu'au lieu d'essayer de tomber comme un chat tu ferais mieux d'essayer de te poser comme un oiseau meme si tes ailes sont différentes. Ça peut être super classe aussi. Et puis qu'est ce que ça peut faire ce que pensent les autres. Et tu devrais commencer de moins haut .. et d'une base solide. Là en fait tu fais deux choses tu sautes donc tu te mets dans une certaine position mais t'as pas le temps d'en changer pour atterrir. Du coup tu t'étales ... Enfin c'est juste un conseil"

il lui sourit "En tout cas c'est cool de pouvoir voler. Ton armure est vraiment géniale. " il était sincère, il y avait vraiment de l'admiration pour le pouvoir de Kaya. Le peu qu'il avait expérimenté lui avait montré une certaine force vraiment appréciable. Il aimait le sien bien sur, depuis le temps il s'y était habitué mais avoir pris celui d'une autre lui avait montré d'autres choses, des choses qu'il ne connaissait pas et qu'il ne connaitra plus.

"remontre moi si tu veux je peux t'aider."

Bon, au moins il allait mieux, il avait repris l'entraînement, et tout ça. C'était plutôt bon à savoir, car j'avais été assez inquiète de ce qu'il était arrivé à sa jambe. Comme ça, ça n'avait l'air de rien, mais une balle mal placée pouvait facilement devenir synonyme de jambe amputée ou une plaisanterie de ce type, j'étais donc plutôt contente du fait qu'il aille mieux... D'autant que je ne l'avais pas croisé depuis une éternité, pas même à la cafétéria, ni au gymnase, ni au rien du tout. J'étais au courant qu'il était vivant vu que j'avais posé la question, mais au final c'était les seules nouvelles que j'étais parvenue à obtenir. Donc à ce niveau-là, c'était plutôt bon !

En revanche, il semblait expert en atterrissage et compagnie. Il m'expliqua que je risquais de me déglinguer le poignet, le genou, ou un truc du genre, et qu'il valait mieux être efficace qu'héroïque. Boh... Pas marrant, quoi. Pourquoi pas efficace ET héroïque ? Il enchaîna en précisant que je pourrais tenter de me rattraper comme un oiseau plutôt que comme un chat, vu que j'avais des ailes, même si celles-ci étaient assez différentes. Ah, ça, différentes c'était peu de le dire. Les oiseaux avaient les os creux afin de pouvoir voler, pour ma part ce n'était pas le cas donc je doutais de pouvoir décoller un jour... Pour y parvenir, j'avais fait quelques calculs pour déconner, il me faudrait des ailes d'une taille assez phénoménale qui battraient à une fréquence totalement dingue, plus vite que les ailes de colibri. Et autant dire que ces petits machins, ça tournait au crack presque, pour arriver à battre des ailes aussi rapidement.

Le fait est qu'il avait probablement raison sur ces histoires, mais je voyais assez mal d'où m'élancer... Du haut d'un arbre, je me mangerais les branches au passage, et du toit de l'Institut, je me ferais engueuler. Du coup, me propulser avec les ailes avait été la seule solution que j'avais pu trouver... Puis dans un sens, ça me semblait pas idiot comme entraînement. Au fond, tout ne se passait pas comme prévu. Je l'avais vu à San Francisco, et dans le Maine... Donc je devais pouvoir me rattraper même si ma position était mauvaise et ma chute incontrôlée. Cela étant dit, je mettais peut-être la charrue avant les bœufs (HOUARF j'utilise de ces expressions de vieux). Apprendre à atterrir dans de bonnes conditions serait peut-être le premier pas, avant d'apprendre à atterrir dans de mauvaises conditions...

Je finis par sourire, plus par réflexe qu'autre chose (j'aurais bien tenté de m'en empêcher mais je n'y arrivais pas) quand il dit que mon armure était géniale et qu'il voulait m'aider. Quelques semaines auparavant, j'aurais refusé par crainte de l'ennuyer, ou de poser problème, ou quelque chose de ce type. Cette fois-ci en revanche... Ce ne fut pas simple, et je dus vraiment me forcer à surmonter cette crainte que j'avais de me faire jeter, mais je décidai d'accepter.

« Bah... Je peux pas voler en fait. Contrairement à Angel, ou Josh, qui ont les os creux, des paupières conçues pour le vol en altitude, des poumons adaptés, et tout... Ben c'est pas mon cas. Mes ailes sont faites d'un mélange de cellules biologiques gluantes et chelou avec des fibres de carbone et de métal, donc c'est trop lourd... » dis-je en haussant les épaules.

On ne croirait pas, mais avoir des ailes était insuffisant pour voler dans de bonnes conditions... Si je tentais de le faire, j'aurais sûrement de mauvaises surprises au-delà d'une certaine attitude, et j'aurais vite les yeux secs comme une conne.

« Après t'en fais pas pour les fractures, j'ai fait mumuse avec des calculs... T'ain, je suis vraiment une sale nerd, je m'amuse en faisant des calculs... 'fin j'ai fait des calculs, et si je tombe à vitesse maximale donc autour de 200 kilomètres par heure, comme si je tombais d'un avion, à l'atterrissage, je me boufferais dans les 125 kilojoules d'énergie. L'armure a déjà résisté à des chocs d'1 ou 2 mégajoules, du coup je risque pas de me fracturer le poignet. C'est pour ça que j'essaie de faire des atterrissages badass ! Puisque je peux le faire sans me faire mal, autant le faire ! 'fin après, j'avoue, maintenant que tu l'dis... au niveau stratégique, ouais... c'est pas trop ça... »

Je finis par hausser les épaules, plantant les ailes dans le sol et commençant à les tendre.

« Enfin... Je veux bien un coup de main ! Comme un piaf, tu dis, hein... 'faut que je sois... aussi élégante que... chais pas... l'aigle moyen... »

Alors que je me baissais, les deux ailes semblaient être aussi tendues qu'une arbalète... Et paf ! D'un coup je bondis, me retrouvant à un peu plus d'une dizaine de mètres de hauteur, avant de ralentir... Puis de retomber aussi sec. Je tentai d'écarter les ailes, mais je réalisai subitement que je n'avais pas sorti le tissu qui reliait les branches entre elles : en gros, j'étais en train d'essayer de ralentir avec des ailes qui avaient des énormes trous. Pas génial.

« fais gaaaaaAAAAAFFE »

SPLAF. J'avais mis les jambes vers le bas, et tout ce qui allait avec, mais rien à faire. Je m'étalai par terre, puis rebondis à environ un mètre de là, le nez par terre, et encore une fois dans une position assez peu élégante. C'était presque aussi ridicule qu'un cartoon... Genre le Coyote ou quelque chose du genre. Je grommelai avant d'encore une fois planter les ailes dans le sol, les utilisant comme appui pour me relever avec un air bougon.

« Hmpfr... Pas d'main la veille que ch'rai Batman, moi... »

"Un problème avec tes ailes". OH SANS DÉCONNER ? MERCI CAPTAIN OBVIOUS quoi ! Oui, le problème c'était qu'elles étaient pas du tout faites pour voler et que du coup elles ne ralentissaient pas du tout ma chute... Au contraire, en fait, elles avaient une tendance prononcée à accélérer ma chute même. Je gardai du coup mon air bougon au visage, et l'observai alors qu'il se mettait à escalader un arbre d'une manière assez agile. J'arrivais, moi aussi, à grimper aux arbres mais ma méthode était... comment dire. Sensiblement différente, disons, pour faire dans le politiquement correct. Je plantais mes griffes dans le bois ainsi que mes ailes, pour m'agripper au tronc et je montais de cette manière. Autant dire que c'était un peu plus bruyant et un peu moins gracieux et délicat (et élégant) que ce qu'il était en train de faire.

Une fois arrivé à plus ou moins 4 mètres, il sauta d'une branche. Je devais bien avouer que sur le coup, j'eus une petite pointe d'angoisse : il n'avait pas d'ailes, ni d'armure, ni rien qui pourrait le protéger en cas de mauvaise chute, sans compter le fait qu'il avait pris une balle dans la jambe. Bon, c'était plus de 4 mois auparavant, mais même... Ce n'était peut-être pas une si bonne idée que ça de se lancer d'une telle hauteur, quoi... Pourtant, il parvint à atterrir sans problème particulier, sur la pointe des pieds, son corps se pliant de la bonne façon et amortissant le choc sans grande difficulté. Il fit même une sorte d'acrobatie par la suite, même si je ne comprenais pas trop l'intérêt. C'était une partie intégrante de son système pour bien se récupérer ou un truc du genre ? Loin d'être impressionnée, j'étais surtout... Ben... perplexe, en fait, vu que je ne voyais pas trop où il voulait en venir avec ça.

Il précisa alors "sans la fin". Mon visage montra une confusion encore plus importante, que je ne parvenais pas à cacher. Je ne pus d'ailleurs pas m'empêcher de poser LA question litigieuse :

« ... mais pourquoi t'as fait la fin, s'il ne faut pas la faire ? »

Je haussai finalement les épaules, replantant les ailes dans le sol et commençant à les tendre afin de m'éjecter une nouvelle fois.

« 'fin pas grave. Donc... Gérer les ailes... Les rabattre... On va voir ça... »

Et BOUM ! J'étais repartie. Je gagnai encore une fois en vitesse jusqu'à atteindre ma hauteur habituelle, avant de ralentir et de redescendre de plus en plus vite... Cette fois-ci je tentai une autre approche. Je gardai les ailes aussi repliées que possible dans le dos, mais orientées de manière à me tenir aussi droite que possible. Bon, pas comme un I non plus, mais en tout cas à peu près stable. Ce n'était pas génial, mais au moins je ne tombais pas la tête la première cette fois-ci. Lorsque j'arrivai à quelques mètres du sol, je dépliai alors les ailes d'un seul coup, les abattant au sol avec autant de force que possible pour qu'elles absorbent la majorité du choc. Ce fut... plus ou moins une réussite. Les ailes, étalées au maximum, absorbèrent une très grande quantité de l'énergie.

Le problème, c'était que de les orienter de cette façon, afin de les mettre à plat en les étendant autant que possible, ça me déséquilibrait et çe me faisait piquer du nez. Ainsi, au lieu d'atterrir sur mes jambes, je m'écrasai par terre de façon encore un peu lamentable, le nez dans la terre. Une chance qu'il n'ait pas plus récemment, sinon j'aurais eu un déguisement de miss gadoue 2014, ça n'aurait pas fait super élégant. D'ailleurs, la question se posait... Est-ce-que ça avait un rapport avec la coupe de cheveux ? C'est élégant, ou pas ?

Enfin... Pour le moment, c'était mieux mais pas encore ça, il fallait que je trouve le bon timing pour déployer mes ailes afin qu'elles servent de "trains d'atterrissage". Clairement, il allait encore me falloir pas mal d'entraînement pour arriver à quelque chose, mais eh ! Je ne perdais pas espoir, je savais que j'allais finir par atteindre un résultat pas trop toc. Une fois redressée, j'observai Sanzo et haussai les épaules l'air de dire "eh, j'ai tenté !". Alors que je tapotais sur mon armure afin d'en enlever la poussière (parce que les mailles de merde attiraient la poussière, c'était super chiant), il me posa une question des plus... inattendues.

Je relevai le nez, l'observant avec une mine surprise. Plantant les ailes dans le sol pour m'appuyer dessus, comme je m'appuierais à un mur pour m'y adosser, je soupirai longuement avec le regard un peu dans le vague (à supposer qu'on puisse voir que mon regard était dans le vague, vu qu'il était jaune et brillant). Comme ça, d'instinct j'aurais dit "non ça m'a peu affectée", mais ce n'était pas vrai. Et je m'étais promis de ne pas tout garder pour moi de peur d'"embêter les gens". Malgré ça... J'avais quand même peur de parler. J'étais effrayée à l'idée que ce que j'allais dire fasse fuir l'étrange hybride, et fasse même fuir tout le monde. Il allait encore me falloir un sacré moment pour me sortir de ces raisonnements à la con... Je finis par soupirer de nouveau, longuement, et par répondre :

« Si... Je me suis sentie affreusement inutile après San Francisco et après la mission. Mon seul et unique rôle c'était de tanker, de prendre les balles pour les autres, de brutaliser les emmerdeurs qui chercheraient les problèmes et de les repousser. Dans les deux cas que j'viens de citer, j'en ai été incapable... Le premier, l'ennemi était un bourrin qui jonglait avec des bagnoles, il m'aurait écrasée avec son index, et le deuxième... bah t'étais là... j'ai rien pu faire. En plus de ça, je sais plus quoi penser au niveau des X-men... 'fin c'est une autre histoire. »

Parler était une chose, mais s'étendre trois heures en était une autre, je n'avais pas non plus envie de lui raconter ma vie et de le gonfler. Faire des progrès, oui, mais de façon mesurée disons... Inutile de partir dans l'extrême inverse.

« Mais ça m'a affectée, ouais... J'me suis foutue une balle dans la bouche y'a 10 jours. J'ai secrété d'l'armure au fond de ma gorge sans faire exprès, donc la balle a ricoché, mais sans ça, bah... »

Je soupirai (encore une fois) avant de hausser les épaules, regardant par terre.

« On est tous affectés différemment. Caitlyn part dans des grandes changements de vie, moi j'ai pourri de l'intérieur pendant plusieurs mois avant de tenter de me faire sauter la tête. »

Je relevai alors le regard vers Sanzo, demandant avec une expression inquiète.

« Et toi ? »

Sanzo la regarda de nouveau s'écraser au sol. Bon c'était un peu mieux mais pas encore ça, elle allait devoir s'entrainer dur, vraiment très dur.
"inutile" .. alors c'était tout ce qu'elle avait ressenti. Elle avait meme essayé de se tuer .. Il la regardait interloqué ..
et un peu choqué aussi.

Il se rapprocha d'elle soucieux "tu sais .. t'es pas une héroïne. Faut que t’arrête de te comparer aux autres, de vouloir leur ressembler. Tu es ce que tu es ... t'es géniale alors pourquoi vouloir plus ... Ca te bousille, c'est tout. "

la discussion avec Amy l'avait marqué plus qu'il ne le pensait et voir Kaya agir ainsi .. à vouloir à tout prix rentrer dans un moule .. à vouloir être comme les autres jusqu'à essayer de se tuer car elle n'y arrivait pas,..à vouloir jouer les héroïnes lui fit un drôle de choc .. Il comprit vraiment ce qu'Amy lui avait dit sur ce coté "héros". Il nota dans un coin de sa tete qu'il allait devoir lui en parler.

"c'est pas en te tuant que tu y arriveras .. t'as quoi .. vingt ans .. t'es encore super jeune ..  profite. Les X-men sont ce qu'ils sont .. ça fait des années qu'ils bossent et Cait .. ben c'est Cait ... Tu n'imagines meme pas par ou elle est passée pour en arriver ainsi et j'espère sincèrement que tu n'auras jamais à y passer .. pareil pour Rachel. Ok elles sont fortes mais à quel prix. "

sa voix montait, il n'était pas en colère, à peine énervé " je sais pas ce qui s'est passé à San Francisco mais dans ce bled .. on a changé de corps .. personne ne pouvait le prévoir .. on a fait ce qu'on a pu avec les moyens du moment ... T'as pas été nulle .. j'étais dans ton corps .. je te le répète ton pouvoir est génial faut juste que t'es un peu plus confiance en toi et que t’arrêtes de te comparer aux autres. Y a plein de mutants plus forts que toi, et d'autres beaucoup moins. Tu dois pas essayer d'affronter les plus forts mais de protéger les plus faibles. En partant avec le gamin t'as fait ce qu'il fallait pour nous sauver tous. "

il ne savait pas trop s'il essayait de la convaincre elle ou lui .. "tu veux devenir un super tank .. alors entraine toi. Donne toi à fond et tu y arriveras. Va voir Amy, elle dirige un super programme, elle pourra t'aider. Tu sais t'es pas toute seule ici. T'as l'air de penser que personne ne t'aime .. ne t'apprécie mais c'est faux. C'est à toi aussi d'aller vers les autres, d'essayer de les comprendre. Tu fais pas l'unanimité .. quelle importance .. va vers ceux qui t'apprécient ... les autres .. ben tant pis pour eux. Mais surtout sort toi de la tête que tu es inutile"

il pencha la tête légèrement et lui sourit gentiment. "quand à moi .. (son regard se fit songeur) le plus dur a été de surpasser le soulagement que j'ai pu ressentir quand Rachel les a tué. J'y travaille encore d'ailleurs. J'ai toujours pas été la voir .. ni Cait .. je leur en veux pas ... c'est juste que .. "

il haussa les épaules. Il n'était pas mal à l'aise .. il ne l'était plus ... c'était juste que ..
Une idée complètement folle lui traversa l'esprit .. il montra les ailes de Kaya à nouveau en souriant "dit tu crois que tu pourrais t'élever dans les airs avec moi sur ton dos ?"

c'était probablement stupide voir dangereux .. pourquoi il avait demandé, il n'en avait aucune idée .. peut être pour voir ce que ça faisait ... Il n'était pourtant pas versé dans les sports extrêmes ... peut être pour obliger Kaya à fait attention ... à se dépasser ... Ils avaient la meme taille meme si elle était plus fine que lui, son corps était plutot athlétique et vu la force de ses ailes ..
peut être tout simplement pour lui donner un peu d'espoir ...

Qu'est-ce-qu'il me chantait lui encore ? "T'es géniale alors pourquoi en vouloir plus" ? Mais qu'est-ce-qu'il en savait, notre plus longue conversation, jusqu'ici, avait duré quelque chose comme 30 secondes parce qu'on s'était croisés au réfectoire ! Comment pouvait-il, au juste, déterminer si j'étais géniale ou non ? Pfff... Si j'étais géniale, ça se saurait. Je n'étais pas dans la logique de dévalorisation que j'avais quelques semaines auparavant, par contre... Je savais que je devais faire attention, mieux maîtriser mes émotions à ce niveau. Mais de là à subitement décréter que j'étais géniale sans aucune raison objective, ça faisait quand même un peu trop là... Que quelqu'un qui me connaît déclare que j'étais géniale, encore, bon j'y croirais difficilement mais ce serait crédible. Là en revanche, il ne savait absolument rien de moi, je ne voyais donc absolument pas d'où il sortait ça.

Quant au fait que je doive profiter... J'en aurais, des choses à dire, à ce niveau-là, mais je ne voulais pas l'interrompre et surtout je voulais éviter de m'énerver. Je devais tenter de faire un minimum bonne figure... Selon lui, je n'imaginais pas par quoi Cait' ou Rachel avaitn pu passer pour en arriver où elles étaient. Oh, si, j'en avais même une très bonne idée vu que Cait' m'avait raconté et Rachel... Moins, mais j'avais une vague idée en tout cas. Effectivement ça n'avait pas été marrant, mais d'un autre côté je voyais mal le rapport avec le cas présent. Nos vécus étaient très difficiles à comparer... Quant au fait qu'il ne sache pas ce qu'il s'était passé à San Francisco, c'était très visible. Je n'avais pas du tout rempli mon seul et unique rôle... J'avais complètement foiré du début à la fin.

Et selon lui, me "donner à fond" suffirait. Ben tiens. Ah, et mieux encore, il fallait que j'aille voir Amy qui ne pouvait pas me voir en peinture ! Ben en voilà une idée ! Comme si me sortir de la tête que j'étais inutile changerait les choses de manière magique... Non effectivement ça n'aidait pas, mais ce n'était pas avec une cure de petits fleurs et de positivité que je parviendrais à résister à 180 tonnes de pression. Et sans ça... Je ne pourrais protéger personne. Tout simplement.
Lorsqu'il répondit à son tour, sa réponse me surprit un peu... Le plus difficile avait été de surpasser le soulagement ? Je ne savais pas trop quoi penser... Ce soulagement pouvait être compréhensible, au fond ils étaient en train de tirer dans tous le sens comme des gros cons et il ne savait, à l'époque, pas que l'armure résisterait sans problèmes. Il avait paniqué, et l'arrivée de Rachel ayant mis fin à cette angoisse, il était plutôt normal que ça l'air soulagé.

Je savais aussi, néanmoins, que les sentiments et les émotions n'étaient que rarement logiques... J'étais donc un peu triste pour lui. Le fait qu'il n'ait revu personne depuis. Ni Cait', ni Rachel, ni moi. Il s'était vraiment coupé de toute cette histoire, et ne parvint même pas à finir sa phrase. A la place, il demanda si je pensais pouvoir sauter avec lui dans les bras. Je haussa un sourcil, réfléchissant à la question... hmm... Peut-être, mais...

« ... ce serait risqué, si je bascule sur le dos et que j'arrive pas à me rattraper je vais te retomber dessus de 10m de haut. Moi je veux bien mais c'est pas vraiment sans risques... »

Je soupirai alors longuement, l'air pensive. Plutôt l'air pommée, en fait, je dirais.

« C'est pas juste une histoire de se sentir inutile... C'est que j'aurais pu, j'étais même censée, faire quelque chose. A San Francisco, ma seule utilité était de prendre les coups, parce que c'est tout ce que je peux faire d'utile. J'ai pas d'agilité surhumaine, je peux pas sauter d'un arbre et me rattraper nickel, je peux pas pomper toute l'électricité d'une ville de 900.000 habitants et l'éjecter sur un connard comme Caitlyn. Mon seul et unique usage c'est de prendre des tartes. Et même ça, je suis pas foutue d'le faire... »

Sortant les ailes du sol, je fronçai les sourcils, l'air assez énervée.

« Merde, ouais ok il y a eu échange et toutes ces conneries mais ça change pas le fait que le coup de fusil de la petite c'est MOI qui aurais dû me le bouffer, parce que j'en ai RIEN à foutre des fusils, ces abrutis auraient pu me shooter toute la semaine j'en aurais rien eu à foutre. J'aurais dû me faire shooter au lieu de cette putain de gamine, j'aurais dû me faire shooter à la place de ta jambe, parce que c'est MON SEUL RÔLE ! J'en ai été incapable, résultat ça a donné des... des putain de boucheries à chaque fois ! Tout ça parce que je suis pas foutue de faire le seul truc que je suis censée faire, en plus p't'ain c'est pas compliqué quoi ! On me demande pas de réciter par cœur l'intégrale de Shakespeare ou d'inventer l'hyperespace, je dois juste prendre des baffes quand y'a des connards ! »

Croisant les bras, je tentai de me calmer un peu... J'avais levé le ton, mais je n'avais pas l'air énervée. Plutôt affectée.

« Alors je devrais m'entraîner ? C'est ce que je fais... Je dis des conneries, histoire qu'on me prenne pour une débile ou un clown et qu'on me foute la paix, mais... 'fin je m'entraîne déjà... Quant à Amy, elle pouvait déjà pas me voir avant... Si en plus je débarque alors qu'à cause de moi sa femme a été blessée à SF puis qu'ensuite elle a abandonné les X-men après le Maine, tout ça parce que je suis trop conne pour me foutre entre les flingues et les cibles, je doute que ça améliore mon cas tu vois... »

Je replantai les pointes des deux ailes dans le sol, commençant à tendre les ailes pour reprendre un coup de départ... Puis je me mis à réfléchir. Pourquoi je faisais ça au juste ? Qu'est-ce-que j'en avais à cirer d'atterrir convenablement ? Je pouvais survivre à une chute de 2 kilomètres de haut si nécessaire, alors qu'est-ce-que ça pouvait faire que l'atterrissage ne soit pas super élégant ?
La réponse était simple. Encore une fois, le fait de me jeter en hauteur et de m'écraser lamentablement, c'était encore une nouvelle manière créative d'essayer de me faire mal... Comme quand je tapais sur le poteau. Comme quand je me foutais dans le feu. Comme quand je cognais des pierres. Comme quand je demandais à Kaede de me foutre des coups avec son pouvoir. J'étais encore en train de repartir vers les mêmes travers qu'avant.

Fermant les yeux et passant les deux mains sur mon visage, je soupirai longuement avant de sortir les ailes du sol.

« Enfin désolée... T'y es pour rien... C'est juste... compliqué on va dire. Et j'ai du mal à parler en règle générale. On m'a jamais appris à le faire. Du coup je raconte des conneries... Je fais des blagues débiles à la place. »

Il ne pouvait pas se prendre une balle sans souffrir le martyr... Oui, 'fin, t'es gentil mais d'un autre côté ça s'appelle "normal", quoi. La plupart des gens faisaient une sale tronche quand ils se mangeaient une balle dans la mouille. Lorsqu'il déclara ensuite que c'était maintenant que j'étais nulle, je me contentai de hausser les épaules en soupirant. Il enchaîna ensuite sur... Pas mal de choses en fait. Je l'écoutai avec une mine circonspecte, suivant son raisonnement avec quelques désaccords malgré tout. Sur certains points, il semblait évident qu'il avait raison mais sur d'autres, j'avais quand même une vision assez différente des choses. En fait... Disons que mon problème était complexe, et il me faudrait sûrement beaucoup de temps pour en arriver à bout.

Je savais bien que je m'étais promise de ne plus tout garder pour moi de peur d'embêter les gens, mais je décidai de ne pas non plus me lancer dans une grande séance de révélations freudiennes à la con, sinon on n'en sortirait pas. Puis le pauvre, il voulait juste rentrer chez lui au départ, pas se taper la psychanalyse de la miss la plus gluante et bizarre de l'Institut. Je soupirai longuement, répondant alors d'une voix un peu absente.

« C'est pas un problème de peur, tu sais... Si tu me mets devant un tank, je vais rester là pour voir ce que ça donne s'il tire. En fait j'ai envie de tester dans la salle des dangers. Nan, c'était... autre chose... c'est un peu compliqué... »

Cait' n'avait pas eu confiance en mes capacités. Lorsque l'espèce de taureau cinglé était arrivé, elle m'avait envoyée autre part histoire que je ne gêne personne. S'inquiétait-elle pour moi ? Oui, sûrement, je le savais. Malgré tous ses défauts je tenais à elle, et d'ailleurs, je tenais sûrement à elle en partie grâce à ces défauts. Nous avions les mêmes, sur pas mal de points. Mais... Le fait qu'elle m'envoie ailleurs chaque fois que les choses devenaient un peu dangereuses me donnait une impression écrasante qu'elle n'avait pas confiance en mes capacités, que je n'étais pas du tout à la hauteur, que je ne valais pas grand chose. Et c'était peut-être vrai. Face à ce gros barbare qui jonglait avec les voitures, je n'aurais peut-être pas été à la hauteur. J'aurais pu me faire écrabouiller, ou pire encore. Mais... Je n'arrivais pas à passer au-delà. Chaque nuit avant de m'endormir, je passait au moins 20 minutes à écouter de la musique et à me repasser la scène.

J'essayais d'imaginer les options que j'avais à ce moment-là. Ce que j'aurais pu faire. Absorber ses coups ? Probablement pas... En une frappe, il avait fracturé le goudron sur un rayon de 60 mètres, ce type était une brute inhumaine. Mais j'aurais pu jouer autre chose... Il était du genre lourdingue. J'aurais peut-être pu aider Cait' en allant au contact et en le désorientant : en utilisant mes ailes j'aurais pu lui tourner autour de façon chaotique, laissant le temps à la rousse de charger son super rayon électrique de la mort... Et elle n'aurait pas pris des coups pareils du coup. Ou j'aurais pu lui foutre mes ailes dans les yeux. Qu'il soit résistant ou non, les yeux, c'est un point faible. Les yeux de ce connard n'étaient pas faits de titane. 400 kilos de pression dans chaque œil, il aurait fini aveuglé et encore une fois... J'aurais pu aider Caitlyn, faire quelque chose. J'avais imaginé des dizaines d'options de ce type.

Mais chaque fois, la conclusion était la même : je n'avais rien fait. Cette frustration, cette culpabilité d'avoir totalement laissé la rousse à son sort pendant que je faisais mumuse avec deux flics qui traînaient... Et cette frustration d'avoir obéi aveuglément. J'aurais dû l'envoyer chier, lui dire "ta gueule, on est une équipe, ça se passe de ton avis, si t'es pas contente c'est pareil". J'étais venue pour la soutenir et à la place je l'avais abandonnée, la laissant avec cette espèce de pouffe volante... Ça aurait pu tourner beaucoup plus mal que ça. Ce manque de confiance en moi, cette sensation atroce que je ne servais à rien et que je devais partir d'ici pour "ne pas gêner" aurait pu mener à une catastrophe. C'était aussi pour ça que je voulais me débarrasser de ce problème, mais je n'avais aucune idée de comment faire.

Il parla aussi d'Amy qui m'aiderait parce que c'était son boulot. Ouais... 'fin... personnellement, moi, quelqu'un qui n'a pas été foutue de protéger ma femme deux fois de suite et qui l'a laissée se faire écrabouiller puis shooter, je l'aurais assez mauvaise. J'avais honte de ces échecs. En fait... non. Je ne craignais pas qu'Amy me déteste, en fait. La vérité c'était que j'avais honte, je n'osais pas la regarder en face après avoir échoué deux fois de suite, après avoir failli et laissé mon amie se faire blesser alors que j'aurais dû être la cible. C'était peut-être débile... sûrement. Mais je ne changerais pas en l'espace de quinze minutes, de toutes façons...

Et lorsqu'il évoqua le fait que Caitlyn ait abandonné le groupe de sa propre initiative, je soupirai longuement. Encore une fois, j'avais une autre interprétation des événements... Peut-être fausse, après. Comment le saurais-je... Je ne pouvais que supposer.

« Je dis pas que j'ai provoqué cet abandon, je dis que cette boucherie dans le Maine l'a provoqué. Et si j'avais pris le coup de fusil à la place de la petite, rien de tout ça ne serait arrivé... Mes ailes sont rondes, j'aurais pu tabasser ces abrutis sans les tuer. La petite serait en vie, on aurait chacun nos corps, et ils seraient en taule. A la place... 'fin t'étais là, pas la peine de raconter... »

Je l'observai alors de ces yeux jaunes vifs, lorsqu'il posa sa main sur mon épaule. Je ne comptais pas me révolter, le contact humain était quelque chose que je ne connaissais que très rarement... Il conclut ensuite qu'il était abonné aux nanas compliquées, ce qui me tira un petit sourire amusé. Lorsqu'il ajouta ensuite que je n'avais pas à m'en faire avec lui, je haussai les épaules. Au fond on ne se connaissait pas vraiment... Mais il enchaîna avec un moyen de régler ce problème : le paintball. Je pris un air un peu gêné, et je haussai les épaules.

« Tu vas rire... J'ai été prise dans plusieurs fusillades, 'fin des vraies, mais j'ai jamais fait de paintball de ma vie. Mais t'arriveras à quelque chose avec ta jambe ? 'fin, après, ça remonte à presque 3 mois mais bon... »

"Tu vas rire". Bof... C'était pas super hilarant en fait, avec le recul.

L'échange de corps avait déjà eu lieu lors de l'arrivée de ces fous furieux, il avait raison à ce niveau-là. Je soupirai longuement, restant là, pensive. On pourrait rester là à réfléchir 12.000 ans sur ce qui aurait pu être mieux fait, mais de toutes manières l'occasion ne risquait pas de se représenter. A moins qu'il ne se découvre des pouvoirs lui permettant de remonter le temps, ou que subitement une cabine téléphonique de police bleue n'apparaisse au milieu des jardins... Mais très étrangement, ces deux options me semblaient particulièrement improbables, je ne savait pas trop pourquoi ! Au moins, comme il disait, je serais plus méfiante la prochaine fois. Je ne serais par contre pas allée jusqu'à dire que je ne referais pas les mêmes erreurs... Il restait fort possible que je me plante de nouveau de la même manière.

Mais au moins, la prochaine fois que je me retrouverais face à une situation inattendue de ce type, je serais beaucoup plus prudente. Tiens, et il faudrait à l'occasion que je pense à prendre des protections auditives en mission, héhé... Non, parce que le cri de gamin maléfique en super surround, c'était juste pas possible. J'avais eu des acouphènes pendant plusieurs heures après notre retour, autant dire que pour dormir ou se concentrer ce n'était pas grandiose... Sans compter le mal de crâne et tout ce qui allait avec.

Je restai silencieuse, mais montrai un air un peu surpris lorsqu'il affirma que je l'avais aidé sûrement plus que je ne le pensais. Ce n'était pas que l'idée m'ennuie, au contraire pouvoir aider quelqu'un était même un plaisir rare, mais je me demandais bien ce que j'avais fait de si génial. Il disait sûrement ça pour me faire plaisir, ou quelque chose du genre, parce que je n'avais rien dit ou fait de très utile, dans l'ensemble... J'affichai toutefois un sourire un peu timide à l'idée du paintball. Ce serait la première fois depuis longtemps que je sortirais faire quelque chose de simple, sans complications ni rien de ce genre. Ce serait aussi la première fois depuis longtemps que je croiserais de nouvelles personnes.

J'avais des projets, d'ailleurs... De changements, de voyages, des idées qui me passaient par la tête, mais je ne savais pas encore trop comment concrétiser tout ça. Au départ je m'étais dit "bah, j'y arriverai pas, c'est trop ambitieux ou trop compliqué", mais plus les jours passaient et plus je me rendais compte que finalement ces projets fous étaient à ma portée. Enfin "fous"... Ce n'était rien de délirant non plus. Ce ne serait pas simple, ça demanderait de l'entraînement, du travail, de la recherche, mais ces idées que j'avais en tête m'enthousiasmaient de plus en plus au fil des semaines.

Aux derniers mots de Sanzo, qui disait que les choses s'arrangeraient par elles-mêmes, je haussai les épaules avant de répondre :

« Les choses s'arrangent jamais toutes seules par magie, mais... Même si j'ai pas de grrrraaand plan merveilleux, j'ai des idées pour arranger un peu ça ouais. Enfin... Tu me diras pour le paintball, c'est quand tu veux. 'fin sauf quand j'ai cours. »

Je l'observai ensuite un moment alors qu'il s'éloignait, l'air pensive. En fait, je ne savais pas trop quoi penser de lui. Je le connaissais assez mal... et quelque part, cette idée me déplaisait. Même si je faisais au mieux pour faire des progrès, j'avais encore cette sensation profonde d'être un dérangement et d'être inutile qui me rongeait... Je n'osais donc pas le suivre pour continuer de papoter. Mais cette histoire de paintball me donnerait en tout cas une bonne excuse de le recroiser. Finalement, la journée n'avait pas été si pourrie que prévu.

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