Reprendre le flambeau ? {Ororo Munroe}

La date était symbolique, pour elle tout du moins. Sa décision était depuis longtemps prise, mais elle ne la dévoilerait officiellement qu’aujourd’hui. C’était le grand jour, celui où, un an plus tôt, Franklin lui avait tendue la main pour la faire, pour la première fois, sortir de l’infirmerie. La première fois qu’elle avait avance de façon consciente dans le monde. Alors oui, cela avait fini par une tentative de suicide, et par la fuite de Franklin, fuite qu’elle savait définitive à présent, chose suffisante pour ne pas lui faire tenter de le retrouver, mais Rachel préférait se souvenir de l’acte plus que de ses conséquences ; c’était un cadeau, c’était l’intention qui comptait. Elle le percevait ainsi, tout du moins.

Cependant, aujourd’hui, qui allait tendre la main à qui ? Etait-ce elle, ou étaient-ce les X-Men ? La question était trop complexe et sans importance au final, car il s’agissait bien de cela, tendre la main : il était temps pour la Summers-Grey de reprendre le flambeau de ses parents, et de rejoindre cette « famille », cette équipe, qu’étaient les X-Men. Ils étaient inexpérimentés et gauches, comparés à ceux de son monde, infiniment plus optimistes aussi, ainsi peut-être pourrait-elle les guider, et en tout cas, elle pourrait participer à leur œuvre.  Le Phénix devait être au-dessus des clans, mais Rachel ne pourrait jamais l’être des idéologies. Elle voulait tendre la main, tant qu’il en était encore temps, et lorsqu’il ne serait plus, elle se tournerait alors vers la Résistance Confrériste, sans plus de problème ; nullement antagoniste à ses yeux, il n’était question que d’extrémisme. Allait-ce poser problème ? C’était l’une des questions à laquelle il faudrait répondre. Restait à savoir qui, une fois encore.

Le son de ses lourdes bottes marquait ses pas dans le couloir, remontant jusqu’à ses genoux protégés par des genouillères, recouvrant sa combinaison de molécules instables qui s’en remontait jusqu’à sa gorge, elle-même enserrée au bassin par une ceinture à sacoches et couverte au dos et aux épaules par son trench-coat renforcé aux épaules et aux avant-bras, les première renforcées de pointes  et dont la partie basse se composait de lamelles pour n’entraver en rien ses mouvements, encore complété par des protèges-coudes, et des mitaines. Sa tenue d’X-Men, différente de celle de Limier, ou de celle de Phénix, le premier costume de l’entièreté, de Rachel, tout de rouge et d’orange, comme les flammes et selon les goûts de sa porteuse ; deux lignes sur les jambes, l’intérieur du haut, les manches et un cercle sur les épaulières, en orange, et tout le reste en rouge, c’était simple et elle aimait bien. Toute la tenue avait été faite parce qu’elle aimait bien, d’ailleurs. Y avait-il besoin de plus de justificatif ? Ce n’était pas encombrant, et elle avait pensé à la pratique aussi.

Les marques des Limiers sur le visage, le Phénix avançait calmement, sereinement même. Elle ne craignait pas la confrontation, pas cette fois, pas encore. Elle savait dans quoi elle s’engageait, ou en tout cas l’estimait, sachant ce qu’elle pourrait y faire, et quel serait son rôle. Elle avait préparés ses arguments, tout comme elle s’était préparée elle, cela aidait. Et puis, à la différence de la plupart, c’était son choix que de le devenir, ou d’essayer, elle s’estimait prête à le devenir, physiquement et moralement ; très peu avaient cette chance, la plupart recevaient leur lettre de convocation comme s’ils l’avaient gagnée à un jeu de hasard. En tout cas, c’était ce qu’elle en avait retenu.

La passation ne l’effrayait pas, elle serait très claire : elle avait suffisamment mangé, ici comme dans son monde, pour qu’on ne tente pas de lui briser le moral. S’ils essayaient, elle réduirait à néant la Salle des Dangers, volontairement ou pas, fonction de son degré de contrôle sur elle-même. Et s’il y avait bien une chose de dangereuse chez elle, elle en était consciente, c’était le contrôle, ou plutôt sa perte. Du coup, sur quoi pourraient-ils la tester, elle n’en savait rien, mais ce n’était pas à elle de se montrer créative. Le risque, c’était de l’évaluer sur le contrôle, justement, mais elle faisait confiance à ceux qui faisaient les passations pour ne pas mettre en danger tout le monde, à défaut de se faire entièrement confiance pour le garder envers et contre tout. Il y avait des choses avec lesquelles ils ne devraient pas jouer, son moral et son passé en faisaient partie.

Non, ce qui l’effrayait, ce soit qu’on lui refuse sa tentative, qu’on lui refuse de l’être. Elle était le Phénix, c’était plus qu’un simple X-Men, aux yeux de l’univers, mais pas aux siens. Elle voulait aider les autres, mais pas comme une pseudo-divinité, comme une humaine, c’était pour cela qu’elle empruntait cette voie, qu’elle la choisissait tout du moins. Et c’était cela qu’elle venait demander, aujourd’hui, à la personne la plus indiquée pour cela : Ororo. C’était bien dans ses attributions de chef d’équipe que de pouvoir approuver ou refuser une candidature, non ?  Enfin, c’était là le raisonnement du Phénix. Pis elle serait de bon conseil, dans le cas contraire.

Il faisait chaud, il faisait beau, restait à savoir si la nature y était pour quelque chose ou que l’apprentie de Dame Nature avait un peu jouées avec les conditions météos pour pouvoir s’offrir son après-midi de bronzette, aux côtés de son mari, venu pour le mariage des Elioth de Lauro fait précédemment. Un moment plein de bons souvenirs, et pas que pour le buffet ; elle n’avait pas perdue la bague ! Bon, elle l’avait planqué pour faire une basse revanche, chose qui avait stressée Caitlyn jusqu’aux larmes, donc ce n’était pas forcément un exploit. Pas plus que les informations qu’elle avait sur T’Challa, qui était somme toute très très différent de celui de son monde, ni mutant, ni chef gouvernemental, et encore moins un génie. Donc l’image était bien désacralisée, du coup, comparée à ce qu’elle en avait de son enfance, il n'était pas The Black Panther, juste un mec comme un autre. Un mec qu’elle avait déjà « rencontré » ici, puisqu’à Noël précédent, elle l’avait interrompu dans ses avances à Ororo, et même s’ils n’essayaient pas de baiser, le Phénix allait encore les interrompre aujourd’hui. Emmerder Tornade finirait par devenir le sport national de l’Institut, la rousse y croyait, donc elle prenait des points d’avance. Encore que ce n’était pas cool de sa part.

Sortant de l’Institution X par l’arrière, par la sortie du Réfectoire, et traversant le terrain omnisport indifférente à la partie de basket qui s’y déroulait, contournant la piscine à bonne distance pour ne pas être mouillée, le Phénix finit par s’approcher des longs transats qui avait été prit sur la terrasse de l’attraction suscitée pour être placés en berge du lac, et y accueillir le couple.

Pauvre Ororo, jamais en paix. Avec un soupire, Rachel s’immobilisa à bonne distance, réfléchissant quelques instants. Comment y aller simplement, et sans la déranger ? Enfin, sans trop la déranger ? Reprenant sa marche, elle adopta la solution qui lui paraissait la moins pire.

- Hum, excusez-moi de vous déranger durant votre bronzette, déclara-t-elle simplement, une fois arrivée suffisamment proche d’eux. Ororo, tu pourras passer me voir dans ma chambre, quant tu auras fini, s’il te plait, poursuivit-elle à l’intention de Storm. J’aimerai parler des X. Merci.

Ca c’était fait, maintenant, devait-elle s’en aller ou attendre qu’elle soit congédiée ?

Un soupir, lourd et mérité, venant du plus profond du cœur comme de la raison, fut son premier accueil, la faisant grimacer et détourner le regard. Elle avait interrompue Ororo en pleine séance de libido, encore, même si son mannequin de mari était plus occupé avec les gosses qui étaient restés là qu’avec elle, mais sans doute cela flattait-il le besoin d’être mère de l’X-Woman. Rachel n’en savait rien, cela lui échappait, elle-même n’avait rien à combler en prenant soin de Kaede, c’était dans sa nature de le faire, l’extrême de gentillesse et de bonté qui convenait, à posteriori, parfaitement à l’esprit de l’Idéal Xavier.

Storm se redressa en glissant ses lunettes de soleil sur le bout de son nez, pour pouvoir voir par-dessus, et surtout la voir par-dessus. Passant discrètement ses mains dans son dos, le Phénix se laissa regarder, même si la détailler ne lui plaisait guère. Nouveau regard, pour T’Challa et les élèves cette fois, et le premier fit évacuer les seconds, leur donnant rendez-vous dans le foyer pour une partie de console. Etait-il réellement besoin de les faire s’en aller ? Rachel ne savait pas, mais elle remerciait Ororo de l’avoir fait, c’était plus facile de parler en comité restreint, et il n’y avait guère plus restreint que le tête-à-tête. Après, c’était peut-être aussi pour que les mots qu’elles allaient échanger restent entre elles, évitant de reproduire ce qui c’était passé lors du cours sur les X-Men de Caitlyn.

"Je t'en prie assis toi. On peut parler ici, on sera tranquille. Veux-tu boire quelque chose ?"

Devait-elle s’ôser à répondre que Caitlyn était en vacances, donc qu’il était impossible de trouver du café dans l’Institution, ou bien ce trait d’humour serait-il aussi mal perçu que déplacé ? Dans le doute, Rachel n’en ferait rien, se contentant de rendre son sourire à Ororo.

- Je veux bien, tu as quoi ? se hasarda-t-elle à demander, avant de s’assoir sur le transat normalement réservé à l’homme de la maison (même si la maison était discutable, et considérant le caractère de la femme, l’homme n’était pas forcément celui qui portait la culotte).

Ce qu’elle voulait savoir sur les X-Men ; elle grimaça à la question. Rachel s’estimait en savoir plus que la totalité des élèves réunis, sur les X-Men, et même plus que certains d’entre eux, ayant littéralement grandie dans ce milieu, et l’ayant connu sur deux réalités différentes, et jusqu’à l’extrême le plus noir qu’ils puissent envisager, alors ce n’était pas réellement la volonté de savoir quelque chose sur eux.

- Bah, en fait, c’est… Je voudrais savoir si je peux en faire partie.

Ça, au moins, c’était dit, même si cela mit plusieurs secondes à sortir. La question était délicate, et la démarche inversée par rapport à l’habitude, mais elle était de toute façon le cas le plus atypique qu’ils auraient jamais, alors ne pas faire comme tout le monde tenait de la logique.

- Je sais que je suis le Phénix, que j’ai des responsabilités et tout, m’enfin en pratique, ça m’aide pas à m’intégrer.

Une pause, alors qu’elle cherchait ses mots, comme toujours, les pensant d’abord pour les exprimer ensuite ; il n’y avait que dans les plus grands moments de tristesse ou de rage qu’elle parlait sans discontinuité, et c’était d’ailleurs pour cela qu’elle préférait la télépathie avec les gens envers qui elle était suffisamment intime, car les pensées n’avaient pas le défaut des mots, plus fluides et faciles à faire sortir, même si elles en étaient parfois tout aussi maladroites.

- J’veux plus rester à l’arrière alors que je pourrais vous aider. Je sais qu’il faut qu’il y en ait au charbon et en arrière ligne, mais je veux dire, lors de l’évacuation …

Nouveau silence, alors qu’elle s’interrompait seule en se rendant compte de l’idiotie qu’elle allait dire ; lors de l’évacuation quoi ? Elle aurait put faire plus ? Elle n’aurait pas put négocier, et veiller à ce que les élèves soient en sureté alors que les X-Men retenait « l’ennemi », c’était déjà faire tellement.

- Je crois que j’ai de quoi être X-Woman. Lors de l’évacuation, j’aurai put affronter Exodus, oui, j’aurai même put le battre, mais il ne venait pas en guerre, et quant bien même, l’évacuation était plus importante que la défaite de l’assaillant.

- Lorsque je parcourais les couloirs, j’ai trouvée une élève en pleine crise de panique, je l’ai aidée, et elle m’a sauté au cou. Personne n’avait jamais fait ça auparavant, personne d’inconnue en tout cas, et… voilà.

- Je sais me battre, j’ai été entrainée pour, et je connais l’idéologie de Xavier, j’ai été éduquée dedans. Si jusqu’à lors, je me croyais incapable de passer outre ce qui m’est arrivée, je crois que je le peux, maintenant. Oui, mes méthodes de combat ne sont pas les bonnes, et je fais honte à mon père avec elles, mais il ne faut pas se voiler la face, nous sommes des criminels, car même si nous le faisons pour protéger autrui, nous transgressons la loi avec plus ou moins de gravité, mais je pense avoir le cœur pour aider les autres, pour tendre la main.

- Kaede, Ariella, et même avant, Caitlyn, je sais que je leur ai apporté quelque chose, comme elles l’ont fait pour moi. Leur tendre la main, les aider à se relever, à se reconstruire, les guider et les soutenir, cela fait parti d’être X-Men au même titre que les défendre. Non, je n’ai jamais été seule à m’occuper d’un élève, même si la Ptite Cornue, c’est ma protégée avant d’être celle de Cait’ ou de l’Institut, mais je pense en être capable.

- Je ne sais pas faire grand-chose, et j’ai pas envie de me retrouver dans une classe de personnes qu’ont dix ans de moins que moi, ni d’aller chercher les connaissances dans le cerveau des gens, du coup, j’ai rien à enseigner à l’Institut. Mais je peux aider comme pionne, ou agent de sécurité. Je sais que Danger surveille tout, m’enfin elle reste limitée en cas d’intrusion suspecte, ou atypique comme avec Exodus. Je pourrais aller voir, ça fait parti du job de X-Men, mais en définitive ils font un peu agent de sécu eux-aussi. Enfin…

Ça y était, elle se perdait toute seule, à force de vouloir faire de longues phrases, quant bien même elles étaient entrecoupées de pause de réflexion et de respirations.

- Je sais que c’est pas courant, comme demande, mais je pense que je peux apporter quelque chose, à l’équipe, à l’Institut, aux autres. Je me fais pas d’illusions, je sais que mon cas est problématique, mais je dois pouvoir apporter des solutions, aussi, ne serait-ce que pour compenser.

Toujours assise sur le transat, face à Ororo, Rachel ne la regardait pourtant pas, ses yeux perdus dans le vague, alors qu’elle s’extrayait de la réalité pour pouvoir parler plus facilement. Absente ? En quelque sorte, oui.

- Tu en penses quoi ?

Une fois de plus, elle interrompit Ororo dans son action, et lui fit même enlever ses lunettes, chose qu’elle jugeait comme mauvais signe. Et baisser les yeux, courber le dos, tout en parlant, cela ne changeait rien à ce fait, comme à celui qu’elle voyait toujours les actes de l’X-Woman dans son esprit. Hors il y avait des fois où l’ignorance était préférable, puisque moins stressante.

Comme toujours, deux attitudes, tel que l’avait décris Spinoza, et alors qu’elle parlait, c’était la soumission. Chez certains animaux, notamment les loups et les chiens, il y avait plusieurs méthodes de soumission, et si se rouler sur le dos en était une, montrer la nuque en était une autre bien plus extrême ; hors, c’était celle-ci que l’on avait apprise à la jeune femme. Montrer la nuque, c’était laisser à l’autre le soin de la briser, ou pas.

Mais au final, Storm reprit son mouvement initial, alors que les paroles se terminaient, pour sortir deux petites bouteilles de la glacière qui était à son côté, surement emmenée pour les jeunes qu’ils surveillaient à l’origine. Prenant la bouteillette de jus de fruits rouges, le Phénix la fit tourner entre ses doigts, alors que l’autre en ingurgitait une grande partie pour ce mettre en voix.

"Devenir X-men c'est s'engager sur un chemin sans retour…"

Les X-Men, on les quittait à genoux ou les pieds devant ; lorsque l’on abandonnait le combat, ou qu’il nous tuait. Rachel le savait mieux que quiconque, qu’Ororo même, puisqu’elle, ce n’était pas théorique, la mort d’un X-Man, c’était du vécu. Et ce n’était pas une bonne chose, ce n’était pas une fierté, car cela revenait à tuer ses espoirs pour que d’autres puissent les avoir, hors ces autres, la plupart du temps, ils ne s’en rendaient pas comptes, par égoïsme ou par stupidité. Dans le cas d’Amy, c’était de l’égoïsme, ainsi que de l’idéalisme ; pouvoir s’engager dans une chose, mais ne pas y appartenir, car elle voulait avoir sa propre vie. Mais on ne lui avait jamais dit les conséquences de son choix avant, et en cela, les X-Men étaient à nouveau en tord ; s’ils lui avaient dit qu’elle se vendait à l’esclavage, jamais elle n’aurait accepté. Mais qui l’aurait fait ? Qui pour choisir d’être esclave au paradis alors qu’on y était déjà résident ? Qui à part les démons ayant besoin de ce racheter ?

Pas de contrat, pas de salaire, Rachel n’en avait jamais eut, elle n’aurait même pas eut de tombe, d’ailleurs, et son nom lui avait même été enlevé. Si, une fois engagée elle pourrait quitter les X-Men, mais cela ne se ferait pas sans abandon, sans trahison, ou sans décès ; cela ne se ferait pas normalement. Mais ils n’avaient rien de normal, donc cela restait cohérent.

Quant à l’engagement le plus profond, l’abnégation la plus absolue… où étaient-ils ? En quoi certains X-men n’avaient-ils jamais possédé le moindre engagement, ou la moindre abnégation ? Et parmi leurs élèves ? Combien pour en faire preuve, pour voir au-delà de l’utilisation de ses pouvoirs dans des buts extraordinaires, même pas forcément super-héroïque ? Et puis, en quoi était-ce contradictoire avec avoir sa vie ? Oui, on pouvait être amené à la sacrifier, mais cela n’avait pas grande différence avec les pompiers, les militaires ou la police.

"Tu as entendu parler de la passation mais ce n'est qu'un piètre moyen de voir si vous pourriez être à la hauteur... être un X-men est un engagement profond, une foi en un idéal… mais c'est aussi une guerre… une guerre perpétuelle… une guerre avec ses soldats, ses… "chiens de guerre"."

A ce simple mot, indifféremment du fait qu’Ororo en face parti ou pas, Rachel broya sa bouteille de la main, regardant le liquide s’échapper au sol. Chiens de Guerre, Warhound ; c’était là l’opposé exacte de ce que prônaient Xavier, c’était pour elle les ennemis naturels des X-men, au-delà de la Confrérie ou des Shi’ar, c’étaient les créations de Weapon X pour parvenir à retourner les armes de l’ennemi contre lui. Qualifier les X-Men de chiens de guerre… Qu’est-ce que cela signifiait ? Que fallait-il entendre pas le fait qu’elle avait comprit qu’il y avait des choses qui ne pouvaient être résolues par la douceur ? A force de croire en l’idéal de Xavier, elle avait comprit qu’il était vainc ?

Alors qu’Ororo lui relevait le visage pour la fixer dans les yeux, Rachel lui renvoya un regard de glace, ses iris vertes telle la mort ; aussi froides, et tristes.

"Alors es tu vraiment prête pour ça… tout ça… Tu n'es pas obligée de me répondre… mais soit sincère avec toi… Tu as encore le choix Rachel…"

- Tu parles de guerre… de guerre perpétuelle… cette guerre, je l’ai vécue. Elle m’a tout prit. Elle a détruit ce que j’étais, ce que j’avais… et elle a fait de moi ce que je suis devenue… une Chienne de Guerre. Tu crois réellement l’être, Ororo ?

Laissant tomber la carcasse de la bouteille, le Phénix baissa les yeux pour regarder sa main, sur laquelle goutait encore le jus de fruits, d’un rouge sombre.

- Le jour où la guerre commencera, les X-Men auront échoués. Le jour où la guerre commencera, cet Institut brûlera. Je le sais. Je l’ai déjà vécu.

Les larmes commencèrent à couler, mais sa voix restait froide, et déterminée ; légèrement vacillante même s’il était impossible de dire si cela provenait de la tristesse ou de la colère.

- Le but des X-Men est d’empêcher cette guerre. De favoriser la paix, de tendre la main. Oui, nous devons nous défendre, parfois par la violence, ainsi nous devons nous entrainer afin d’en être capable… Mais nous ne devons pas… vivre pour.

Refermant sa main, elle serra le poing jusqu’à s’en faire blanchir les jointures, alors que tout son corps se crispait.

- Le conflit avec Sinistre n’est rien. Il ne menace pas l’équilibre des forces. Il n’est pas une guerre. Regarde le monde, regarde ton monde, Ororo, et dis-moi où tu la vois, ta guerre.

- Je viens d’une réalité où les mutants ont été avait déclaré « Ennemi du Genre Humain »… où on les avait placés en Camps d’Extermination… où on avait construit de grands robots pour les massacrer… où on enlevait les plus prometteurs de leurs enfants pour les transformer en animaux de chasse et de combat… Que signifie votre querelle inter-mutants face à cela ?

Relevant son visage face à Ororo, elle la fixa, et son regard n’avait plus rien de froid, mais les larmes étaient contenues à ses paupières.

- Oui, il faut se battre. Se battre pour défendre un havre de paix. Mais à quoi cela sert si on ne vit que pour le combat ? A quoi cela sert si on ne prêche pas la paix, à côté ? Etre X-Men, ce n’est pas être un soldat, un… chien de guerre… c’est être un défenseur… c’est être ce que les gens nomment un « héros ». Un chien de guerre tue parce que son maitre lui ordonne, un héros tue parce qu’il a épuisé les autres solutions, et qu’il doit sacrifier quelqu’un pour en sauver un plus grand nombre. Mon père disait « les X-Men ne tuent pas », mais il savait qu’ils pouvaient être amené à devoir sacrifier la vie de leur ennemi. Ce n’était pas un meurtre, c’était un sacrifice, entachant à jamais l’âme de la personne qui le faisait.

Se levant pour rompre tout contact, Rachel fit quelques pas las vers les rives du lac, regardant dans ses eaux.

- Là d’où je viens, les X-Men étaient le symbole de la Résistance, mais sur votre monde, cela se rapprocherait plus des Acolytes de la Confrérie. Les X-Men de l’Institution X, ce n’était pas cela, et ici non-plus, cela ne doit pas l’être. Nous devons être l’espoir en l’Homme, dans le fait qu’il puisse changer, être bon ; nous devons tendre la main, enseigner, faire changer les mentalités, sinon plus rien ne différentiera les X-Men des Confréristes. Nous devons être l’Espoir là où eux sont la Résolution. Nous devons lutter pour la vie là où eux ne cherchent que la survie.

Rachel soupira ; la vie et la survie, c’était là deux choses bien distinctes, et elles en avaient parlée avec Caitlyn, c’était l’une des révélations parmi d’autre. Ne pas chercher à survivre, chercher à vivre, car la survie n’avait nulle plan pour l’avenir, nul objectif à atteindre autre qu’elle-même.

- Je veux lutter pour que les enfants de l’Institut aient un foyer sur, oui. Mais je veux aussi lutter pour qu’ils aient un avenir…

Une pause, alors qu’elle reniflait et se grattait le nez de la main.

- Cet avenir qu’ils n’ont pas put avoir chez moi. Je ne peux pas contribuer à ce qu’ils sortent d’ici un jour avec des connaissances utiles à leur avenir professionnel, non, mais je peux les aider à être prêt ; prêt à regarder la méfiance des hommes et à leur tendre la main, prêt à confronter les peurs des autres envers eux la paix dans l’âme et prêt à transmettre cette paix pour que tous s’acceptent.

Se retournant lentement, elle regarda Ororo de biais, au trois-quarts encore tournée vers le lac.

- Jamais je ne serais normale… je n’ai que cela à apporter au monde… et aux personnes que j’aime. Mais je crois que c’est cela qui fait que je peux être parmi vous ; être X-Men.

Après un instant, Ororo finit par se lever et s’approcher d’elle, regardant son visage et les quelques larmes qui l’avaient marqué, détail humanisant à l’inverse des monstrueuses Marques d’Assermentation des Limiers. Mais le silence qui suivait l’aveu ne fut pas briser de suite, il dura alors que Storm pensait, pesait et soupesait peut-être. Ses pensées auraient put être accessible, voir être influencée comme Rachel l’avait accidentellement fait, lors de son « retour » à l’Institution X en qualité de Phénix, cependant elle n’en fit rien ; pouvoir n’était pas vouloir, et la volonté faisait tout. Elle attendit simplement la réponse, regardant son ainée sans ajouter mot.

Un sourire, et un murmure ; à quel moment Ororo s’était-elle trompée de route ? C’était formulé comme une question, mais cela n’en avait pas l’intonation, mais était-ce adressé au Phénix, car si en la posant, l’autre l’avait regardée, la rousse aurait été incapable de dire si elle était à l’origine de l’interrogation ou si elle en était la destinataire. Cependant, à ces yeux, si Tornade c’était égarée, c’était au moment où elle avait abandonné le tendre la main pour ce concentrer uniquement sur le protéger. Les X-Men devaient protéger l’Institution Charles Xavier, oui, mais ils devaient aussi guider ses élèves, et elle, elle ne guidait plus. Combien d’élèves avait-elle prise sous son aile ? Que ce soit pour leur apprendre à se défendre, à « être X-Men », ou simplement les aider ? Elle était professeure, oui, mais il y avait des résidents professeurs, aussi, un X-Men ne devait pas se limiter à cela, dans le cadre de l’Institut. Opinion entièrement personnelle, sachant que certains X-Men ne servaient littéralement à rien ici, cependant, qu’on ne vienne pas défendre les valeurs de l’engagement et de l’abnégation après cela.

"Gardez toujours votre innocence et votre fraicheur… Vous êtes l'avenir et un bel avenir…"

Rachel grimaça, même si elle était flattée du compliment d’Ororo, c’était faux, et elle descendit son regard sur sa main couverte de jus de fruit.

"Tu as mon accord… bien sur il faudra en parler aux autres mais je ne pense pas qu'elles refusent," reprit l’X-Woman en posant sa main sur l’épaule de la jeune femme, avant de lui souhaiter une phrase encourageante, et qui la fit sourire.

- Merci, Ororo. C’est chez moi… c’est mon monde d’adoption… maintenant. Mais…

Montant sa main pour la montrer à son ainée, Rachel regarda le liquide à la consistance et la couleur parfaitement symboliques, triste.

- Je suis pas innocente. C’est pas du jus de raisin que j’ai sur les mains, et c’est pas 33cl que j’ai fait couler.

Se détournant d’Ororo, le Phénix mit les pieds dans l’eau, et s’accroupissant, y plongea sa main maculée, avant de l’agiter et de se laver de cette souillure.

- J’ai été un Warhound, obéissant aveuglément, chassant et tuant, par peur, par faim, parce que j’avais été dressée pour cela et que je n’avais aucune autre raison de vivre, d’exister ; d’être. Un animal, qui n’avait que pour valeur ses capacités de combat.

Regardant le jus se diluer dans l’eau du lac, la jeune femme put constater l’impacte d’une goutte venant porter sa part à cet acte ; une goute qui avait chutée depuis son visage, s’échappant de ses yeux alors qu’elle parlait d’une chose qui l’avait marquée à vie, et qu’on employait trop à la légère, ici.

- Je veux être autre chose. Je veux faire autre chose. Je veux aider les autres, les protéger, de ce que j’ai été, de ce qui m’est arrivé. C’est pour cela que je veux vous aider, être X-Men.

Se relevant, elle secoua sa main et la regarda à nouveau avant de la tendre vers Ororo.

- On ne voit plus le sang, on ne voit plus les morts, mais ils sont toujours là. Jamais je n’effacerai ce que j’ai fait, mais je veux que cela n’arrive jamais non-plus. Pour moi, il est trop tard, mais pour d’autres, non.

Rabaissant sa main pour l’essuyer contre sa combinaison, le Phénix avança vers l’X-Woman et lui fit face.

- J’ai peur de la passation, peur que vous détruisiez tout ce que j’ai essayé de reconstruire jusque là. Ne le faite pas, s’il vous plait. Vous n’avez jamais vu le mal que j’ai fait, vous n’imaginez pas le mal que je peux faire. Si je veux vous rejoindre, c’est pour le combattre, c’est pour qu’il ne me domine plus jamais. Ne détruisez pas cela, s’il vous plait. Faites votre épreuve, votre tradition, mais si vous me brisez, tuez-moi. Je préfère mourir que redevenir ce que j’étais.

Ce qu’elle était, c’était pire que sa mort, et c’était la leur, aux X-Men. Les Warhound étaient leur ennemi, et lâcher le plus puissant d’entre eux en plein milieu de l’Institution X, c’était risquer près de trois centaines de morts en une dizaine de minutes. Elle ne voulait pas cela, mais elle n’était pas sotte au point de croire qu’elle ne pouvait pas. Elle leur faisait confiance, confiance pour suivre leurs enseignements, pour la tester là-dessus, mais par le passé, ils s’étaient déjà égarés, tous. Deux fois. Et le dicton voulait que « jamais deux sans trois ».

Retournant s’assoir sur le transat, ne préférant pas affronter ce qu’Ororo devait ressentir, Rachel parla doucement.

- Je ne m’excuserai pas, car ce n’est pas une bêtise, je devais le dire à quelqu’un. Et c’est de votre responsabilité.

Un soupire, alors qu’elle cherchait un moyen d’enchainer sur un autre sujet. Chose qu’elle décida finalement de faire de la manière la plus brutale qui soit :

- Même si ça n’a rien à voir, j’aimerai ton conseil, Ororo. Ton conseil sur mon nom. Comment dois-je m’appeler ? Rachel, oui, beaucoup de gens le savent, mais pour le reste… Summers-Grey ? Dois-je leur expliquer le fait que je vienne du futur, même si je ne rentre pas dans les détails le concernant ? Grey tout simple, en inventant un mensonge comme quoi mon lien de parenté avec Jean serait cousine ou autre, pour expliquer notre ressemblance ? Je préférerais éviter Richards, ça me ramène trop à la perte de Franklin et de notre enfant…

Une pause, un silence. Elle savait que dire, mais elle espérait ne pas trop heurter Ororo. Parler de la mort, de l’assassinat même, d’une personne, ce n’était pas difficile pour elle, mais pour Tornade… qu’est-ce qui aurait été le plus inquiétant ? Que ce soit facile ou difficile ? Est-ce que Storm l’aurait tuée sans remord, si Xavier le lui avait demandé, étant de ce fait le Chien de Guerre qu’elle prétendait ? Ou bien est-ce qu’elle en serait incapable, ne pouvant supporter le sacrifice de la partie d’elle-même que cela impliquait ?

- Je sais pas quelle conduite adopter, j’y ai réfléchi, mais je ne sais pas quel est le mieux. Officiellement, j’ai pas le droit d’être sur votre monde, mais si je tente de m’y construire une identité, une existence, il faudra bien que j’ai de quoi m’expliquer… même si cela restera toujours faux.

La stupeur suivit aux longs silences laissés par l’X-Woman, alors qu’une fois encore, ses pensées lui prenaient le temps, et lui ôtaient la parole. Rachel était venue défendre sa candidature, venue montrer que malgré ce qu’elle avait subi, elle comprenait et croyait toujours dans la doctrine de l’Institut, dans l’Idéal Xavier ; chose à ses yeux essentielles. Les X-Men étaient les porteurs de cette idéal, de cet espoir, et si certains d’entre eux enseignaient, aidaient ou se battaient moins bien que les autres, ces « mauvais » X-Men n’en restaient pas moins des X-Men, car ils croyaient en ce qu’ils faisaient ; l’X-Men qui avait cessé de croire en la paix et en l’aide à son prochain n’était pas X-Men, puisqu’il ne se battait pas pour améliorer les choses, simplement parce qu’on lui ordonnait, il ne croyait ni en l’Institution Charles Xavier, ni en l’œuvre de Charles Xavier, ni dans les suivants de Charles Xavier. Il était l’égal du plus bas des Confréristes, car les vrais Confréristes croyaient dans les actions et l’œuvre de Magnéto, ils n’attendaient pas bêtement de suivre les ordres.

D’un autre côté, il y avait tant d’implication, puisqu’elle faisait parti des rares êtres à peser à eux-seuls sur la balance de l’équilibre des forces, et qu’elle pouvait tout aussi bien être un atout qu’une faille. Mais cela se résumait à un simple choix, aux yeux du Phénix : lui faire confiance, ou non.

Concernant son autre demande, son ainée s’en détourna rapidement, attrapant une nouvelle bouteille. Le Phénix avait entendu dire que le poisson était bon pour l’intelligence, cependant elle commençait à se demander si le jus de fruit n’aidait pas également ; elle devrait faire attention, alors… où passer plus de temps devant la télé, histoire de contrebalancer.

"Je ne sais pas Rachel… sincèrement je ne sais pas. Je comprends que tu ne veuilles pas garder le nom de Richards. Quand à prendre celui de ton père ou de ta mère… c'est à toi de choisir… Je suis désolée mais je ne peux pas t'aider.

Le Phénix hocha la tête, comprenant parfaitement, cependant, c’était bien concernant son histoire qu’il s’agissait de prendre le nom. Summers, ou Summers-Grey, c’était revendiquer l’héritage de ses parents, c’était accepter de dévoiler son origine d’un futur qui n’était pas le même que celui d’ici. Non, les mutants n’étaient pas aimés, mais ce n’était pas le fait qu’elle vienne du futur qui était le plus inquiétant, mais de quel futur, et ce qu’elle y avait accomplit. A elle de choisir, mais Rachel n’en savait rien, elle ne maitrisait pas toutes les conséquences que l’un ou l’autre pouvait avoir, parce qu’elle était bien incapable de savoir comment réagiraient les gens d’ici, ne les connaissant pas. Cependant, à ses yeux, les mutants n’étaient pas plus prêts que les humains pour les histoires de voyage dans le temps, alors ; de toute façon, la plupart ne conceptualisait même pas les Possibles et le Chant des Mondes.

Quittant le lac et sa réflexion à haute voix pour la regarder et lui sourire, Ororo déclara qu’elle était contente du fait que l’on vienne lui parler de tout cela. Elle se disait d’un abord facile, et déclarait que leur relation n’avait pas toujours été amicale. Rachel fronça les sourcils sans l’interrompre, mais elle ne voyait pas de quoi Storm parlait ; elles n’avaient pas de relation « pas toujours amicale », sachant qu’elles n'avaient pas de relation tout court. C’était avec Amy qu’Ororo s’engueulait puis se réconciliait tout le temps, nullement avec elle-même, puisqu’elle-même ne l’avait croisée que ponctuellement, et n’avait jamais approfondie la connaissance plus que cela, demandant simplement conseils et permissions, comme aujourd’hui.

Comment répondre à cela ? A cette main tendue à direction de son visage, qui finalement s’en retournait sans rien faire. La jeune femme regarda son ainée pleine d’incompréhension, grimaçant de ne savoir lui répondre.

- Je pensais que c’était normal de venir te demander, c’est ce que je fais à chaque fois.

Une bonne introduction, oui, mais pour aboutir sur quoi ?

- Je ne te connais pas tant que cela, ici. Mais ton abord n’est pas le plus difficile qu’il soit. Essaie de te tourner plus vers les autres, de leur tendre la main. S’ils ont du mal à t’approcher, essaie de faire le premier pas.

C’était Amy qui lui avait dit cela, et qui combattait sa timidité naturelle ainsi ; Rachel, d’expérience, savait que c’était plus facile à dire qu’à faire, même si elle essayait elle aussi.

- Pis tu sais, quant j’étais petite, je suis allé voir Logan une fois, pour Halloween, lui faire farce ou friandise… Ben l’était de bien plus difficile abord que toi, et il faisait peur, lui.

Ah ça, la diplomatie et le sens de l’humour de Logan, c’était quelque chose de multiversel : essayer de lui faire peur n’était pas une bonne idée, quant on l’autorisait à participer lui aussi… De toute façon, cela n’avait pas été la première fois qu’il traversait le toit de sa cabane suite à un choc avec un rayon optique, la seule différence avec les autres, c’était qu’au lieu d’être rouge, il avait été noir ; Ruby avait toujours bien visée.

- M’enfin… merci pour tes réponses, Ororo. Je vais te laisser, tu devrais aller retrouver ton mari et les autres, non ?

La discussion semblait toucher à sa fin, Rachel n’ayant plus rien à demander, et pas grand-chose à dire. Ororo n’était pas la seule à être difficile d’abord, mais l’autre avait de la difficulté à aborder, également. Et cela ne faisait que deux essais, hors on disait jamais deux sans trois.

Ororo la regarda, perdue dans ses pensées ; un regard insistant mais qui ne la voyait pas vraiment, un regard direct au point qu’elle ne fut plus que l’arrière plan de ce qu’il voyait réellement. Rachel en était gênée, mais elle ne savait pas si elle devait l’être parce que ce regard était justement trop direct et immobile, ou parce qu’il ne la voyait pas et la fixait comme on en faisant du vide. C’était surement ambivalent, puisqu’il était toujours agréable de se faire regarder, quant bien même s’en devenait gênant, et désagréable de ne pas être vu, chose pouvant être gênante là-aussi. Elle incarnait les contraires et les opposés, ainsi plutôt que de s’emmerder par pur égocentrisme, elle se décida d’attendre simplement que son ainée ait finie.

A quoi pensait-elle ? Excellente question, qui avait pour simple réponse : des trucs qui ne concernaient pas le Phénix. Enfin, si peut-être, si elle en était la cause, mais bon, elle n’allait pas s’inviter dans la tête de l’X-Woman par curiosité, d’autant plus qu’il faudrait attendre la fin de la réflexion dans tous les cas. Rachel détourna donc simplement le regard, une fois qu’elle eut parlé.

Mais malgré cela, ses sens psychiques continuèrent de la renseigner, continuant d’insister sur le regard d’Ororo alors qu’elle l’avait fuit. Mais Rachel perçu le geste sur le ventre, également, et sa signification ne lui échappait pas le moins du monde, la faisant baiser les yeux mais pour une raison toute autre. Elle n’essaya pas d’avoir la réponse, mais elle savait qu’une fois encore, son âge ne trahissait en rien de ce qu’elle avait vécu. C’était étrange, de savoir que malgré la différence d’âge et le fait qu’une Ororo l’ait vu grandir, ait contribuée à son éducation et l’ait retrouvée au plus profond de l’enfer, celle-ci ne savait rien de tout cela, et que Rachel pouvait lui apprendre des choses, voir des choses que c’était elle qui lui avait apprises.

"Je vais rester encore un peu ici," reprit Tornade alors qu’elle se rallongeait sur le transat, ayant terminée sa pensée. "C'est si beau n'est ce pas, si tranquille et reposant. Tu peux rester si tu le souhaites. Tu es chez toi Rachel."

C’était justement parce que c’était beau, tranquille et reposant, parce que c’était chez elle, qu’elle voulait œuvrer pour le protéger, et pour étendre cela à d’autres. Jamais Ororo ne devrait voir l’eau cristalline du lac qui s’étendait à ses pieds se teinter de rouge et commencer à charrier les cadavres incinérés, jamais elle ne devait voir le squelette brûlant des murs de la bâtisse qui se trouvait dans son dos, jamais elle ne devait voir les corps brisés de ceux qu’elle aimait joncher le sol, avec pour seul avenir que d’être le terreau des lierres qui viendraient recouvrir les ruines de leurs rêves et les cacher aux yeux du monde qui avait déclenché cela. Rachel l’avait contemplé étant enfant, et elle éviterait à tous les enfants d’ici que cela n’advienne à nouveau.

Se retournant vers l’autre alors que cette dernière la remerciait « pour tout ce qu’elle faisait », elle rendit le sourire qui était fut donné.

- Vous m’avez éduquée dans un espoir, déclara-t-elle doucement. je veux aider à le perpétuer. Faire ce en quoi je crois.

S’arrêtant, elle regarda Ororo quelques instants, puis son regard se perdit dans le vide. Oui, elle voulait aider, quelqu’en soit le moyen, et elle avait déjà une protégée à aider, une petite gosse qui, comme tout le monde ou presque, était plus vieille qu’elle dans les corps, mais plus jeune qu’elle dans l’âme ; jamais elle n’en remplacerait l’enfant qu’elle avait perdu, non, mais elle l’encourageait à faire de son mieux dans ce qu’elle avait de meilleur. Avoir quelqu’un à protéger, avoir quelqu’un qui nous portait en exemple, c’était le meilleur moyen d’essayer de donner le meilleur de nous-mêmes, afin qu’il sache quoi faire. Et c’était également cela, éduquer un enfant, même si chacun avait sa réussite. De plus, les enfants ne comprenaient pas le malheur dans lequel ils naissaient, et étaient mieux à même que les autres d’y trouver bonheur et rêve, choses qu’ils feraient partager.

Peut-être y avait-il un peu d’enfance dans le rêve de Rachel, dans son adhésion à l’Idéal Xavier, car après tout, elle était la seule enfant de l’Institut, ici, la seule à y être née, et à y avoir grandie, pendant plus de la moitié de sa vie. Elle n’était ni de la « vieille garde », ni de la « relève », elle était hors concours, comme souvent, mais elle percevait les variances, leurs failles et leurs forces, car c’était du déjà vu, pour elle. Elle pouvait aider, aider les X-Men, aider l’Institut, aider le monde, elle pouvait prendre la relève de ses parents, faire la fierté des siens, d’ici comme de son monde d’origine. Kate Pryde avait donnée une nouvelle chance à un monde, Rachel essaierait d’en faire de même ; ce ne serait pas sa seconde chance, ce serait leur seconde chance. Et donner une seconde chance était l’apanage de l’Institution Xavier, non ?

Se retournant sans rien dire, laissant Ororo à ses pensées ou elle-même continuer dans les siennes, le Phénix se dirigea vers son dortoir, ne prenant pas la peine d’y rentrer, puisque la fenêtre était ouverte. Les X-Men étaient les étoiles de l’Institut, voulant l’être pour la communauté mutante et même le monde entier, mais Rachel était pour l’heure l’étoile d’une personne, et cela lui allait parfaitement. Kaede avait été l’étincelle qui lui permettrait de reprendre le flambeau.