Il tournait les pages une par une, parcourant l’écriture cursive avec une frénésie virevoltante. Son visage n’exprimait rien d’autre qu’une passivité maladive qu’un sourire malsain rendait inquiétant. Son regard réduit à deux feintes fourbe et empreinte de folie d’où émergeaient deux étincelles d’un gris bleu fatigués, quittait parfois les lignes pour se poser sur l’ombre gémissante d’un homme brisé quasi dévorée par la pénombre et qui gisait dans un coin reculé de la pièce ligotée sur une chaise. Il lui entretenait une conversation muette mais lourde de sens, pesant ses silences avant de replonger avec avidité dans la lecture des vieux carnets qu’il tenait d’une main ferme tout en jouant avec le pommeau de sa canne de l’autre. Le feu dansait sa danse ancestrale dans l’âtre d’une gigantesque cheminée médiévale tandis que le givre s’accrochait désespérément aux vitres séculaires d’une fenêtre que la curiosité n’émoustillait plus. La lumière orangée des flammes nappait les vieilles draperies d’images fantasmagoriques à mi-chemin entre le rêve onirique et le cauchemar infernal.
- Aaron….que de temps perdu…
La voix de l’homme était à l’image de son apparence, le timbre empreint d’une douceur d’où perçait une folie certaine, à mi-chemin entre l’amusement et la dangerosité de celui qui est capable de tout et même plus.
- Vous vous seriez rendu …plus disponible, j’aurai pu m’éviter bien des difficultés dans la tâche qui m’incombe. Vous n’avez pas idée du temps qu’il me faut pour les trouver. Oh suis-je idiot, vous le savez parfaitement, n’est-ce pas. Vous êtes l’exemple parfait de la vertu de patience. Une qualité que j’ai hérité de vous….comme bien d’autres talents. Ce qui me rassure, voyez-vous, c’est que le plus gros de mon œuvre est parachevée si j’en crois votre remarquable « journal de bord ». Evidemment ! C’est plus simple lorsqu’on a l’inventaire sous les yeux que de courir le monde pour y débusquer les pièces rares dans l’espoir qu’aucune ne puissent nous échapper. Il me sera tout de même de quelques utilités vues les noms qui me sont inconnus, soyez en rassuré.
L’homme accusant un certain âge releva la tête et y planta un regard aux iris similaires à son interlocuteur.
- Je n’aurai..jamais pu..me douter qu’un tel…monstre puisse apparaitre…tu es complètement cinglé Arthur…si j’avais pu..savoir que..
D’un geste vif, l’homme au carnet se redressa en envoyant violemment cogner sa canne contre le mur. Avec une brusquerie impulsive il souleva le visage du vieil homme à sa hauteur en lui arrachant un râle au passage.
- Hé quoi, l’Ancien ? Tu n’as pas les yeux assez ouvert pour comprendre, tu m’offres la vérité, tu m’offres le divin et tu refuses de me voir comme tel, je suis celui qui doit être, entend tu, MOI ! et UNIQUEMENT MOI !!!! Les autres ne sont que des pâles ébauches bonnes à foutre au feu, et c’est ce que j’entends faire, géniteur ! Je corrige TES erreurs !!
L’éclair de démence cilla dans ses yeux et il le relâcha d’un geste de dégout perdant son regard dans l’âtre du foyer où il s’absorba comme hypnotisé par la danse des flammes.
- Vous êtes un sage…c’est pour ça que je vous garde en vie. Apprendre sur le métier, toujours apprendre et un jour, vous aussi, comme ce tas de gueux dehors, vous verrez la perfection de ce que vous êtes parvenu à faire. Vous verrez et vous remercieriez d’avoir été l’instrument de Dieu…j’ai du travail, beaucoup de travail, par votre faute. N’est-ce pas le propre du fils de racheter les pêchers du père ? Je vais vous absoudre, Aaron, sous une pluie de sang, mais je vais vous absoudre. J’ai…tout mon temps.
C’est le fait d’être paranoïaque qui m’a sauvé la vie. On gâche son existence à ne pas être précautionneux et c’est un tord. La vigilance, c’est une des choses à laquelle je crois dur comme fer et pourtant je vous jure qu’il n’y en a pas tant que ca des choses auxquelles se rattacher, enfin ca, c’est mon point de vue, je ne déclare pas détenir la vérité, mais comme tout à chacun, j’ai MA vérité. Je vivais une vie d’insouciance avant de me découvrir différent. J’ai eu tout le temps de comprendre et tout le temps d’apprendre, tout le monde n’a pas eu cette chance. J’ai cette particularité de rarement me laisser guider par mes émotions et savoir prendre du recul, la paranoïa a fait le reste. J’effaçais mes traces et savait me rendre invisible, je fuyais un ennemi invisible. D’autres auraient fait grand bruit de ce don et lui aurait trouvé une utilité altruiste, je vais vous décevoir, sans doute mais je n’ai jamais su faire confiance aux autres, alors m’intéresser à leur vie : surement pas. Cependant, c’est le sens de l’intégrité qui conduit mes pas, même si ils s’éloignent de la route du troupeau, je sais me protéger mais jamais je ne cherche conflit à autrui tout en respectant un minimum les lois. J’aurai pu devenir le plus grand voleur du monde, je sais que certains l’ont fait comme Jerry Laforge au Canada. Mais Arthur à déjà rectifié le tir. J’aurai pu devenir prestidigitateur comme Galiani en Italie mais là aussi, la mise sous les projecteurs à attiré l’œil de notre Némésis, il ne se produira plus à guichet fermé.
Je crois que le pire incombe à ceux qui ignoraient le don et qu’il a choppé avant leur éveil grâce aux infos d’Aaron. Ah ca celui là…aussi dur à chopper que moi, je me demande comment Arthur s’y est pris et j’ignore sincèrement si il est encore en vie. Mais moi j’ai étudié la psychologie d’Arthur, je crois qu’il ne l’aurait pas éliminé, pas lui…il est trop important pour ses projets, pour son « hagiographie » , pour son « grand projet ». Mon dieu, quel malade celui là, si j’avais eu le cran, je m’en serai occupé plus tôt. Seulement, voilà, comme je vous l’ai dis plus tôt…je m’en fous des autres du moment que leur route ne croise pas trop la mienne. C’est ce que je croyais, du moins.
Il n’a pas essayé de m’atteindre directement, je me savais observé et je le savais lorsqu’il utilisait son pouvoir, j’évitais de me servir du mien car j’en ai vite déduis que cet œil était posé sur nous deux de par et d’autre. Si je le voyais, lui aussi sans doute. Il a fait les choses en grand, je cherchais la solitude sur mon voilier. Oui, l’océan est la seule chose qui m’apaise, perdu dans une immensité désertique, on ne peut être qu’insignifiant face à l’infini des eaux. J’ignore encore comment il s’y prend mais une attaque en hélicoptère, quand même, ce n’est pas à la porté du premier venu, question de moyens. Attaqué un bateau au lance roquette, je crois que j’hallucinais complètement. Seulement voilà, j’ai une autre particularité, je suis un champion d’apnée sous marine et je sais garder mon sang froid dans n’importe quelle situation. Je n’ai pas utilisé mon don, c’est probablement ce qui m’a sauvé avec le recul car ca l’a conforté dans ma mort. Je ne pourrais pas vous dire pourquoi je ne l’ai pas fait, je voulais savoir si j’étais capable..je crois..juste de survivre comme un humain. Parce que si tout s’arrêtait ici…et bien , c’était pas plus grave que ca.
J’ai survécu et les choses ont changées. Une telle expérience, ca vous change un homme, Arthur m’a offert l’opportunité d’un jeu, un jeu de Vie ou de Mort. Croyez-moi, quand on finit par se trouver ennuyeux et ennuyant, le challenge de cette nature ne se refuse pas. La vie n’est qu’un jeu, j’ai la sensation que j’ai beaucoup à gagner dans cette partie. Toute ma vie cette paranoïa m’a forcé à attendre cet adversaire, et il est là à présent. Pauvre Arthur, tu crois jouer une partie seul sur ton échiquier, mais à présent au bout de quatre mois, je suis en mesure d’anticiper tes coups à force de t’observer. Il en reste peu, tres peu…je sais où tu vas frapper et je t’attends.
MAXIME DEEKS ( 1955 - nos jours)
Daniel Hopes Agent du BAM Alpha
Messages : 860 Date d'inscription : 28/03/2012
Sujet: Re: Penombre. Dim 5 Mai - 13:40
Londres, Hotel Hightide, Gilliam Street : 8h 54 le 28 Avril 2013
Ça m’a pris plus de temps, le temps n’est pas une chose importante en ce qui me concerne mais être obligé de devenir plus subtile, c’était une nouveauté que je n’ai que modérément gouté. Je fais toujours le travail seul, ce qui le rend vraiment plus compliqué. Je n’aurais jamais pensé qu’un des nôtres puisse s’élever si haut dans la société et celui-là avait une réputation sulfureuse. X Men, Bameur ? Il y en a qui perdent vraiment leur temps pour des futilités imbéciles, quel gâchis lorsqu’on sait le potentiel qui nous est offert. Nous avons été façonnés en ce monde pour y régner par pour essayer de le faire fonctionner correctement. Crétin ! Qu’il s’effondre et après ? Nous serons toujours là à le guetter comme un fruit en attente de soleil pour le cueillir lorsqu’il sera arrivé à maturité.
Daniel Hopes…un pseudonyme pour gommer un Bourdieux français embarrassant ? Père qu’as-tu été trousser la donzelle au soleil ? Infatigable queutard dévergondé. A croire que Libido et pouvoir faisait bon ménage et toujours à ma charge d’éliminer tes rejetons les uns après les autres. Tu ne me facilites pas la tâche mais la liste s’amenuise au fur et à mesure que j’achève le labeur. Je n’aurai pas pu l’approcher à New York, trop de personnes à veiller sur lui, trop de sécurité à détourner pour y parvenir mais là où la chance me sourit c’est que ce frère semblait si impliqué dans la vie politique qu’il trainait derrière lui un cortège hétéroclites d’ennemis qui viendront se pousser du coude afin d’endosser la responsabilité de sa perte ! Tant mieux ! Ça m’arrange en un sens.
L’explosif est toujours le moyen le plus radical d’en finir, dégâts collatéraux on non, je n’en ai rien à fiche : ils ne sont que des pions sur mon échiquier ou je joue solitairement. C’est net et sans bavures. L’explosif ne leur apprendra rien, du C4 d’origine militaire pouvant impliquer n’importe qu’elle autre faction revendicatrice. On ne fera pas dans l’original, on fera dans l’efficace.
De la fenêtre de ma chambre d’Hôtel, je l’observe en contre bas alors que je porte à mes lèvres ce thé anglais si insipide. Je n’aurais pas e temps de voir son visage et après tout, qu’est-ce que ça peut faire : il n’est qu’un nom sur une liste. Sa démarche en dit long, il semble de ceux qui savent où ils vont : tant mieux, il y a changement de destination « Monsieur Hopes ». Il entre comme on entre pour ce Rendez-Vous dont on ignore la date : en toute innocence et avec le coeur léger. Quoique qu'en sais-je de son coeur ? Qu'ai-je appris de son existence à part qu'il n'est qu'un foutu nom entre le Monde et moi ? Par curiosité malsaine, même pas empathie car j’exècre ce genre de faiblesse "humaine", j’aurais aimé connaitre ses pensées, juste en savoir la couleur alors que depuis le salon de ma luxueuse suite d’Hotel, la radio nous assure que c’est un monde merveilleux. Bien sûr qu’il le sera puisque j’y serais seul au monde. Ne vous l'ais-je pas assez répété ? Enfants...Vous n'êtes que des enfants aussi inattentifs qu'inutiles.
Les lèvres toujours trempées dans le liquide tiédi, j’assiste à l’explosion soufflant quelques vitres des premiers étages et écrasant le matin d’un vacarme incongru. J'esquisse un sourire de satisfaction. Mon regard ne peut se libérer de la danse hypnotique des flammes jusqu’à ce que mon estomac me rappelle à la réalité. Bien, il est plus que temps de voir ce qu’il y a pour le Breakfeast.
Tout en posant avec délicatesse la tasse, je raye d’un trait nerveux un autre nom sur cette liste alors qu’au dehors les sirènes hurlent déjà.
Daniel Hopes Agent du BAM Alpha
Messages : 860 Date d'inscription : 28/03/2012
Sujet: Re: Penombre. Mer 8 Mai - 10:34
le 26 Avril 2013, Café Harbrigde Londres.
Son regard se détacha de lui alors qu’il se tenait toujours les bras croisés dans son costume gris anthracite. Au dehors l’agitation de la vie londonienne dans une journée déjà avancée battait son plein dans une pose grotesquement figée sous une pluie ne laissant que des fils étrange et translucides. II n’avait cessé de scruter son interlocuteur à la recherche d’éléments de réponses ne sachant réellement ce qu’il devait en penser. Cette rencontre état inattendue, cette situation inédite à bien des égards le laissait en proie à des réflexions bien légitimes mais oh combien complexes.
Son regard dériva un instant vers le tenancier du bar figé en une posture amusante d’un éclat de rires à l’attention de ce qui semblait relever d’un pilier de bar à l’humour potache. Rire muet glacé sur un semblant d’image d’Epinal dans ce temps qui n’appartenait généralement qu’à lui. Le Time tricker vagabonda son regard sur les éléments pittoresques de cette pantomime incongrue avant de hausser un sourcil et de reporter son attention à nouveau sur l’homme qui lui faisait face à table dans sa sobre tenue classique année quatre-vingt dont le cuir usé de son blouson trahissait une âme vagabonde et des rivages hétéroclites. Il n’était pas assez étonné pour éviter de constater une similitude frappante sur son visage et surtout pour ses yeux dans une couleur analogue à la sienne, couleur assez particulière d’un bleu gris délavé assez peu fréquente dans la population qu’il avait coutume, ou avait eu coutume de croiser jusqu’ici. L’homme se contenta de passer une main fatiguée sur une barbe naissante avant de reprendre sur le même ton grave mais au rythme assez lent trahissant une pointe d’accent américain, sans doute New Yorkais.
- Et là ? J’ai enfin ton attention ? Je ne devrais pas utiliser le pouvoir, ça a le don de braquer son œil sur nous, mais vu que tu es avec moi, il pensera légitimement que ça vient de toi…Arthur est déjà dans la place, il est arrivé il y a deux jours mais je me suis procuré son emploi du temps. C’est un individu routinier et procédurier, méthodique et froid. Comme tout psychopathe dangereux.
Hopes prit une large inspiration tout en se raclant la gorge. Pui d’un geste lent, s’amusa à trituré machinalement la petite cuillère de son café.
- Je ne vous cache pas Monsieur Deeks que tout ceci est fortement imprévu et désagréable. Je n’ai pas coutume de gouter à être victime de mes propres tours, je suis de plus un homme extrêmement occupé.
- Laisse tomber ton arrogance hautaine Daniel, on n’a pas le temps pour ça. Il reste trop peu des nôtres pour commencer à jouer à ces jeux débiles. J’ai besoin de toi, c’est pour ça que je suis là…Il faut qu’on arrête Arthur et qu’on trouve un moyen de sauver Aaron. Seul, je n’y arriverai pas.
- Chronopathe ? Et après ? Tous les amateurs de Vodka n’ont pas forcément des liens de parenté me semble-t-il ? Vos histoires de « famille » de « psychopathe » de « lignée »…me semblent des billevesées émergées d’un cerveau malade, si c’est un endroit où des gens seront là pour vous guider et vous aider à contrôler vos dons que vous cherchez, je serais ravis de vous communiquer une adresse d’un institut où vous trouverez de l’aide. La chronopatie peut parfois conduire à l’isolement et à développer certaines pathologies fortement handicapantes d’un point de vue social. Laissez-vous vous faire aider.
- Tu m’étonnes qu’on juge les français précieux et arrogants. Peut-être que ça te fera réfléchir en jetant un coup d’œil à ce dossier.
Un large dossier qu’il fit glisser sur la table, contenant coupures de presse sur des faits divers et des articles sur de nombreux individus de nationalités différentes. Hopes survola quelques lignes en accrochant à quelques portraits alors que le dénommé Maxime Deeks poursuivit.
- Oui…Ils ont tous un point commun, tu le remarques, hein…Tous morts tragiquement ces derniers mois dans des circonstances restées sans explications : pas de mobiles apparents. Et pourtant ils avaient tous un point commun.
- Mutants ?
- Mutants et chronopathes.
Cette fois ci, l’homme avait réussi à captiver l’attention du BAMEUR.
- Un tueur en série de chronopathes ?
- Non, une vendetta familiale. Et tu es le prochain sur la liste frérot.
Un leger silence alors que Hopes refermait son dossier.
- Et tu te proposes donc d’empêcher la chose ?
Un large sourire sur le visage de Maxime alors qu’il croisait les doigts sous son menton.
- Non..Du tout. Je vais te proposer bien mieux que ça. Une traque, ça te tente ?
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Sujet: Re: Penombre.
Penombre.
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