Une plume, des plumeaux... Que l'encre coule et conte... [PV Dyavol]

Dyavol avait suivi Joshua jusqu’à l’institut. Au fur et à mesure qu’ils s’approchaient, la curiosité laissait place à une certaine appréhension. De par sa taille et son luxe, le bâtiment était bien plus imposant que ce qu’imaginait Dyavol. Il doutait avoir sa place dans quelque chose de si massif et rutilant. Néanmoins, l’inertie et la curiosité le poussait à tenter le coup quand même. Ils arrivèrent devant l’entrée de l’institut et Icare quitta son visiteur le temps d’aller chercher une autorité plus à-même à l’accueillir.

Il le vit revenir avec un autre homme ailé. Celui-ci était plus imposant que Joshua, non pas réellement de par sa carrure mais davantage de par son attitude. Propre sur lui, il semblait assez sûr de lui. Il ne put s’empêcher de fixer un instant ses ailes. C’était tellement étrange de se retrouver avec deux autres ailés. Le nouvel arrivant  offrit à Dyavol un accueil très formel, très professionnel et l’invita à le suivre à l’intérieur. Tandis qu’il le suivait, Dyavol se sentait mal à l’aise. Il n’avait plus trop l’habitude d’être entre quatre murs, ceux-ci étaient d’ailleurs si massifs qu’il sentait leur pression de part et d’autre. Comme s’il sentait le toit compacter l’air à l’intérieur. Néanmoins, Dyavol ne se laissa pas décontenancé et entra dans le bureau.

C’était un lieu assez impersonnel. Trop propre, trop rangé. Un endroit bien trop pesant et bien trop froid jugea Dyavol.  L’ange lui proposa à manger avant d’entamer son interrogatoire. Dyavol remarqua que le professionnalisme de son interlocuteur ne le rendait pas moins avenant. Néanmoins, il n’avait pas l’habitude d’être autant assailli de question. Mal à l’aise, il se méfiait un peu de l’autre mais se dit qu’il fallait jouer le jeu. Il n’avait pas envie de s’enfuir cette fois-là. Il prit donc le temps de réfléchir avant de répondre. Il arpentait le bureau en regardant ses pieds nus. Pieds nus, torse nus, il faisait piètre impression face au costard parfaitement ajusté de l’autre. Mais ça, Dyavol ne s’en rendait même pas compte.  Il ouvrit la fenêtre, respira une grosse bouffée d’air frais.

- A vrai dire, je crois que je ne sais pas trop quoi  te répondre répondit-il aimablement et pensif. Il paraît qu’ici on accueille les types qui ont ma tronche. Je crois que je commençais à me lasser de ma vie. J’ai entendu parler de cet endroit, j’étais curieux. Je me suis dit que ça valait la peine de tenter le coup.

Il continuait à faire les cent pas tandis qu’il parlait. Il évitait le regard de son interlocuteur, non pas par peur ou par mépris mais parce qu’il était peu habitué à parler aux autres. Ça le mettait mal à l’aise. D’autant plus qu’il se sentait en quelque sorte agressé par le regard perçant de l’autre.

- Non, je ne sais pas vraiment ce que je fais là. Je me suis dit que j’aviserai une fois sur place. Je suis pas juste venu pour chercher un refuge. Je n’en ai pas vraiment besoin. Mais j’aimerais voir s’il y a une place pour moi ici. Si je pouvais servir à quelque chose.

Il avait rarement tenu une telle conversation seul. Constatant que l’autre attendait qu’il ait répondu à toutse les questions, il s’arrêta de marcher, inspira et repris son va-et-vient comme son discours.

- Quant à mes intentions envers vous. Je n’en ai pas tellement. J’ignore tous de vous autres. D’ailleurs, je ne connais même pas ton nom je crois bien. Je suis peut-être venu pour me faire une idée. Quant aux humains, disons qu’ils ne m’ont jamais vraiment aimé dit-il en essayant d’esquisser un sourire qui ressemblait plus à un rictus. Mais je les laisse à leur monde… Tu sais, à vrai dire je me demande aussi ce que je fais là, je me demande si est endroit a une place pour moi. S’il a besoin de moi.

Dyavol sentait que son discours sonnait plutôt creux. Mais ne sachant plus que dire, il choisit de se taire et attendre que l’autre ne reprenne les rênes de la conversation tout en fixant la fenêtre.

Après s’être présenté, le professeur Worthington lui fit un discours sur l’Institut. Libre à tout moment de partir, Dyavol pourrait avoir sa place comme professeur lui avait-il affirmé.  A vrai dire lui-même en doutait. Il lui semblait qu’il avait été si loin du monde des hommes qu’il n’aurait rien à leur apprendre qui put leur être utile.  Mais il était venu à la rencontre de l’Institut dans le but  de, justement, se trouver une utilité dans ce monde.  Il était contre-nature pour Dyavol de s’ouvrir comme ça, d’essayer de se mettre en avant alors qu’il avait passé la majorité de sa vie à fuir ou à se cacher.  Comme à chaque fois avant de parler au professeur, Dyavol réfléchit à ce qu’il allait dire, laissant s’écouler entre eux deux plusieurs secondes de silence.

- Tu sais, je n’ai jamais été très proche des gens. Sans le moindre de doute. Je ne sais pas trop ce qui les intéresse. Je ne crois pas avoir tant de choses à leur apprendre, même si j’aimerais bien. Oui je sais voler, mais je me demande si ton ami, Joshua, n’est pas plus habile que moi.

Constatant qu’il en avait dit très peu et que l’autre désirait en entendre davantage, Dyavol reprit :

- Tu vois, dans ma vie, je me suis surtout contenté de survivre. Alors, je ne crois pas que ça soit forcément utile vu les technologies dont vous semblez disposer mais je sais survivre. Je sais me débrouiller seul dans la nature, trouver mon chemin, à manger, à boire. Ce genre de truc. Ça ne fait pas grand-chose mais ça m'a beaucoup occupé.

Un peu gêné après s’être livré de la sorte, Dyavol se sentait un peu inutile. Une machine si bien huilée que cet institut n’avait probablement que faire de quelqu’un comme lui. Il ne voulait en aucun cas qu’on lui donne un poste par charité. Il n’aurait su accepter de charité qu’un abri pour la nuit mais ne se voyait pas vivre au crochet de l’Institut.  Il se dit qu’il partirait peut-être dans la nuit s’il ne le sentait pas. Il espérait réellement avoir une place ici mais pour être réellement utile, non pas une place qu’on lui attribuerait tel un jouet que l’on donne à un enfant perdu.
Tandis qu’il cogitait, il vit Warren enleva une veste de smoking parfaitement ajustée et la lui tendit.  Il demanda à Dyavol de se couvrir avant qu’ils aillent faire un tour de l’institut. Dyavol ne saisit aucunement le trait d’humour et répondit embarrassé :

- Tu es sûr que c’est nécessaire ?  Je veux dire, je ne suis pas très confortable avec un truc sur le dos. Plus vraiment l’habitude.  Enfin je veux dire, c’est gentil de ta part j’imagine. Je ne veux pas gêner  les demoiselles c’est sûr expliqua-t-il. Mais si je peux, je préfère éviter. Tu en penses quoi ? Je veux pas me montrer déplacé.

Dyavol, si détaché et distant d’habitude, se sentait terriblement maladroit. Il se sentait comme à l’étroit dans cet environnement fermé et pesant. L’atmosphère lui semblait lourde. L’air lui semblait consistant. Répondant à l’invitation du professeur, il prit l’initiative d’ouvrir la porte du bureau et répondit :

- Je veux bien faire un tour. Je dois dire que je suis curieux. Si tu me fais la visite, je pourrais y voir plus clair pas vrai ? Voir si je peux me rendre utile.

Warren se leva, sortit et Dyavol lui emboîta le pas.

Dyavol suivait son guide et tenait à écouter attentivement ce qu’il disait. Néanmoins, il ne put s’empêcher de remarquer les regards qui se portaient sur lui.  Nombre de ces regards étaient gênés ou dégoutés, tous étaient curieux, voir inquisiteurs. Dyavol se sentait mal à l’aise, entouré de trop de gens qui le fixaient, l’inspectait mais tous trop polis pour oser dire quoique ce soit. Peut-être aurait-il dû accepter la veste proposée par Warren. Celui-ci l’avait remise avec une facilité déconcertante. S’il voulait rester ici, il lui faudrait faire l’effort de s’habiller correctement. Il aurait pu faire l’effort tout de suite se dit-il. Mais en même temps, il espérait que les cicatrices de son torse éclipseraient celles sur son visage.
 
Il ne servait à rien de se focaliser sur l’attitude des autres. Il préféra donc, une nouvelle fois, d’ignorer les regards, d’ignorer les autres. Il se focalisa sur Warren et la visite qu’il menait avec tout le sérieux du monde.  En effet les locaux étaient rutilants, modernes. Il n’aurait su juger la décoration mais Dyavol trouvait en l’institut un ensemble harmonieux, chaleureux.  Warren eut la délicatesse d’attendre la fin de la visite afin de reprendre sur le sujet principal : l’intégration Dyavol. Il mit ainsi en avant l’aspect d’asile de l’institut, l’idée que l’institut devait d’abord se mettre à son service.  Les efforts consentis par Warren, que Dyavol sentait préoccupé, le poussèrent à s’ouvrir autant qu’il le put.

- Tu sais Warren commença-t-il fixant le vide. J’arriverais à vivre sans cet institut. Jusque-là j’ai réussi. Plus ou moins bien. Mais c’est comme si toute ma vie, je n’avais vécu que pour moi. C’était déjà pas facile seul. Je me dis que cet endroit, c’est peut-être la chance de vivre pour les autres. Je me sens vieux, usé par la solitude. Avec ma gueule cassée et mes cornes de chimères, ça a souvent été une vilaine galère. Mais je me dis que doit y en avoir d’autres des jeunes qui ont morflé. Je veux être utile.

Qu’il se sentait bête à déballer ce qu’il avait en tête. Une caricature risible se dit-il. Heureusement, d’un regard furtif du coin de l’œil, il put constater que Warren demeurait impassible. C’était déjà ça de gagner. Mais s’il se sentait embarrassé, il lui fallut poursuivre. S’ouvrir s’avérait plus dure qu’il ne l’eut pensé, mais cela lui semblait une nécessité.

- Je ne pensais pas que ça arriverait, mais je commence à me sentir vieillir. Je crèverais un jour ou l’autre. Je veux avoir fait quelque chose de bien d’ici là. Je veux que tu me trouves quelque chose d’utile à faire ici demanda Dyavol plus brusquement qu’il ne l’aurait voulu. Sinon ça ne me sers à rien de rester. Que tu aies besoin de moi en tant que professeur ou même en tant que gardien des bois, je resterais tant que je serais utile. Envoies-moi-même sur le terrain si je peux servir, j’ai déjà pris des coups.

S’ouvrir ainsi lui avait été extrêmement difficile. Il se sentait fragile, un peu pitoyable. Il s’aperçut qu’il était en train de serrer les poings. S’ouvrant ainsi, il avait laissé exprimer ses peurs enfouir. La peur d’avoir mené une existence aussi longue qu’elle était vide de sens. Warren avait une attitude très digne, très sobre. Cela rendait les choses plus faciles pour Dyavol mais il se sentait aussi davantage embarrassé d’avoir autant de mal à se contenir.  Mais néanmoins, il sentait monter en lieu un début de flamme, l’espoir de donner une direction à sa vie.

- Envoies moi là où tu penses que je serais vraiment utile. Je me fous du reste.  T’as l’air d’un gars futé, tu connais l’institut et les gens, je crois que je peux te faire confiance. Tu veux me rendre service ? Laisse-moi être utile. Sinon, laisse-moi partir.

Inquiet, Dyavol se sentait finalement récompensé de s’être ainsi ouvert. Parler autant n’était en aucun cas naturel pour lui. Il s’était fait violence et sentait en lui une décharge d’adrénaline qu’il parvenait, pour le moment, à contenir. C’était une adrénaline différente de celle qui sentait couler dans ses veines lorsqu’il volait. Il sentait l’excitation de l’inconnu, l’excitation de quelque chose de totalement nouveau.

Cela faisait près de trente ans qu’il vivait un ermitage routinier. Il se levait chaque au moment où les rayons du soleil éclairaient sa grotte. Il partait chasser et cueillir les repas de la journée. Après le repas, il aimait lire quand il parvenait à se procurer un livre.  Ensuite, il explorait les lieux, se baladait, volait. Enfin, il mangeait et se couchait.  Cette routine, il l’avait vécu seul et pendant près de trente ans. S’il lui arrivait à de multiples reprises de sortir de cette routine, à l’occasion d’une rencontre inopinée ou bien parce qu’il devait aller voler des choses dans un village, il en revenait inexorablement à cette routine reposante, paisible mais usante. En une journée, il avait vécu plus de choses que ces trente dernières années se dit-il. C’est entrevoir cet avenir possible qui excitait Dyavol.

Mais contrôlant cette adrénaline, il se tint à garder la tête froide. C’est là qu’il comprit aussi les bienfaits de la solitude prolongée et de la méditation de l’être seul face au monde. Ainsi, il savait demeurer lucide. Il écouta donc Warren lui décrire ce qu’étaient les X-men en prenant le recul nécessaire.

- Sur la route j’ai effectivement entendu parler des X-men. Souvent entendu du bien sur eux, même si j’ai plusieurs fois entendu des gens les considérer comme des idéalistes. Justice et ordre sont de belles valeurs c’est certain…

Le ton de sa voix s’était transformé. Lui qui parlait avec la spontanéité d’un animal sauvage réfléchissait à présent avec une voix plus humaine, plus érudite. Son esprit, abandonnant la vérité des instincts primitifs, plongeait alors dans les livres qu’avaient lus Dyavol, il fouillait dans le domaine des connaissances longtemps engrangées et stockées.

- Tu vois, continua-t-il, ordre et justice sont de jolis mots. Mais ils sont un peu vides. Et c’est dangereux un idéalisme aveugle, tu crois pas ? Les hommes utilisent souvent les idées les plus belles qui soient pour les corrompre. C’est au nom d’idées belles et pures qu’ont souvent été commis les crimes les plus atroces. Enfin je me perds un peu je crois. Je ne veux pas te vexer puisque tu dois en connaître plusieurs, des X-men,  mais ce que j’essaie de dire c’est que je ne veux pas m’engager sans les connaitre mieux.  Sans pouvoir juger par moi-même de leur cause.

Il avait appris à ne pas se précipiter. Il était important de prendre les décisions en toute connaissance de cause. Il se sentait séduit par cette idée de lutte pour l’ordre et la justice, du bien contre le mal.  Mais il avait vu combattre et mourir le sourire aux lèvres des soldats de camps opposés qui chacun croyaient combattre pour une juste cause. Il était séduit par le discours de Warren mais ne voulait pas le laisser paraître. Il était trop dangereux de foncer tête baissée.  Il se dit que le mieux était peut-être d’évacuer cette adrénaline qui coulait en lui.

- Pour le test, tu dois avoir raison, mieux vaut attendre un ou deux jours. Mais je ne me sens pas fatigué. Au contraire, je suis en forme comme jamais affirma-t-il en échauffant ses épaules. Ça me ferait du bien d’aller voler un peu. Et sans vouloir être méchant avec toi, vu la tête que tu tires depuis tout à l’heure, ça te fera sûrement du bien aussi. T’en penses quoi ? On sors un peu se dégourdir ?

Dyavol semblait un peu avoir désarçonné Warren par son franc-parler et ses manières rustres. Ce n’était en aucun cas son attention mais il fut soulagé de voir que son interlocuteur ne s’en formalisait pas. A vrai dire, il semblait même qu’il disait vrai. Warren semblait en effet séduit par l’idée d’aller voler un peu.  Dyavol, qui le suivait le long des innombrables couloirs de l’institut, remarqua qu’il lui fallait accélérer le pas tant l’idée semblait donner des ailes à Warren.  
Ils se rendirent donc au bureau de Warren où celui-ci déposa sa veste avant de grimper plusieurs volées d’escaliers. Dyavol remarqua avec amusement qu’à présent, les regards ne se focalisaient plus sur lui uniquement. Bien sûr, il n’était pas dupe et put aisément constater que l’on ne le regardait pas de la même manière qu’Angel, puisque certains l’appelaient ainsi. Et il était difficile de leur en vouloir tant l’un semblait l’alter ego de l’autre. La disgrâce de Dyavol, au corps noueux et au visage difforme, était d’autant plus visible qu’elle côtoyait de prêt l’élégance de Warren, son corps musclé et son visage symétrique, le rustre et le noble. Dyavol n’en tirait pas particulièrement de sentiment d’infériorité mais il en avait conscience.

Ils arrivèrent en haut du toit duquel Warren se laissa plonger avant de remonter au niveau de Dyavol. Ce dernier avait remarqué la précision du vol de l’ange. Il avait freiné au dernier moment avec grâce et sans à-coups. A coup sûr, l’ange savait voler. Il était assez jeune mais il avait de la maîtrise et de l’assurance. Dyavol s’élança alors à son tour, de manière plus modeste et moins gracieuse.
Alors qu’ils volaient l’un à côté de l’autre, appréciant la caresse du vent,  appréciant chacun la compagnie silencieuse et apaisante de l’autre, Dyavol se tourna vers Warren. Leurs regards se croisèrent ; Warren semblait beaucoup plus détendu. Dyavol esquissa un sourire malin  et accéléra vers le ciel en guise de défi. Il était temps de s’amuser un peu.
En deux battements d’ailes amples et robustes, Dyavol avais pris quelque mètres d’avance sur l’ange tranquille. Néanmoins, un instant plus tard, il vit une fusée blanche le doubler à toute allure. Dyavol essaya de suivre son rythme mais il se rendit vite compte qu’ils ne jouaient pas dans la même catégorie. L’autre était bâti pour le vol. Chaque courbe de son corps semblait avoir été dessinée par la main assurée d’un architecte de génie. Ses courbes semblaient tranchantes comme la pointe d’une flèche.  Il fendait l’air tel un avion de chasse. Il n’y avait aucun mouvement inutile, l’aérodynamisme à son paroxysme. Il semblait caressé par le vent, impassible et parfait.. C’était à vrai dire impressionnant. Il semblait que Warren ne produisait qu’un effort minime alors qu’il fendait l’air à toute allure.
En comparaison, Dyavol n’avait pas plus d’élégance qu’un vautour qui tourne au-dessus d’une charogne. Il était robuste, endurant, mais il n’était en aucun cas aussi rapide et aussi agile. Il n’était qu’une chimère, erreur de la nature, qui volait sans aucune grâce. Son vol était puissant mais son corps rencontrait plus de résistance au vent.  Néanmoins, Dyavol ne voulait pas s’incliner aussi facilement et suivait la trajectoire empruntée par Warren.

Ils jouaient ainsi au chat et à la souris, Dyavol pourchassant Warren. Mais il était évident que Warren était le maitre du jeu et s’amuser à tester Dyavol. Sa science du vol lui permettait de maintenir la distance voulue entre lui et Dyavol. C’était un plaisir presque enfantin pour eux deux de jouer ainsi. La compétition demeurait amicale mais chacun se sentait terriblement excité par le défi.  S’il voulait reprendre la main, Dyavol allait devoir s’appuyer sur ses points forts. Il stabilisa son vol et attendit que Warren ne le rejoigne.  S’il voulait lancer un défi plus corsé à Warren, il faudrait l’emmener sur un autre terrain que celui du vol pur. En espace ouvert, le vol de Warren était plus fluide, plus rapide, plus puissant, plus précis. Il fallait l’emmener là où les espaces seraient plus restreints. Dyavol baissa les yeux. En dessous d’eux, les bois où il avait rencontré Icare.

- Tu m’impressionnes complimenta-t-il Warren. Moi qui n’avais jamais vu voler qui que ce soit, je me dis que j’ai du chemin à faire. Un type qui vole aussi bien que toi… les X-men auraient plus besoin d’un type comme toi que comme moi pour sûr. En vol pur, c’est sûr que tu me bats, et même de large faut croire.

Puis, avec un sourire roublard, il ajouta :

- Mais on va essayer de corser un peu les choses, ça te va ?

S’il voulait déstabiliser Warren, il faudrait à Dyavol l’emmener sur son terrain. Or celui-ci était expérimenté, bien plus que ne le suggérait son apparence. De plus, son style de vie quasi-animal lui avait appris à se comporter en suivant ses intuitions et ses réflexes les plus primaires. Il espérait ainsi proposer un défi plus difficile à relever à Warren. La course devait reprendre parmi les espaces réduits qu’il maîtrisait.

Dyavol se laissa tomber parmi les arbres. Il s’accrocha à une  grosse branche d’une main ferme et solide. L’arrêt fut brutal mais il continua. Il sauta sur une autre branche, s’élança, plana sur quelques mètres, plaqua ses ailes contre son corps afin de passer entre deux troncs, s’accrocha à un tronc, s’élança à nouveau à toute vitesse. Il se déplaçait entre les arbres à une vitesse surhumaine. Il volait de branche en branche, grimpait et s’accrochait quand il n’y avait pas de places pour ses ailes. Chimère qu’il était, il s’adaptait parfaitement à ce mode de déplacement hybride.  Il voyait d’instinct les chemins qu’il lui fallait entreprendre. Ce n’était plus l’homme qui volait ainsi, ce n’était pas le mutant non plus. C’était l’animal qui laissait parler toute sa puissance. Il courait entre les branches, volait dans un trou de souris, s’accrochait, les ongles plantées dans l’écorce d’un arbre. C’était un griffon qui fendait les bois. Il n’y avait là aucune grâce mais la puissance la plus primitive qu’il soit.  Il n’avait en aucun cas la fluidité de Warren mais une puissance bestiale qui se dégageait de lui.
Après plusieurs minutes de course plus qu’intense, il découvrit une grande clairière. Il décida de s’arrêter un peu. Reprenant son souffle, il attendait que des bois denses sorte Warren. Il espérait lui avoir fait bonne impression.

Dyavol était plutôt ravi de voir sortir des bois un Warren tirant un peu la langue. A vrai dire, il s’en était très bien sorti. Dyavol avait conscience de l’intensité qu’il était capable de mettre dans ce genre de course. Pour sûr, Angel savait s’adapter vite. La chimère en fut d’autant plus satisfaite lorsque l’autre se dit impressionné et fit état de l’utilité potentielle d’une telle capacité. S’il était flatté, il avait toujours quelques réserves par rapport au groupe des X-men. Il lui semblait dangereux de s’engager dans quelque chose qui semblait si exigeant sans avoir connaissance des tenants et aboutissants. Il préférait continuer à étudier la chose.

- Toi qui vole si bien, demanda-t-il à Angel, les X-men ne t’ont jamais proposé de les rejoindre ? Pour ce que j’en sais, tu pourrais avoir la carrure, non ?

Tout en parlant, Dyavol ne put s’empêcher de remarquer le rouge qui tâchait de sang une des ailes de Warren. Mais surtout, il vit la blessure se refermer devant ses yeux. Alors comme ça, lui aussi avait un pouvoir de régénération. D’ailleurs, Warren guérissait bien plus vite que ne le faisait Dyavol. Et cette fois-ci, face à la curiosité de Warren, Dyavol se sentit assez à l’aise pour jouer franc jeu. Comme chaque fois qu’il lui fallait se découvrir, se révéler, il prit un certain moment pour réfléchir avant de parler. Il s’agissait de peser ce qu’il voulait dire, ce qu’il voulait garder pour lui. Il voulait se révéler le plus possible mais il se devait de demeurer prudent. Il décida finalement de faire confiance à Warren, il lui semblait qu’il y avait plus à gagner qu’à perdre.

- Non, on ne peut pas dire que mes cornes ont une fonction particulière… si ce n’est attirer les regards souffla-t-il amer. Mais il est vrai que j’ai d’autres particularités. Je me suis rendu compte que je vieillissais beaucoup moins vite que les humains normaux. Tu me donnerais quel âge ? En fait j’ai un peu plus de 200 balais.

Voilà c’était dit. Son âge était un des secrets auquel Dyavol tenait le plus. Il espérait qu’il n’aurait pas à regretter ce moment de sincérité imprudente. Il espérait qu’il avait bien jugé Warren.