Une affaire difficile à résoudre. [Pv: Sullivan Lloyd]

J’avais mes sources. Les informations que j’avais pu rassembler depuis des mois ne me donnaient qu’une infime occasion de percer ce secret qui pesait dans mon histoire. J’étais simplement assis au volant de cette voiture sale et nauséabonde, prêtée par une vieille connaissance. Il ne fallait pas qu’elle me voit, qu’elle ne découvre mes intentions, et surtout, qu’elle ne se remette à fuir. Chose étrange pour quelqu’un qui était sensé faire partie de la même famille. Jamais les miens n’auraient parié sur un tel sort, un tel dénouement. Certes j’avais été le moins blâmé de nous deux, et pourtant je n’en tirais pas une plus grande fierté. Ce que j’avais été jusque là n’était que le reflet de ce que les autres voulaient que je sois, mais au plus profond de mon âme, je respirais une liberté qui n’était encore jamais acquise. Il me restait tant à parcourir, et à découvrir, avant de pouvoir prétendre avoir atteint le paroxysme du bonheur. Certainement qu’il m’attendait, mais d’abord il fallait que je raye cette erreur sur mon parcours.

Cela faisait maintenant plusieurs heures que je campais là devant cette maison. A chacune de mes respirations, j’avalais un amas de poussière infâme qui ne faisait qu’attiser la toux qui me rongeait déjà les bronches.  Le ciel noir qui surplombait le paysage me lançait ses signaux, à coup d’étoiles scintillantes, comme pour détourner mon attention. Le silence commençait à peser, le vide allait finir par m’angoisser. Une seule silhouette en vue et je pouvais avancer dans mes recherches. J’attendais la preuve qui allait me donner le droit d’amorcer cette accélération que j’attendais depuis si longtemps.

Au lieu de ça, mon regard fut attiré soudainement par une silhouette toute autre. Une fille. Rouquine et en assez mauvaise posture, si j’en croyais le mouvement qu’elle venait de terminer. Sa course mettait en évidence le danger dans lequel elle se trouvait, et l’expression de son visage ne laissait rien présager de bon. Pour ma part, je n’avais pas bougé d’un pouce, mon regard seul suivant le mouvement. Me pinçant la lèvre inférieure avec un doute palpable, je tentais de me reconcentrer sur les raisons qui m’avaient poussé à venir camper dans cette voiture, mais en vain.

Car une demi-seconde plus tard, mes yeux furent tintés d’un rouge incendiaire, reflétant cette scène particulièrement impressionnante qui se déroulait sous mes yeux. Une explosion d’une puissance telle que ma voiture se mit à sonner en chœur avec les autres qui dormaient sur le long du quartier. Je sorti sans plus attendre de ma cachette, oubliant complètement mes plans, et mes objectifs de la soirée. Ma seule préoccupation était désormais rousse, et j’étais persuadé qu’elle était dans le coup. Les voisins se mirent à allumer les lumières, ouvrir les portes et les fenêtres, inquiétés par la fumée qui commençait à se propager, et au bruit qui venait de réveiller tout le quartier.

Pour ma part je m’approchai de la jeune fille qui gisait sur le sol, enfilant ma capuche pour ne pas être reconnu.  Personne ne devait me voir, ni même me revoir dans le futur.  Cette fille avait quelque chose que j’avais aussi. Et si c’était elle que j’étais venu chercher ? En me penchant au dessus de son corps  souillé par la cendre, je lui dis tout naturellement.

- Hey vous allez bien ?

Mes yeux se mirent soudainement à pointer le moindre mouvement des mètres alentours, l’angoisse montait, et ma gorge se nouait. Je n’allais pas rester longtemps, je voulais créer le premier contact.

Plus les secondes défilaient, plus je me sentais oppressé par la présence de tous ces inconnus. Ce qui m’importait c’était de savoir qui elle était, parce qu’une civile n’aurait surement pas eu l’intelligence de sortir à temps de cette maison avant l’explosion. Elle ne se serait pas lancée sur le sol avec autant de volonté, pour échapper à la menace, et si j’en croyais son entrainement physique, décelable au travers de ses vêtements calcinés, elle devait avoir un lien avec une quelconque force de l’ordre. J’étais venu chercher un indice pour retrouver ma sœur, j’allais probablement repartir avec un nouvel atout pour ma mission.

Tout le monde s’inquiétait de sa santé, et sous ma capuche noire, je tentais de percer son secret, tandis qu’elle se levait pour prouver à tous qu’elle allait bien. Encore une preuve de son endurance et de son entrainement physique. Un léger sourire en coin, je la fixais du regard, les flammes en arrière-plan se reflétant dans mes pupilles sombre. Elle finit alors par me supplier de la ramener loin d’ici : mais cette requête semblait tout bonnement cacher le véritable objectif de sa demande. A ce même moment, un milliard de question se mirent à me trotter en tête : Quelle figure allait-elle faire si elle n’attendait pas les secours ? Qu’allaient penser tous ces voisins, inquiets pour elle ? Cachait-elle une activité illicite dans cette maison qu’elle voulait fuir comme la peste ? Finalement je n’avais pas assez de temps pour répondre à toutes ces demandes. Mon cerveau était bien trop efficace dans ces moments-là pour que je me rende compte de la difficulté de la situation. Elle me relança alors ce regard, la larme à l’œil prête à couler sur sa joue. Et la réponse ne se fit pas attendre. Je répondais tout naturellement, feintant l’angoisse dans ma voix, pour continuer à garder secret ce qu’elle semblait vouloir protéger :

- Je vous emmène à l’Hôpital. Vous… (En me tournant vers l’homme qui était au téléphone) Veillez à ce que tout ceci se calme.
- Mais il faut qu’elle att…
- Pas le temps d’attendre. Je m’occupe d’elle.

Je la pris par la main et la tira en direction de ma voiture qui continuait à sonner. Cette foutue voiture qui masquait en réalité ce que j’étais d’habitude. Pas assez classe, pas assez grande… c’était pour passer inaperçu. J’ouvris la porte passager et je la fis entrer tout en jetant un dernier regard a ce voisin qui était resté bouche bée devant ma réaction. Je fis le tour de la voiture, et avant de m’engouffrer dans la Play mobile, je le pointai du doigt pour lui faire croire que je comptais sur lui pour gérer les pompiers à leur arrivée.

Je m’assis nonchalamment, et je mis ma ceinture. Reflexe. Je lui dis alors :
- Mettez votre ceinture. (Sans même lui lancer un seul coup d’œil)

Et je lançai la voiture sur la route, sur les chapeaux de roue. J’accélérai, en m’éloignant petit à petit du tumulte de ce quartier qui était désormais interdit pour moi. On allait me reconnaitre c’était certain si je revenais. Mais peut être que j’avais trouvé encore mieux que la preuve que je cherchais. Je lui dis alors, une fois le calme revenu.

- C’est quoi ce bordel ?

Tandis que je me concentrais sur la route qui s’étendait devant moi, quittant petit à petit la lumière chaude des flammes qui continuaient à valser dans le quartier, je mettais en place mes idées. Il allait falloir que j’entre dans le tas, que je lui fasse cracher le morceau. Je savais que des mercenaires ou agents en tous genres naissaient au fil du temps : les uns pour les mutants, les autres contre ces même « phénomènes ». Je ne niais pas qu’il existait un risque dans l’action que j’avais décidé de mener. Mais comme par le pur hasard, incapable de me donner une explication raisonnable à cela, je m’étais laissé tenter par cette rencontre qui s’était offerte à moi comme la meilleure des occasions. Quelque chose dans son regard, autant que dans son attitude m’attirait, et j’étais bien décidé à comprendre pourquoi.

Alors qu’elle se mit à sortir son arme, sans une once d’agression de sa part, les morceaux du puzzle se mirent d’avantage en place. Je lui lançais ce regard en coin, histoire de la surveiller tout de même, sans trop l’oppresser. Elle ne devait pas me filer entre les doigts ! Mais toute cette histoire ne semblait pas l’avoir démunie du sens du contact. Répondant vaguement à mes questions, et le silence pesant ponctuant encore chacune de ses répliques, elle tenta de s’expliquer… vainement. J’imaginais bien qu’elle n’allait pas tout dire. Mais certains mots ne pouvaient que créer une vague d’espoir dans mon esprit. Une agente ? Voilà qui était intéressant. Une faille venait de s’ouvrir entre cette femme et moi-même, et la roue se mit à tourner en ma faveur dès le moment où elle cita le mot « Hôpital ». Quittant mon regard neutre et posé, je pinçai mes lèvres avec ne détermination certes futile mais bien présente.

Je me mis à freiner brusquement, m’enfonçant littéralement dans le bois le plus proche, sorte de résidence privée plongée dans le noir. Un dérapage léger contrôlé et le frein à main tiré comme jamais, je laissai la voiture faire demi-tour dans ce chemin de terre, faisant voler des éclats de cailloux et autres crasses dans la pénombre. Ôtant les clés du contact, je me tournai subitement vers elle et je lui annonçais sans plus attendre.

- L’hôpital était une excuse. Je sais très bien que vous êtes en pleine forme Mlle. Anderson.

La fixant de mon regard sombre, ma tête toujours recouverte par cette capuche noire, je tentai de lui faire comprendre quels étaient mes désirs à son encontre. Oh rien de très sexuel, rassurons le jeune public, mais il s’agissait surtout d’un service que je voulais lui demander.

- Je m’appelle Sullivan Lloyd, un architecte de New York. J’ai deviné que vous n’étiez pas une jeune femme normale, du moins, pas dans ce quartier tranquille. J’ai simplement besoin de vous… et en échange, je vous dispense d’un séjour à l’hôpital.

On ne se connaissait pas, et c’était une demande particulière. Mais quitte à tuer ma sœur, autant être aidé par ne professionnelles de la traque. Evidemment, je n’allais pas lui dévoiler mes réelles intentions au sujet de Selena. La première étape de mon plan était tout d’abord de la retrouver, parce que cette garce était parvenue à effacer la moindre de ses trace, voire même son identité. Peut-être que cette Eve en avait quelque chose.

Posant ma main sur le volant, je remis le contact, et j’ajoutais tout en regardant au loin.

- Autrement, je vous laisse suivre la voie logique à laquelle je vous ai arrachée, et je fonce vous faire ausculter. Mais vous savez très bien que vous aurez bien plus de problèmes que vous n’osez dire.

La jeune fille me répondait sans même une once de doute ou de stress dans sa voix. Il était clair qu’elle avait l’habitude de se retrouver dans ce genre de situations. A quelques détails prés. Mais mon but n’était absolument pas de la mettre mal à l’aise ou même de la mettre au pied du mur. Nous étions tous les deux arrêtés dans ce bosquet, confortablement assis sur ces sièges automobiles poussiéreux, et pourtant ma mission personnelle ne quittait pas mon esprit. J’avais dans mon sac ce carnet qui me donnait raison, ces informations qui me mettaient la puce à l’oreille quant aux plans qu’elle avait prévu. Selena. Elle me manquait tant, et pourtant je trouvais le moyen de lui en vouloir comme si elle avait été à l’origine de mon plus grand malheur.

Tout portait à croire que mes jours allaient être difficiles. Cette recherche ajoutait un poids supplémentaire sur mes épaules, et je le sentais devenir de plus en plus lourd. Et soudainement, mon esprit se reprit et je me rendis compte qu’elle avait elle aussi son caractère. Eve était de ceux que je cherchais pour m’aider dans mes plans, mais elle était aussi l’un de mes plus grands cauchemars.  J’allais lui expliquer, le pourquoi du comment, mais surtout pas ce que j’imaginais complètement. D’une part parce que tel était mon caractère, mais aussi pour ne pas mettre n’importe qui dans cette histoire qui ne concernait que ma sœur et moi. Elle me cherchait aussi, là où elle était, j’en étais persuadé. Mais elle savait être plus discrète, voire inexistante aux yeux des autres. Je ne trouvais aucune trace, et rien ne me donnait la confirmation qu’elle était encore ici à New York. Mais il fallait bien que je commence par quelque part.

Puis, comme elle le fit remarquer, j’ôtai ma capuche pour enfin m’adresser à elle avec plus d’insistance et de volonté.

- J’ai besoin de vous pour rechercher une personne. Je suis sûr que vous pouvez m’aider. Vous êtes surement membre d’une section de police où quelque chose dans le genre n’est-ce pas ?

Son caractère, son comportement pendant l’explosion. Il n’y avait nul doute qu’elle était entrainée, et qu’au moins elle fréquentait le milieu du désordre social, à sa manière.
Mais il fallait que j’en sois sur, sinon autant la laisser repartir. J’espérais ne pas me planter, je ne voulais pas avoir fait tout ça pour rien, mais pourtant, tout me semblait aller dans ce sens, comme une succession de signes me poussant à l’aborder et à lui demander ses services.

- J’ai vu toute la scène, et une personne civile n’aurait surement pas réagit comme vous l’avez fait. Je me trompe ?

J’espérais qu’elle allait me donner de nouveaux indices sur sa fonction réelle, mais je n’en démordais pas pour autant. Sur certaines choses, j’avais du bon flair.
En attendant, les preuves pouvant appuyer ma demande se trouvaient dans ma sacoche, à l’arrière de la voiture. J’étais prêt à lui dévoiler ce qui d’un côté m’était le plus cher, mais aussi le plus honteux. Je n’attendais qu’un signe de sa part. La balle était de son côté.