Drame au Marty's [Franklin]

"Ça fume là, nan ?
- Ouais.
- Bouge-toi bordel !"

Branle-bas de combat dans la cuisine du Marty's Diner. Qu'un steak crame, c'était les aléas du métier, mais quand c'était le boitier électrique qui fumait de cette façon, ça ne sentait vraiment plus bon. De toute façon, c'était une antiquité ce boitier, il l'avait toujours dit. Plein de bonne volonté, Commis 1 attrapa la bassine d'eau de vaisselle, se fit hurler dessus par Commis 2 qui lui faucha son tablier crasseux pour étouffer les flammes. Dans un bel ensemble, les plafonniers s'éteignirent et une rumeur mécontente s'éleva de la salle. Si les clients ne s'étaient pas encore rendus qu'il y avait un problème, c'était chose faite. Dans l'obscurité de la cuisine, la voix de Marty s'éleva.

"Bon... Y en a un qui peut dire adieu à son jour de congé."


Repoussant la porte qu’il venait de déverrouiller d’un coup d’épaule, Charlie jeta un coup d’œil à la cuisine où il avait l’habitude de travailler. Merde, mais ça pouvait être vachement silencieux en fait. Une fois n’est pas coutume, le diner avait été fermé pour la journée. La catastrophe de la veille au soir n’avait pas tellement laissé le choix de toute façon, le circuit électrique était coupé. Marty avait appelé un pro, et il s’était retrouvé désigné d’office pour assurer la permanence. Certains avaient de la chance qu’il soit arrangeant, déjà qu’on avait cramé son tablier… Attrapant une pomme au passage, il n’y avait pas grand-chose d’autre qui ait résisté à l’arrêt de la chambre froide, le mutant posa sa veste sur le comptoir et se jucha à côté. Machinalement, il attrapa la télécommande mais ne se rendit compte de sa connerie qu’après avoir appuyé comme un forcené sur la touche marche pendant quelques secondes. Ah beh non, évidemment.  Dépité, Charlie abandonna son perchoir et retourna à l’extérieur pour s’asseoir sur les marches et manger sa pomme.

Au moins, il prenait le soleil.

Les artisans ne sont jamais à l'heure. Ce qui laissa à Charlie le temps de manger sa clope, et peut être même de fumer une petite clope, ou s'adonner à quelque plaisir inavouable. Jusqu'à ce qu'un petit utilitaire au nom sans équivoque fasse son apparition, et qu'en sorte Franklin.

L'électricien de service était vêtu de sa tenue de travail habituelle : un jean et une chemise épaisse et écossaise, dans des tons de bordeaux et de bleu. Cependant, il ne correspondait pas exactement non plus au canon habituel de l'électricien : il n'était pas couvert de poussière, n'avait pas des fringues moches et distendues, était plutôt bien coiffé, propre sur lui, et était dépourvue de la légendaire bedaine artisanale. Sortant de son véhicule, il prit un tournevis qu'il fourra dans sa poche arrière, puis une planche sur laquelle était pincée une feuille de papier, et s'approcha de Charlie.

"Bonjour, je suis M. McCalloway, l'électricien. Un certain Marty a appelé pour signaler "Tout a crâmé, venez réparer fissa qu'on reprenne les affaires." et demander une intervention... C'est vous ?"

Tout en parlant, il avait pris une sorte de pose qui pouvait laisser à penser qu'il aurait sans doute moins détonné dans un shooting photo à connotation concupiscente que dans un dinner en rade à la recherche d'un artisan.

Charlie écrasa sa cigarette en voyant la camionnette arriver puis se releva sans hâte. L'homme qui s'avançait à présent vers lui, s'il avait l'attirail du parfait petit électricien, n'avait pas franchement la tête de l'emploi, mais l'étonnement du mutant ne se manifesta que par un bref et imperceptible haussement de sourcil. Il était dans un jour stoïque : après tout, si les plombiers polonais pouvaient faire des campagnes d'affichage, pourquoi les électriciens ne pourraient-ils pas avoir leur mannequin personnel !

Enfonçant les mains dans ses poches en quittant le mur qui lui servait de dossier, le mutant eut une grimace qui pouvait passer pour un sourire entendu :

"Nan, c'est mon patron."

Il considéra un instant McCalloway comme s'il allait ajouter quelque chose puis se ravisant, il fit volte-face et monta les deux marches qui menaient à la cuisine.

"Venez, je vais vous montrer le bordel."

Il conduit l'électricien au boitier sinistré encore noir des flammes de la veille.

"Je sais pas comment ça c'est déclenché mais ça nous pendait au nez depuis un moment, c'est une antiquité ce truc. Enfin, tout a lâché hier soir, on a dû bazarder je sais pas combien de kilos de viande. Ça se répare ou faut tout changer ?"